retour Retour

2010, I - Question d'actualité posée par le groupe "Les Verts" à M. le Préfet de police relative à la multiplication des gardes à vue.


M. LE MAIRE DE PARIS. - Chers coll�gues, nous prenons donc les questions d'actualit� en commen�ant par celles du groupe "Les Verts".

Monsieur GAREL, vous avez la parole.

M. Sylvain GAREL. - Merci, Monsieur le Maire.

C'est une question au Pr�fet de police relative � la multiplication des gardes � vue. Un nombre grandissant de voix s?�l�ve pour s?inqui�ter l�gitimement de l?augmentation significative des gardes � vue en France. Selon les chiffres communiqu�s par le Minist�re de l'Int�rieur au d�but du mois de janvier, pr�s de 581.000 personnes ont �t� gard�es � vue en France en 2009, soit deux fois plus qu?en 2001.

Mais le pire est que ce chiffre a �t� largement et certainement volontairement sous-estim� car ce dernier ne comptabilise pas les gardes � vue pour d�lit routier ainsi que celles dans les DOM-TOM. Les chiffres devraient donc s'approcher de 900.000 gardes � vue sur notre territoire pour la seule ann�e 2009 soit plus de 1 % de la population.

Ainsi, statistiquement, un jeune adulte sur deux risque au moins une fois dans sa vie de faire au moins une garde � vue dans sa vie. Ce qui est �tonnant lorsque dans le m�me temps, le Ministre de l?Int�rieur annon�ait fi�rement � la mi-janvier, que l'ann�e 2009 marque la septi�me ann�e de baisse cons�cutive de la d�linquance en France.

Ces d�rives sont le r�sultat de la politique du chiffre et sont le signe affligeant de la politique s�curitaire et liberticide d�cid�e par Nicolas SARKOZY, alors Ministre de l'Int�rieur, et poursuivie d�sormais par ses successeurs. Pouss�es par leur hi�rarchie, les forces de police sont contraintes de se plier � cette logique cynique et populiste.

C'est le constat des policiers de terrain qui dans des conditions de travail souvent indignes sont soumis � des objectifs impossibles � r�aliser les d�tournant des missions importantes.

Ainsi, certains syndicats de police attestent eux-m�mes de ces tristes r�alit�s, un responsable syndical affirmant r�cemment "le chiffre, on peut le faire, en mettant les contraventions, en faisant des contr�les d'�trangers en situation r�guli�re et bien s�r en mettant en garde � vue". S'ajoute � ces pr�occupantes questions de la hausse constat�e, la question des conditions de ces gardes � vue.

Nombreux sont ceux, avocats, magistrats, militants qui d�noncent en effet les conditions de ces gardes � vue, mises � nu et fouilles au corps, longues heures d'attente dans des locaux souvent exigus et aux conditions d'hygi�ne relatives, respect des droits des personnes et notamment concernant la pr�sence des avocats des suspects que la Cour europ�enne des droits de l?Homme a soulign�e � diverses reprises pour les d�noncer.

Et beaucoup demandent de toute urgence une r�forme de ce syst�me de plus en plus v�cu non comme un outil d?enqu�te mais comme une sanction, et la n�cessit� de red�finir d?autres priorit�s � la politique de s�curit� en France. Tout cela confirme que notre groupe a eu raison de consid�rer la politique de ce gouvernement comme liberticide et de refuser de lui pr�ter la main. Aussi, au nom du groupe des �lus "Verts" au Conseil de Paris, je souhaiterais que vous nous apportiez, Monsieur le Pr�fet de police, des �l�ments de r�ponse aux questions suivantes :

Premi�rement, les gardes � vue ont-elles augment� en 2009 � Paris et si oui dans quelle proportion au cours de ces trois derni�res ann�es ?

Deuxi�mement, la Pr�fecture de police a-t-elle des objectifs chiffr�s dans ce domaine ?

Troisi�mement, quelles sont les conditions de garde � vue � Paris, et notamment pouvez-vous nous indiquer si toute personne gard�e � vue b�n�ficie de la possibilit� de s'entretenir d�s la premi�re heure avec un avocat ?

