retour Retour

10 - 2002, SG 49 - Autorisation à M. le Maire de Paris de signer une convention avec l'association "Les amis du bus des femmes" pour le renforcement de son action sociale, d'information et d'aide à la réinsertion des personnes prostituées. - Subvention correspondante. - Montant : 30.500 euros


Mme Anne HIDALGO, premi�re adjointe, pr�sidente. - Nous passons maintenant � l'examen du projet de d�lib�ration SG 49 concernant une autorisation accord�e � M. le Maire de Paris de signer une convention avec l'association "Les amis du bus des femmes" pour le renforcement de son action sociale, d'information et d'aide � la r�insertion des personnes prostitu�es - subvention correspondante : 30.500 euros.
Madame C�cile RENSON, vous avez la parole.
Mme C�cile RENSON. - Madame le Maire, chers coll�gues, je ne puis que m'associer au concert de louanges concernant l'association "Les amis du bus des femmes" dont l'action b�n�fique depuis sa cr�ation, depuis 1989, est reconnue par tous puisqu'elle conjugue assistance et aide � la r�insertion, les deux volets d'action indispensables pour ces personnes souvent en �tat de grande d�tresse.
Cette d�lib�ration m'interpelle n�anmoins � double titre :
D'abord, sur l'augmentation des diagnostics positifs au VIH ; en effet, les centres de d�pistage anonymes et gratuits confirment, pour 2001, la tendance � la hausse du nombre de diagnostics positifs depuis 1999, principalement chez les femmes, alors que les hommes sont proportionnellement moins touch�s. Le nombre de s�ropositifs est rest� stable chez les personnes homosexuelles, mais le bulletin �pid�miologique de veille sanitaire souligne l'augmentation du nombre de s�ropositifs contamin�s lors de pratiques h�t�rosexuelles.
Pour le conseil national du Sida, il est essentiel que les associations de terrain poursuivent leur action de pr�vention et s'adaptent au changement de l'environnement socioculturel de la prostitution.
Par ailleurs, il faudra peut-�tre r�former le d�pistage, tout en le maintenant anonyme, mais en lui adjoignant des donn�es suppl�mentaires (�ge, facteur de risque, mode de contamination) afin de mieux mettre en place les programmes de pr�vention de proximit�.
La pr�vention du VIH doit �tre revue et corrig�e.
Ma seconde r�flexion concerne la subvention sollicit�e de 30.500 euros, montant que je ne conteste pas, qu'on ne s'y m�prenne pas. Cette somme d�passera la d�pense de pr�servatifs qui s'�l�ve � 22.789 euros. Je voudrais savoir combien cette somme repr�sente de pr�servatifs. Au prix d'officine (un demi-euro) cette somme permettrait l'achat de 45.700 unit�s.
Nous sommes loin de la campagne de Philippe DOUSTE-BLAZY, ancien Ministre de la Sant�, qui avait obtenu le pr�servatif � un franc l'unit�, ce qui permettrait l'achat de 151.856 pr�servatifs.
La Ville de Paris ne pourrait-elle pas se mettre en relation avec les laboratoires pharmaceutiques et assurer la pr�vention de l'association "Les amis du bus des femmes" et m�me assurer des distributions gratuites de pr�servatifs, d'autant que les laboratoires sont souvent g�n�reux, voyez, ils m'en ont m�me procur�s que je tiens � votre disposition.
La Mairie de Paris doit pouvoir se montrer aussi persuasive que moi : financer c'est bien, optimiser ses d�penses, c'est mieux.
Je vous remercie.
Mme Anne HIDALGO, premi�re adjointe, pr�sidente. - Il y a un probl�me de l�ger hors sujet dans cette intervention car cette subvention ne concerne pas la pr�vention du VIH, mais une action de r�insertion sociale men�e avec l'A.N.P.E. Je vous r�pondrai sur votre intervention. Je donne la parole � Mme Nicole BORVO.
Mme Nicole BORVO. - Effectivement, l'intervention de notre coll�gue �tait totalement hors sujet. Quant � moi je vais, bien entendu, soutenir cette d�lib�ration.
La volont� de la Municipalit� de contribuer � l'action d'aide � la r�insertion des personnes prostitu�es, men�e par les associations - je crois que cette d�lib�ration prouve cette volont�, qu'il s'agisse d'ailleurs des "Amis du bus des femmes" ou d'autres associations - est fortement affirm�e ici et cela me para�t particuli�rement important.
