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13 - III- Question d'actualité de M. Alain DUMAIT, élu indépendant, à M. le Préfet de police sur la mendicité agressive à Paris et sur son interdiction.




M. G�rard LEBAN, adjoint, pr�sident.- Nous passons � l'examen de la question d'actualit� pos�e au Pr�fet de police par M. Alain DUMAIT sur la mendicit� agressive � Paris et sur son interdiction.
Monsieur DUMAIT, vous avez la parole.

M. Alain DUMAIT.- Ma question s'adresse en effet au Pr�fet de police. Elle porte sur la mendicit� agressive � Paris et son interdiction.
Je vous rappelle, mes chers coll�gues, qu'une circulaire du Ministre de l'Int�rieur en date du 20 Juillet 1995 a pr�cis� que si une interdiction g�n�rale de la mendicit� paraissait ill�gale, en tout cas au regard des dispositions du nouveau Code p�nal, par contre une interdiction limit�e � certaines voies portant sur des comportements sans conteste possible, contraires � l'ordre et � la tranquillit� publique, telles qu'il faut entendre ces notions au sens de l'article L. 131-2 du Code des communes, �tait �videmment parfaitement l�gale.
Or, les troubles et les comportements agressifs dont sont l'objet les Parisiens, en particulier dans le m�tro, dans les voies pi�tonnes, deviennent tout � fait insupportables, en particulier lorsque la mendicit� est effectu�e par des groupes organis�s tenant en laisse des chiens m�chants, qui exigent plut�t qu'ils ne sollicitent une charit� qui s'apparente davantage � du ran�onnage.
Evidemment, ces comportements inqui�tants et, selon moi, ind�fendables, sont tourn�s en priorit� vers les plus faibles de nos concitoyens : les enfants, les personnes �g�es, les femmes seules.
L'�t� dernier, plusieurs maires de grandes villes de province appartenant d'ailleurs � des formations politiques diverses et vari�es ont pris des arr�t�s interdisant dans certaines parties de leur commune la mendicit� publique.
En limitant ma demande aux formes agressives de cette mendicit� publique, je vous demande, Monsieur le Pr�fet de police, vous qui par exception � Paris, exercez les pouvoirs de police ailleurs d�volus aux communes de plein exercice, de bien vouloir dans les meilleurs d�lais, prendre � votre tour un arr�t� interdisant fermement toutes les formes de la mendicit� agressive dans le centre de Paris en tout cas, en particulier dans les voies pi�tonnes et les voies � circulation r�glement�e.
Je vous demande de faire en sorte que l'interdiction d�j� th�oriquement en vigueur dans les gares et les voitures du m�tropolitain, en application de l'article 85 du r�glement �dict� par le Syndicat des transports parisiens, soit enfin effectivement respect�e.

M. G�rard LEBAN, adjoint, pr�sident.- Merci.
La parole est � M. le Pr�fet de police.
Je vous demanderai d'�tre attentifs � l'importante r�ponse de M. le Pr�fet. Merci, mes chers coll�gues.

