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27 - VI - Question d'actualité de M. Claude GOASGUEN, au nom du groupe U.M.P. à M. le Maire de Paris relative à Mumia ABU JAMAL


M. LE MAIRE DE PARIS. - La parole est � M. GOASGUEN pour le groupe U.M.P.
M. Claude GOASGUEN. - Merci, Monsieur le Maire.
Ma question portera sur quelque chose qui aurait pu �tre anecdotique mais qui a suscit� une pol�mique de l'autre c�t� de l'Atlantique. Il s'agit de la d�livrance du titre de citoyen d'honneur � M. ABU JAMAL.
Je voudrais dire quelques mots et faire une suggestion si vous me permettez, sur l'institution de citoyen d'honneur qui est nouvelle dans notre Conseil, puisque depuis que le statut du Conseil de Paris a chang� et que le Conseil de Paris est devenu une assembl�e d�lib�rante, nous n'avons pas d�livr� de titre de citoyen d'honneur � quiconque.
Donc je voudrais en posant la question �viter qu'un certain nombre de d�rives ne s'installent.
Soyons clairs... Le 4 d�cembre 2001, sous la pr�sidence de M. GIRARD, � une heure tardive du Conseil de Paris - il s'en souvient s�rement -, une pol�mique avait oppos� le groupe communiste et M. SCHAPIRA sur la question de donner le titre de citoyen d'honneur � M. ABU JAMAL. Le groupe communiste ayant insist�, le vote �tant intervenu, M. SCHAPIRA qui proposait une m�daille de la Ville de Paris pour montrer le soutien � l'abolition de la peine de mort, qu'il n'est pas ici, bien entendu, question de remettre en cause, et j'y reviendrai, avait entra�n� un vote � une heure tardive. Nous l'avions d�nonc�e � l'�poque, MM. SEGUIN et LEGARET �tant intervenu pour dire qu'une d�cision de ce type m�ritait peut-�tre un d�bat dans une ambiance et un public un peu plus dense. Ce vote avait �t� acquis d'une mani�re contestable, m�me si le vote ne doit pas �tre remis en cause conform�ment � la d�cision qui a �t� prise.
Puis deux ans plus tard, vous prenez la d�cision de remettre ce titre de citoyen d'honneur. Je pose donc quelques questions.
Premi�rement, puisque nous inaugurons une proc�dure, je voudrais poser la question de la comp�tence, ensuite la question de la cause et enfin faire une suggestion.
La question de la comp�tence : est-il vraiment de la comp�tence d'une ville comme Paris d'intervenir sur une d�cision de justice rendue dans la d�mocratie am�ricaine, dont on peut dire beaucoup de choses, mais jusqu'� pr�sent, la justice am�ricaine, m�me si elle a commis des erreurs et notamment sur la peine de mort, n'est pas la justice la plus attentatoire aux Droits de l'Homme, loin de l� ? Dire que les Etats-Unis sont un mod�le attentatoire aux Droits de l'Homme, c'est oublier un certain nombre de pays. On ne va pas s'�tendre, je prends cela pour de l'humour noir de la part des interrupteurs de s�ance.
Je ne trouve pas du tout concevable que la Ville de Paris se m�le d'une d�cision de justice rendue aux Etats-Unis. Qu'est-ce que les Parisiens penseraient si la Ville de New York faisait citoyen d'honneur M. COLONNA qui a vraisemblablement assassin� un Pr�fet, mais qui lui au moins n'a pas �t� jug� et peut �tre consid�r� comme pr�sum� innocent ?
Ce n'est pas de la comp�tence de la Ville d'intervenir dans une d�cision de justice.
J'ai toujours d�fendu l'abolition de la peine de mort. Que le groupe communiste d�fende l'abolition de la peine de mort pourrait pr�ter � un commentaire que je ne ferai pas, mais aller dire que le cas de M. ABU JAMAL qui est, lui-m�me, contest� par les abolitionnistes am�ricains qui combattent sur le terrain contre la peine de mort, d'en faire le mod�le de l'abolition de la peine de mort, c'est quand m�me peut-�tre pousser un peu loin le raisonnement !