En effet, aujourd'hui les associations, tout particuli�rement celles qui aident les pr�caires, qui luttent contre l'exclusion, sont tr�s inqui�tes des effets � pr�voir de la politique gouvernementale, au moins sous deux aspects :
Celles et ceux qui ont particip� � la journ�e mondiale du refus de la mis�re le 17 octobre anim� par ATD Quart-Monde, n'ont pu manquer de l'entendre. D'abord, elles se sentent � juste titre fortement menac�es par les restrictions budg�taires annonc�es, notamment par la suppression des emplois aid�s, alors que ces associations tr�s souvent r�pondent � des missions que l'on peut qualifier de service public.
Ensuite, elles d�noncent pour la plupart avec vigueur la p�nalisation de l'exclusion et de la pauvret�, compte tenu que dans le projet SARKOZY, adopt� par le Conseil des Ministres la semaine derni�re et qui sera discut� au Parlement la semaine prochaine, les mesures r�pressives � l'�gard des prostitu�es comme d'autres cat�gories d'exclus, les reconduites � la fronti�re, la suppression des titres de s�jour, indignent beaucoup de monde.
Elles sont, qui plus est, inefficaces quand on constate dans le m�me temps la plus grande discr�tion sur la pr�vention, la protection des personnes et sur les moyens n�cessaires pour s'attaquer au prox�n�tisme, aux r�seaux maffieux, au blanchiment de l'argent de la prostitution et de la drogue ...
Madame la Maire, je partage les orientations qui sont les v�tres et que vous avez eu l'occasion d'exprimer au Comit� de pilotage "prostitution, les nouvelles formes d'esclavage" que vous animez et que vous avez exprim�es aussi souvent publiquement.
Pour moi la prostitution est synonyme de violence, d'humiliation, de domination des personnes prostitu�es. Ce n'est jamais un libre choix. Aussi refuser l'exploitation et la marchandisation du corps humain et agir contre l'exploitation sexuelle est une question de dignit�. Mais je consid�re tout aussi important pour faire reculer la prostitution d'�viter tout retour � l'ordre moral, tout jugement � l'�gard des personnes prostitu�es et toute d�marche s�curitaire.
Il me para�t en revanche indispensable de se donner les moyens v�ritables de la pr�vention de l'information, de la dissuasion, de la responsabilisation et de la r�insertion. Bien �videmment, une grande part de ces moyens rel�ve du niveau national et ayant travaill� pour ma part, avec mon groupe, avec beaucoup d'associations, je m'opposerai bien entendu au niveau n�cessaire au projet du Gouvernement et d�fendrai un certain nombre de propositions dans le sens que je viens d'indiquer.
Au niveau de la Municipalit�, votre engagement pour l'aide aux associations et la protection en mati�re de sant�, pour l'ouverture de lieux d'h�bergement, nous convient tout � fait. Je souhaite qu'il soit rapidement suivi d'effets. Mais je voudrais ici ajouter une proposition : je crois qu'il est vraiment indispensable et urgent d'avoir une v�ritable politique de dissuasion ou de responsabilisation � l'�gard des clients ou des clients potentiels.
De ce point de vue, des mesures rel�vent de l'�tat. Bien entendu, je souhaiterais pour ma part que la lutte contre l'exploitation sexuelle soit reconnue comme cause nationale, permettant information, �ducation... Mais sans attendre, Madame la Maire, la Municipalit� pourrait donner l'exemple et engager une grande campagne d'information publique en partenariat justement avec les associations � qui il faut donner des possibilit�s de communiquer gratuitement sur ce qu'est r�ellement la prostitution, la traite des femmes, des jeunes filles et des jeunes gens, et donc ce � quoi participent les clients de la prostitution.
Cela me para�t �tre la condition d'une �ventuelle p�nalisation des clients. Question qui m�rite effectivement des remises en d�bat mais qui n�cessite une r�flexion plus approfondie.
Je vous remercie.
Mme Anne HIDALGO, premi�re adjointe, pr�sidente. - Merci, Madame BORVO. Je rejoins compl�tement vos propos et votre proposition sur l'information relay�e par les associations et le travail que nous pouvons faire avec elles en ce sens.
Je donne la parole � pr�sent � Mme Fr�d�rique CALANDRA.
