retour Retour

29 - 2003, DU 145 - Attribution de la dénomination "place Maurice Audin" à une place du 5e arrondissement


M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - Nous passons � l'examen du projet de d�lib�ration DU 145 portant attribution de la d�nomination "place Maurice Audin" � une place du 5e arrondissement.
Je voudrais saluer la pr�sence de Josette AUDIN dans les tribunes de cette Assembl�e.
Je donne la parole � M. MANSAT.
M. Pierre MANSAT, adjoint. - Monsieur le Maire, chers coll�gues, nous allons donner le nom de Maurice Audin � une place de Paris. Permettez-moi de dire tout de suite � Josette AUDIN, sa compagne, � ses enfants, � l'ensemble de sa famille notre affection car nous savons que ce moment qui est d'une tr�s grande force symbolique est particuli�rement �mouvant et �prouvant pour elle et pour eux. En m�me temps, je dois dire que nous d�dions ce moment � celles et ceux qui luttent pour la v�rit� depuis des ann�es d'abord avec le Comit� AUDIN, puis sous d'autres formes, celles et ceux, qu'ils soient pr�sents ici ce soir ou non, et ils m'excuseront de ne pas les citer tous, Laurent Schwartz, math�maticien, d�c�d� il y a quelques mois, Henri Alleg, Madeleine Reb�rioux, Nicole Dreyfus, Pierre Vidal-Naquet, Simone de Bollardi�re, Robert Badinter, Jacques Panigel, Germaine Tillion, G�rard Tronel, Charles Sylvestre, Gis�le Halimi, Jean-Jacques de Felice, Alban Liechti, Jean Vendart et bien d'autres.
Nous allons proc�der � un acte fort qui s'inscrit dans la lign�e des actes pos�s par notre Municipalit� depuis 2001, des actes qui font de Paris une ville active dans le combat universel pour les Droits de l'Homme, contre l'oppression, contre la peine de mort, contre la torture, pour la paix et le rapprochement entre les peuples. Cette attitude de la Ville de Paris �tait d'ailleurs attendue dans le monde entier.
Nous allons donner � une place de Paris dans un quartier universitaire le nom de Maurice Audin, jeune math�maticien membre du parti communiste alg�rien, militant pour l'ind�pendance de l'Alg�rie, arr�t� par des soldats fran�ais, l'�quipe de l'assassin Aussaresses, tortur� et assassin�.
Maurice Audin, cet homme jeune qui avec Josette est r�volt� par le colonialisme et naturellement, comme elle le dit elle-m�me, ils se sont retrouv�s avec ceux qui r�clamaient leur ind�pendance, ceux qui r�clamaient leurs droits humains tout simplement. Maurice Audin est mort sous la torture, on ne conna�t pas les circonstances exactes.
Ensuite les assassins ne savaient plus quoi faire de son corps parce que c'�tait un Europ�en et qu'ils ne savaient pas comment se sortir de la situation dans laquelle ils s'�taient mise.
C'�tait un math�maticien qui allait passer sa th�se. C'est pour cela que fut invent�e une mascarade : la mascarade de l'�vasion de Maurice Audin, dont il a �t� fait tr�s rapidement justice.
Depuis le 21 juin 1957, la question "O� est Maurice AUDIN ?", "Que lui est-il arriv�" est rest�e sans r�ponse. Depuis cette date, Josette, ses enfants, sa famille, ses amis, des universitaires, des avocats, des syndicalistes, des d�mocrates posent sans rel�che cette question quelle qu'ait �t� par ailleurs leur opinion sur la question alg�rienne, multipliant les actions, le Comit� AUDIN d'abord, des livres, des actions judiciaires, des d�bats, des interventions de toutes sortes.
Et pourtant ce qui est advenu de Maurice Audin reste l'inavouable au sens propre, ce sur quoi rien ne peut �tre dit, au risque que la justice ne se relance sur la piste des assassins puisqu'il n'y a pas prescription.
Il faudra bien pourtant malgr� ce refus obstin�, que la r�ponse vienne et elle viendra, et l'acte que nous allons prendre aujourd'hui va y contribuer.
Je voudrais rappeler quel �tait l'�tat d'esprit des �lus communistes lorsqu'ils ont propos� ce v?u � notre Assembl�e et au Maire de Paris.
Pour cela, je reprendrais deux textes qui sont loin dans le temps l'un de l'autre mais qui sont tr�s significatifs.
