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2010, DAC 426 - Signature d'une convention avec l'association cultuelle de l'Eglise réformée de Pentemont Luxembourg (6e) pour l'attribution d'une subvention. Montant : 36.000 euros.


Mme Olga TROSTIANSKY, adjointe, pr�sidente. - Je vous propose d'examiner le projet de d�lib�ration DAC 426 relatif � la signature d'une convention avec l?association cultuelle de l?�glise r�form�e de Pentemont Luxembourg (6e) pour l'attribution d'une subvention de 36.000 euros.

Je donne la parole � M. Alexis CORBI�RE.

M. Alexis CORBI�RE. - Mes chers coll�gues, j'interviens sur ce projet de d�lib�ration � propos d'un d�bat, celui de l'application de la la�cit�.

J'aimerais que nous prenions le temps, m�me si nous avons bien travaill� ce matin, de nous �couter.

Il s'agit, la la�cit�, d'un sujet r�guli�rement d�fendu ici par les uns et par les autres. On a le sentiment que beaucoup exaltent ces valeurs, et c'est tant mieux. Mais nous avons l'impression que souvent ces principes sont d�fendus et, � la premi�re occasion, ils sont tordus. Pour nous, il y a une inqui�tude de voir que finalement une forme de pragmatisme consisterait � laisser croire que les id�es qu'on d�fend ne sont bonnes qu?en th�orie et qu'elles sont mauvaises en pratique.

On nous invite aujourd'hui � subventionner sur fonds publics, avec l'argent du contribuable parisien, une activit� cultuelle qui ne devrait engager, selon nous, et ne concerner que ceux qui s'y adonnent.

Laissons d'ailleurs aux partisans de Nicolas SARKOZY le soin de dire que la R�publique a besoin de croyants, ce que notre pr�sident ne cesse de r�p�ter, rejetant du m�me coup les ath�es, les agnostiques dans le statut de citoyens de seconde zone. Laissons-lui, � Nicolas SARKOZY et � ses amis, le soin de conjuguer la d�sh�rence des services publics et les privil�ges aux religions investies d?une mission caritative et consid�r�es comme d?int�r�t public.

Nous avons � construire une R�publique la�que et sociale, r�servant l'argent public, qui provient des contribuables ath�es et agnostiques autant que des contribuables croyants, aux ?uvres d'int�r�t g�n�ral et � elles seules. Ce n'est pas le cas du culte religieux. C'est le cas de la culture, de l'instruction, de la lutte contre l?�chec scolaire, de la sant�, du logement social, de tout ce qui permet � tous les �tres humains d'�chapper au d�nuement.

Selon nous, il n'est pas dans le r�le de la Ville de financer un culte religieux. Alors, est-ce que le fait de financer des travaux pour un temple, qui est propri�t� priv�e et qui n'est pas la propri�t� de la Ville, est une grave atteinte � la la�cit� ? Selon nous, oui.

Certes, je connais les arguments, notamment de l'adjointe qui me r�pondra l'alin�a de l'article 19, que ce n'est pas ill�gal. Mais nous ne sommes pas contraints de le faire. La loi nous contraints de faire des travaux et d'entretenir des b�timents dont nous sommes propri�taires depuis la loi de 1905. Mais, pr�cis�ment dans le projet de d�lib�ration sur lequel j?interviens, ce n?est pas le cas : c?est la propri�t� d?une association cultuelle et nous ne sommes pas contraints de le faire.

Ce d�bat, nous l'avons d�j� eu, notamment concernant les cr�ches et concernant d'autres sujets. Puisque nous ne sommes pas contraints de le faire, pourquoi le faisons-nous ?

La la�cit�, je crois qu'il faut en rappeler les principes, ne consiste pas � combattre les religions mais � consid�rer que la religion n'engage que les croyants, tout comme l'ath�isme n'engage que les ath�es. Nous n'avons ni � financer des instituts, par exemple d?humanisme ath�e, ni un temple religieux, ni un temple ma�onnique. Et pourtant, si on finance les religions, la justice et l'�galit� voudraient que l?on traite �galement l?humanisme ath�e ou ma�onnique et qu?on les finance aussi.

Nous n'avons pas, c?est une question de principe, � communautariser l'argent public. En m�me temps, les services publics sont d�volus � tous les �tres humains et sont si mal en point du fait d?une politique ultralib�rale.

Il est, selon nous, aberrant - permettez-moi le mot - que l?on puisse consacrer de l?argent � une option personnelle qui n?int�resse qu?une partie des citoyens. Le temple en question n'est pas class� Monument historique. Il n'est pas en libre acc�s ouvert � tous pour contempler des ?uvres d'art ou pour se r�unir ou parler de philosophie. Il ne joue pas de r�le culturel, il est de propri�t� priv�e. Selon nous, c?est une question de principe, il doit �tre entretenu par les fid�les.