Mme Fr�d�rique CALANDRA, adjointe. - Oui. Avant d'intervenir sur le bus des femmes je souhaitais quand m�me dire � Mme RENSON qu'elle commettait une grande offense � l'histoire et au devoir de m�moire et qu'elle affaiblissait gravement l'action du G�n�ral de Gaulle.
En effet, il y a quand m�me des moments dans l'histoire qui transcendent l'opposition gauche/droite. La d�cision sur le vote des femmes faisait partie de ces moments parce que le vote des femmes est issu du programme du Conseil national de la R�sistance qui ne comptait, comme chacun sait, pas seulement des gens de droite. Je trouve que c'est v�ritablement se moquer du monde que de faire ce type d'intervention. On peut critiquer, on peut s'opposer, mais il ne faut quand m�me pas r��crire l'histoire et de cette fa�on horriblement sectaire.
D'autre part quand j'�tais � l'Institut d'�tudes politiques, j'ai organis� un d�bat sur l'I.V.G. et j'ai eu � d�fendre Mme VEIL - et cela a �t� un honneur pour moi - contre les attaques des gens dans la salle qui la traitaient d'avorteuse. Ce n'�taient pas des gens de gauche. En revanche, moi, de gauche, j'ai d�fendu Mme VEIL et cela a �t� un grand honneur pour moi, je dois le dire.
(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et radical de gauche, du Mouvement des citoyens, communiste, et "Les Verts ").
M. Christian SAUTTER, adjoint. - Tr�s bien !
Mme Fr�d�rique CALANDRA, adjointe. - Merci. Je voudrais mettre en avant l'action de l'association "Les amis du bus des femmes" qui a �t� cr��e en 1989, qui travaille avec et en faveur des personnes de la rue et plus particuli�rement en direction des femmes prostitu�es, des toxicomanes, par le bais d'actions comme la pr�vention de l'infection par le VIH, de l'h�patite et des M.S.T.
En plus de ces actions, l'association s'est engag�e � favoriser l'insertion de ces femmes dans tous les domaines de la soci�t�, tel que l'acc�s � la sant�, la vie familiale, sociale et professionnelle. Elle s'attache aussi � d�fendre leurs droits et leur dignit� par la mise en place d'une action sociale, par l'information et l'orientation de ces publics et par des mesures d'accompagnement � la formation et � la r�insertion, notamment depuis septembre 2001 et � la demande m�me des prostitu�es, l'association propose une permanence mobile hebdomadaire d'information et d'orientation vers l'emploi, des stages ainsi que des formations, notamment une permanence hebdomadaire � l'abribus rue du Moulin-Joli ainsi qu'une permanence mobile dans le bus.
Ces permanences ont pour objectif d'aider les personnes prostitu�es � monter des dossiers de demande de stage de formation ou d'emploi, de les conseiller mais aussi de suivre ces femmes tout au long de leur parcours. Ce qui est - on le devine - particuli�rement important parce que ce sont des personnes en grande d�tresse.
Ces permanences formation, emploi, sont organis�es en partenariat avec l'A.N.P.E., notamment avec l'agence pour l'emploi Couronne dans le 11e arrondissement de Paris. D'apr�s les estimations de l'association c'est plus d'une cinquantaine de prostitu�es qui pourraient �tre concern�es par le dispositif. Il s'agit de femmes entre 45 et 50 ans et qui sont en charge de famille pour la plupart.
On se doute que le bilan social de la prostitution traditionnelle � Paris nous pose un probl�me et un probl�me croissant � l'avenir parce qu'il va y avoir un probl�me de retraite, de conditions de retraite pour ces publics, et qui sera pos� et repos� sans cesse.
La convention que souhaite signer la Ville de Paris avec l'association "Les amis du bus des femmes" a pour but le renforcement de son action sociale d'information et d'aide � la r�insertion de ces femmes en d�tresse.
Ainsi un certain nombre d'entre elles, voire la totalit�, pourront, nous l'esp�rons, se sortir de la prostitution. Aussi, mes chers coll�gues, en vous pronon�ant favorablement sur cette d�lib�ration et la subvention correspondante vous encouragerez une action concr�te qui a d�j� fait ses preuves, qui prouve que la question de la prostitution tant � Paris que sur le plan national, n'est pas une question d'ordre moral mais qu'il s'agit avant tout de d�tresse et de mis�re humaine que l'on peut traiter autrement que par la r�pression des prostitu�es.
