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13 - 2011, I - Question d’actualité posée par le groupe socialiste, radical de gauche et apparentés à M. le Préfet de police, relative à la situation des migrants tunisiens à Paris.



M. LE MAIRE DE PARIS. - Mes chers coll�gues, nous reprenons donc nos travaux par l?examen des questions d?actualit�, en commen�ant par celle du groupe socialiste, radical de gauche et apparent�s.

La parole est � M. le Pr�sident CAFFET.

M. Jean-Pierre CAFFET. - Merci, Monsieur le Maire.

Ma question s?adresse au Pr�fet de police de Paris.

Monsieur le Pr�fet de police, depuis le d�clenchement du mouvement populaire en Tunisie en janvier dernier, de jeunes migrants tunisiens sont arriv�s sur le territoire italien via Lampedusa et un grand nombre ont eu, pour des raisons historiques �videntes, la volont� de venir en France. Or, aujourd?hui, force est de constater que la plupart d?entre eux s�journent sur le territoire parisien dans des conditions mat�rielles et humaines particuli�rement difficiles.

Devant cette situation, le Maire de Paris a, parmi les premiers, r�clam� des Pouvoirs publics, et - c?est bien normal - de l?Etat en particulier, la mise en place d?un dispositif global permettant de r�pondre efficacement et surtout humainement � cette situation nouvelle.

Ce dispositif pilot�, par exemple, par le Pr�fet de la R�gion Ile-de-France, aurait pu consister, d�s l?arriv�e des premiers migrants, en quelques mesures simples :

- d?une part, mobiliser imm�diatement, parce que c?est de son ressort, les places en h�bergement d?urgence n�cessaires ;

- deuxi�mement, examiner imm�diatement qui, parmi ces migrants, pourrait b�n�ficier de l?accord cadre de coop�ration franco-tunisien sign� en 2008 qui pr�voyait d?octroyer chaque ann�e 9.000 titres de s�jour � des travailleurs saisonniers, � des salari�s ou � de jeunes talents. A ce jour, 2.700 Tunisiens ont pu b�n�ficier de cet accord ; 2.700 sur 9.000 !

- enfin, l?Etat aurait pu examiner la possibilit� de r��valuer le montant de l?allocation d?aide au retour volontaire, qui s?�l�ve � 300 euros pour les �trangers en situation irr�guli�re, ce qui est, nous le savons tous, notoirement insuffisant.

Or, l?Etat a refus� de prendre ces d�cisions simples, efficaces, fid�les aux traditions de notre pays, laissant la Ville de Paris seule en premi�re ligne et se contentant d?une pol�mique st�rile autour de l?application des accords de Schengen et d?op�rations de police qui, vous le comprendrez, compliquent le travail des associations ; car, devant cette situation, la Ville a pris la d�cision de missionner les associations ?France Terre d?Asile?, Emma�s et Aurore pour l?aider � mettre en place dans l?urgence un dispositif d?aide, de soutien, d?accompagnement social et sanitaire et d?acc�s � des h�bergements h�teliers regroup�s principalement � la porte de La Villette.

Une d�lib�ration, portant diverses mesures en soutien aux migrants tunisiens pour un montant de 345.000 euros, nous sera propos�e tout � l?heure et, bien entendu, mon groupe l?approuvera.

En outre, la Ville a demand� � l?Etat de cesser les arrestations polici�res qui, tr�s franchement, ne sont pas � la hauteur de la situation.

En conclusion, Monsieur le Pr�fet, mes quatre questions sont simples :

- � votre connaissance, le Gouvernement a-t-il pr�vu de prendre les d�cisions qui s?imposent en confiant le pilotage global de ce dossier complexe au Pr�fet de la R�gion Ile-de-France ?

- Quel bilan pouvez-vous aujourd?hui tirer des op�rations de police et de leurs cons�quences sur la situation humanitaire des migrants tunisiens ? Ces op�rations sont-elles appel�es � �tre poursuivies ?

- Une revalorisation du montant de l?aide au retour volontaire est-elle envisag�e pour la rendre r�ellement efficace ?

- Enfin, derni�re question : Monsieur le Pr�fet de police, l?accord franco-tunisien sign� par le Gouvernement le 28 avril 2008, qui pr�voit la d�livrance de titres de s�jour par le travail et la formation, sera-t-il bient�t appliqu� dans son esprit et dans sa lettre ?

Je vous remercie.

M. LE MAIRE DE PARIS. - Merci.

Monsieur le Pr�fet de police, vous avez la parole.