D'abord Laurent Schwartz, dans sa pr�face au livre de Pierre Vidal Nacquet "L'affaire AUDIN", �crivait : "Ceux qui ont protest� pour AUDIN n'ont pas entendu dissocier son cas des autres, faire de lui un martyr privil�gi�. Ils ont voulu en faire un symbole d'autres symboles. Il faut que la v�rit� soit connue et rendue publique, que justice soit faite et surtout que pareil fait ne se renouvelle pas et que la d�mocratie puisse �tre sauv�e".
Je voudrais citer �galement l'appel dit des "12" � la condamnation de la torture durant la guerre d'Alg�rie, publi� dans l'Humanit� en octobre 2000, dont Josette AUDIN a �t� l'une des signataires avec ceux que je citais tout � l'heure.
Cet appel disait : "Des deux c�t�s de la M�diterran�e, la m�moire fran�aise et la m�moire alg�rienne resteront hant�es par les horreurs qui ont marqu� la guerre d'Alg�rie tant que la v�rit� n'aura pas �t� dite et reconnue. Ce travail de m�moire appartient � chacun des deux peuples et aux communaut�s de quelque origine que ce soit, qui ont cruellement souffert de cette trag�die dont les autorit�s fran�aises portent la responsabilit� essentielle en raison de leur obstination � refuser aux Alg�riens leur �mancipation".
Aujourd'hui, il est possible de promouvoir une d�marche de v�rit� qui ne laisse rien dans l'ombre en France et en Alg�rie.
Il reste que la torture, mal absolu, pratiqu�e de fa�on syst�matique par une arm�e de la R�publique et couverte en haut lieu � Paris, a �t� le fruit empoisonn� de la colonisation et de la guerre, l'expression de la volont� du dominateur de r�duire par tous les moyens la r�sistance du domin�.
Avec cette mise � jour, il ne s'agit pas seulement de v�rit� historique, mais aussi de l'avenir des g�n�rations issues des diverses communaut�s qui vivent avec ce poids, cette culpabilit� et ce non-dit.
Pour nous, citoyens fran�ais auxquels importent le destin partag� des deux peuples et le sens universel de la justice, pour nous qui avons combattu la torture sans �tre aveugles aux autres pratiques, il revient � la France, eu �gard � ses responsabilit�s, de condamner la torture qui a �t� entreprise en son nom pendant la guerre d'Alg�rie. Il en va du devoir de m�moire auquel la France se dit justement attach�e et qui ne devrait conna�tre aucune discrimination d'�poque et de lieu.
Cet appel concluait par cette formule-l� : "Dans cet esprit et dans cet esprit seulement, tourn�e vers un rapprochement des personnes et des communaut�s, et non vers l'exacerbation de leurs antagonismes".
Voil� l'esprit qui nous a conduit � cette proposition.
Cet acte va �tre un encouragement n�cessaire pour continuer l'action pour la v�rit� sur l'assassinat de Maurice Audin. Des initiatives diverses vont y contribuer, comme celle du plasticien PIGNON-ERNEST qui a couvert r�cemment les murs d'Alger d'une lithographie de Maurice Audin Alger, qui a donn� son nom � une place, ou bien la relance d'un prix de math�matiques Maurice Audin qui sera attribu� � deux jeunes math�maticiens, l'un fran�ais, l'autre alg�rien, ou bien une lettre ouverte de math�maticiens au Ministre de l'Education nationale.
Et puis cet acte va nourrir le mouvement de v�rit� qui s'est enclench� dans le pays depuis l'Appel des Douze autour de la condamnation de la torture.
Maintenant Maurice Audin est � Paris, sur le chemin qu'il emprunta pour rencontrer Laurent Schwartz et lui demander d'�tre son directeur de th�se, il est � Paris dans ces lieux si fr�quent�s par les math�maticiens et les universitaires. Il est l�. Voici enfin un lieu o� sa m�moire peut �tre honor�e, comme une s�pulture de substitution � celle que ses bourreaux ont fait dispara�tre dans le secret.
Cette place ne tiendra pas lieu de proc�s, elle ne fera pas non plus office d'absolution comme si une fois l'hommage rendu, l'histoire en �tait quitte. Elle sera le t�moignage de cette exigence de justice et de v�rit� qui demeure et demeurera longtemps d'actualit�, et pour laquelle nous nous engageons. Nous voulons la v�rit� sur l'assassinat de Maurice Audin.
(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).
M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - La parole est � Mme MARTINET.
Mme Marie-Pierre MARTINET. - Monsieur le Maire, chers coll�gues, les �lus du groupe "Les Verts" souhaitent s'associer � l'hommage que la Ville de Paris entend rendre � Maurice Audin en attribuant son nom � une place de la Capitale.
