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33 - 1999, DAC 22 - Subvention à l'association " Art, culture et foi " (8e). - Montant : 100.000 F


M. Pierre GABORIAU, adjoint, pr�sident. - Nous passons au projet de d�lib�ration DAC 22 : subvention � l'association " Art, culture et foi ", pour un montant de 100.000 F.
La parole est � M. BRAVO.
M. Jacques BRAVO. - Monsieur le Maire, je dois faire remarquer pour la troisi�me ann�e cons�cutive les circonstances particuli�res dans lesquelles la Ville envisage de subventionner cette association. Je ne me prononce pas sur le fond de ses activit�s mais je remarque que nous ne disposons pas d'un budget pr�visionnel pour 1999. Les pr�visions sont celles pour 1998 alors que nous sommes en f�vrier 1999.
Mais surtout, c'est une association qui d�clare elle-m�me disposer de 1,8 million de r�serves plac�es en valeurs mobili�res ou sous formes de liquidit�, alors que ses d�penses annuelles sont de 910.000 F.
En clair, cela veut dire que cette association dispose de deux ans d'exploitation d'avance, si je sais bien lire les indications que vous fournissez.
La question que je vous repose est la suivante : alors que la Ville a des difficult�s pour subventionner autant qu'elle le voudrait toutes les associations demanderesses, pourquoi verser des subventions, m�me pour 100.000 F, � une association qui a une telle r�serve financi�re ?
Nous sommes en d�saccord sur ce versement car il y a d'autres priorit�s que de verser 100.000 F � une association qui dispose de deux ans d'avance d'exploitation !
M. Pierre GABORIAU, adjoint, pr�sident. - La parole est � Mme SILHOUETTE.
Mme C�cile SILHOUETTE. - Merci.
Je serai un peu plus longue que mon coll�gue Jacques BRAVO.
En effet, la lecture de l'expos� des motifs du projet de d�lib�ration et des statuts de l'association nous am�ne � la conclusion que l'association " Art, culture et foi " n'est qu'un simple d�membrement de l'Archev�ch� de Paris : l'adresse est la m�me que celle de l'Archev�ch� (8, rue de la Ville-l'Ev�que), la " semaine chr�tienne du cin�ma " que vous pr�sentez comme une cr�ation de l'association est propos�e dans l'agenda de l'Archev�ch� comme une activit� de l'Archev�ch�. Surtout la lecture de la plupart des articles des statuts ne laisse aucun doute sur l'emprise de l'Archev�que.
Selon l'article 3, " L'association agit selon l'esprit et les directives du concile Vatican II en observant les ordonnances de l'archev�que de Paris ".
L'article 5 est �galement int�ressant : " Dans tous les cas, l'association entreprend et organise ses actions dans le strict respect des droits et pouvoir des responsables canoniques d�sign�s par l'Archev�que de Paris en communion avec Rome.
En outre, l'accord de l'autorit� dioc�saine comp�tente d�sign�e par l'Archev�que de Paris et ayant responsabilit� dans ces domaines relevant de l'action de l'association devra �tre acquis avant tout engagement, tant sur le plan dioc�sain que sur le plan local ".
L'association est de plus membre de la Fondation Notre-Dame, �galement sise 8, rue de l'Ev�que, �manation directe de l'Archev�ch�, celle-ci chapeaute en outre les associations dioc�saines de Paris, " Charitable Sainte-Clotilde ", " Paris Notre-Dame ".
A noter, ce n'est pas anodin, que ses membres fondateurs sont des personnalit�s prestigieuses et influentes du monde politique et de la finance. Autre caract�ristique que l'on retrouve dans la composition des bureaux et des Conseils d'administration de ces diff�rentes associations. Ainsi " Art, culture et foi " peut s'enorgueillir d'avoir parmi les membres de son bureau l'ancien pr�sident de l'Association d'entraide de la noblesse fran�aise !
Tout cela revient au fond � poser deux questions � propos de cette subvention.
Premi�rement, la Ville de Paris peut-elle subventionner l'Archev�ch� de Paris ?
Deuxi�mement, doit-elle le faire ?
Peut-elle le faire ?