Je voulais � cet �gard insister sur le fait qu'alors que le Gouvernement RAFFARIN s'engage sur la voie de la criminalisation des prostitu�es - en effet la pierre angulaire du projet de loi de Nicolas SARKOZY est la r�pression du racolage sur la voie publique - notre Municipalit� souhaite r�affirmer avec force, � son niveau d'action, que les prostitu�es sont avant tout des victimes et que les d�linquants sont d'abord ceux qui les r�duisent en esclavage et en tirent profit.
Il est navrant de voir la majorit� gouvernementale se diriger dans ce domaine dans le sens inverse de celui qu'indiquait la loi vot�e � l'unanimit� de l'Assembl�e nationale le 6 ao�t 2002, qui autorisait la ratification du protocole additionnel � la convention des Nations unies contre la criminalit� trans-nationale organis�e, visant � pr�venir, r�primer, punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.
(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et radical de gauche, du Mouvement des citoyens, communiste, et "Les Verts").
M. Christian SAUTTER, adjoint. - Tr�s bien !
Mme Anne HIDALGO, premi�re adjointe, pr�sidente, au nom de la 1�re Commission. - Je voudrais compl�ter de deux mots les �l�ments �voqu�s notamment par Nicole BORVO et Fr�d�rique CALANDRA, et vous dire que bien s�r cette action men�e par le bus des femmes est une action tr�s importante parce que travailler sur la r�insertion sociale et en partenariat avec l'A.N.P.E. nous para�t vraiment une des conditions pour aider les victimes, notamment de cette prostitution traditionnelle auxquelles Fr�d�rique CALANDRA vient de faire r�f�rence, � trouver une issue, notamment une issue �conomique � leur situation.
Je voudrais aussi dire de nouveau � Nicole BORVO combien je rejoins l'ensemble de son propos, et je propose d'ailleurs que, d�s le prochain comit� de pilotage "prostitution" que nous organisons avec la pr�sence de l'ensemble des groupes politiques de cette Assembl�e, nous puissions mettre vraiment � l'�tude et en action la proposition qu'elle a faite sur une meilleure information sur les dangers de la prostitution et de la fa�on dont les clients prennent part dans cette cha�ne prostitutionnelle, notamment la traite des �tres humains.
Je voudrais aussi dire que le d�bat national a bien s�r des r�percussions sur nos politiques municipales. A partir du moment o� les prostitu�es seront criminalis�es, et sachez combien je suis oppos�e personnellement � cette proposition faite par le Gouvernement actuel, je ne sais pas si nous pourrons continuer � verser des subventions aux associations.
Madame RENSON, puisque la pr�vention du Sida vous paraissait une cause tr�s importante, je vous ai entendu souvent sur ce sujet, mais je ne sais pas si nous pourrons continuer � financer "Les amis du bus des femmes" qui vient en aide aux personnes prostitu�es en proposant des pr�servatifs masculins et des pr�servatifs f�minins.
Juridiquement, il y a un probl�me. J'ai demand� au service juridique de la Ville d'�tudier ce probl�me pour que la Municipalit� ne soit pas dans l'ill�galit�. Vous voyez la difficult� et le danger de la situation � laquelle nous allons �tre confront�s.
Nous avons pris l'engagement de financer, de fa�on extr�mement importante, les associations qui viennent en aide aux personnes prostitu�es en attribuant l'�quivalent de 600.000 euros par an pour ces associations. Eh bien, toute cette politique-l� risque d'�tre remise en cause.
La Ville de Paris, dans le respect des comp�tences qui sont les siennes, peut essentiellement intervenir dans ce registre-l�. Je vous appelle, les uns et les autres, � faire preuve de conviction vis-�-vis des auteurs de la loi actuelle pour qu'ils en reviennent � une plus juste proportion des choses, et que l'on reste dans le respect des textes internationaux que la France a ratifi�s et qui consid�rent les prostitu�es comme des victimes et non pas comme des d�linquantes.
Je mets aux voix, � main lev�e, le projet de d�lib�ration SG 49.
Qui est pour ?
Contre ?
Abstentions ?
Le projet de d�lib�ration est adopt�. (2002, SG 49).

Octobre 2002
Débat
Conseil municipal
retour Retour