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19 - 1999, DAUC 142 - Attribution de la dénomination "place de la Commune de Paris" à une place située dans le 13e arrondissement


M. G�rard LEBAN, adjoint, pr�sident. - Nous passons au projet de d�lib�ration DAUC 142 relatif � l'attribution de la d�nomination "place de la Commune de Paris" � une place situ�e dans le 13e arrondissement.
La parole est � Mme Soisik MOREAU.
Mme Soisik MOREAU.- Monsieur le Maire, vous m'interrogez sur ?
M. G�rard LEBAN, adjoint, pr�sident. - Sur la place de la Commune de Paris.
Mme Soisik MOREAU. - Tr�s bien, l'attribution de la d�nomination : place de la Commune de Paris.
M. G�rard LEBAN, adjoint, pr�sident. - Je demande � chacun d'�tre le plus concis possible.
Mme Soisik MOREAU. - Je vais �tre tr�s rapide. Tous les r�publicains se r�jouiront que la Municipalit� prenne enfin la d�cision de donner � une place le nom de la Commune de Paris, moment de l'histoire du peuple de Paris et du mouvement social.
Cette d�cision aurait d� �tre prise depuis longtemps, lors du centenaire de la Commune, en 1971 mais mieux vaut tard que jamais.
Je n'ai pas de remarque particuli�re � faire sur le r�cit historique des �v�nements contenu dans votre expos� des motifs, si ce n'est que vous omettez de d�crire la Commune comme un soul�vement patriotique alors qu'elle fut cela, �videmment, tout autant qu'un mouvement social et politique.
Ce que firent les Communards, c'est de lier la question sociale et la question nationale.
Je suis en revanche �tonn�e que le choix de la Ville se porte sur une place du 13e alors que le coeur de la Commune �tait � Montmartre et � Belleville. Les historiens divergent sur le point de savoir si la derni�re barricade tomba rue Ramponneau dans le 20e ou rue de la Fontaine-au-Roi dans le 11e arrondissement. Quoiqu'il en soit, par souci de l'exactitude historique et en hommage aux morts de la Commune, pour beaucoup fusill�s au P�re-Lachaise, il aurait �t� pr�f�rable de choisir une place ou une voie dans l'un de ces deux arrondissements.
Cela n'emp�chera nullement les �lus du Mouvement des citoyens de voter ce projet de d�lib�ration.
Je vous remercie, Monsieur le Maire.
M. G�rard LEBAN, adjoint, pr�sident. - Merci, Madame.
La parole est � M. MALBERG.
M. Henri MALBERG. - Je ne serai pas concis.
C'est avec beaucoup de satisfaction que le groupe communiste votera l'attribution de la d�nomination Place de la Commune de Paris au carrefour des rues de la Butte-aux-Cailles, Buot et de l'Esp�rance, � Paris 13e. J'ai envie de dire "enfin !" Il aura donc fallu 128 ans pour que la Commune de Paris poss�de une place dans la Capitale. Il faut dire que cette d�cision est prise apr�s que le nom de "Commune de Paris" ait �t� attribu� dans des dizaines et des dizaines de villes du monde et de France. Mais, c'est vrai : il vaut mieux tard que jamais.
Il y a bien longtemps que les �lus communistes de la Capitale r�clamaient que cet incroyable manque soit r�par�. Je me souviens m�me avoir d�clar� au maire de Paris, � l'�poque M. Jacques CHIRAC, qui avec une certaine g�ne repoussait la d�cision, que vraiment la droite parisienne n'en finissait plus de revivre ses peurs et, pourquoi ne pas le dire, pour certains, ses haines envers ce premier gouvernement ouvrier...
M. Roger ROMANI, adjoint. - Allons !
M. Henri MALBERG. - Pour certains, ai-je dit. Ils se reconna�tront. Vous n'en �tes pas.
... envers ce premier gouvernement ouvrier qui, pendant deux mois, gouverna Paris au printemps de 1871. Longue rancune !
Je constate d'ailleurs avec un certain plaisir que le m�moire de M. le maire de Paris rappelle qu'� partir du 22 mai, une r�pression tr�s dure s'engage contre les communards, "semaine sanglante" est-il �crit, et que les communards ripostent, fusillent des otages et retardent l'invasion en incendiant des monuments.
D'abord r�pression, c'est exact.
