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10 - III - Question d'actualité de M. Jean-François PERNIN, au nom du groupe "Union pour la Démocratie française", à M. le Maire de Paris, relative à la visite d'Etat du président syrien, le 26 juin 2001


M. LE MAIRE DE PARIS. - Nous passons � la question d'actualit� du groupe "Union pour la d�mocratie fran�aise".
La parole est � M. PERNIN, au nom du groupe "Union pour la d�mocratie fran�aise".
M. Jean-Fran�ois PERNIN. - Monsieur le Maire, comme tous mes coll�gues, je viens de recevoir votre invitation pour participer mardi 26 juin � 10 heures 45 � la r�ception organis�e � l'H�tel-de-Ville en l'honneur de M. Bachar EL ASSAD, Pr�sident de la R�publique syrienne.
La tradition veut en effet que tout chef d'Etat en visite officielle en France soit re�u � la Mairie de Paris.
Nous le savons mieux que quiconque ayant mis en oeuvre cette tradition par le pass� avec les majorit�s municipales auxquelles nous avons appartenu. Mais aujourd'hui, Monsieur le Maire, ne faut-il pas, l� aussi "changer d'air" et tordre le cou pour une fois � cette coutume ?
Monsieur le Maire, je vous demande donc d'annuler cette r�ception en l'honneur du Pr�sident syrien.
Car, ainsi que je vous l'ai �crit le vendredi 8 juin, M. EL ASSAD est le repr�sentant d'un r�gime qui accueillit � Damas des responsables en fuite du r�gime nazi et a r�duit � sa plus simple expression la communaut� des Juifs pr�sente en Syrie depuis des si�cles. Je voudrais �galement souligner l'occupation du Liban, un pays ami, par les troupes syriennes, et les r�cents propos antis�mites inadmissibles et d'un autre �ge, de M. EL ASSAD, lui-m�me, lors de la visite du Pape en Syrie.
Voil� le Pr�sident sous les pieds duquel on s'appr�te � d�rouler le tapis rouge ici, � l'H�tel-de-Ville. On peut rappeler qu'il est pr�f�rable de se recevoir que de s'ignorer mais laissons donc cela � ceux qui ont des contraintes diplomatiques.
La visite d'un chef d'Etat � l'H�tel-de-Ville n'est, elle, que protocolaire. Aucune contrainte diplomatique ne p�se en effet sur la Mairie. Cette r�ception n'influe en rien sur une discussion politique quelconque. Ce sont 2 heures qui ne comptent pas dans un voyage officiel.
Dans ces conditions, Monsieur le Maire, si vous recevez M. EL ASSAD, vous lui donnerez une preuve de respectabilit� m�me si vous faites un discours critique.
Monsieur le Maire, nous souhaitons donc que vous annuliez cette visite et dans le cas contraire, aucun membre du groupe U.D.F. ne participera � la r�ception donn�e en l'honneur d'un chef d'Etat belliqueux et antis�mite, qui ne facilite en rien, et c'est le moins que l'on puisse dire, la recherche d'une solution pacifique au Proche-Orient.
Je vous remercie.
(Applaudissements sur les bancs du groupe "Union pour la D�mocratie fran�aise").
M. LE MAIRE DE PARIS. - Monsieur le Conseiller, je vous remercie de votre question. Je voudrais rappeler � tous nos coll�gues que le Pr�sident de la R�publique fran�aise, Jacques CHIRAC, a d�cid� d'inviter le Pr�sident syrien en visite d'Etat, parce que c'est une visite d'Etat. Il est pr�vu dans le programme d'une visite d'Etat depuis des d�cennies... Vous pourriez ne pas r�pondre au t�l�phone au moment o� je vous r�ponds, ce serait mieux ! Merci... d'autant que ce sera le seul sourire de cet �change parce que le sujet est grave, �videmment...
M. Pierre LELLOUCHE. - C'�tait l'Ambassade de Syrie !
M. LE MAIRE DE PARIS. - Monsieur LELLOUCHE, croyez-vous vraiment que c'�tait indispensable ? C'est un sujet grave et que je prends, figurez-vous, avec beaucoup de s�rieux, car c'est un sujet qui me pr�occupe depuis que j'ai �t� inform� que cette visite avait lieu.
Donc, je vous rappelle que le Pr�sident de la R�publique fran�aise a d�cid� d'adresser cette invitation au Pr�sident syrien, mais dans le cadre d'une visite d'Etat et je me permets de vous dire que, contrairement � la lettre que vous m'avez adress�e, s'il s'agissait d'une visite officielle, le probl�me n'existerait pas, parce que la r�ception � la Mairie de Paris par la Ville de Paris n'existe que dans le protocole de la visite d'Etat. Or, ce n'est pas moi qui ai choisi que ce serait plut�t une visite d'Etat qu'une visite officielle, ou une visite de travail, ou une visite priv�e, puisque vous savez qu'il y a les quatre hypoth�ses.