Revenons � l'esprit de la loi 1905 et � son article 2, qui dit clairement que la R�publique ne reconna�t, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. Nous connaissons l?article 19 qui a �t� rajout�, notamment en 1943 et en 1966, et qui selon nous est un coup de canif � l?esprit fondateur et qui donne de la force � la loi de 1905.

Certes, la R�publique doit maintenir en �tat les �difices qui font partie du patrimoine, l� nous en sommes contraints, et qui lui appartiennent, mais elle n'a pas � subventionner des travaux qui sont d?int�r�t particulier.

Sachons donc mettre en accord nos pratiques d?�lus avec nos principes de r�publicains. Nous voulons de grands services publics, ouverts aux croyants et aux ath�es : l� est l?id�al vrai de l?�mancipation la�que, un id�al fraternel, qui nous unit au-del� de nos diff�rences.

Renon�ons donc � un tel financement et consacrons cet argent, ainsi �conomis�, au renforcement des services publics les plus utiles pour les Parisiens. Et nous savons qu?il y a beaucoup � faire.

Voil� pourquoi, pour notre part, nous voterons contre ce projet de d�lib�ration.

Merci.

Mme Olga TROSTIANSKY, adjointe, pr�sidente. - Merci, Monsieur CORBI�RE.

Pour r�pondre, je donne la parole � Dani�le POURTAUD.

Mme Dani�le POURTAUD, adjointe, au nom de la 9e Commission. - Merci, Madame la Maire.

Monsieur le Conseiller, je voudrais commencer par vous remercier d'avoir pos� cette question, car je sais que ces subventions � des associations cultuelles interpellent de nombreux �lus de la majorit� et en particulier je sais que nos coll�gues radicaux de gauche sont particuli�rement sensibles � cette question. Et donc, je voudrais d'abord commencer par vous rassurer tous, mes chers coll�gues, tout comme le Maire de Paris, je suis une farouche militante de la la�cit�.

Votre question va me permettre d'expliciter le cadre et les crit�res qui nous am�nent � r�pondre positivement � ce genre de demande de subvention, et nous en votons d'ailleurs plusieurs par an, je rappelle par exemple que nous avons vot� au dernier Conseil, une subvention � l'Association dioc�saine de Paris pour des travaux du m�me ordre.

Vous l'avez rappel�, le cadre c'est �videmment la grande loi du 9 d�cembre 1905, loi dite de s�paration des �glises et de l'�tat, qui interdit, vous avez tout � fait raison, � l'�tat et aux collectivit�s territoriales de subventionner les activit�s cultuelles.

Toutefois, lorsqu'on cite cette loi, il faut la prendre dans son int�gralit�, et je vais effectivement me r�f�rer au dernier alin�a de l'article 19 qui stipule, mais chaque mot � son importance et je vous demande de les �couter : "Ne sont pas consid�r�es comme subventions les sommes allou�es pour r�paration aux �difices affect�s au culte public".

La loi est donc tr�s claire, les subventions pour r�paration des b�timents affect�s au culte ne sont pas concern�es par l'interdiction g�n�rale port�e par la loi de 1905.

Mais la Ville s'est en plus dot�e d'une grille de crit�res, grille qui a �t� mise en place par ma pr�d�cesseur en 2006, et qui fixe les conditions d'�ligibilit� de ces demandes, je vais vous les citer rapidement, les travaux doivent porter sur :

- Les grosses r�parations n�cessaires � la conservation et � l'entretien de l'�difice, ou par exemple la mise aux normes et en s�curit� des installations �lectriques. Il y a tout un d�tail mais je vous ai donn� l'essentiel.

- L'existence d'un int�r�t public local, ce qui signifie �videmment que l'�difice doit se trouver sur le territoire parisien et sont vis�s en particulier les travaux de mise en accessibilit� aux personnes � mobilit� r�duite.

- Des crit�res d'opportunit� bas�s sur l'urgence et l'int�r�t patrimonial.

Vous aurez observ�, chers coll�gues, que la demande de l'�glise r�form�e de Pentemont Luxembourg porte sur le financement de travaux de s�curit� dans le b�timent, travaux demand�s par la Pr�fecture de police et dont le montant est �valu� � 87.535 euros. Il s'agit bien de travaux de s�curit� et d'urgence tels que d�finis par la loi et pr�cis�s par nos crit�res. En aucun cas, chers coll�gues, contrairement � ce que vous disiez tout � l'heure dans votre intervention, il ne s'agit de subventions � une activit� cultuelle, il s'agit de travaux d'entretien et de s�curit� sur un b�timent.

