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142 - Voeu déposé par M. Sylvain GAREL, Mme Isabelle GUIROUS-MORIN et les membres du groupe "Les Verts" en faveur d'un hommage aux victimes des massacres de Sétif et Guelma du 8 mai 1945


M. Alain LHOSTIS, adjoint, pr�sident. - Nous passons au v?u n� 14 du fascicule d�pos� par le groupe "Les Verts" en faveur d'un hommage aux victimes des massacres de S�tif et Guelma du 8 mai 1945.
Mme MARTINET a la parole.
Mme Marie-Pierre MARTINET. - Je vais lire le voeu d�pos� par le groupe "Les Verts" en hommage aux victimes de S�tif et Guelma. Le 8 mai 1945 est sign� � Berlin l'acte de capitulation qui met fin � la seconde guerre mondiale. Ce jour est c�l�br� � Paris comme dans toutes les villes de France parce qu'il marque la fin de la barbarie nazie, la victoire des Droits de l'Homme et de la paix contre la terreur, la haine et la x�nophobie.
Le m�me jour pourtant, le 8 mai 1945, et durant les semaines qui ont suivi, l'Alg�rie conna�t un des �pisodes les plus sanglants de la r�pression coloniale.
Ce jour-l�, des manifestations ont lieu dans de nombreuses villes alg�riennes � l'occasion de la victoire des Alli�s � laquelle le peuple alg�rien a contribu�. A cette c�l�bration de la victoire par les Alg�riens se m�le la revendication de leur ind�pendance, symbolis�e par la pr�sence dans la manifestations du drapeau alg�rien. Essentiellement dans deux villes, S�tif et Guelma, ces manifestations tournent � la trag�die et au massacre, suite � l'intervention de la police, puis de l'arm�e fran�aise. Le bilan est terrible : une centaine d'Europ�ens sont tu�s et des milliers d'Alg�riens. Les estimations vont de 6.000 � 45.000 victimes. Au-del� des d�bats sur le nombre de victimes, que l'ouverture permise de certaines archives pourrait �clairer, il s'agit de garder en m�moire, aux c�t�s du souvenir de la victoire contre le nazisme, cette page particuli�rement noire de l'histoire coloniale fran�aise.
C'est pourquoi, sur proposition de Sylvain GAREL, d'Isabelle GUIROUS-MORIN et du groupe "Les Verts", le Conseil de Paris �met le v?u qu'� l'occasion des c�r�monies parisiennes comm�morant le 8 mai 1945 soient �galement honor�es les victimes des massacres de S�tif et de Guelma.
M. Alain LHOSTIS, adjoint, pr�sident. - La parole est � Mme Odette CHRISTIENNE.
Mme Odette CHRISTIENNE, adjointe. - Merci, Monsieur le Maire.
Nous dirons avec vous, mes chers coll�gues, que l'�criture de l'histoire est difficile et que nous ne pouvons pas nous souvenir exclusivement des moments glorieux comme celui que nous comm�morons le 8 mai, la victoire contre le nazisme.
Les c�r�monies doivent nous permettre de ne pas oublier les victimes d'�v�nements tragiques lorsqu'ils sont, h�las, peu honorables. Les mots grav�s sur certaines plaques comm�moratives devant lesquelles on se recueillent sont un appel � la conscience des hommes, incitent ceux qui les lisent � la vigilance, disent pour beaucoup que le combat pour la d�mocratie, pour le maintien des valeurs de la R�publique doit �tre constant.
Pour l'histoire de Paris, pour les �v�nements r�cents que certains d'entre nous ont v�cu, en particulier pour ceux li�s � l'Afrique du Nord, le Maire a tenu � ce que rien ne soit occult�.
Rappelons d'abord que notre Ville a pay� un lourd tribut : les noms des 747 Parisiens morts ou disparus au cours de la guerre d'Alg�rie figurent sur le Monument que Bertrand DELANO� a inaugur� le 3 f�vrier 2003 au Cimeti�re du P�re Lachaise et disons aussi que la Ville de Paris a, � plusieurs reprises, tenu � honorer la m�moire de toutes les victimes des �v�nements nombreux qui ont endeuill� l'Afrique du Nord de 1952 � 1962, dont les massacres de S�tif et de Guelma ont constitu� le prologue sanglant.
Elle a, par ailleurs, rendu hommage aux victimes des �v�nements qui ont ensanglant� Paris le 17 octobre 1961 et le 8 f�vrier 1962.
Je dois signaler que nous avons aussi de nombreuses demandes concernant les principaux �v�nements qui ont endeuill� l'Alg�rie durant la guerre d'ind�pendance, la premi�re - d�pos�e le 1er novembre 2001 - concernant, disons-le, les massacres d'Oran, le 5 juillet 1962.