La cause est bonne, mais vous avez fait une mauvaise d�fense d'une bonne cause. Mais je ne l'impute pas � vous seul, encore que la d�cision soit prise par la Municipalit� apr�s le v?u vot� par le groupe communiste.
Je voudrais dire que tout cela fait partie d'une politique qui nous inqui�te. Faire v�ritablement du "m�diaco" comme du "m�diatico-politique" un mode de gouvernement de la Ville, sur les changements de rues par exemple que l'on ne cesse de faire, Monsieur le Maire, cela rappelle la politique qui avait �t� men�e dans l'ex ceinture rouge o� l'on n'arr�tait pas de changer les noms des personnages en fonction de la couleur politique des mairies.
Je vous demande de renoncer � cette pratique.
Je vous sugg�re in fine que sur une d�cision de ce type, o� M. ABU JAMAL se retrouve au c�t� de Pablo Picasso, Marie Curie et du Pr�sident B�n�s, premier Pr�sident tch�coslovaque, dans des circonstances particuli�res, il y ait pour l'affectation du titre de citoyen d'honneur, une unanimit� du Conseil. Cela n'a pas �t� le cas, je le regrette et je vous demande aussi de renoncer � cette habitude que vous avez de faire plaisir � tel ou tel groupe de votre majorit� sur des sujets qui les d�passent tr�s largement.
Voil� ce que je voulais vous dire en regrettant cette prise de position politique de votre part.
(Applaudissements sur les bancs du groupe U.M.P.).
M. LE MAIRE DE PARIS. - Monsieur GAOSGUEN, je vais vous r�pondre tr�s sereinement.
D'abord, s'il y a eu un tout petit peu d'agitation, dans la presse Outre-Atlantique, comme vous dites, vous savez pertinemment dans quel contexte et surtout dans quel contexte d'injustice cela a �t� fait � l'�gard de la France.
Vous savez tr�s bien, parce que j'imagine que vous avez lu les journaux am�ricains qui parlent de cela, que ce c'est un tout petit nombre de journalistes am�ricains ultra conservateurs qui tra�nent notre Pr�sident de la R�publique dans la boue en permanence pour ses positions sur l'Irak, qui se sont saisi de ce pr�texte pour mettre en cause la Ville de Paris, et que l'immense majorit� des m�dias am�ricains n'en a rien dit ! Simplement, cela faisait un pr�texte de plus pour attaquer la France. Je regrette que le Pr�sident du groupe U.M.P. n'ait pas tenu compte de ce contexte. C'est le premier point.
Deuxi�me point - pourquoi n'�coutez-vous pas, Monsieur GOASQUEN ? - sur le m�me sujet, lors du d�jeuner de presse que j'ai avant chaque Conseil de Paris, j'ai dit tout � l'heure aux journalistes que je trouvais absolument scandaleux la presse �trang�re qui accusait le Pr�sident de la R�publique fran�aise d'antis�mitisme. Parce que je crois que toutes nos actions s'inscrivent dans un contexte et que quand il y a des difficult�s sur le plan international, on se saisit de tel ou tel petit bout d'actualit� pour en rajouter parce qu'il y a un conflit avec la France. J'aurais trouv� �l�gant de votre part que vous en teniez compte sur cette affaire.
