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18 - VIII - Question d'actualité de M. Claude GOASGUEN, au nom du groupe "Démocratie libérale et Indépendants" à M. le Préfet de police relative à la prostitution


M. LE MAIRE DE PARIS. - Nous prenons la derni�re question d'actualit�, celle de Claude GOASGUEN.
M. Claude GOASGUEN. - Ma question s'adresse � M. le Pr�fet de police et porte sur un des aspects de la prostitution � Paris depuis un certain nombre d'ann�es.
Un aspect les plus d�sagr�ables de ce ph�nom�ne, outre l'aspect quantitatif, est celui du d�veloppement de la prostitution devant les �difices scolaires ou devant les lieux de culte. Nous savons parfaitement que le probl�me de la prostitution ne se limite pas � ce seul aspect et qu'il s'agit d'un probl�me plus ample et plus difficile � traiter. En particulier, je voudrais dire au Pr�fet de police, qu'en aucune mani�re, nos reproches ne portent sur l'effectivit� des contr�les de la police � ce sujet, mais sur la l�gislation telle qu'elle existe ; l�gislation tr�s insuffisante puisque la prostitution n'est pas, en droit fran�ais, consid�r�e comme un d�lit.
J'ai d'ailleurs, de ce point de vue, propos� � plusieurs reprises au Ministre de l'Int�rieur, M. VAILLANT, de modifier le Code en donnant un caract�re d�lictuel au racolage actif.
Je sais aussi que le probl�me de la prostitution est un probl�me li� � l'immigration, notamment dans les pays de l'Est ; la r�cente rencontre de S�ville a abord� ce sujet qui est pr�occupant et qui n�cessite la collaboration des polices europ�ennes.
Je sais enfin qu'il y a beaucoup d'associations qui souhaitent pratiquer l'insertion des prostitu�s ; je me suis toujours trouv� du c�t� de ceux qui veulent subventionner ces associations qui font un travail consid�rable.
Cela �tant, Monsieur le Pr�fet, vous avez dans vos moyens les pouvoirs et le devoir de g�rer cette situation qui n'est pas une situation de lutte contre la prostitution, mais en v�rit� de protection de l'enfance. Je vous demande donc d'appliquer un certain nombre de principes.
Le premier, � 200 m�tres des locaux scolaires, dans une p�riode d�termin�e, pour respecter la jurisprudence du Conseil d'Etat, nous puissions avoir la possibilit� d'interdire la prostitution et de le faire aussi si les autorit�s du culte le demandent autour des lieux de culte de la Capitale.
Vous pouvez parfaitement le faire et ce sont vos moyens municipaux de police municipale qui le peuvent. D'ailleurs, je rappelle que les consid�rants qui sont dans la question sont les consid�rants repris par le Maire de Strasbourg, le Maire d'Orl�ans et d'autres Maires de France qui ont l'intention de r�guler cette mesure qui, je le rappelle parce qu'on a tendance � faire de l'amalgame, n'est pas une mesure destin�e � lutter contre la prostitution, mais une mesure destin�e � prot�ger les lieux scolaires de l'exercice de la prostitution.
Je voudrais donc vous dire...
Je n'ai pas bien entendu celui que me traite de d�magogue...
M. LE MAIRE DE PARIS. - Je vous ai demand� de vous...
M. Claude GOASGUEN. - Il y a des petits malins qui adorent parler dans l'incognito...
M. LE MAIRE DE PARIS. - ... Vous vous taisez, vous �coutez vos coll�gues, que cela vous plaise ou pas, vous �coutez en silence ! Vous croyez que je n'�coute pas en silence tout le monde ?
M. Claude GOASGUEN. - Vous avez raison de le faire, c'est votre devoir.
Donc je souhaite que soit prise dans les plus brefs d�lais cette mesure qui s'est impos�e dans d'autres communes. La situation ne saurait par ailleurs justifier l'inaction des pouvoirs publics qui ont le pouvoir et le devoir d'agir.
Le Conseil de Paris qui ne doit pas se limiter � exercer son pouvoir de r�flexion dans le cadre de commissions, entend passer � l'action d�s la rentr�e scolaire prochaine sur ce sujet, pr�occupant pour un certain nombre de nos quartiers.
M. LE MAIRE DE PARIS. - Monsieur GOASGUEN, je vous ai laiss� du temps, M. le Pr�fet de police va vous r�pondre et Mme HIDALGO vous donnera le sentiment de l'Ex�cutif.
M. LE PR�FET DE POLICE. - Il convient tout d'abord, Monsieur le Conseiller, de rappeler que la prostitution de voie publique n'est pas, en France, une activit� ill�gale et en l'�tat actuel du droit, les forces de police ne peuvent donc r�primer comme tel ce ph�nom�ne, faute de base p�nale.
Seules, certaines infractions qui d�coulent de cette activit� sont r�pr�hensibles, je citerai l'exhibition sexuelle et le racolage.