Mais, Paris ne peut comm�morer toutes les pages douloureuses qui ont jalonn� la guerre d'Alg�rie, ces �v�nements ne s'�tant pas d�roul�s dans la capitale. Faudrait-il, dans le cas contraire, rappeler le souvenir des innombrables exactions qui ont accompagn� la conqu�te coloniale et, plus g�n�ralement, tous les conflits auxquels l'arm�e fran�aise a particip� depuis plus de 1.000 ans ?
De surcro�t, un autre �l�ment est � prendre en compte : nous �voquons le 8 mai que nous c�l�brons. Ces c�r�monies, qui comm�morent la victoire sur la barbarie nazie, ont une valeur symbolique et p�dagogique unique qu'il est essentiel de pr�server et � laquelle les Fran�ais, avec les anciens combattants, sont unanimement attach�s, comme l'a soulign� l'�motion provoqu�e par leur suppression en 1975, � l'initiative du Pr�sident Val�ry GISCARD d'ESTAING.
La comm�moration, le m�me jour, d'autres �v�nements, risquerait de brouiller un message dont il convient, plus que jamais, de pr�server la force et la sp�cificit�. C'est bien, du reste, pourquoi les propositions tendant � faire du 11 novembre une journ�e unique de comm�moration, honorant la m�moire des victimes de tous les conflits arm�s, ont toujours suscit� une vive opposition et pourquoi Fran�ois Mitterand avait - � la satisfaction d'une tr�s large majorit� de Fran�ais - souhait� que le 8 mai fasse l'objet d'une comm�moration sp�cifique.
Il n'est donc pas souhaitable que la Ville de Paris prenne le risque d'att�nuer la port�e de cette journ�e nationale de comm�moration que la repr�sentation nationale a, en 1981, r�tabli � l'unanimit� moins une voix.
(Applaudissements sur les bancs des groupes de la majorit� municipale).
M. Alain LHOSTIS, adjoint, pr�sident. - Pour une explication de vote, Monsieur BLOCHE, vous avez la parole.
M. Patrick BLOCHE. - Tr�s bri�vement, car notre coll�gue, Odette CHRISTIENNE, a �t� tr�s compl�te et la position de notre groupe s'associe � la position de l'Ex�cutif. Je voudrais juste faire un lien entre le d�bat que nous avons eu � la derni�re s�ance du Conseil de Paris, sur le 19 mars et, d'ailleurs, sur les divergences qui ont pu appara�tre au sein m�me de notre assembl�e et le v?u d'aujourd'hui.
Lorsque nous avons �t�, comme membres de la majorit� municipale, amen�s � dire notre attachement au 19 mars comme date comm�morative � la fois de ce qui s'est pass� durant la guerre d'Alg�rie, mais aussi durant les combats du Maroc et de la Tunisie, il s'agissait pour nous, � cette date, de marquer � la fois le souci d'un souvenir, d'un recueillement, d'une �motion � l'�gard de toutes, je dis bien de toutes les victimes civiles et militaires que cette guerre a pu provoquer. Nous l'avions m�me dit dans un sens extensif, allant au-del� m�me de la date du 19 mars 1962 en tant que telle. Nous avons eu le d�bat avec l'opposition, attach�e � la proposition, qui nous semble absurde, du 5 d�cembre. Je n'y reviens pas.
Ayant eu cette prise de position forte sur le 19 mars comme date comm�morative, le Conseil de Paris a vot� majoritairement en faveur de la reconnaissance officielle de cette date qui est une r�f�rence historique. De fait, nous consid�rons que, le 19 mars, nous rendons hommage aux victimes des massacres de ces types d'�v�nements du 8 mai 1945. Et, de ce fait, par simple souci de non confusion historique - et nous rejoignons �videmment ce qu'a dit Odette CHRISTIENNE -, la date du 8 mai 1945 est �videmment pour tout d�mocrate, pour tous ceux �pris de libert�, pour tous ceux qui ont combattu et pour tous ceux qui portent l'esprit de r�sistance, parce qu'ils ont eux-m�mes �t� des r�sistants, le 8 mai 1945 est �videmment la victoire de la libert� et des Droits de l'Homme sur la barbarie nazie. De fait, il m'appara�t tr�s souhaitable que le groupe "Les Verts" retire ce v?u.
M. Alain LHOSTIS, adjoint, pr�sident. - Merci.
Le pr�sident VUILLERMOZ a la parole pour une explication de vote.