M. LE PR�FET DE POLICE. - Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les Conseillers, Monsieur le Pr�sident du groupe socialiste, les r�volutions d�mocratiques arabes sont naturellement un �v�nement g�opolitique consid�rable pour cette r�gion du monde comme, d?ailleurs, pour l?Europe et la Pr�fecture de police mesure pleinement l?espoir qu?elle soul�ve parmi les diasporas. Depuis le d�but de l?ann�e, elle a encadr� des dizaines - je dis bien ?des dizaines? ! - de manifestations de soutien � ces r�volutions.

Ces manifestations �taient souvent improvis�es, parfois d�sordonn�es, mais les policiers, sp�cialistes de l?ordre public, ont une fois de plus fait preuve de leur professionnalisme pour que tout se passe bien, au mieux.

A cet �gard, je dois souligner que Paris est v�ritablement devenu le forum du monde, puisque nous avons eu � encadrer depuis le 1er janvier 1.260 manifestations en quatre mois, soit une nouvelle progression de 35 %. Ce qui est particuli�rement regrettable, c?est que nous avons eu 233 manifestations non d�clar�es, ce qui nous oblige de plus en plus fr�quemment � revoir nos dispositifs de police, ce qui n?est pas sans cons�quence sur l?utilisation de la police � Paris.

Mais, au-del� de ces �l�ments que je tenais � souligner, il est �vident que l?Europe et la France sont aussi confront�es � l?arriv�e d?un flux de migrants irr�guliers qui, comme vous l?avez d?ailleurs indiqu�, transitent la plupart du temps par l?Italie et tout particuli�rement par l?�le de Lampedusa, gr�ce � une logistique mise en place par des passeurs.

D�s le d�but, puisque vous m?interrogez sur la politique du Gouvernement, en parfait accord avec ses partenaires europ�ens, le Gouvernement fran�ais a fait savoir qu?il n?�tait pas pr�t � accueillir, en dehors des r�gles l�gales, un afflux de personnes qui rel�vent de l?immigration �conomique pour la tr�s grande majorit� des cas. La France ne pouvant agir seule, le Gouvernement a multipli� les contacts et plaid� pour le renforcement des contr�les aux fronti�res ext�rieures, pour la modification des accords de Schengen, mais aussi pour approfondir le partenariat global entre l?Union europ�enne et le Maghreb, bien �videmment en particulier avec la Tunisie. Ce sont �videmment les r�gles, c?est le cadre dans lequel la Pr�fecture de police applique le dispositif, pour ce qui concerne l?agglom�ration parisienne.

Les personnes qui arrivent, les migrants, sont, pour la quasi-totalit� d?entre eux, dans des situations qui ne correspondent pas aux conditions pour se maintenir en France et, au gr� des contr�les, ils sont invit�s � regagner volontairement leur pays, en b�n�ficiant des aides au retour qui sont propos�es par l?Etat. A d�faut, la loi pr�voit la reconduite ou la r�admission vers les Etats europ�ens de transit, en l?esp�ce l?Italie.

Une position contraire ne correspondrait pas � la conception de l?immigration dans notre pays, c?est-�-dire une gestion r�gul�e des flux migratoires dont l?objectif est de d�courager l?immigration ill�gale.

Pourquoi d�courager l?immigration ill�gale ? Tout simplement pour offrir aux �trangers qui arrivent l�galement, qui parlent ou apprennent notre langue, qui s?int�grent professionnellement et respectent nos valeurs, les meilleures conditions d?accueil.

Alors que la grande majorit� des migrants r�cemment arriv�s reconna�t avoir pay� des passeurs pour la travers�e vers l?Europe, dans des conditions d?exploitation et de p�ril tout � fait scandaleuses, je vous invite � vous interroger sur le signal qui serait donn� aux fili�res d?immigration clandestines si la r�ponse de l?�tat �tait per�ue d?une mani�re ou d?une autre comme une v�ritable incitation � rejoindre le territoire national.

A Paris, en application de ces principes, plusieurs op�rations de contr�le d?identit� ont effectivement �t� organis�es dans un contexte plus vaste d?op�rations de s�curisation, dans les 18e, 19e et 20e arrondissements, mais je vous rappelle, et nous sommes en contact les uns avec les autres, que nous n?avons, dans le respect du principe de dignit�, � aucun moment op�r� des contr�les sur les sites o� il y a une aide, un soutien mat�riel qui est apport� aux migrants.

Les personnes contr�l�es en situation r�guli�re ont fait l?objet d?arr�t�s pr�fectoraux de reconduite ou d?une proc�dure de r�admission vers l?Italie. Celles qui n?ont pas �t� plac�es en r�tention ont �t� invit�es prioritairement � se rapprocher de l?O.F.I.I., l?Office fran�ais de l?immigration et de l?int�gration, pour b�n�ficier d?une proc�dure de recours aid�. Les plages horaires d?accueil de cet organisme ont �t� �tendues pour offrir plus de souplesse aux candidats au retour.