Je continue de citer le m�moire de M. le Maire : "Les morts se comptent par milliers, dont 25.000 chez les f�d�r�s et environ 900 chez les Versaillais". J'ajoute qu'il y avait, parmi les 25 � 30.000 massacr�s, des femmes et des enfants. Et 36.000 prisonniers et 4.586 d�port�s en Nouvelle Cal�donie.
C'est � ce propos que Victor Hugo dit : "Le cadavre est � terre mais l'id�e est debout".
Permettez-moi de dire quelques mots de la Commune.
La Commune de Paris, un si�cle apr�s la R�volution fran�aise de 1789, c'est de quelque fa�on le peuple qui rappelle � la bourgeoisie au pouvoir sa propre d�claration au monde : "Libert�, Egalit�, Fraternit�". C'est la premi�re r�volution ouvri�re du monde et elle commence chez nous, � Paris. R�volution de ceux qui sont directement exploit�s par le jeune et impitoyable capitalisme. C'�tait l'�poque o� les enfants travaillent � huit ans.
84 % des communards arr�t�s sont des travailleurs manuels et Paris, pendant longtemps apr�s la Commune, manquera d'horlogers, de ma�ons, de cordonniers, de boulangers...
La Commune, c'est aussi une formidable exigence de d�mocratie, des �lus contr�l�s et r�vocables, l'essai d'un gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, 60 jours de balbutiements de la d�mocratie directe.
D�mocratie, c'est encore les pr�misses de l'autogestion et les ateliers coop�ratifs.
La Commune, c'est une �tonnante le�on f�ministe, il y a plus de 120 ans. Deux femmes, Elisabeth Dmitief, aristocrate r�volutionnaire russe de 20 ans et Nathalie Le Mel, ouvri�re relieuse Bretonne cr�ent le premier mouvement f�minin "L'Union des Femmes". Des femmes sont associ�es � la gestion municipale. Comment ne pas citer ici l'imp�rissable souvenir de cette grande dame qu'�tait Louise Michel.
Et puis la commune c'est la fraternit� internationale v�cue par ces Parisiens comme naturelle. Des Belges, des Luxembourgeois, des Italiens ont le droit de vote. Fait unique dans l'histoire mondiale : un juif hongrois, ouvrier bijoutier, L�o Frankel est Ministre du travail. Et des Polonais, Dombrowski et Wrobleski sont g�n�raux et assument des commandements militaires.
R�flexion amus�e de Karl Marx : "sous les yeux de l'arm�e prussienne qui annexe deux provinces fran�aises - l'Alsace et la Lorraine- la Commune annexe les travailleurs du monde entier."
Pourtant occup�e tout le temps � se d�fendre militairement, la commune invente en 60 jours des choses surprenantes de modernit�. Nous rappelons que nous sommes dans la France conservatrice issue du second Empire.
Elle abolit le travail de nuit, interdit les amendes et retenues sur salaires, combat le ch�mage, interdit l'expulsion des locataires, exerce un droit de r�quisition sur les logements vacants.
Elle �tablit la gratuit� de la justice, la libert� de la d�fense. La Commune invente l'�cole la�que gratuite et obligatoire, cr�e un enseignement professionnel y compris pour les filles, s�pare les �glises de l'Etat.
La Commune invente des cours publics d'�ducation populaire. Elle f�te et soutient la F�d�ration des artistes dans laquelle agissent, excusez du peu, Manet, Courbet, Daumier, Dalou, Pottier. L'arm�e est remplac�e par la Garde nationale.
Et puis tous les historiens le reconnaissent aujourd'hui, avec la Commune c'est la R�publique qui s'installe, parce que la restauration monarchique devient impossible. Paris insurg�e a rendu incontournable la R�publique, Thiers en prend acte � l'Assembl�e nationale en novembre 1873, il voulait restaurer la Monarchie, mais, dit-il, "la meilleure solution c'est la R�publique. Vouloir autre chose ce serait une nouvelle r�volution". Comme la R�volution fran�aise, la Commune est un �v�nement fondateur, elle a irrigu� la pens�e progressiste, tout au long du XXe si�cle du Front populaire � la Lib�ration. Et dans le monde entier. Et la R�volution russe se r�clame d'elle en 1917.