M. LE PR�FET DE POLICE.- Merci, Monsieur le Maire.
La r�ponse � la question qui m'est pos�e, et qui est importante, appelle de ma part un rappel historique du probl�me �voqu� et l'expression de ma position sur ce probl�me, dans le cadre de mes responsabilit�s de Pr�fet de police.
De tous temps, les soci�t�s, notamment les soci�t�s urbaines, ont �t� confront�es au ph�nom�ne de la mendicit�. De Fran�ois Villon � Victor Hugo et � Georges Orwell, pour ne parler que d'eux, Paris, ses gueux, ses pauvres, ses mendiants, ses "gal�res" ont inspir� des pages �mouvantes.
De tous temps, les soci�t�s, et notamment les soci�t�s urbaines, ont tent� de mettre en place des syst�mes r�pondant au triple souci de solidarit� avec les plus d�munis, de r�insertion de ceux que la pauvret� place en marge du corps social, de d�fense de ce m�me corps social contre les abus des profiteurs qui, bien qu'aptes au travail et non diminu�s par des infirmit�s, sont plus tent�s par la facilit� d'exploiter la solidarit� et la g�n�rosit� publiques que de faire l'effort de participer au labeur commun.
La S�curit� sociale, et plus largement notre syst�me institutionnel moderne de protection des plus faibles, n'�taient pas en place, et cette protection �tait confi�e aux soins de la charit� individuelle ou de l'initiative publique, alors que la d�fense du corps social �tait, elle, bien inscrite dans une s�rie d'articles du Code p�nal qui �levaient mendicit� et vagabondage au rang de d�lits.
La Ville de Paris, h�riti�re aujourd'hui des institutions du D�partement de la Seine, a, il me faut le rappeler, dispos� depuis deux si�cles d'abord � Villers-Cotter�ts, puis depuis 1887 au sein de l'ex-Maison d�partementale de Nanterre, d'un quartier sp�cial dit d�p�t de mendicit�. Et le Pr�fet de police a �t� charg�, en application de l'article 5 de l'arr�t� des Consuls du 12 Messidor An VIII, d'appliquer des lois sur la mendicit� et le vagabondage.
On a, Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs les Conseillers, beaucoup d�battu durant les mois d'�t� sur ce probl�me de la mendicit�. Il �tait n�cessaire, pour le Pr�fet de police, en charge d'appliquer les lois en la mati�re, de faire tr�s bri�vement ce rappel � l'Histoire.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
L'arsenal juridique p�nal est tomb� en d�su�tude au fur et � mesure que se sont d�velopp�s, � l'initiative des pouvoirs publics, au cours des pr�c�dentes d�cennies qui ont au surplus connu une croissance �conomique forte, les syst�mes de protection sociale et de r�insertion.
Le syst�me p�nal- les derni�res condamnations remontent, je crois, aux ann�es 1970- a �t� d�finitivement abrog� lors de la r�forme du Code p�nal mise en application en mars 1994.
Le d�lit de mendicit� que l'on qualifiait de d�lit de pauvret� n'existe plus et c'est la fin normale d'une �volution profonde de notre soci�t� sur pr�s de deux si�cles.
Aujourd'hui, le Pr�fet de police n'a donc plus de loi sur la mendicit� et le vagabondage � appliquer et les services de police n'ont plus le droit d'interpeller des personnes qui se livrent � la mendicit� sans autre comportement aggravant.
Cependant, les plaintes contre l'apparition dans nos rues d'un ph�nom�ne qui avait quasiment disparu, se sont multipli�es. D'ailleurs, souvent ces plaintes, je dois le dire, interrogent les responsables publics sur ce qui est consid�r� comme une carence dans l'aide � apporter � des personnes dans le besoin, en m�me temps, je le reconnais volontiers, qu'elles traduisent une protestation contre le d�sordre, consid�r� comme facteur d'ins�curit� et contre le comportement agressif de certains solliciteurs. C'est l'hypoth�se, Monsieur le Conseiller, que vous envisagiez dans votre question.
Un texte de police municipale ne permettrait pas en ce qui concerne Paris, d'apporter le moindre d�but de solution. Nous y avons bien entendu r�fl�chi d�s les premi�res semaines qui ont suivi l'approbation des articles concern�s du Code p�nal et ce n'�tait pas le caract�re dissuasif d'une sanction p�nale, d'ailleurs modique, touchant des personnes qui devaient a priori �tre pr�sum�es dans le besoin, qui �tait recherch� et qui ne pouvait �videmment �tre obtenu.
J'ai donc jug� plus op�rationnel, pour employer un terme moderne, de chercher ailleurs les vraies solutions de fond � l'�volution du ph�nom�ne qui commen�ait � inqui�ter les Parisiens. Les longs d�bats qui se sont d�roul�s cet �t� � ce sujet m'ont, je crois, donn� raison en ce qui concerne Paris. En ce qui concerne Paris, je le souligne, car je ne porte aucun jugement sur les mesures qui ont pu �tre d�cid�es ailleurs.
Je le maintiens aujourd'hui, les effets pervers d'une r�glementation municipale en ce domaine auraient � Paris d�pass� et de loin les avantages qu'on pouvait en escompter.
La question vient donc tout naturellement � l'esprit : que peut donc faire la police ?
Le r�le de la police est de veiller � ce que la mendicit�, consid�r�e comme une activit� sur la voie publique, ne constitue pas une g�ne s�rieuse, voire une menace de troubles localis�s � l'ordre public, ou encore davantage peut-�tre une atteinte � l'int�grit� physique des personnes qui sont sollicit�es.
Face � des actes de mendicit� r�p�t�s pouvant �tre consid�r�s comme constituant un trouble � l'ordre public, la police ne peut se contenter de d�placer le probl�me vers un autre lieu. Pour �tre efficace, elle doit travailler en r�seau avec les autres partenaires de la prise en charge sociale et c'est ce qu'elle fait tr�s largement.