Par ailleurs, pour ma part, je mets en oeuvre les d�cisions du Conseil de Paris quand elles sont vot�es. Mais je vais vous dire que celle-l�, je l'ai mise en oeuvre en �tant totalement convaincu. Pourquoi ? Car il s'agit de poser un acte qui dit que Paris et ses valeurs ont un message qui d�passe effectivement le p�riph�rique et qui est en faveur de l'abolition de la peine de mort. Il n'y a pas l� la moindre ing�rence, et je regrette la confusion intellectuelle qui consiste � mettre sur le m�me plan quelqu'un qui est depuis vingt ans dans les couloirs de la mort, qui est certes condamn� mais sur l'�ventuelle culpabilit� duquel il y a actuellement beaucoup d'�l�ments de d�bat. Je dis l'�ventuelle car moi je ne sais pas. Le mettre sur le m�me plan qu'un citoyen fran�ais qui va �tre jug� dans un pays o� la peine de mort a �t� abolie ! Car je vous rappelle que la peine de mort en France a �t� abolie, et je poursuivrai, Monsieur GOASGUEN, non seulement en mon nom personnel mais au nom de Paris le combat pour l'abolition de la peine de mort, et ce n'est pas de l'ing�rence, je vais vous le d�montrer dans un instant. Je vais vous rappeler un de mes souvenirs de jeunesse.
Lorsque je manifestais contre l'apartheid en Afrique du sud, le Premier Ministre de l'�poque nous condamnait parce que nous manifestions devant cette ambassade. Depuis, il nous dit qu'il est le grand ami de MANDELA, je m'en r�jouis. Si aujourd'hui l'apartheid existait en Afrique du Sud, je proposerais au nom de Paris de condamner l'apartheid. Et ce n'est pas de l'ing�rence...
Je poursuis. La cause n'est pas mauvaise car s'il suffisait d'avoir la preuve que la personne est innocente pour d�noncer la peine de mort, l� justement ce serait facile. Tout le combat des abolitionnistes c'est de dire, Monsieur GOASGUEN : "qu'ils soient coupables ou pas, nous sommes contre la peine de mort".
Enfin, il n'y a pas d'agitation m�diatico-politique et je vais vous en donner une illustration. Car depuis M. ABU JAMAL, nous avons fait citoyen d'honneur aussi Ingrid BETANCOURT, je ne le regrette pas. Ce n'est pas de l'agitation politico-m�diatique. Nous avons pris une position et je suis intervenu comme les autorit�s fran�aises pour Amina LAWAL qui �tait menac�e de lapidation au Nig�ria.
J'ai suspendu la coop�ration avec le Laos parce que deux journalistes dont un Fran�ais �taient en prison, ils ont �t� lib�r�s.
Si vous voulez, car je ne fais pas d'agitation m�diatico-politique, je vous montrerai la lettre qu'ils m'ont adress�e en me disant ce qu'ils estimaient utile dans la position de Paris exprim�e par son Maire depuis leur lib�ration. Et Paris a repris la n�gociation avec le Laos apr�s l'avoir suspendue tant qu'ils �taient en prison.
Ce n'est pas de l'agitation, mais il s'agit de savoir si nous avons des valeurs qui nous sont communes.
Vous appelez agitation politico-m�diatique les changements de rues et donc le fait d'avoir enlev� le nom - que ne l'aviez vous fait ? - d'un g�n�ral esclavagiste pour donner le nom du Chevalier Saint-georges - que ne l'aviez vous fait ? - Agitation politico-m�diatique d'avoir enlev� le nom d'un scientifique antis�mite, promoteur de l'eug�nisme, pour le remplacer par le nom du Pr�sident de la Ligue internationale contre le racisme et l'antis�mitisme !
(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et radical de gauche, communiste, du Mouvement r�publicain et citoyen et "Les Verts").
Eh, bien, Monsieur GOASGUEN, si vous l'aviez fait, je n'aurais pas eu � le faire et si vous appeler cela de l'agitation politico-m�diatique, je continuerai car c'est mon devoir !
(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et radical de gauche, communiste, du Mouvement r�publicain et citoyen et "Les Verts").
