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14 - IV - Question d'actualité de M. Alain DESTREM et des membres du groupe "Démocratie libérale et Indépendants" à M. le Maire de Paris relative à la journée du 19 mars


M. LE MAIRE DE PARIS. - Nous abordons l'examen de la question d'actualit� de M. Alain DESTREM et des membres du groupe "D�mocratie lib�rale et Ind�pendants" � M. le Maire de Paris relative � la journ�e du 19 mars.
La parole est � Alain DESTREM.
M. Alain DESTREM. - Merci, Monsieur le Maire.
Monsieur le Maire, mes chers coll�gues, en juin 1966, j'�tais appel� sous les drapeaux et int�gr� � la Marine nationale.
Un mois apr�s, j'�tais affect� � la base fran�aise de Mers-el-K�bir.
... eh oui, 4 ans apr�s les accords d'Evian, l'arm�e fran�aise �tait encore en Alg�rie.
Si la marine avec son port, sa base souterraine �tait une des plus belles au monde, sa mission consistait � contr�ler la M�diterran�e avec la L�gion �trang�re et l'aviation � Bousfer. Je devais y rester 18 mois et j'ai tr�s vite compris que le 19 mars 1962 n'�tait qu'un accord que je qualifierai de chiffon de papier et que seule l'arm�e fran�aise avait cess� le feu.
Pour nous, Fran�ais, et nous seuls, la guerre �tait termin�e. Lors de mes permissions, et surtout, Monsieur le Maire, et mes chers coll�gues, sans uniforme - car nous risquions de nous faire tuer, ce qui a �t� le cas pour certains d'entre nous - j'ai pu rencontrer en particulier � Oran, nombre de familles alg�riennes mais aussi quelques tr�s rares pieds-noirs ou harkis qui �taient revenus.
Apr�s plus d'un si�cle de colonisation, j'ai compris � cette �poque que si le 19 mars 1962 avait marqu� la fin des hostilit�s militaires, il n'avait pas marqu� la fin des souffrances.
Je pensais cette douloureuse souffrance pass�e, mais il a fallu que le Gouvernement, votre Gouvernement rouvre les plaies en janvier dernier en tentant d'imposer le 19 mars comme journ�e du souvenir : en France la d�faite, et en Alg�rie la victoire sur la France.
Cette date ne pourra jamais rassembler � ce jour - d'ailleurs le Gouvernement n'a pu que reculer faute de majorit� - car c'est trop t�t, chers coll�gues.
Le travail de deuil n'est pas termin�. Par contre, Monsieur le Maire, et c'est l� o� vient le sens de ma question, vous vous ent�tez, avec une man?uvre que je qualifierai d'hypocrite, et probablement militante, en flattant la F.N.A.C.A. - qui est loin de repr�senter la majorit� du monde combattant de l'�poque - en nous invitant � vous rejoindre demain � 12 heures au cimeti�re du P�re-Lachaise - je cite le carton d'invitation - "pour la pose de la premi�re pierre du m�morial parisien d�di� aux militaires morts ou disparus en Afrique du Nord de 1952 � 1962".
Je n'aurais rien eu � redire � ce carton d'invitation si le jour de la pose de la premi�re pierre avait �t� en fin d'ann�e car nous savons combien de morts il y a eu durant le deuxi�me semestre 1962.
Simplement, vous le faites et l�, avec hypocrisie, comme je le disais. Vous l'organisez le 19 mars, jour de la signature des accords d'Evian. De nouveau, les plaies se rouvrent, Monsieur le Maire, mes chers coll�gues, je me sens mal et j'ai honte.
Pendant que certains seront aux Invalides, puis au P�re-Lachaise, mes pens�es iront aux victimes inutiles, massacr�es apr�s le 19 mars 1962, les morts de Bab-el-Oued, ceux de la fusillade d'Isly, les milliers de disparus d'Oran, les supplici�s du Petit Lac, les massacres de dizaines de milliers de harkis, l'�puration ethnique de centaines de pieds-noirs qui avaient cru pouvoir revenir en toute tranquillit�, ainsi que les ex�cutions de soldats du contingent.
Enfin en allant � l'Etoile demain soir face au soldat inconnu, vous oubliez qu'� l'Etoile, on y c�l�bre seulement des victoires et certainement pas des d�faites.
D�cid�ment, c'est une provocation de trop et je sais que nous sommes tr�s nombreux sur les bancs de cette Assembl�e, mais aussi dans Paris � d�sapprouver l'emploi du temps du Maire de Paris demain mardi 19 mars. Il me d�shonore. Il est encore temps, Monsieur le Maire, de ne pas y aller. C'est le sens de ma question. Changez demain votre emploi du temps, cela honorera notre Assembl�e.