Je vous en remercie.

M. LE MAIRE DE PARIS. - Merci.

La parole est � M. le Pr�fet de police.

M. LE PR�FET DE POLICE. - Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les conseillers, je vais bien s�r r�pondre � M. Sylvain GAREL. Sur la question de la garde � vue, comme j'ai eu l'occasion de le dire � plusieurs reprises � cette tribune, il comprendra facilement que la politique que nous conduisons de lutte contre la d�linquance n'a en rien un caract�re liberticide. Il est surprenant d'employer de tels termes.

J'ai d�j� dit que nous acceptons la tenue de toutes les manifestations sans jamais interdire l?expression d�mocratique, quelle qu'elle soit.

S'agissant des gardes � vue, et � l'heure o� le Gouvernement conduit une r�flexion sur cette probl�matique, vous m'interpellez directement sur un d�bat de politique nationale puisque les chiffres que vous avez donn�s sont des chiffres nationaux.

Je voudrais d'abord placer en perspective la question telle qu'elle se pose aujourd'hui. Une r�cente d�cision de justice de la Cour europ�enne des droits de l'Homme a �t� prise dans une affaire qui int�resse l'�tat turc � propos de sa l�gislation relative � l'�tat d'urgence. En tirer, comme le font certains, des enseignements absolus, transposables � la proc�dure p�nale quotidienne telle qu'elle se d�roule en France proc�de d'un certain raccourci sch�matique.

Ensuite, notre �tat de droit repose sur la hi�rarchie des normes et la s�paration des pouvoirs. En hommage � Philippe S�guin a �t� �voqu� ce matin le sens �lev� du respect des institutions et de la souverainet�. Par analogie, il me semble que dans ce d�bat, respecter v�ritablement l?�tat de droit, c'est que tout un chacun �vite, soit de s'�riger en l�gislateur, soit en juridiction de dernier ressort, et reconnaisse dans le cadre de la r�forme engag�e qu'il appartient au Parlement de statuer et � la Cour de Cassation de trancher l'interpr�tation qui doit �tre faite de la jurisprudence "DAHYAT contre Turquie".

La Cour de Cassation est maintenant saisie, sur une affaire localis�e � Nancy. Pour r�pondre � votre troisi�me question relative � la pr�sence de l'avocat d�s la premi�re heure pour les affaires de criminalit� organis�e ou de terrorisme, il faut attendre que la Cour de Cassation ait statu�. Je ne vois pas pourquoi les juristes du Minist�re de la Justice ou de l'Int�rieur auraient forc�ment tort vis-�-vis des avocats qui demandent, ce qui est tout � fait respectable, la transposition d'une jurisprudence dans les conditions que j'ai indiqu�es. Dans cette attente, les services de police parisiens continueront, sous l'autorit� bien s�r du Procureur de la R�publique, de s'engager dans la lutte contre la d�linquance.

S'agissant de la pratique de la garde � vue � Paris, je veux ensuite rappeler que la marge de man?uvre proc�durale ouverte aux policiers s'est consid�rablement r�duite depuis 10 ans. C?est par la volont� du l�gislateur qu?a disparu, au cours des 10 derni�res ann�es, la pratique des auditions "libres" apr�s interpellation ou convocation par OPJ dans des affaires consid�r�es comme peu graves.

Lors du d�bat sur la loi renfor�ant la pr�somption d'innocence du 15 juin 2000, la garde � vue a �t� consid�r�e comme une proc�dure permettant, il ne faut pas l'oublier, la garantie formelle des droits de la personne mise en cause.

Pourtant, la multiplicit� des actes � accomplir (notification des droits, visite m�dicale obligatoire, r�daction de plusieurs proc�s-verbaux) est souvent jug�e par les policiers eux-m�mes comme lourde et elle allonge in�vitablement la dur�e effective de privation de libert�.

