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Vœu déposé par les membres du groupe “Les Verts” relatif à la mémoire des victimes du colonialisme.


M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - Nous passons � l?examen du v?u r�f�renc� n� 20 dans le fascicule d�pos� par le groupe des ?Verts?. Ce v?u est relatif � la m�moire des victimes du colonialisme et ne se rattache � aucun projet de d�lib�ration.

Monsieur DUTREY, vous avez la parole.

M. Ren� DUTREY. - Merci, Monsieur le Maire.

Le Pr�sident de la R�publique a effectivement fait savoir, il y a quelques jours, que le Conseil constitutionnel allait �tre saisi du caract�re r�glementaire de l?article 4 de la loi du 24 f�vrier 2005. C?est la premi�re �tape qui permettra une abrogation par voix de d�cret, c?est-�-dire sans passer devant l?Assembl�e nationale.

Vot� dans l?indiff�rence la plus g�n�rale, suite � un amendement de la majorit� nationale, cet article qui pr�voit que les programmes scolaires reconnaissent en particulier le r�le positif de la pr�sence fran�aise Outre-Mer, notamment en Afrique du Nord, a d�clench� une vague d?indignations et de r�probations.

D?abord, parce qu?il n?est pas admissible, dans un pays d�mocratique, que les politiques non seulement �crivent l?histoire mais en plus fasse inscrire dans les manuels scolaires l?appr�ciation que nous devons porter sur une partie de l?histoire. Que l?histoire du colonialisme fran�ais et de la d�colonisation en Alg�rie comme ailleurs doive �tre enseign�e, c?est une �vidence mais que ce soit enseign� dans les �coles de la R�publique, en particulier le r�le positif de cette histoire, qu?est-ce que cela veut dire ? Qu?il faut passer sous silence ou minimiser les aspects n�gatifs�?

On le voit bien, une loi comme celle-l� dicte aux historiens, aux enseignants, le sens d?une histoire officielle et ce n?est pas admissible en d�mocratie. Le jour o� dans un pays le pouvoir politique commence � d�finir une histoire officielle, ce jour-l�, c?est la d�mocratie qui est en danger. Mais au-del� de cela, ce texte a �t� ressenti comme une insulte aux victimes d?un colonialisme fran�ais. Il a �t� v�cu comme tel par nombre de nos concitoyens dont les racines plongent dans cette histoire. La mobilisation dans les DOM-TOM, en Martinique ou ailleurs, est l� pour en t�moigner.

Il fallait mettre fin � ce scandale et nous nous f�licitions de cette abrogation annonc�e. M�me si on peut regretter que la voie utilis�e �vite aux parlementaires, U.M.P. en particulier, d?avoir � s?expliquer sur leurs motivations lors d?un d�bat qui aurait pu avoir lieu, si, respectant le parall�lisme des formes, c?�tait le Parlement qui �tait revenu sur cette disposition. Il n?en reste pas moins que le d�bat ouvert par cet �pisode de notre vie d�mocratique met en lumi�re une fois de plus, le probl�me que nous avons � regarder sereinement, cette p�riode de notre pass� collectif. On le voit, les passions qui se sont d�cha�n�es � cette occasion, dans un sens comme dans l?autre, viennent de deux lectures oppos�es de l?histoire, o� faute de reconnaissance les victimes s?opposent pour faire reconna�tre leurs souffrances.

On ne construira pas une v�ritable citoyennet� fran�aise et europ�enne pour nos compatriotes issus de l?immigration sans que nous soyons capables de regarder ensemble cette douloureuse histoire commune. Si nous n?en sommes pas capables, les replis identitaires et les extr�mistes de tous bords, et d?abord la ?lepenisation? des esprits, continueront � prosp�rer dans notre pays.