Elle est naturellement ch�re au coeur des communistes. J'ai voulu dire ces quelques mots ici mais la Commune n'appartient pas � un parti, fut-ce le mien. Elle est � l'humanit�, elle est aussi � la France, car les "R�publicains bourgeois", comme on les appelait alors, qui �taient hostiles � la Commune n'en ont pas moins fort bien entendu le message. Comme Gambetta, Jules Ferry ou Cl�menceau. Et l'�cole publique la�que gratuite, la pleine libert� de la presse, la libert� de r�union viendront tr�s vite. L'exception fran�aise de progr�s se met aussi ainsi en place.
Mesdames, Messieurs, c'est quelques minutes pour un si grand �v�nement. Voil� pourquoi nous allons voter ce texte. Que vive donc la place de la Commune de Paris.
(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).
M. G�rard LEBAN, adjoint, pr�sident. - Merci, Monsieur MALBERG, la parole est � M. G�NY.
M. Pierre G�NY. - Monsieur le Maire, chers coll�gues, je comprends tr�s bien ceux qui, au travers d'une association, "les Amis de la Commune" par exemple entretiennent le souvenir et le sacrifice d'une grande partie de la population parisienne en 1871.
Je comprends aussi pourquoi, au lendemain d'un si�ge douloureux et courageux, la population parisienne, a eu un mouvement de col�re et de r�volte, cette exasp�ration trouvant son fondement notamment par une lev�e trop pr�coce du moratoire sur les loyers. Mais ceci �tant dit, rien n'excuse la d�rive sanguinaire qu'ont marqu�e certains �pisodes, notamment dans la derni�re semaine de la Commune de Paris, ex�cutions des otages, dont Monseigneur Darboy, l'Archev�que de Paris, destructions aveugles de nombreux b�timents et richesses historiques. L'intol�rance compl�te de certains responsables de la Commune, l'approbation du gouvernement de la Commune � couper la France en deux, ont laiss� des traces profondes dans notre Nation, et l'unit� du pays entre la population et son arm�e a d� attendre la premi�re guerre mondiale pour se r�aliser.
La d�chirure entre Paris et la province avait �t� profonde : aussi voudrais-je vous rappeler, Monsieur le Maire, que dans un pass� r�cent, vous avez refus� de donner le nom de Robespierre � une voie de notre ville, ceci dans un esprit d'apaisement, alors m�me, que le deuxi�me centenaire de 1793 �tait c�l�br�.
Je suis totalement en faveur d'une politique de m�moire apais�e et partag�e. La Commune est un �v�nement majeur de l'histoire de notre ville, mais c'est aussi le souvenir de combats fratricides, et en cela, c'est aussi une page noire de notre histoire.
Aussi, je voudrais que cette place de la Butte-aux-Cailles, un des derniers lieux de r�sistance des f�d�r�s soit baptis�e "A la M�moire des victimes des combats de la Commune". C�l�brant ainsi la m�moire de tous ceux qui, victimes innocentes ou engag�es, ont perdu la vie dans ces �v�nements.
Je crois qu'en modifiant ainsi cette appellation de voirie nous servirons l'unit� de nos concitoyens. La Commune deviendrait symbole d'union, et non de d�sunion. Voici quel est mon r�ve.
J'ajouterai enfin que je parle ici sans passion, ni int�r�t personnel car je suis peut-�tre le seul dans notre Assembl�e � descendre directement de Parisiens, mes arri�re grands-parents qui sont partis en exil � l'�tranger apr�s la victoire des Versaillais et la prise de pouvoir de M. Thiers. Comme beaucoup, je descends aussi d'un conscrit mobilis� dans l'arm�e des Versaillais. Aussi si ce projet concernant la place du 13e arrondissement n'�tait pas amend� dans le sens que je vous propose, je serais contraint � mon grand regret de voter contre. Monsieur le Maire, mes chers coll�gues. Je vous remercie.
M. G�rard LEBAN, adjoint, pr�sident. - Merci.
La parole est � M. BORDET.
M. Xavier-Marie BORDET. - Monsieur le Maire, chers coll�gues, l'histoire, M. MALBERG le sait, est toujours lue au regard du pr�sent, donc je voudrais revenir un petit peu sur la fa�on dont on a pu lire l'histoire de la Commune particuli�rement du c�t� marxiste depuis plus de cent ans. Les premi�res lectures qui en �taient faites, les plus politiques et celles qui ont �t� appliqu�es ensuite, l'ont �t� particuli�rement par le courant l�niniste qui en a bien compris tous les enseignements. Et c'est fort de ces enseignements que L�nine a pu prendre le pouvoir, le garder en Russie et on sait ce que cela a donn�.