C'est pourquoi nous avons accept� de verser cette subvention de 36.000 euros repr�sentant environ 41 % des travaux de s�curit� qui vont �tre effectu�s. Je tiens, bien entendu, le texte de la loi et la note pr�cisant nos crit�res, � votre disposition ainsi qu'� celle de tous les �lus qui le souhaiteraient.

Voil�, mes chers coll�gues, pour terminer par un sourire, je dirai comme Aragon dans la Rose et le r�s�da, que l'on croit au ciel ou que l'on n'y croit pas, j'esp�re que ce projet de d�lib�ration sera largement approuv�.

Mme Olga TROSTIANSKY, adjointe, pr�sidente. - Pour une explication de vote M. Michel CHARZAT et Mme Laurence DOUVIN.

M. Michel CHARZAT. - Ce projet de d�lib�ration anodin en apparence pose, on l'a vu, un probl�me au regard de la la�cit�, qui est la clef de vo�te du vivre ensemble dans notre pays.

La la�cit� ne peut devenir un principe � g�om�trie variable � la merci des groupes de pression locaux, sans que l'�galit� r�publicaine soit du m�me coup menac�e. A cet �gard, la loi de s�paration de 1905 stipule que toutes les �glises, mais �galement toutes les options spirituelles sont juridiquement �gales.

Dans cette optique, elle autorise la subvention, par les collectivit�s publiques, de r�parations en faveur d'�difices affect�s au culte d�s lors que leur propri�t� a �t� transf�r�e � l'�tat. C'est le cas des 34.500 �difices religieux construits avant 1905.

En revanche, l'article 12 de la loi de 1905 exclut les �difices propri�t�s priv�es, de toute subvention publique refusant ainsi de g�n�rer ou de faire prosp�rer un patrimoine priv� d�di� au d�ploiement d'options spirituelles.

La convention que nous examinons ce matin propose de subventionner des travaux b�n�ficiant � une chapelle, propri�t� de l'association de l'�glise r�form�e de Pentemont Luxembourg, en s'appuyant implicitement dans le texte et explicitement dans le propos de Mme POURTAUD sur l'article 19 de la loi de 1905.

Or, cet article ne constitue qu'une latitude offerte aux pouvoirs publics d'aider les associations imp�cunieuses � r�aliser des travaux de s�curit� ou d'entretien.

Tel n'est �videmment pas le cas de l'association de Pentemont Luxembourg, qui assume par ailleurs l'essentiel des 217.000 euros provisionn�s.

Au-del� du d�bat d'interpr�tation juridique, cette convention pourrait nourrir la logique d'une la�cit� dite ouverte, antichambre d'un communautarisme mis en ?uvre dans certains pays anglo-saxons.

Comment refuser demain � telle confession, � telle option spirituelle, de subventionner l?entretien des �difices dont elles sont les propri�taires ?

Mes chers coll�gues, la paix la�que a un prix. Au moment o�, au plus haut niveau de la R�publique, on souhaite modifier la loi de 1905, il faut affirmer une volont� et une coh�rence.

C'est la raison pour laquelle nous devons donner un coup d'arr�t au contournement de la la�cit�, c'est ce que je vous invite � faire en �cartant cette convention.

Mme Olga TROSTIANSKY, adjointe, pr�sidente. Madame DOUVIN ?

Mme Laurence DOUVIN. - Merci, Madame la Maire.

Je trouve que ce d�bat nous a ramen�s 100 ans en arri�re, ce qui est un peu �tonnant. Je ne suis pas surprise des propos de M. CORBI�RE, puisqu'il est g�n�ralement assez agressif.

J'ai trouv� simplement que sa comparaison avec les services publics �tait totalement d�plac�e.

Je voudrais dire �galement qu'il ne me para�t pas y avoir de contradiction entre un attachement farouche � la la�cit�, d'une part, et le fait de voter des subventions � des associations cultuelles, quelle que soit leur origine, dans les limites qui ont �t� pr�cis�es d?autre part.

Je voudrais simplement dire pour terminer - mes chers coll�gues, vous le savez peut-�tre si vous fr�quentez les lieux de culte quels qu'ils soient - que, tr�s souvent, ils sont dans un �tat assez dramatique et que les questions de s�curit� sont v�ritablement r�elles et que nous devions donc nous en pr�occuper.

Les justifications que j'entends me paraissent tout � fait superflues � cet �gard. Nous voterons donc bien entendu cette subvention.

Je vous remercie.

Mme Olga TROSTIANSKY, adjointe, pr�sidente. - Merci.

Je mets aux voix, � main lev�e, le projet de d�lib�ration DAC 426.

Qui est pour ?

Contre ?

Abstentions ?

Le projet de d�lib�ration est adopt�. (2010, DAC 426).

Je vous propose d?aller d�jeuner, nous reprenons � 14 heures 30.

Octobre 2010
Débat
Conseil municipal
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