Elle le fait avec efficacit� et un certain sens de la d�mesure depuis de nombreuses ann�es en subventionnant tout un tas d'associations qui gravitent autour de l'Archev�ch� pour former une v�ritable n�buleuse intervenant dans tous les secteurs : les Tr�sors de Paris, la Dioc�saine de Paris, Musique sacr�e Notre-Dame, la Colline aux enfants, l'Institut catholique, l'Atelier monastique de J�rusalem et j'en passe. Cela a �t� rendu possible � la faveur d'une opposition molle au Conseil de Paris pendant des ann�es mais aussi gr�ce � l'opacit� dans l'attribution des subventions que nous n'avons cess� de d�noncer depuis notre �lection en 1995.
Surtout, la plupart de ces associations font " double jeu " : affichant un but culturel ou social, elles participent au pros�lytisme religieux.
" Art, culture ou foi " ? La r�ponse est moins dans les buts affich�s de cette association que dans l'organisation de son fonctionnement et la composition de son bureau qui fait appara�tre son imbrication tr�s forte avec les r�seaux de l'Archev�ch�.
En r�alit�, nous avons affaire � une association para-cultuelle qui, ind�niablement, peut pr�senter un caract�re culturel mais qui tout aussi ind�niablement entretient un lien fort avec le culte catholique. Les deux aspects sont indissociablement li�s. Cette confusion est d'ailleurs recherch�e. Subventionner l'un, c'est subventionner l'autre.
De ce point de vue, nous consid�rons qu'il est port� atteinte au principe de la�cit�. En tant qu'�lu, il ne nous appartient pas de dire le droit mais davantage de nous prononcer sur la l�gitimit� de telle ou telle d�cision. Ceci nous am�ne � la deuxi�me question.
La Ville doit-elle subventionner ce type d'association ?
" La France est une R�publique (...) la�que. " Paris appartient-elle � la France ? R�guli�rement, la Ville de Paris par ses subventions accord�es � des associations appendices de l'Eglise catholique, cherche � contourner l'esprit de la loi de s�paration de l'Eglise et de l'Etat, et met � mal son fragile �quilibre.
Inscrite d'abord dans la constitution de 1946, puis dans celle de 1958, la la�cit�, ce n'est pas seulement un syst�me qui exclut les �glises de l'exercice du pouvoir politique et administratif, c'est aussi un mode de fonctionnement ind�pendant des conceptions religieuses et partisanes, garant de la d�mocratie.
La neutralit� � Paris n'est pas respect�e ; la partialit� une fois de plus est av�r�e : d'autres confessions aujourd'hui et demain, pourront consid�rer qu'elles sont l�s�es.
Outre la libert� de conscience et d'opinion qu'elle permet, la loi de 1905 a le grand m�rite de bannir tout r�gime de faveur.
En r�sum�, d'apr�s nos informations la Ville de Paris irrigue de ces subventions une grande partie du r�seau des associations catholiques mises en place par l'Archev�ch� ; ce faisant elle contrevient au principe de la�cit�. Sans nous placer sur un plan juridique, il nous semble que la l�gitimit� de l'�troitesse des liens qui unit la Ville de Paris � l'Archev�ch� par l'interm�diaire de ces nombreuses subventions m�rite d'�tre s�rieusement d�battue par notre Assembl�e. Nous demandons qu'un d�bat s'engage sur cette question. Pour notre part, nous consid�rons que cette d�rive constat�e au niveau des associations cultuelles ou para-cultuelles rejoint d'autres d�rapages dans l'attribution d'autres subventions. Certaines voix se sont �lev�es ces derniers temps, bien tardivement pour fustiger le gaspillage de l'argent public. Bizarrement, on ne les entend pas sur certains dossiers. Or, le probl�me est moins le gaspillage que la partialit� des subventions attribu�es.
Seule une gestion " la�que " des attributions de subventions, c'est-�-dire " ind�pendante des conceptions religieuses et partisanes " peut rel�gitimer l'action publique de la Municipalit� parisienne en mati�re de subventions. Pour ce faire, un contr�le et une information accrues des �lus est indispensable, nous ferons de nouvelles propositions allant dans ce sens car le syst�me n'est toujours pas satisfaisant.
M. Pierre GABORIAU, adjoint, pr�sident. - Vous pouvez conclure, cela fait cinq minutes trente que vous intervenez ?
Mme C�cile SILHOUETTE. - En l'absence de ces garanties, nous appelons � voter contre toute subvention � un organisme trop directement contr�l� par une institution religieuse et nous sugg�rons � l'avenir � l'Archev�ch� de Paris de demander directement une subvention � la Ville ; cela aurait le m�rite d'apporter un peu de cette v�rit� qui revient si souvent � la bouche des hommes d'�glises.
