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46 - 2003, DAC 98 - Apposition d'une plaque commémorative en hommage à Brahim Bouarram, Pont du Carrousel (1er)


M. LE MAIRE DE PARIS. - Justement, nous abordons un autre sujet beaucoup plus grave, je parle du projet de d�lib�ration DAC 98. J'ai souhait�, mes chers coll�gues, faire apposer une plaque comm�morative en hommage � Brahim Bouarram, au pont du Carrousel.
Pourquoi est-ce que j'ai souhait� cela ? Cette id�e m'est venue le 1er mai 2002. C'�tait un 1er mai particulier. Et comme d'autres ann�es je me suis rendu avec des associations sur ce pont pour comm�morer, pour penser � ce jeune marocain qui avait �t� jet� � la Seine par des nazillons qui sans doute rejoignaient, non, qui certainement rejoignaient une manifestation du Front national.
Ces nazillons avaient rencontr� ce jeune marocain, l'avaient jet� � la Seine et il en �tait mort. Le 1er mai 2002, qui �tait, comme vous le savez, tr�s particulier, j'ai pens� que finalement Paris s'honorerait � proc�der de la sorte. J'ai vu la compagne de ce jeune marocain, j'ai vu ses amis. Je crois qu'il y avait un de ses parents et je me suis dit que Paris s'honorerait de mettre sur ce pont une plaque de mani�re � ce que l'on n'oublie pas ce que les id�es nazies, les id�es de rejet, peuvent provoquer. Justement la mort, parce qu'on n'a pas la m�me religion, parce qu'on n'a pas les m�mes couleurs ou la m�me origine.
Je vous ai donc propos� cela et je voudrais d'abord vous dire combien je suis heureux que le Conseil du 1er arrondissement ait vot� ce voeu � l'unanimit�.
Maintenant je vais ouvrir le d�bat. Vous �tes un certain nombre � �tre inscrits. Je vous demande quand votre coll�gue aura dit ce que vous voulez dire, de le redire mais plus bri�vement. Je donne et �a tombe tr�s bien, la parole � Kh�dija BOURCART. Elle prend la parole en tant que conseiller et pas adjointe m�me si je sais d'avance que je suis d'accord avec elle.
Mme Kh�dija BOURCART, adjointe. - Monsieur le Maire, chers coll�gues, il �tait parisien, il �tait jeune, il �tait amoureux et il n'avait pas 30 ans. Il avait la vie devant lui. Oui, mais il avait eu deux torts, celui d'�tre basan�, d'�tre un parisien venu d'ailleurs, de l'autre rive de la M�diterran�e. Et puis il aimait fl�ner le long de la Seine.
Il en est mort. Ainsi en ont d�cid� de jeunes racistes qui, apr�s avoir hurl� leur haine dans une manifestation du Front national, sont pass�s � l'acte odieux.
Nous ne sommes pas � l'abri d'autres faits de ce genre tant qu'un parti v�hicule des id�ologies racistes et x�nophobes. Depuis 1995, chaque ann�e, des associations et de nombreux Parisiens honorent la m�moire de Brahim Bouarram et nous rappellent le devoir de vigilance.
Monsieur le Maire, vous avez tenu votre promesse de r�pondre � leur requ�te de marquer physiquement, mat�riellement ce devoir de m�moire par l'application d'une plaque au pont du Carrousel.
Je m'en r�jouis � double titre. D'abord parce qu'elle honore la m�moire de Brahim Bouarram, ensuite parce que la coh�sion de notre pays et de notre Ville passe aussi par la prise en compte de la communaut� de notre histoire parisienne, d'un destin commun � toutes les populations qui composent la mosa�que parisienne dans sa diversit�. Je forme d'ailleurs le voeu que cette inscription dans l'espace public de cette histoire commune se fasse aussi � l'avenir, je l'esp�re pour nous, sous des formes moins dramatiques que des plaques comm�moratives comme celle du 17 octobre 1961 ou celle qui nous pr�occupe aujourd'hui.
J'ajouterai qu'il y a, h�las, une continuit� dans la x�nophobie et le racisme. Avant les ratonnades car l'assassinat de Brahim Bouarram en est une, il y a eu la chasse aux ritals dans les ann�es 30. Je conseille � mes coll�gues de revoir ou de voir le film de Renoir "Tony" qui est extr�mement parlant. Ce film a �t� tourn� avant les ann�es 40. Et puis il y a eu la d�portation des juifs, qui a si douloureusement marqu� notre Capitale.
Or, dans le domaine de la x�nophobie et du racisme, il n'y a jamais de petits faits, il n'y a que des actes abjects qui m�nent � l'horreur.
Le Conseil du 1er arrondissement, que je remercie, l'a bien compris et a vot� � l'unanimit� en faveur de la pose de cette plaque qui est un acte fort de m�moire et d'�ducation civique. Je veux ne pas douter d'un vote identique du Conseil de Paris.