Apr�s une p�riode de r�ticence de la part des personnes concern�es, sans doute li�e d?ailleurs � ce que j?avais signal�, c?est-�-dire le niveau d?aide qui est consenti, le nombre de candidats au d�part volontaire, ce dont je me r�jouis, a sensiblement progress� ces derniers jours ; une cinquantaine de personnes ont d?ores et d�j� sollicit� un rendez-vous et seront re�ues, 25 vont partir dans la semaine et, �videmment, au fil des jours, de nouveaux rendez-vous seront donn�s.

Les autorit�s fran�aises ont toujours maintenu que l?immigration z�ro n?avait aucun sens et notre pays conserve une tr�s forte tradition d?accueil, ce qui n?est jamais signal�, puisque l?ann�e derni�re, nous avons donn� 200.000 personnes autoris�es, et je dois dire qu?� Paris, qui nous concerne plus particuli�rement, 26.000 personnes, l?ann�e derni�re, ont b�n�fici� d?une carte de s�jour premi�re demande, mais, �videmment, d�livrer un titre de s�jour, ce n?est pas seulement se contenter de donner un document administratif tamponn�, c?est aussi un acte qui doit correspondre � la rencontre d?un projet individuel avec des capacit�s d?insertion.

A Paris, qui compte aujourd?hui, et j?ai eu l?occasion quelquefois de le rappeler devant cette Assembl�e, 20.000 �trangers en situation r�guli�re, sans emploi, o� des tensions fortes p�sent sur le logement des m�nages franciliens, alors que la plupart des jeunes migrants, pourtant originaires d?un pays largement francophone ne ma�trisent pas le fran�ais, leur faire miroiter des perspectives d?emploi, de logement et d?insertion durable me para�t tr�s d�raisonnable.

Ainsi, le rapport annuel au Parlement montre que 10.267 premiers titres de s�jour ont �t� d�livr�s � des ressortissants tunisiens en France en 2009 et 12.190 en 2010. A Paris, cela concerne annuellement plus d?un millier de personnes, sans pr�judice des modalit�s de coop�ration qui seront mises en place avec les pays en transition. Permettez-moi de consid�rer que ces chiffres sont loin d?�tre n�gligeables et que nous ne sommes pas un pays ferm�.

Si l?accord franco-tunisien que vous avez signal�, l?accord de 2008, pr�voit effectivement de faciliter l?accueil temporaire de ressortissants tunisiens dans certaines conditions et pour des finalit�s bien pr�cises, je fais remarquer qu?il n?a pas pour objet de faciliter l?admission au s�jour des Tunisiens pr�sents en situation irr�guli�re en France. La d�livrance d?un titre de s�jour reste conditionn�e � une entr�e r�guli�re sur le territoire et, au surplus, l?examen des situations individuelles r�v�l�es par les contr�les donne � penser que, malheureusement, ils ne remplissent pas ces conditions.

L?accompagnement, pour r�pondre � votre question sur la fa�on dont ce texte �voluera, de cette application de ce texte dans le cadre de la transition d�mocratique et l?application de cet accord de gestion sur les flux migratoires est au programme de la visite du Ministre de l?Int�rieur qui, au moment o� on se parle, est en Tunisie pour aborder cette question.

M. LE MAIRE DE PARIS. - Merci.

Un mot de commentaire de Mme Pascale BOISTARD, au nom de l?Ex�cutif.

Mme Pascale BOISTARD, adjointe. - Je vous remercie, Monsieur le Maire.

Je souhaiterais ajouter quelques mots � ces interventions et, pour ceux qui n?auraient pas pris la peine de se plonger dans l?accord franco-tunisien du 28 avril 2008 sign� par M. SARKOZY, vous en lire deux extraits :

Article 9 du titre 2 qui s?intitule ?r�insertion sociale et �conomique? : ?La France et la Tunisie conviennent que la r�insertion sociale et �conomique concerne les ressortissants tunisiens �tablis en France de mani�re r�guli�re ou irr�guli�re?.

Article 3 : ?La France s?engage � proposer son dispositif d?aide au retour volontaire aux ressortissants tunisiens en situation irr�guli�re qui font l?objet d?une obligation de quitter le territoire fran�ais?.

Je crois que tout est dit et nous attendons aujourd?hui une r�ponse du Gouvernement.