Je suis donc confront�, et je trouve bien normal de vous en rendre des comptes, � une question de devoir et de fid�lit� � mes convictions que, je crois, vous connaissez bien.
J'ai d�cid�, apr�s beaucoup de r�flexion - r�flexion relanc�e d'ailleurs par la question de M. PERNIN - que je devais absolument, dans la transparence et en vous disant les choses telles que je les ressens, rendre obligatoirement conciliables mon devoir et mes convictions.
Mes convictions, je pense que vous les connaissez :
- L'antis�mitisme sous toutes ses formes doit �tre combattu et pas par le silence.
- Le droit de chaque peuple de cette r�gion � �tre respect� et reconnu.
- Le droit de chaque peuple � la souverainet� doit �tre proclam� et, d'ailleurs, je l'ai fait en recevant M. le Pr�sident du Liban (relisez mon discours).
- Le droit de chaque peuple � vivre en s�curit� et, bien entendu, nous pouvons aussi dire des mots qui vont dans le sens de la recherche de la paix.
Voil� pour mes convictions sur ce sujet pr�cis.
Mais, mes convictions, c'est aussi d'�tre bien lucide sur le mandat que j'ai re�u des Parisiens. A aucun moment, dans le d�bat qui a fait que je suis devenu Maire de Paris, il n'a �t� question que le Maire de Paris soit un personnage qui, au nom des seuls �lecteurs parisiens, aurait quelque pouvoir que ce soit de faire un commentaire sur une initiative du Pr�sident de la R�publique en la mati�re ou de la contester. Le Pr�sident de la R�publique est �lu par tous les Fran�ais et je n'ai pas l'intention de nier ce vote de 1995. Le Pr�sident de la R�publique a le droit - et le devoir d'ailleurs - d'inviter en visite d'Etat les chefs d'Etat qu'il juge utile d'inviter et je n'ai aucun droit - c'est ma conviction aussi, et mon devoir �galement - de contester d'une mani�re ou d'une autre ce genre de chose.
J'ajoute, Monsieur PERNIN - et je vous le dis vraiment tr�s courtoisement, de m�me que vous m'avez interpell� courtoisement - que la force que vous �tes en train de donner � cette partie-l� du voyage semble, ou laisse � penser, que la r�ception par le Maire de Paris devient la chose la plus importante, de la mani�re dont vous l'avez dit dans votre derni�re phrase (vous reprendrez votre propos, vous l'avez �crit)...
M. Claude GOASGUEN. - Non, non.
M. LE MAIRE DE PARIS. - ... o� vous disiez que, vraiment, c'�tait une d'importance extraordinaire et que l� �tait le c?ur des choses. Pardonnez-moi de suivre la recommandation de votre chef de file des derni�res municipales, M. S�GUIN, qui me l'adressait ce matin : l'humilit� fait que je pense que la rencontre que j'aurai est beaucoup moins importante que toutes les autres rencontres qu'il y aura lors de cette visite.
En revanche, s'il �tait d�cid� par un certain nombre de personnalit�s - et ce serait un comble que ce soit par des �lus municipaux de Paris - que ce qui va faire probl�me dans cette visite, c'est la r�ception � l'H�tel-de-Ville, que tout le reste n'est pas important, mais qu'� l'H�tel-de-Ville, l�, cela change la face du Proche-Orient, alors l�, chers amis, je vous demanderais de revenir tous � un petit peu de responsabilit� et d'humilit� collectives !
Pour le reste, je veux vous le dire avec le plus de pr�cautions possibles, mais ce que vous me proposez de faire, si je suivais votre indication, ce ne serait pas un acte d�sinvolte, irrespectueux et politiquement lourd vis-�-vis du Pr�sident de la R�publique syrienne, ce serait un acte d�sinvolte et politiquement extr�mement lourd � l'�gard du Pr�sident de la R�publique fran�aise !
Telle n'est pas mon intention � ce stade, ni maintenant, ni plus tard. J'aimerais autant y �tre aid� par la totalit� du Conseil de Paris, et aussi, peut-�tre, par ceux qui soutiennent le Pr�sident de la R�publique fran�aise dans les choix de politique int�rieure.
Voil� la r�ponse que je voulais vous faire.
(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et radical de gauche, "Les Verts", du Mouvement des citoyens et communiste).

Juin 2001
Débat
Conseil municipal
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