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2010, III - Question d’actualité posée par le groupe socialiste, radical de gauche et apparentés à M. le Maire de Paris relative à la multiplication des magasins des grandes enseignes sur le territoire parisien.


M. LE MAIRE DE PARIS. - Nous passons � la question d?actualit� pos�e par le groupe socialiste, radical de gauche et apparent�s.

La parole est � Mme Pauline VERON.

Mme Pauline VERON. - Monsieur le Maire, il s?agit d?une question relative � la multiplication des magasins de grandes enseignes sur le territoire parisien.

En effet, la loi de modernisation de l?�conomie, dite loi L.M.E., du 4 ao�t 2008 a relev� le seuil d�clenchant la saisine obligatoire de la commission d�partementale de l?am�nagement commercial, qui est pass� de 300 � 1.000 m�tre carr�s.

Cette disposition prive en cons�quence les �lus locaux qui si�gent dans cette commission de leur pouvoir en mati�re d?urbanisme commercial, notamment dans les quartiers de centre-ville o� les surfaces commerciales exc�dent tr�s rarement les 1.000 m�tres carr�s.

De fait, chacun a pu le constater, le nombre de supermarch�s a tr�s fortement augment� � Paris.

La multiplication de ces implantations pose de nombreux probl�mes et les habitants s?en �meuvent � juste titre.

C?est le cas dans le 9e arrondissement o� une nouvelle implantation d?un supermarch� de l?enseigne Carrefour est pr�vue rue de Rochechouart. Les habitants ont fait �tat de leur vive opposition � ce projet, qui risque de g�n�rer des nuisances importantes dans le quartier pour les riverains, notamment du fait des livraisons.

De plus, cette implantation constitue le quatri�me magasin de l?enseigne Carrefour dans un p�rim�tre de moins de 500 m�tres carr�s dans le secteur. C?est dire la concentration.

Outre qu?elle n?appara�t pas utile, il est clair qu?elle risque de fragiliser encore un peu plus le tissu commercial local, les petits commer�ants ne pouvant r�pondre � la concurrence des grandes enseignes, a fortiori si plusieurs supermarch�s s?installent dans un p�rim�tre aussi restreint.

Enfin, sur cette implantation, la surface de vente d�clar�e est de 999 m�tres carr�s, soit juste en dessous du seuil de saisine de la commission, ce qui laisse suspecter une tentative de contournement d?une loi d�j� tr�s permissive.

Le Maire du 9e arrondissement, Jacques BRAVO, a d?ailleurs d�j� saisi le Pr�fet de cette situation, en vain pour le moment.

La loi L.M.E. ne semble donc positive ni pour le 9e arrondissement ni pour Paris. D?ailleurs, comme l?ont r�v�l� r�cemment tant une �valuation du secr�tariat d?�tat au commerce et � l?artisanat qu?un rapport d?information de l?Assembl�e nationale, cette croissance du nombre de supermarch�s n?a pas contribu� � am�liorer la concurrence, ce qui �tait l?un des objectifs de la loi.

Ses r�sultats sont � l?inverse de ses objectifs. Elle a en effet conduit � renforcer la mainmise des grandes enseignes qui, de fait, se partagent le march� en situation d?oligopole au d�triment des commerces de proximit� et, de ce fait, au d�triment du pouvoir d?achat des consommateurs.

En effet, comment ne pas avoir de doutes quant � la possibilit� de faire jouer la concurrence, puisque celle-ci ne semble pas exister dans les faits ?

Cette situation affecte le 9e arrondissement mais aussi de nombreux autres arrondissements de Paris comme le 10e, le 11e ou le 20e arrondissement par exemple.

En cons�quence, que peut faire la Ville pour rem�dier � ces d�sordres et ne pas subir ces d�rives qui provoquent des dangers �vidents, tant pour le d�veloppement voire la p�rennit� de nos commerces de proximit� que pour le pouvoir d?achat des Parisiens, quelle riposte est envisageable � l?�chelle de Paris ?

Je vous remercie.

M. LE MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup.

La parole est � Mme Lyne COHEN-SOLAL.

Mme Lyne COHEN-SOLAL, adjointe. - Merci, Monsieur le Maire.

Madame, vous soulevez l� un vrai et grave probl�me pour Paris.

La loi L.M.E. que vous avez cit�e avait pour objectif de faire mieux jouer la concurrence afin de voir baisser les prix et de rendre ainsi du pouvoir d?achat aux Fran�ais, nous disait-on. En fait, cette loi conduit, vous l?avez remarqu� vous aussi, dans les faits � des r�sultats exactement inverses.

Il en est malheureusement souvent ainsi de ces normes d�cr�t�es � la va-vite, sans aucune �tude d?impact pr�alable ni comit� de suivi pour en mesurer les effets r�els.