Merci � tous.
(Applaudissements sur tous les bancs de l'Assembl�e).
M. LE MAIRE DE PARIS. - Merci de cette belle intervention.
M. GAREL �tait inscrit. Je suppose que Kh�dija BOURCART a parl� pour lui. Madame AUTAIN, vous avez la parole.
Mme Cl�mentine AUTAIN, adjointe. - Le drame, que cette s�ance nous donne l'occasion de nous rem�morer, fait fr�mir. Les faits sont connus : en marge d'une manifestation organis�e par le Front national, une horde de skinheads a noy� dans la Seine un jeune homme de 29 ans. Qu'avait-il fait ? Il �tait d'une autre origine que la leur. Sans cette funeste rencontre, Brahim Bouarram aurait eu 37 ans cette ann�e. Il y a tout juste un an, la compagne de Brahim Bouarram d�clarait, du pont du Carrousel : "Brahim est mort ici il y a 7 ans. Il avait 29 ans et c'�tait l'homme que j'aimais. Sa mort n'est pas un accident. C'�tait un meurtre et il y en aura d'autres si on ne r�agit pas dans le calme et la r�flexion".
C'est pourquoi, aujourd'hui, dans le calme et la r�flexion, la Ville de Paris souhaite rappeler les valeurs auxquelles notre collectivit� est attach�e : le respect de l'autre, quelles que soient son origine, sa couleur de peau ou sa religion.
L'apposition d'une plaque comm�morative est d'une tr�s grande port�e symbolique et c'est pourquoi le groupe communiste et moi-m�me nous f�licitons de cet acte de m�moire. Les faits remontent � 1995. Or cette m�me ann�e, une enqu�te d'opinion r�alis�e par l'institut CSA pour le compte de la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme r�v�lait une triste r�alit� : 45 % des Fran�ais pouvaient �tre consid�r�s comme racistes, la m�me proportion exactement des personnes sond�es n'h�sitant pas avouer leur antipathie personnelle envers les maghr�bins, 64 % allant m�me jusqu'� d�clarer, je cite : "il y a trop d'arabes dans ce pays".
Des mots et des statistiques qui font froid dans le dos.
Sans conduire � des faits divers aussi tragiques que celui comm�mor� par cette plaque, le racisme rampant se traduit au quotidien par des discriminations et des humiliations � l'encontre de ceux qui, par vagues successives, sont venus enrichir le creuset fran�ais. Rappelons-nous : les Italiens d'abord d�s le XIXe si�cle, les Espagnols et les Polonais dans l'entre-deux guerres, les pieds-noirs � l'heure du grand exode, les Portugais, enfin les migrants d'origine maghr�bine et d'Afrique noire plus r�cemment en ont �t� les cibles prioritaires.
Chaque fois, lorsque s�vit la crise et que s'affirme la concurrence sur le march� du travail, les tendances x�nophobes s'exacerbent. L'�tranger devient ind�sirable, on d�nonce la diff�rence, la pr�tendue incapacit� � s'adapter au milieu ambiant et pourquoi pas "le bruit et l'odeur". Le racisme hi�rarchise l'humanit� sur la base d'une pr�tendue inf�riorit� naturelle biologique. Par exemple, ce Procureur de la R�publique d�non�ant en 1896 l'atavisme meurtrier des Italiens manieurs de couteaux ou ceux qui, il y a 8 ans, noy�rent au fond de la Seine les espoirs d'un homme parce qu'il �tait d'origine maghr�bine.
Le racisme n'est pas une opinion comme une autre. C'est un danger qui menace notre contrat social, nos fondements. Dans un contexte international de tension extr�me, il nous semble opportun de poser des actes de m�moire pour rappeler l'essentiel, au service des g�n�rations futures.
(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).
M. LE MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup.
La parole est � Mme BERTHOUT.
M. Philippe GOUJON, au lieu et place de Mme Florence BERTHOUT. - Mme BERTHOUT n'ayant pas pu nous rejoindre, j'interviendrai � sa place au nom de notre groupe pour �videmment consid�rer que tout acte de racisme comme tout acte de violence ne peut que recueillir le rejet, le m�pris total de l'ensemble des �lus que nous sommes et quels que soient les bancs sur lesquels nous si�geons.
C'est la raison pour laquelle, � l'instar du Conseil du 1er arrondissement, nous approuvons bien �videmment l'apposition de cette plaque comm�morative et nous tenons � r�affirmer notre condamnation la plus ferme d'un tel acte criminel profond�ment m�prisable et ignoble, et tellement contraire aux fondements m�me de notre R�publique.
Je vous remercie.
M. LE MAIRE DE PARIS. - Merci, Monsieur GOUJON.
(Applaudissements sur les bancs du groupe U.M.P.).
Mme MAZETIER a la parole.