(Applaudissements sur les bancs des groupes "D�mocratie lib�rale et Ind�pendants", "Rassemblement pour la R�publique et apparent�s", Union pour la d�mocratie fran�aise et "Ensemble pour Paris").
M. LE MAIRE DE PARIS. - Monsieur DESTREM, je vais r�pondre. Comme Mme CHRISTIENNE n'a pas pu entendre l'ensemble de vos interrogations, et comme vous m'interpellez directement, je vous r�ponds moi-m�me.
D'abord, vous avez exprim� un point de vue tr�s personnel. Vous avez cru utile de l'accompagner de propos extr�mement pol�miques et insultants (hypocrisie, etc.), mais vous avez expos� votre position sur le fond et c'est cela la d�mocratie.
Que les souffrances soient encore vives, c'est un fait. Que le 19 mars soit consid�r� par tant d'historiens, d'acteurs sereins de cette histoire, c'est un fait. Le 19 mars marque la fin de la guerre d'Alg�rie : ceci cr�e un d�bat national qui, actuellement encore, entra�ne des contestations.
Deuxi�mement, Monsieur DESTREM, j'irai effectivement demain � midi, poser la premi�re pierre du m�morial aux victimes fran�aises de ces combats, victimes qui ont �t� envoy�es par le Gouvernement de l'�poque et qui ont fait leur devoir au nom de notre pays.
A la demande des associations, ce m�morial, qui n'existait pas, sera cr��. Toujours � la demande des associations, la premi�re pierre sera pos�e le 19 mars. Je me rendrai aussi � l'Arc de Triomphe comme je le fais depuis de nombreuses ann�es, y compris l'an dernier. Je n'�tais pas encore institutionnellement le Maire de Paris, mais peut-�tre l'�tais-je un peu du fait des citoyens de Paris qui s'�taient prononc�s la veille.
J'ajoute, Monsieur DESTREM, que c'est un engagement que j'avais pris devant les Parisiens. J'essaie, cela me para�t �tre l'honneur de la vie d�mocratique, d'honorer mes engagements. Est-ce hypocrite ?
Avant, sous mes deux pr�d�cesseurs, le Maire-adjoint de Paris charg� des Anciens Combattants �tait pr�sent � l'Arc-de-Triomphe avec les associations, le 19 mars, mais pas le Maire. Si j'ai bien compris, puisque vous apparteniez � cette majorit�, ce qui est hypocrite, c'est que la Municipalit� soit dor�navant repr�sent�e par le Maire - ce que j'assume - alors que vous, Monsieur DESTREM, vous �tiez repr�sent� en tant que membre de l'Ex�cutif par votre coll�gue adjoint charg� des Anciens Combattants.
Par souci de non hypocrisie, de fid�lit� � mes engagements et aussi de ce qui rassemble - m�me si je comprends un certain nombre de blessures -, au nom de la franchise, je serai bien demain � 18 heures 30 � l'Arc de Triomphe apr�s avoir pos� la premi�re pierre du m�morial � midi au P�re-Lachaise.
D'ailleurs, � propos de ce m�morial, je vous signale que beaucoup l'avaient promis. Hypocrisie disiez-vous ? Pourquoi tant et tant l'ont-ils promis ? Hypocrisie disiez-vous. Pourquoi tous les Conseils g�n�raux d'Ile-de-France, sauf Paris, accordaient-ils la gratuit� du transport aux anciens combattants ? Beaucoup l'avaient promis, nous l'avons fait.
Par cons�quent, dans la coh�rence, je tiendrai demain mes engagements et mon agenda ne sera pas modifi� malgr� votre aimable suggestion.
(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et radical de gauche, communiste, du Mouvement des citoyens et "Les Verts").
M. Alain DESTREM. - Monsieur le Maire, je ne conteste pas le m�morial, bien entendu, car je sais que les uns et les autres nous voulions justement, dans l'objectif qui est le n�tre, retrouver cette fraternit� entre nos deux peuples que sont celui de l'Alg�rie et de la France. Mais, ne prenons pas le risque d'un d�rapage �ventuel alors que, comme je le disais, le travail de deuil n'est pas termin�.
J'aurais pr�f�r�, Monsieur le Maire, que vous suiviez mon conseil.
M. LE MAIRE DE PARIS. - Je ne pense pas que vous ayez ajout� beaucoup d'arguments quant aux souffrances, aux blessures et � ce que chacun de nous a �prouv�. Figurez-vous que l'on a tous �ventuellement � en dire. Pour le reste, comme vous n'avez pas ajout� d'argument, je me contenterai de faire bref pour vous r�pondre : J'assume.

Mars 2002
Débat
Conseil municipal
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