Ce n'est pas effectivement dans les valeurs de la tol�rance, du respect des diff�rentes positions, y compris dans la fa�on de faire l'histoire et de l'histoire de la commune qu'on a pu trouver des exemples dans ce domaine.
Les diff�rents courants du Socialisme, pas celui de M. STRAUSS-KAHN, mais des socialistes de l'�poque, des diff�rents mouvements anarchistes, ont �t� lamin�s, aussi bien dans l'histoire de la Commune que dans son application l�niniste.
C'est ainsi que le drapeau de la Commune s'est trouv� � Moscou, qu'il a fallu, lorsqu'il �tait Ministre de la Culture, pour rendre service aux Amis de la Commune, toute la patience et l'�nergie du Maire du 13e pour tenter de le r�cup�rer.
Donc je crois qu'effectivement la Commune doit nous inspirer beaucoup de tol�rance, parce que c'�tait un mouvement qui �tait tr�s vari�, tr�s divers, qui repr�sentait effectivement beaucoup de mouvements id�ologiques populaires, et pas seulement ceux qui ont pu triompher au d�but du XXe si�cle.
Je crois que c'est un grand moment dans l'histoire mondiale, parce qu'effectivement c'est quelque chose qui a �t� �tudi�, qui a servi � beaucoup de peuples pour trouver la voie de la libert�. C'est en tout cas un moment fort dans l'histoire de notre commune, dans l'histoire de notre ville, dans l'histoire de notre pays, et je crois que Paris en supporte encore les cons�quences, elle n'est pas trait�e comme les autres, au regard du droit et c'est une fa�on pour nous d'avancer dans ce sens que de baptiser aujourd'hui cette place. Paris doit retrouver la confiance de l'ensemble de la Nation et �tre trait�e comme une commune comme une autre.
Le Conseil d'arrondissement du 13e a vot� cette d�lib�ration � une immense majorit�, toutes tendances confondues.
Les Amis de la Commune sont tr�s actifs dans le 13e arrondissement, son tr�sorier, qui en �tait une cheville ouvri�re, nous a quitt�s il y a quelques mois.
Les Amis de la Commune sont tr�s actifs dans cet arrondissement et je pense que c'est une bonne chose pour Paris, pour tout le monde, pour tous les mouvements, toutes les id�ologies, que cette place soit inaugur�e.
Voil�, Monsieur le Maire, ce que je voulais dire au nom des �lus du 13e.
M. G�rard LEBAN, adjoint, pr�sident. - Merci.
Je donne la parole � M. BULT� pour r�pondre.
M. Michel BULT�, adjoint, au nom de la 6e Commission - Merci, Monsieur le Maire.
Il est propos� de comm�morer la Commune de Paris, r�volte de la capitale de 1871, en attribuant ce nom � une place situ�e dans le 13e arrondissement de Paris.
La Commune de Paris est � la fois un refus patriotique de la d�faite contre la Prusse, une explosion sociale et un mouvement d'orgueil contre les Versaillais. La r�volution couve depuis des mois, elle �clate le 18 mars 1871. Le 26 mars, des �lections municipales installent � l'H�tel-de-Ville un Conseil Communal dont l'action, entrav�e par les divisions id�ologiques, se limite � quelques mesures sociales.
Le 21 mai, les Versaillais entrent dans Paris. Une r�pression f�roce s'engage. Le bilan est lourd, tr�s lourd : environ 25.000 morts pour majorit� dans le rang des Communards et de nombreux incendies dont l'H�tel-deVille.
Je ne ferai pas plus longtemps l'histoire de la Commune et apr�s avoir entendu l'ensemble des orateurs, je propose d'attribuer la d�nomination suivante : place de la Commune de Paris, place situ�e au carrefour des rues de la Butte aux Cailles, Buot et de l'Esp�rance dans le 13e arrondissement, o� certains historiens reconnaissent effectivement qu'� cet endroit-l�, ont eu lieu les derniers combats de la Commune.
M. G�rard LEBAN, adjoint, pr�sident. - Merci. Je mets aux voix, � main lev�e, le projet de d�lib�ration DAUC 142.
Qui est pour ?
Contre ?
Abstentions ?
Le projet de d�lib�ration est adopt�. (1999, DAUC 142).

Juillet 1999
Débat
Conseil municipal
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