La construction de cette soci�t� mixte � laquelle nous aspirons tous, o� la libert� ne reculera pas devant la peur de l?autre, o� l?�galit� serait bien de fait et pas seulement de droit, o� la fraternit� ne renierait ni la religion ni la couleur de la peau, n�cessite que nous regardions tous ensemble ces pages de notre histoire. Ceci demande d?abord que nous soyons capables de reconna�tre la souffrance de chacun, de toutes les victimes du colonialisme et de la d�colonisation, celles des Harkis, des rapatri�s, des soldats d�serteurs qui refusaient de participer � la torture des victimes de la r�pression coloniale, de l?exploitation et l?asservissement des peuples colonis�s. C?est seulement en faisant cela, en n?opposant pas les victimes entre elles, souffrances contre souffrances, que nous pourrons porter ce regard commun. Et apr�s laissons les historiens faire leur travail, les enseignants faire le leur. Qu?ils apprennent � nos enfants et � nos petits-enfants d?o� nous venons et ce que qui fait que nous sommes aujourd?hui ici ensemble dans une soci�t� qui s?enrichit des diff�rences de chacun.

C?est le sens de cette plaque, de ce v?u que nous avons d�pos� : faire que dans un lieu de brassage et de mixit� comme les Halles, au c?ur de Paris, au c?ur de la France, un hommage soit rendu � toutes les victimes et puisse servir de point de d�part pour b�tir une histoire commune.

M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - Merci.

Madame CHRISTIENNE, vous avez la parole.

Mme Odette CHRISTIENNE, adjointe. - Chers coll�gues, il y a beaucoup de choses qui ont �t� dites et auxquelles j?adh�re parfaitement, c?est-�-dire faire la part des choses et voir l?histoire telle qu?elle est ?On doit aux morts respect, on ne doit que v�rit� aux vivants?, disait Anatole France. C?est pourquoi, plut�t que de multiplier les condamnations et les exhortations � la repentance, d?instrumentaliser la m�moire - comme vous avez dit parce qu?elle est instrumentalis�e dans un sens ou dans l?autre - de c�der aux pressions des lobbys, sans doute faudrait-il avant tout faire mieux conna�tre les travaux des universitaires travaillant sur la p�riode coloniale et les gratifier, sans pour autant mettre la recherche sous tutelle, de moyens comparables � ceux dont b�n�ficient leurs confr�res anglo-saxons.

Mais je dirais que les gestes symboliques ont, quand m�me et surtout dans le domaine o� les plaies restent vives, leur importance. C?est pourquoi, et bien que la politique m�morielle de la Capitale ait pour objectif premier l?�vocation des faits directement li�s � l?histoire de Paris, nous pouvons envisager un hommage. Mais les hommages ne se traduisent pas forc�ment par des plaques ou des statues. Il n?y aurait plus de place pour les passants, d?ailleurs.

Alors, m�me si je suis et si nous pouvons �tre favorables � un hommage rendu aux victimes de la colonisation, la forme reste � d�finir. Je vous dirai que dans nos projets de 2007, nous avons une exposition sur la contribution de l?Empire colonial fran�ais aux deux guerres mondiales. Ce serait tr�s important � faire conna�tre aux descendants de ces colonis�s devenus anciens combattants. Ces militaires sont forts mal r�mun�r�s ; Vous connaissez le probl�me de la cristallisation des pensions.

A Koufra sur 400 soldats, il y avait 301 Africains. De 1942 � 1943, sur 27 r�giments engag�s en Afrique du Nord, 18 �taient Nord-africains et deux Africains. En 1944, en Italie, 89.000 Nord-africains, etc.

Donc, je propose que nous ayons une r�flexion autour de cette exposition afin de r�fl�chir, d?�tudier comment rendre un hommage effectivement � toutes ces victimes de la colonisation. Mais mon avis pour les statues et pour les plaques est n�gatif.

M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - Monsieur VUILLERMOZ, vous avez la parole.