Mais � partir du moment o� la loi pr�voit le prononc� d'une mesure de garde � vue, d�s qu'il y a, je cite : "des raisons plausibles de soup�onner que l'int�ress� a commis une infraction", ne pas placer en garde � vue c'est fragiliser imm�diatement la proc�dure judiciaire d'un risque de nullit� et, de fait, renoncer � faire aboutir l?enqu�te de police.

L'arr�t de la Cour de Cassation de 2003, intitul� arr�t Micheline, est parfaitement clair � cet �gard. Et les avocats, ce qui est de bonne guerre, ne manquent pas de soulever syst�matiquement ce moyen de nullit�. Dans plusieurs avis rendus ces derni�res ann�es par la C.N.D.S., la police a �t� critiqu�e pour ne pas avoir plac� en garde � vue.

Enfin, la derni�re pr�cision que je vous apporterai, concernant cette augmentation de la garde � vue, concerne son caract�re tout � fait "m�canique", par rapport � la lutte engag�e contre la d�linquance. Le taux d'�lucidation a augment� de mani�re tout � fait consid�rable au cours des derni�res ann�es, y compris � Paris, je l'ai souvent rappel� ici, de 16 � 38 % : il est tout � fait logique que l'augmentation du nombre de personnes, judiciairement mises en cause ait conduit � l'augmentation des gardes � vue.

S'agissant des chiffres que vous souhaitez conna�tre sur Paris, je vais �videmment vous les donner. Mais je crois qu'il faut �viter de verser dans la pol�mique, puisque vous signalez que ce serait volontairement que nous n'aurions pas comptabilis� certaines gardes � vue. Or, il n'y a aucun manquement.

Il existe deux cat�gories de garde � vue : premi�re cat�gorie, celles qui sont r�pertori�es dans le cadre de "l'Etat 4.001", dont on parle souvent, qui est l'�tat de constatation de l'activit� criminelle et d�lictuelle des services de police et de gendarmerie. Dans cette cat�gorie, � Paris, il y a eu 56.722 gardes � vue en 2009 contre 55.458 en 2007, soit une progression de 2,2 %, ce qui n'est pas extravagant.

Puis, il y a une deuxi�me cat�gorie de gardes � vue, qui n'est pas comptabilis�e dans "l'Etat 4.001", et personne n'a jamais voulu les cacher, qui correspond aux d�lits routiers : les d�lits routiers graves, les d�lits de fuite, les conduites sans permis et les conduites en �tat d'ivresse. Ce sont ces gardes � vue qui n'�taient pas comptabilis�es dans les chiffres r�guli�rement publi�es et sur lesquelles la pol�mique est n�e. Mais, ils n'�taient en rien cach�s.

J'ajouterai d?ailleurs, contrairement � ce qu'une haute personnalit� a signal� dans un journal du soir, que quand on nous accuse de faire ces gardes � vue routi�res pour augmenter le taux d'�lucidation, c'est compl�tement faux, puisque le secteur routier n'est pas pris en compte dans le taux d'�lucidation de "l'Etat 4.001". En d�pit du fait que cela a �t� signal� par quelqu?un dont on conna�t la probit�, je crois qu'il �tait l� mal renseign�.

Sur ces mesures de garde � vue, pour r�pondre � votre question, � Paris, il y a eu l'ann�e derni�re 10.143 gardes � vue pour des d�lits routiers, comme 9.790 l'ann�e pr�c�dente, c'est�-dire une augmentation de 3,6 %.

Voil� les pr�cisions que je voulais vous apporter. On sait qu'il y aura une clarification de l'interpr�tation donn�e par la Cour europ�enne des droits de l'homme du texte de la Convention, puisque la Cour de Cassation est saisie.

On sait enfin, les Ministres concern�s s'en sont expliqu�s, qu'il y aura une r�forme de la garde � vue dans le cadre de la r�vision de la proc�dure p�nale. Tout cela sera suivi et, bien s�r, appliqu� � Paris, sous l'autorit� du Procureur de la R�publique, puisqu'il s'agit de mesures judiciaires.

(Applaudissements).

M. LE MAIRE DE PARIS. - Merci, Monsieur le Pr�fet.

Février 2010
Débat
Conseil municipal
retour Retour