M. Claude GOASGUEN. - Je rappelle, Monsieur le Maire, que moi, je n'ai perdu ma s�r�nit�. D'apr�s l'article 37, c'est deux minutes, alors vous me laisserez un peu de temps pour r�pondre.
M. LE MAIRE DE PARIS. - Non, vous n'�tes pas encore le Maire de Paris, le Maire dans toutes les communes peut s'exprimer.
Allez-y, Monsieur GOASGUEN.
M. Claude GOASGUEN. - Je n'ose pas dire ce que je pense de vos propos car je crois qu'au fond vous �tes tr�s g�n�.
Tout d'abord sur l'agitation m�diatico-politique Outre-Atlantique, je ne savais pas que Mme Sylvie KAUFMANN qui �crit dans "Le Monde", �crivait aussi dans un journal am�ricain parce que pour la premi�re fois, le 14 octobre, "Le Monde", qui jusqu'� pr�sent n'a pas �t� virulent � votre �gard, c'est le moins qu'on puisse dire, fait un article au vitriol pour vous dire que vous vous �tes tromp� de combat. Evidemment, Mme KAUFMANN en premi�re page du Monde, ce n'est pas la tendance la plus conservatrice du peuple am�ricain, permettez-moi de vous le dire ! C'est le premier �l�ment.
Le deuxi�me �l�ment, Monsieur DELANO� : je suis tout aussi v�h�ment que vous pour condamner la peine de mort que j'ai combattue sans doute en m�me temps que vous et peut-�tre m�me avant vous, mes d�clarations � l'Assembl�e nationale en font foi. Je ne veux pas rappeler ici le comportement de certains sur ce sujet. A droite comme � gauche, il y a des gens qui pourraient se reprocher quelques propos ant�rieurs.
Permettez-moi de vous dire que la cause est bonne mais la d�fense est mauvaise. Il y a actuellement des gens aux Etats-Unis qui sont condamn�s � mort dans des conditions scandaleuses et qui justifient aussi l'abolition de la peine de mort et ceux-l�, vous n'avez pas jug� utile de les d�fendre alors que les avocats am�ricains eux-m�mes vous demandaient de le faire.
Maintenant, si vous trouvez conforme � notre vocation que la Ville de Paris intervienne sur une d�cision judiciaire prise en dernier recours dans des conditions qui sont tout � fait contestables sur l'application de la peine, mais qui semblent h�las ne pas �tre aussi contestables sur la nature du crime en question, si vous trouvez normal que la Ville de Paris porte un jugement de valeur sur les tribunaux am�ricains et que vous trouvez tout � fait normal que la Ville de New York consid�re �ventuellement comme citoyen d'honneur M. COLONNA... Je trouve que vous avez des connaissances juridiques assez faibles, ce qui est vrai, mais d'autre part que vraiment vous ne savez plus quoi dire sur cette initiative malheureuse.
(Applaudissements sur les bancs du groupe U.M.P.).
M. LE MAIRE DE PARIS. - Je ne peux que constater notre d�saccord. Pour se battre contre la peine de mort, il ne suffit pas que les personnes soient innocentes.
Je suis d�sol�, c'est le principe m�me du combat abolitionniste. Vos r�actions sont tr�s int�ressantes !
Moi je suis contre la peine de mort pour tout le monde !
(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et radical de gauche, communiste, du Mouvement r�publicain et citoyen et "Les Verts").
D'ailleurs, cette confusion intellectuelle dont je parlais tout � l'heure trouve l� son illustration. Quant � vous, Monsieur GOASGUEN, vous me d�tes que vous avez toujours �t� contre la peine de mort, je m'en r�jouis, convenez avec moi qu'il a fallu quand m�me l'�lection de Fran�ois Mitterrand pour qu'elle soit abolie en France.
Cela a un grand rapport avec toutes nos conversations pour savoir qui met ses principes et ses convictions en accord avec ses actes.
Nous passons au Conseil g�n�ral.

Octobre 2003
Débat
Conseil municipal
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