S'agissant du racolage, celui-ci est entendu de mani�re restrictive par la jurisprudence ; ainsi, le seul fait de s'adresser � des passants ou � des automobilistes dans une tenue vestimentaire dite provocante ne suffit pas � constituer l'infraction.
En cons�quence, les services de police, avec les instruments juridiques dont ils disposent, s'efforcent de contenir les d�bordements sur la voie publique. La difficult� � r�unir les �l�ments pr�cit�s explique le nombre que j'estime trop limit� de proc�dures engag�es. C'est ainsi que, depuis le d�but de l'ann�e, 73 contraventions pour racolage actif, 192 proc�dures pour exhibition sexuelle ont pu �tre diligent�es depuis le d�but de l'ann�e malgr� des contr�les extr�mement fr�quents.
De m�me j'ai demand� aux services de police de relever les infractions au Code de la route qui g�n�rent ce ph�nom�ne. Ainsi 538 proc�s-verbaux pour infraction au stationnement, 154 proc�s-verbaux pour d�faut d'�quipement ont �t� dress�s depuis le d�but de l'ann�e et 304 camionnettes ont �t� enlev�es sur le boulevard des Mar�chaux et dans le bois de Vincennes et 230 automobilistes ont �t� verbalis�s pour infraction au Code de la route dans ce cadre. Enfin, des services de police op�rent de nombreux contr�les de la situation administrative des prostitu�es �trang�res qui sont devenues les plus nombreuses et d�f�rent celles qui sont en situation irr�guli�re.
J'ai demand� aux services de police d'intensifier leur action, tout particuli�rement contre deux formes de d�lit clairement punissables.
Il s'agit en premier lieu de la lutte contre le prox�n�tisme et je puis vous indiquer que la Brigade de r�pression du prox�n�tisme a interpell�, depuis cette ann�e, 46 prox�n�tes qui ont �t� d�f�r�s � la justice.
En second lieu, il s'agit de la lutte contre la prostitution des mineurs pour assurer leur protection. Tr�s r�cemment, la semaine derni�re, un adulte majeur a �t� pris en flagrant d�lit de prostitution avec un mineur �tranger ; il s'agissait d'un ing�nieur, il a �t� interpell�, il est �crou�.
Nous allons intensifier cette lutte syst�matique contre les clients majeurs qui s'en prennent � des mineurs.
J'indique �galement que s'agissant des mineurs, ils sont syst�matiquement interpell�s - pas interpell�s, il ne s'agit pas de d�lit - ils sont syst�matiquement pris en charge par les services de police et conduits � la Brigade des mineurs et avec le juge des enfants, des solutions adapt�es sont recherch�es au cas par cas, g�n�ralement dans le cadre de placements familiaux.
L'�viction d'une mesure d'interdiction du racolage passif, dans certains lieux de la Capitale, soul�ve un certain nombre de questions juridiques que je fais �tudier par mes services. En tout �tat de cause, et selon la jurisprudence, une telle mesure d'interdiction ne peut �tre ni g�n�rale ni absolue. La protection des mineurs, � proximit� des �tablissements scolaires, semble pouvoir justifier une telle interdiction, � condition d'en fixer la dur�e et d'en d�limiter l'espace d'application avec la cr�ation de p�rim�tres.
En revanche, je pr�cise que je n'ai �t� saisi d'aucune demande de la part des autorit�s religieuses tendant � interdire ce type d'activit�s � proximit� des lieux de culte.
(Rires).
En tout �tat de cause, il convient de s'interroger sur l'efficacit� d'une telle interdiction dans la mesure o� le montant des contraventions pour non-respect d'un arr�t� pr�fectoral ou municipal se r�v�le peu dissuasif. C'est pourquoi j'ai saisi, pour expertise et validation juridique, les services du Minist�re de l'Int�rieur.
Je puis vous assurer, et c'est une indication que m'a demand� de vous r�pondre le Ministre de l'Int�rieur, qu'il entend proposer, tr�s prochainement, toute une s�rie de mesures au niveau national qui permettront de lutter plus efficacement contre ce ph�nom�ne de prostitution.
M. LE MAIRE DE PARIS. - Franchement, je ne comprends pas les ricanements.
Je remercie beaucoup M. le Pr�fet de police de cette r�ponse tr�s int�ressante. Je pr�cise de nouveau � l'Assembl�e qu'il y a plusieurs mois de cela j'avais demand� � la premi�re adjointe de conduire une mission sur ce sujet. Je souhaite donc qu'elle nous donne aussi rapidement son sentiment.
Mme Anne HIDALGO, premi�re adjointe. - Merci, Monsieur le Maire.
Mes chers coll�gues, dans le prolongement de ce qui vient d'�tre dit par M. le Pr�fet de police, je souhaite rappeler que la prostitution est un ph�nom�ne grave, dont les victimes sont d'abord les personnes prostitu�es.
Les formes de prostitution �voluent rapidement et sont aujourd'hui tr�s complexes. Elles sont li�es � des r�seaux de trafic d'�tres humains, � des maffias locales, des r�seaux internationaux de trafic d'armes, et de drogues. Vouloir prot�ger les enfants des �coles parisiennes, c'est un objectif partag� sur tous les bancs de cette Assembl�e, et nous demandons donc � la Pr�fecture de police de veiller � une stricte application de la loi en mati�re de racolage.