Je vous remercie.
M. Pierre GABORIAU, adjoint, pr�sident. - Je donne la parole � Mme MAC� de L�PINAY.
Mme H�l�ne MAC� de L�PINAY, adjoint, au nom de la 4e Commission. - Merci, Monsieur le Maire.
Je dois dire qu'� chaque fois que le Conseil de Paris est amen� � se prononcer sur une proposition de subvention � cette association, les m�mes rengaines r�apparaissent.
D'abord, je voudrais dire qu'effectivement l'association " Art, culture et foi " a son si�ge rue de la Ville-de-l'Ev�que, mais je maintiens que ce n'est en aucun cas une association cultuelle ; la mission de cette association est de promouvoir des activit�s culturelles et artistiques dans une optique chr�tienne, mais il ne s'agit pas de pros�lytisme, il s'agit d'offrir � tous les Parisiens qui le veulent, sans aucune s�lection, qu'ils soient catholiques, ou non , des activit�s culturelles.
(Applaudissements sur les bancs des groupes " Rassemblement pour Paris " et " Paris-Libert�s ").
Je voudrais d'ailleurs remarquer qu'en cette p�riode o� dans les �coles on apprend peu de ce qu'on appelait autrefois l'histoire sainte, c'est-�-dire les textes de la Bible, on fabrique des g�n�rations d'enfants qui se prom�nent dans un mus�e et n'ont aucune id�e du sujet des tableaux, ce qui est quand m�me tr�s ennuyeux.
L'association " Art, culture et foi " fait comme elle peut, avec des personnes extr�mement comp�tentes, anciens inspecteurs g�n�raux des Monuments historiques, historiens de l'art, membres du C.N.R.S., etc., et propose des conf�rences � la Sorbonne ou dans d'autres lieux qui ont un but culturel, et je r�p�te " culturel ", parce qu'il est n�cessaire pour comprendre ce qui nous entoure de conna�tre un certain nombre de rudiments qui ont effectivement trait � la religion.
D'autre part, vous l'avez dit, l'association organise des concerts dans les �glises qui sont ouverts � tout le monde, des concerts de midi, qui interpr�tent des ?uvres de Bach, de Vivaldi, de Schubert, de Gounot, de Monteverdi ou n'importe qui, il n'y a pas de s�lection ; � la Trinit� le jeudi � l'heure du d�jeuner on peut aussi aller �couter de l'orgue ou du chant ou des quatuors � cordes gr�ce � l'association. Vous ne pouvez pas dire qu'elle a un but cultuel.
Quant � M. BRAVO, il dit " la troisi�me ann�e cons�cutive ", Monsieur BRAVO, nous n'avons pas vot� de subvention pour " Art, culture et foi " l'ann�e derni�re, c'est d'ailleurs pour cela que vous n'avez pas les comptes que vous r�clamez, c'est un projet 1998 qui passe maintenant. Et donc vous ne pourrez plus dire l'ann�e prochaine qu'il y a deux ans de fonctionnement de l'association, puisque nous avons saut� une ann�e dans l'attribution de la subvention.
M. Jacques BRAVO. - Pourquoi verser 100.000 F ?
M. Pierre GABORIAU, adjoint, pr�sident. - Vous n'avez pas la parole !
Mme H�l�ne MAC� de L�PINAY, adjoint, rapporteur. - Il est quelquefois utile � des associations d'avoir un volant de s�curit�.
M. Jacques BRAVO. - J'ai les comptes � votre disposition, Madame.
M. Pierre GABORIAU, adjoint, pr�sident. - Merci, cher coll�gue.
Une explication de vote de mon coll�gue Jean-Pierre PIERRE-BLOCH.
M. Jean-Pierre PIERRE-BLOCH, adjoint. - Je suis tr�s surpris, mais en r�alit� pas surpris par la r�action de Mme SILHOUETTE. Ce qui touche les �glises et les synagogues semble lui donner de l'urticaire.
Nous sommes une R�publique la�que mais il y a des religions juives et catholiques et musulmanes qui ont le droit de s'exprimer, de pratiquer, c'est notre devoir de les aider.
M. Pierre GABORIAU, adjoint, pr�sident. - Je mets aux voix, � main lev�e, le projet de d�lib�ration DAC 22.
Qui est pour ?
Qui est contre ?
Qui s'abstient ?
Le projet de d�lib�ration est adopt�. (1999, DAC 22).

Février 1999
Débat
Conseil municipal
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