Les initiateurs de ces lois �taient inspir�s par un dogmatisme ultra-lib�ral, au nom duquel la lib�ration des forces du march� de toutes entraves produirait m�caniquement des effets vertueux. Et ils �taient tr�s s�rs d?eux.

Nous, les r�sultats finalement produits ne nous surprennent pas, tant nous avions d�j� depuis longtemps ici et ailleurs tir� la sonnette d?alarme quant � cette libert� donn�e au plus fort sans que rien ne soit pr�vu pour en encadrer les d�bordements et prot�ger les plus fragiles.

Donc, usant des nouveaux charmes du centre-ville et forts de ces libert�s, les grandes enseignes qui restaient jusqu?alors aux portes de nos villes y entrent d�sormais avec leurs m�thodes brutales et sous toutes les dimensions.

Ces faits ont �t� constat�s par d?autres que par nous, par exemple par les revues ?Challenge? et ?Capital?. Elles titrent pour l?une : ?Bataille d?�piciers en centre-ville?, et pour l?autre : ?Carrefour et Casino s?accaparent Paris?. Tout cela, bien entendu aux d�pens des commer�ants et des artisans de proximit� et aux d�pens surtout des consommateurs, car la concurrence se r�duit de plus en plus � un duopole qui co�te cher aux Parisiens.

Selon l?enqu�te de ?Challenge?, ce n?est pas nous qui avons ces chiffres, l?entente ?Casino?-Carrefour? sur plus de 80 % de la surface de Paris place les indices de prix dans la Capitale entre 15 et 25 % au-dessus de la moyenne nationale, ajoutant que la r�forme, dont vous avez parl�, Madame, de la C.D.A.C. - cette instance d?ailleurs appel�e � dispara�tre, je ne sais pas si c?est toujours vrai mais on nous le promettait - ne nous permet plus d?opposer des crit�res de concurrence ou de zones de chalandise, mais nous cantonne dans des arguments d?ordre urbanistique.

Et nous ne sommes saisis que des dossiers qui d�clarent plus de 1.000 m�tres carr�s de surface de ventes. Tous ceux qui d�clarent ouvrir une surface inf�rieure �chappent � la loi et � la vigilance. Quant aux pratiques de ces commer�ants, qu?ils soient franchis�s ou non, elles ne respectent pas souvent les lois sociales, en particulier le dimanche, ni les indispensables pr�cautions de voisinage, comme vous l?avez d�montr�.

Ce bilan est objectivement d�sastreux pour une loi qui pr�tendait soutenir la consommation en disant moderniser l?�conomie. D?o� ma stup�faction d?ailleurs de d�couvrir un v?u pr�sent� par une conseill�re du groupe U.M.P. qui d�nonce l?ouverture de ce groupe ?Carrefour?, dans le magasin dont vous parlez, Madame V�RON.

L?U.M.P. d�plore ainsi les effets d?une loi dont elle a unanimement approuv� le principe. Je lui laisse le soin de g�rer, plus qu?un paradoxe, une contradiction insurmontable et un peu plus tard, dans la s�ance, nous r�pondrons � ce v?u d?un ?pompier pyromane?.

Face � ce constat, nous avons multipli�, dans la limite de nos moyens, et souvent un peu seuls les outils de soutien � la diversit� commerciale dans notre ville. Je vous rappelle tr�s rapidement le P.L.U., la S.E.M.A.-EST, le refus de la g�n�ralisation des ouvertures dominicales, les diverses aides aux artisans alimentaires.

Nous allons bien entendu continuer et, en outre, demander � la Pr�fecture de Paris de prendre ses responsabilit�s, d?exercer son pouvoir de contr�le en donnant mission � ses services, s?il lui en reste, de s?assurer, d�s qu?il y a doute, de la r�alit� des surfaces de ventes d�clar�es inf�rieures � 1.000 m�tres carr�s.

D?autre part, Monsieur le Maire, nous r�fl�chissons actuellement � l?�ventualit� d?une saisine de l?Autorit� de la Concurrence, afin de v�rifier les conditions dans lesquelles s?exerce cette concurrence dans la Capitale.

Car nous le savons, les enseignes nous l?ont dit parce que nous les recevons, elles n?entendent pas en rester l�. Aucun armistice n?a �t� pour l?instant sign� entre elles.

Soyez persuad�e, Madame, que notre surveillance ne se rel�chera pas pour soutenir la concurrence et la diversit� qui font de notre Capitale une m�tropole attractive et vivable pour tous les consommateurs et toutes les familles.

(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, radical de gauche et apparent�s, Communiste et �lus du Parti de Gauche et ?Les Verts?).

M. LE MAIRE DE PARIS. - Je souscris totalement � ce qui a �t� dit.

Novembre 2010
Débat
Conseil municipal
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