M. Jean VUILLERMOZ. - Oui, vraiment un mot puisque tout a �t� dit aussi bien par Mme Odette CHRISTIENNE que par Patrick BLOCHE.
Je pense que ce v?u est le bienvenu quelque part, dans le sens o� il rappelle ce massacre des guerres coloniales. Il est vrai que peu sont ceux qui se souviennent ou qui connaissent ces �v�nements. Il est donc int�ressant que cela puisse revenir. Vous savez combien les communistes dans leur ensemble, les �lus communistes en particulier ont, dans ces ann�es, �t� particuli�rement vigilants et se sont battus pour que l'on puisse rappeler cet �v�nement et que l'on puisse s'en souvenir.
Ceci dit - et je partage de ce point de vue ce qu'a dit Odette CHRISTIENNE et ce que vient de dire Patrick BLOCHE -, effectivement, il serait souhaitable que le 19 mars soit la date qui puisse permettre de rappeler tous les �v�nements qui se sont produits dans l'ensemble des guerres coloniales. Ce serait �videmment la possibilit� de rappeler les �v�nements de S�tif et de Guelma.
Ceci dit - c'est pour cela que je voterai contre si le v?u n'est pas retir� - associer cet �v�nement au "8 mai 1945" qui est �videmment pour tout le monde la victoire contre le nazisme n'est pas du tout souhaitable. Il serait en effet totalement anormal d'associer les deux �v�nements de cette fa�on.
M. Alain LHOSTIS, adjoint, pr�sident. - Merci.
Madame Liliane CAPELLE, vous avez la parole.
Mme Liliane CAPELLE. - Tout, presque, a �t� dit. Pour notre part, si ce v?u n'�tait pas retir�, bien entendu nous voterions contre pour toutes les raisons exprim�es.
Nous sommes tous conscients des drames de la colonisation, mais il faut que les choses aient un sens et que chaque comm�moration, comme l'a dit Odette CHRISTIENNE, ait un sens. Le 8 mai 1945, ce n'est pas n'importe quelle date. Il faut qu'on la garde en m�moire parce que les faits quelques fois sont t�tus. Si nous ne sommes pas vigilants, beaucoup de choses peuvent revenir. Ce 8 mai 1945, il est vrai que Val�ry GISCARD d'ESTAING avait voulu le gommer et il est vrai que les Fran�ais n'ont pas voulu. Il faut donc lui garder sa sp�cificit� : la lutte contre le nazisme, la lutte pour les droits de l'homme, la lutte pour la d�mocratie; cela ne se n�gocie pas. Voil� pourquoi si ce v?u n'�tait pas retir� nous voterions contre.
M. Alain LHOSTIS, adjoint, pr�sident. - Merci.
Je crois que Mme CHRISTIENNE a bien montr� les enjeux. Evidemment, dans l'opposition qui est la majorit�, il n'y a pas de volont� d'effacer cela.
Retirez-vous le v?u ?
Juste un mot, Monsieur GAREL.
M. Sylvain GAREL. - Juste un mot. Nous allons retirer le v?u. On ne va pas faire une pol�mique au sein de la majorit� autour de cela. Mais, si nous avons d�pos� ce v?u, c'est pour rappeler ces �v�nements qui sont tr�s largement oubli�s et tr�s largement occult�s dans les livres d'Histoire et, en g�n�ral, dans la population.
Deuxi�mement, sur la confusion des dates, ce n'est pas nous qui faisons une confusion des dates; ces �v�nements se sont pass�s le m�me jour. Et ce n'est pas un hasard. Je pense que c'est important d'un point de vue historique de c�l�brer la victoire sur le nazisme le 8 mai 1945 et se rappeler que, au m�me moment, l'arm�e fran�aise commettait des actes absolument innommables dans une de ses colonies. Ces deux choses se sont pass�es en m�me temps, et c'est parce qu'elles se sont pass�es en m�me temps qu'elles sont symboliquement beaucoup plus graves et beaucoup plus fortes.
Nous allons retirer ce v?u, mais nous souhaiterions une initiative de la Ville de Paris pour rappeler ces �v�nements. Qu'elle ait lieu le 8 mai 1945, le 19 mars 1962 ou � une autre date, c'est � nous d'en discuter, mais je pense qu'il est important que Paris contribue � ne pas faire oublier ces massacres qui ont �t� commis dans l'une des colonies que la France poss�dait � cette �poque.
M. Alain LHOSTIS, adjoint, pr�sident. - Merci de retirer votre v?u. Evidemment, tout le monde est conscient que nous ne devons pas oublier ces dates de notre histoire. Bien �videmment.

Octobre 2003
Débat
Conseil municipal
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