M. LE MAIRE DE PARIS. - Vous voulez compl�ter, Monsieur le Pr�fet de police ?

M. LE PR�FET DE POLICE. - Je ne veux pas compl�ter, je veux dire simplement que j?ai d�j� r�pondu � cette question, tout est dit, puisque, effectivement, sur la deuxi�me partie de la question, j?ai signal� qu?� toutes les personnes qui sont l?objet soit d?un A.P.R.F., soit d?un O.Q.T.F., puisque maintenant, un O.Q.T.F. et un A.P.R.F., c?est pareil, puisqu?en application de l?excellente jurisprudence de la Cour europ�enne des droits de l?Homme, les personnes qui ont un A.P.R.F. se voient accorder sept jours de r�flexion, donc nous les lib�rons, pour savoir si elles d�cident de partir. On consid�re qu?on doit mettre � profit ce temps pour proposer un d�part dans le cadre des r�gles de l?O.F.I.I. C?est la r�ponse � votre deuxi�me remarque.

Quant � la premi�re remarque qui concerne le s�jour r�gulier ou irr�gulier, cet accord, dans le contexte que je disais, est actuellement examin� par le Ministre de l?Int�rieur pour voir comment appliquer, mais en aucune fa�on il ne s?applique � des personnes qui viennent par Lampedusa avec l?appui de fili�res qui exploitent la mis�re humaine.

Voil� tout simplement ce que je peux dire sur le premier point. Je crois qu?on ne peut pas, parce qu?on est tous d?accord sur ces questions, consid�rer que l?on doit financer les fili�res de clandestins.

M. LE MAIRE DE PARIS. - Non, c?est s�r que l?on veut m�me que les fili�res de clandestins soient attaqu�es, mais, Monsieur le Pr�fet, je maintiens que nous pouvons avoir une attitude d?abord digne.

Je rappelle � tout le monde, parce que, sur ces sujets, il faut �viter les emballements, qu?en Tunisie, il y a actuellement des dizaines de milliers, pour ne pas dire des centaines de milliers, de r�fugi�s du fait de la guerre en Libye, que nous menons � juste titre, et que ces centaines de milliers de personnes qui sont en Tunisie, fruit de la guerre que nous menons en Libye � juste titre, sont h�berg�es, nourries et respect�es.

Je dis donc que, quelles que soient les pol�miques, et ce n?est pas � vous que je parle, nous pouvons traiter dignement les personnes qui sont l�, nous en parlerons tout � l?heure dans le Conseil g�n�ral et j?ajoute que l?accord de 2008 tel que Mme BOISTARD vient de le lire, c?est-�-dire avant le 14 janvier 2011, peut s?appliquer, y compris pour des personnes en situation irr�guli�re? Je suis all� les voir sans m�dia, il y a des gens qui veulent retourner en Tunisie ; aidons-les � retourner en Tunisie ! Il y a des gens qui sont dipl�m�s et qui ont besoin d?une formation, je l?avais dit d�s f�vrier, aidons-les � titre provisoire et cela rentre parfaitement dans le cadre qui a �t� indiqu� par Pascale BOISTARD.

Je ne suis pas l� dans une discussion pol�mique avec M. le Pr�fet de police, haut fonctionnaire de la R�publique, je suis sur un d�saccord avec la politique men�e par le Gouvernement sur ce sujet. Voil� !

Mais il faut assumer les d�saccords.

M. Pierre LELLOUCHE. - Tirez-en les cons�quences !

M. LE MAIRE DE PARIS. - Je les ai tir�es ! Restez au Conseil g�n�ral, vous allez voir !

La parole est maintenant � Denis BAUPIN sur un autre sujet?

M. Pierre LELLOUCHE. - Que proposez-vous ?

M. LE MAIRE DE PARIS. - Ce que je fais, j?en h�berge 300, on les nourrit, on les respecte, avec les associations, on leur propose un accompagnement individualis�, on recense ceux qui sont pr�ts � rentrer en Tunisie et pour quelques-uns, effectivement?

Monsieur LELLOUCHE, je vous conseille, sur ce sujet, la mod�ration.

M. Pierre LELLOUCHE. - Vous �tes tout seul � parler.

M. LE MAIRE DE PARIS. - Non, je fais mon devoir et, par ailleurs, Monsieur LELLOUCHE, je vous pr�cise que 9.000 personnes peuvent �tre concern�es par l?accord pass� en 2008. Actuellement, c?est moins de 3.000 qui le sont. Donc, je propose de mani�re pragmatique d?utiliser les 6.000 restants pour quelques dizaines ou quelques centaines, on verra, de personnes qui peuvent rentrer dans ce cadre.

C?est simple, c?est pragmatique et cela �viterait toutes les pol�miques politiciennes.

Mai 2011
Débat
Conseil municipal
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