Melle Sandrine MAZETIER, adjointe. - Monsieur le Maire, le groupe socialiste souhaite vous remercier de cette initiative. Nous �tions � vos c�t�s, l'an dernier, quand effectivement vous vous �tiez engag� � faire ce geste. Nous �tions � vos c�t�s l'an dernier quand, de l'autre c�t� du Louvre, d�filaient les m�mes, ceux � la tra�ne desquels ces nazillons - comme vous l'avez dit, Monsieur le Maire - ont proc�d� � ce meurtre, � ce crime.
Nous �tions � vos c�t�s comme le M.R.A.P., la Ligue des Droits de l'Homme, l'Association des travailleurs maghr�bins de France, comme chaque ann�e, et la LICRA qui �tait �galement pr�sente.
M. LE MAIRE DE PARIS. - Il faudra corriger parce que son pr�sident d'honneur avait m�me pris la parole l'an dernier sur le pont. Donc, s'il y a une erreur dans le texte, je tiens � ce qu'elle soit corrig�e.
Melle Sandrine MAZETIER, adjointe. - Je souhaitais saluer aussi, non seulement le texte de cette plaque, non seulement l'apposition de cette plaque mais le texte de ce projet de d�lib�ration. Sa sobri�t� lui donne sa force d'�vocation et rappelle les valeurs qui nous r�unissent tous dans cette Assembl�e, qui nous unissent � l'ensemble des Parisiens qui ont �t� frapp�s en 1995, comme l'ensemble des Fran�ais, par cette trag�die, par le d�ferlement brutal de la violence raciste au c?ur de notre ville et par sa traduction imm�diate par la mort.
Alors oui, un peu moins d'un an apr�s cet �pisode, nous sommes heureux, je crois, � l'occasion de cette s�ance, que le Conseil de Paris d�cide unanimement l'apposition de cette plaque et le groupe socialiste s'associe � cet hommage qu'il souhaite unanime.
Merci.
(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et radical de gauche).
M. LE MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup.
La parole est � Mme Liliane CAPELLE.
Mme Liliane CAPELLE. - Merci, Monsieur le Maire.
Le groupe des �lus du M.R.C. soutient, naturellement, votre initiative de faire apposer une plaque � la m�moire de Brahim Bouarram, � l'endroit o� il est mort victime du racisme propag� par l'extr�me droite.
Ce crime reste le symbole de toutes les agressions du m�me type, commises par la minorit� activiste qui cherche � imposer des id�es racistes, contraires � la tradition r�publicaine et que, fort heureusement, l'immense majorit� de nos compatriotes r�prouve et combat.
De la m�me fa�on doivent �tre combattues, aujourd'hui, les tentatives des irresponsables qui attisent le communautarisme et tentent de transposer en France le conflit du Moyen-Orient.
A cet �gard, les �lus du M.R.C. condamnent vigoureusement, ainsi que vous l'avez fait tout � l'heure, Monsieur le Maire, l'agression dont ont �t� victimes, samedi, lors de la manifestation contre l'intervention en Irak, deux militants du mouvement juif la�que et de gauche, frapp�s uniquement parce qu'ils �taient juifs.
Pour combattre le racisme, qui a tu� Brahim Bouarram, et l'antis�mitisme qui se r�veille, il faut faire respecter partout, avec fermet�, le pacte r�publicain et, en premier lieu, la la�cit�.
Je vous remercie.
M. LE MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup.
Il n'y a pas beaucoup de commentaire � faire, sinon vous remercier tous de la hauteur de vue des propos que vous avez tenus, de notre unanimit� et, je veux le redire, � la suite du Conseil du 1er arrondissement, je veux saluer aussi tous ceux qui, � travers des lois ou des propositions de loi, font condamner ou am�nent la soci�t� fran�aise � condamner des propos, des actes racistes, antis�mitiques, homophobes parfois m�me. M. GAYSSOT l'avait fait � une �poque, avec quelque efficacit�.
Je crois que notre coll�gue Pierre LELLOUCHE a fait avancer les choses encore, il y a quelques semaines.
Je crois que, chaque fois que nous sommes engag�s, lucidement, dans le combat contre le racisme, l'antis�mitisme, sans aucune arri�re-pens�e, sans aucune pr�occupation politicienne, nous sommes non seulement civilis�s mais nous sommes aussi, je crois, dignes de ce que Paris a de mieux dans son histoire.
Je mets donc aux voix, � main lev�e, le projet de d�lib�ration DAC 98 concernant l'apposition d'une plaque comm�morative en hommage � Brahim Bouarram.
Qui est pour ?
Qui est contre ?
Qui s'abstient ?
Le projet de d�lib�ration est adopt�. (2003, DAC 98).
Je suis heureux que ce soit adopt�.
(Applaudissements sur tous les bancs de l'Assembl�e).

Mars 2003
Débat
Conseil municipal
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