Pour autant, la proposition de votre groupe, Monsieur GOASGUEN, constitue un leurre puisqu'elle ne s'attache � consid�rer qu'un aspect limit� du probl�me. Sa logique est � la fois inappropri�e et inefficace, inappropri�e parce qu'elle conduit � criminaliser des personnes prostitu�es alors que la prostitution est avant tout une violence faite aux femmes. Je vous rappelle qu'� Paris 70 % des prostitu�es sont des femmes. Elle est inappropri�e parce qu'elle n'est repr�sent�e que comme une question d'ordre sur la voie publique, alors qu'il s'agit aussi d'esclavage, de sant� publique et d'exclusion sociale.
C'est une mesure inefficace, car elle conduit � d�placer le ph�nom�ne. C'est notamment l'avis de nos coll�gues de Strasbourg, d'Aix-en-Provence ou d'Orl�ans. Ces op�rations d'interdiction ne r�glent pas la question de fond qui consiste � pr�venir ce risque de prostitution aupr�s des personnes en grande fragilit� et aussi, j'y insiste comme le Pr�fet l'a fait, aupr�s des clients potentiels.
Loin de toute d�magogie, l'Ex�cutif municipal, comme l'a rappel� le Maire, a commenc� un travail de fond auquel sont associ�s tous les repr�sentants de tous les groupes politiques du Conseil de Paris. Les repr�sentants de quatre minist�res, ainsi que les repr�sentants parisiens des services de l'Etat concern�s.
Le premier objectif de ce groupe de travail est d'am�liorer le partenariat avec l'Etat, comp�tent en mati�re de lutte contre le prox�n�tisme.
Je vous rappelle que la prostitution n'est pas interdite en France et que, n�anmoins, la Municipalit� peut agir face � cette situation trop souvent dramatique.
Le 10 avril, avec Christophe CARESCHE, nous avons r�uni un Comit� de pilotage avec tous les membres que j'ai cit�s, et nous allons auditionner, dans les semaines qui viennent, et ce durant plus de six mois, tous les maires d'arrondissement parisiens qui le souhaiteront, ainsi que plusieurs maires de communes limitrophes.
Ce groupe auditionnera aussi des personnes prostitu�es, des m�decins, des magistrats, des policiers et des associations. Ces auditions permettront d'�tablir un diagnostic pr�cis et d�taill� de la prostitution � Paris. Elles �claireront une enqu�te de terrain que l'Observatoire de l'�galit� lance d�s le mois de juillet 2002 et ce durant six mois afin de toucher les personnes prostitu�es et les clients trop souvent oubli�s comme les principaux responsables dans cette situation.
La Municipalit� parisienne a le courage d'affirmer que faire reculer la prostitution c'est aussi lever le tabou des clients. Ce sont eux qui g�n�rent un march� d'�tres humains. L'indulgence consensuelle dont ils b�n�ficient n'est plus acceptable.
Nous voulons aussi aider les personnes prostitu�es adultes � se r�ins�rer. Nous renfor�ons le soutien aux associations qui aident les prostitu�es comme le "Bus des femmes" et "L'amicale du nid", cela fait l'objet d'un consensus sur ces bancs. Nous cr�ons des lieux d'accueil, d'accompagnement et d'h�bergement pour les personnes prostitu�es et les jeunes hommes errants. Mais lutter contre la prostitution c'est lutter contre les trafics d'�tres humains en renfor�ant les moyens de l'Office central pour la r�pression des trafics d'�tres humains.
Vingt agents sont insuffisants pour lutter contre ces trafics. C'est � l'Etat de pr�voir les moyens qu'il convient. Lutter contre la prostitution c'est aussi aider les collectivit�s � financer l'ouverture de centres d'h�bergement pour personnes prostitu�es. Paris a d'ailleurs deux projets. Lutter contre la prostitution, c'est aussi pr�venir par des campagnes d'information, de sensibilisation dans les �tablissements scolaires. La Municipalit� veille � assumer pleinement ses responsabilit�s dans la mesure des comp�tences qui sont les siennes. Il appartient �videmment � chacun d'agir concr�tement selon le m�me �tat d'esprit.
Je vous remercie.
(Applaudissements sur les bancs de la majorit� municipale).
M. LE MAIRE DE PARIS. - Intervention utile et qui m'am�ne � confirmer l'engagement total de l'�quipe municipale, et mes encouragements � la premi�re adjointe et aux autres adjoints concern�s pour travailler en totale symbiose et avec un souci du r�sultat avec tous les services de l'Etat, avec le Pr�fet de police. Je souhaite que ce soit le cas avec tous ceux, services de l'Etat, associations, riverains, qui nous permettront d'avoir des r�sultats concrets au-del� de tous les mots que nous pouvons prononcer.

Juin 2002
Débat
Conseil municipal
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