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2007, DU 270 - Attribution de la dénomination “esplanade Pierre Vidal-Naquet” à une voie située dans le 13e arrondissement.


M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - Nous abordons le projet de d�lib�ration DU 270 relatif � l?attribution de la d�nomination ?esplanade Pierre Vidal-Naquet? � une voie situ�e dans le 13e arrondissement.

Madame G�GOUT, vous avez la parole.

Mme Catherine G�GOUT. - Je voudrais simplement consacrer quelques mots d?hommage � la m�moire de Pierre Vidal-Naquet � qui nous allons d�dier aujourd?hui une rue du 13e arrondissement. Il est d�c�d� en juillet 2006.

Cet historien engag�, ce briseur de silence, qui fut de tous les combats pour la justice, dans une qu�te incessante de "fragments de v�rit�", comme il disait, avait choisi de ne pas adh�rer � un parti, sauf quelques mois � l?Union de la gauche socialiste et au P.S.U. qu?il consid�rait plut�t comme des clubs de discussion.

Il disait qu?il y a ?toujours un moment o� il faut choisir entre son parti et la v�rit�. Cela ne veut pas dire que je condamne ceux qui sont membres d?un parti, mais mon temp�rament y est rebelle?, disait-il.

Il n?a d?ailleurs jamais adh�r� au parti communiste, m�me s?il en a �t� proche dans la p�riode 1947-1948. Les proc�s staliniens de l?apr�s-guerre ont d�finitivement consomm� la fracture.

Aussi notre �motion a-t-elle �t� grande lorsqu?il est venu dans les locaux du groupe communiste avec ses amis, les grandes voix du Comit� Maurice Audin. Lui et plusieurs autres ont disparu depuis.

L?attribution du nom de Maurice Audin � une place de Paris a �t� ainsi l?occasion de r�unir des consciences morales et politiques et nous �tions, je dois le dire, admiratifs et impressionn�s.

Vidal-Naquet a 11 ans quand son p�re, avocat, est interdit d?exercer son m�tier parce que juif. Il en a 14, en mai 1944, quand ses parents sont arr�t�s � Marseille, puis d�port�s et assassin�s par les nazis.

Pour lui, ce sont des ann�es qu?il a appel�es ?de brisure et d?attente? que rien n?a jamais r�ussi � effacer.

Et c?est parce que son p�re a �t� tortur� par la Gestapo que Pierre ne tol�rera pas que l?on puisse torturer au nom de l?Etat fran�ais. L?affaire Audin sera d?ailleurs son premier livre.

Pour lui, l?historien doit prendre part � la vie de la Cit�. Il a �t� de tous les combats, de toutes les d�nonciations d?injustice en France, pour r�habiliter la m�moire salie de Jean Moulin ou d�noncer le r�visionnisme mais aussi contre la guerre du Vietnam ou celle d?Irak.

Et lui, l?historien de la Shoah, participe en 2003 � l?appel ?une autre voix juive?, solidaire du peuple palestinien. Il s?inscrit ainsi dans une lign�e d?intellectuelles bataillant contre les erreurs judiciaires.

Fils d?avocat, il se passionne pour le recoupement entre les proc�dures historiques et judiciaires et cela alimente son �criture de l?histoire. En d�montant les mensonges de l?arm�e sur la fausse �vasion du jeune math�maticien communiste, Maurice Audin, il accomplit un travail magistral d?historien simplement � la recherche de la v�rit�.

D?ailleurs quand en 1980, alors que les th�ses r�visionnistes de Faurisson d�frayaient la chronique, Pierre Vidal-Naquet disait dans ?un Eichmann de papier? qu?il fallait r�pondre : ?en proc�dant comme on fait avec un sophiste, c?est-�-dire avec un homme qui ressemble � celui qui dit le vrai, et dont il faut d�montrer pi�ce � pi�ce les arguments pour en d�masquer le faux-semblant. En tentant d?�lever le d�bat, de montrer que l?imposture r�visionniste n?est pas la seule qui orne la culture contemporaine et qu?il faut comprendre non seulement le comment du mensonge mais aussi le pourquoi?.

Cet historien de la Gr�ce antique est engag� dans la vie et l?histoire contemporaine. Il en tire d?ailleurs des enseignements d?une grande modernit� comme ses r�flexions sur la d�mocratie, la d�mocratie directe et l?usage du tirage au sort en d�mocratie. A son �poque, ces id�es n?ont pas �t� prises en compte et pourtant, pour nous, elles sont d?un grand enseignement dans les d�fis contemporains.

Ses passions de l?Antiquit� et du r�el d?aujourd?hui se nourrissent l?une l?autre, alimentent son action pour la v�rit� et la libert�. Il travaille sur la fa�on dont la m�moire peut �tre int�gr�e au travail historique, la fa�on dont le fait m�moriel lui-m�me doit �tre pris en compte comme une donn�e historique. Il traite les documents de la m�me fa�on que les t�moignages.

L?histoire, pour lui, est un dialogue entre ce qui n?est plus et ce qui est. A la fois, il croit � la recherche de la v�rit� mais il est conscient de la fragilit� de cette v�rit� et il ne se fait aucune illusion sur les r�sistances qui surgissent face � l?expression de la v�rit�. Il fait le constat de l?irrationalit� de l?histoire. Mais il continue, inlassablement. Et il disait : ?le r�el, c?est ce qui r�siste?.

Je regrette de ne pas en parler plus longtemps. Sa voix nous manque et il nous laisse une oeuvre immense.

Je vous remercie.

(Applaudissements sur les bancs des groupes communiste, socialiste et radical de gauche, du Mouvement r�publicain et citoyen et ?Les Verts?).

M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - Merci.

Monsieur CAFFET, pas d?observation ?

Je mets donc aux voix, � main lev�e, le projet de d�lib�ration DU 270.

Qui est pour ?

Contre ?

Abstentions ?

Le projet de d�lib�ration est adopt�. (2007, DU 270).

Décembre 2007
Débat
Conseil municipal
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