A Paris, en relation notamment avec l'ensemble des dispositifs mis en place par la Ville de Paris, � commencer par le "S.A.M.U. social" auquel, je le rappelle, la Pr�fecture de police s'est associ�e d�s le premier jour de sa mise en place, nous nous y employons. Je veux une fois de plus, ici, souligner les activit�s sociales auxquelles elle participe depuis 1955 au sein d'une unit� regroup�e, depuis 1968, sous le nom de Brigade d'assistance aux personnes sans abri.
Cette unit� compte 42 fonctionnaires, surnomm�s "les bleus". Elle dispose de moyens de transport affect�s � une mission d'�lotage sp�ciale qui concerne les personnes en grande difficult� sociale, et � ces "bleus" s'ajoutent 40 policiers auxiliaires, jeunes appel�s du contingent, tous volontaires, qui sont r�partis en �quipes plac�es sous l'autorit� d'un brigadier et qui sillonnent les rues de la Capitale pour conseiller, informer, porter assistance � ceux qui ont le plus besoin de leur secours.
Qu'il me soit permis, si vous le voulez, � cet instant, Monsieur le Maire, de saluer l'importance du travail accompli par les services de la Ville et de saluer aussi la grande qualit� des relations qui existent et qui permettent � nos services respectifs de travailler ensemble.
Sans ce travail quotidien, accompli 24 heures sur 24, et sans ce travail notamment nocturne, le probl�me dramatique que nous �voquons aujourd'hui s'exprimerait de fa�on plus aigu� encore et ce qui n'est pas cette mendicit� li�e � la pauvret� qu'a vis�e le conseiller de Paris dans la question qu'il a pos�e, se traduirait par des actes encore plus violents.
Nous devons cependant, et j'en conviens volontiers, �tre tr�s vigilants � tout ce qui pourrait concerner des troubles � l'ordre public et veiller en particulier � ce que des formes de g�n�rosit�, que j'�voquais sous des termes g�n�raux, auxquelles on peut associer le terme de fraternit�, ne soient pas d�tourn�es au b�n�fice de comportements nuisants, voire d�linquants.
S'agissant de voyous qui se servent d'animaux pour intimider les personnes sollicit�es ou simplement susciter la peur, j'aurai tout � l'heure l'occasion d'apporter � Mme CATALA, qui m'a interrog� sur ce sujet, un certain nombre de pr�cisions sur les mesures que j'ai prises et que nous avons d�velopp�es.
J'indique que j'ai, par ailleurs, donn� � mes services des instructions pr�cises pour rechercher et interpeller toute personne mise en cause par les victimes d'agressions physiques ou verbales.
Notre Code p�nal punit les coups et blessures volontaires. Il punit les comportements agressifs, m�me verbaux, destin�s � impressionner les victimes et, la jurisprudence r�cente le d�montre, la n�cessit� d'une s�v�rit� exemplaire existe dans ce domaine.
Mais je ne concluerai pas mon propos sans parler, car bien des maux qui touchent notre cit� en sont les cons�quences, h�las, in�luctables, de l'immigration irr�guli�re.
Elle est le v�ritable creuset o� se d�veloppent trop de comportements d�gradants et d�linquants, car notre soci�t� n'a plus le moyen de faire vivre par le travail ceux qui sont attir�s par notre opulence relative en comparaison de leur mis�re.
Alors que trouvent ces immigrants irr�guliers lorsqu'ils veulent survivre ? Trois choses : le trafic de drogue o� ils peuvent obtenir des gains lucratifs ; le travail clandestin et ils sont � ce moment-l� parfois trait�s comme des esclaves ; la mendicit� enfin, c'est le sujet que nous traitons � l'instant, et j'indique que, depuis le d�but de l'ann�e, 1.500 personnes de nationalit�s �trang�res ont �t� contr�l�es et interpell�es � Paris alors qu'elles se livraient � la mendicit�.
Sans vouloir �tablir de lien permanent entre l'immigration irr�guli�re et la mendicit� agressive, cela, Mesdames et Messieurs les Conseillers, Monsieur le Maire, ne peut �tre pass� sous silence. Aussi est-ce pour cela que, sur les instructions du Ministre de l'Int�rieur, l'ensemble des services de police et administratifs plac�s sous mes ordres luttent avec d�termination contre l'immigration irr�guli�re et contre le travail clandestin.
J'indiquerai � cet �gard, � titre d'exemple, qu'une op�ration vient d'�tre men�e r�cemment sur un site parisien qui connaissait, depuis plusieurs mois, de vrais probl�mes de s�curit� li�s � des regroupements de marginaux harcelants et agressifs.
Je pr�ciserai les choses en disant que, le 13 novembre, les services de police sont intervenus dans le secteur de la gare de Lyon et ont interpell� 43 ressortissants �trangers, dont 33 ont fait l'objet d'une reconduite � la fronti�re.
C'est une orientation g�n�rale, c'est un mode d'action qui sera poursuivi car il faut qu'une distinction soit faite entre la v�ritable d�tresse humaine, qui appelle les efforts de toute la collectivit� nationale pour lutter efficacement contre l'exclusion, et les comportements g�n�r�s par une volont� syst�matique d'exploiter notre syst�me d�mocratique et de protection des individus et de leur libert�.
Pardonnez-moi d'avoir �t� aussi long mais je crois que la question �tait importante. J'ai souhait� vous exposer � la fois ma conception g�n�rale, le cadre juridique dans lequel j'agis et les orientations que j'ai donn�es � mes services.
Je vous remercie.

(Applaudissements sur les bancs des groupes "Rassemblement pour Paris" et "Paris-Libert�s").

M. G�rard LEBAN, adjoint, pr�sident.- Merci, Monsieur le Pr�fet de police.

Novembre 1995
Débat
Conseil municipal
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