M. Jean VUILLERMOZ. - Nous approuvons bien entendu l?objectif de ce v?u pr�sent� par notre coll�gue du groupe les Verts mais je voudrais faire deux remarques. La premi�re, c?est pour rappeler le v?u vot� en mars 2005 par le Conseil sur notre proposition et d�fendu par Martine DURLACH et qui visait � donner le nom de Fortun� Santonax � une rue ou place de Paris. Je rappelle que Fortun� Santonax, d�l�gu� � la Convention et injustement oubli�, a jou� un r�le essentiel dans l?abolition de l?esclavage puisqu?il a proclam� de sa propre autorit� l?abolition de l?esclavage � Saint-Domingue le 29 ao�t 1793, position qu?il a d�fendue � Paris et qui sera avalis�e par la Convention le 4 f�vrier 1994. Nous voudrions donc savoir o� en est de la d�nomination de cette rue.

Ma deuxi�me remarque, qui est plus li�e � ce v?u, concerne le lieu �ventuel d?un monument en hommage aux victimes du colonialisme. Il me semble que ce lieu devrait �tre tr�s symbolique, or le lieu propos� par nos coll�gues ?Les Verts? ne s?y pr�te, � notre avis, gu�re.

Aujourd?hui existe face � l?ancien mus�e des Arts africains et oc�aniens � la Porte Dor�e, un monument � la m�moire de la mission Marchand, mission coloniale du Capitaine Marchand en 1898 destin�e � disputer la vall�e du Nil aux Anglais. En 2005, le Gouvernement a d�cid� d?installer dans l?ancien mus�e des Arts africains et oc�aniens la future Cit� nationale de l?histoire de l?immigration, sur laquelle d?ailleurs nous avons eu � d�lib�rer au Conseil de Paris.

Donc, ce lieu est tr�s symbolique pour �riger un tel monument en hommage aux victimes du colonialisme. Nous sommes donc, vous l?aurez compris, quant � nous favorables � ce qu?un tel monument soit �rig� en lieu et place du monument de la mission Marchand. C?�tait d?ailleurs l?objet d?un v?u que nous avions exprim� et pour lequel il nous avait �t� demand� de surseoir le temps d?examiner plus avant les conditions de sa r�alisation. Nous avons aujourd?hui l?occasion d?y revenir. Pourquoi pas le faire en cette occasion ?

M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - Merci.

Monsieur BRAVO, vous avez la parole, puis M. DUTREY.

M. Jacques BRAVO, maire du 9e arrondissement. - Je fais une br�ve explication de vote au nom du groupe des �lus socialistes et radicaux. J?ai bien entendu les arguments avanc�s. Sur le principe, nous sommes r�solument favorables, il n?y a pas de d�bat l�-dessus. Sur le lieu et le travail de pr�paration, il y a peut-�tre discussion.

L?esprit du v?u, le lieu mis � part, est tout � fait approuv� par les �lus de mon groupe. Simplement, tout le travail souhait� par Odette CHRISTIENNE peut �tre fait dans le m�me temps. Voil� ce que je voulais dire en la mati�re.

M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - Merci.

Monsieur DUTREY, vous avez la parole.

M. Ren� DUTREY. - Je suis un peu surpris de l?avis n�gatif �mis par Mme CHRISTIENNE, mais nous restons tr�s ouverts sur le lieu. Ce n?est pas le sujet du d�bat, il faut que ce soit un lieu symbolique et visible. Apr�s, l?essentiel est que cette plaque existe pour toutes les souffrances de la colonisation. Il ne s?agit pas de refaire l?Histoire, mais de c�l�brer l?ensemble des personnes qui ont pu souffrir de cette situation, de fa�on globale.

Donc, bien s�r, nous maintenons ce v?u avec une ouverture sur le lieu.

M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - Merci.

Je mets aux voix, � main lev�e, le v?u.

Qui est pour ?

Qui est contre ?

Abstentions ?

Le v?u est adopt�. (2006, V. 11).

Janvier 2006
Débat
Conseil municipal
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