A lui seul, son parcours tragique t�moigne de cette "sale guerre" � laquelle s'est livr�e la R�publique fran�aise en Alg�rie et de la volont� d'occulter les atrocit�s commises et les responsabilit�s aff�rentes.
En 1957, Maurice Audin est �g� de vingt-cinq ans et p�re de trois enfants. Ce jeune math�maticien de l'universit� d'Alger milite pour l'ind�pendance du peuple alg�rien, il est membre du parti communiste alg�rien.
Le 11 juin 1957, � vingt-trois heures, il est arr�t� � son domicile par les hommes du premier r�giment de chasseurs parachutistes et amen� � la villa El Biar o� il dispara�t pour toujours.
S'engage alors le combat de sa femme Josette pour la v�rit� sur la disparition de son mari. "C'est dur, Henry" sont les derniers mots de Maurice Audin rapport�s par son ami Henry Alleg, ancien directeur d'"Alger r�publicain", qui le croise alors � la villa El Biar o� tous deux sont tortur�s.
L'arm�e fran�aise nie et maquille son assassinat en �vasion.
Gr�ce au travail rigoureux et patient de l'historien Pierre Vidal-Naquet, la v�rit� historique est �tablie. Selon toute vraisemblance, Maurice Audin a �t� tortur� et �trangl� par un lieutenant de l'arm�e fran�aise.
Mais cet assassinat sans cadavre ne conna�tra jamais ni reconnaissance officielle ni issue judiciaire : les crimes commis pendant la guerre d'Alg�rie ont �t� amnisti�s en 1962 et le lieutenant sera promu colonel.
Ce crime, comme tant d'autres commis pendant la guerre d'Alg�rie, restera tr�s probablement impuni apr�s avoir �t� m�thodiquement occult�.
Comme Maurice Audin, des milliers d'Alg�riens sont morts sous la torture. On se souvient qu'� cette �poque M. Teitgen, Secr�taire g�n�ral de la Pr�fecture d'Alger a d�missionn� parce que 3.000 prisonniers du G�n�ral Massu avaient disparu.
Comment, en ce mois d'octobre, ne pas rapprocher ces disparitions, plus pr�s de nous, du long silence de notre fleuve, la Seine o� sont morts noy�s, en particulier le 17 octobre 1961, tant de "Fran�ais musulmans d'Alg�rie" comme on les d�nommait, massacr�s par les forces de police agissant alors sous les ordres de Maurice PAPON, ancien Pr�fet de police.
Il aura fallu quarante ann�es pour faire entrer ces "�v�nements" dans la lumi�re et rappelons que les deux archivistes qui ont courageusement t�moign� de la r�alit� de ce massacre au proc�s intent� par Maurice PAPON � l'historien Jean-Luc EINAUDI, ont �t� imm�diatement mis au placard.
Leur mauvais sort ne laisse pas de nous interroger sur la r�alit� de notre volont� affich�e lors des discours, dans les v?ux vot�s � plusieurs reprises par notre Assembl�e de "faciliter" l'acc�s aux archives et le travail de m�moire, de "faire toute la lumi�re sur les p�riodes sombres de notre histoire". L'artiste PIGNON-ERNEST a r�alis� un parcours � la m�moire de Maurice Audin. Il pr�pare une exposition qui sera bient�t pr�sent�e � Paris, puis � Marseille et � Alger, pour r�sumer avec pertinence les enjeux de m�moire que cristallise Maurice Audin.
Je cite : "Si (...) nous voulons renouer avec le peuple alg�rien, apaiser nos relations, les enrichir, cela ne pourra pas se faire sur le silence ou le mensonge. Il faudra obtenir que la v�rit� soit dite sur ce qu'a �t� r�ellement cette guerre. Dans sa singularit� tragique, Maurice Audin incarne une exigence de v�rit�. Martyris�, disparu, victime d'un crime toujours non reconnu, non avou�, il nous dit que l'on n'en a toujours pas fini avec "�a". Avant de me lancer dans ce travail, j'ai rencontr� Josette AUDIN. Sans son assentiment, je ne l'aurais pas fait. M�me les silences de Josette AUDIN disent la violence conjugu�e du crime, de la l�chet� et du mensonge qui persiste. Bien s�r, il n'est pas question de faire l� de Maurice Audin un martyr � privil�gier parce qu'Europ�en, de la guerre d'Alg�rie, mais son martyre a symbolis� et symbolise encore les d�rives, les monstruosit�s de la guerre coloniale et le courage, la dignit�, les sacrifices de ceux qui se sont �lev�s contre cette guerre d�shonorante pour notre pays. Tant que son corps n'aura pas �t� retrouv�, tant que la v�rit� n'aura pas �t� faite, son histoire reste � l'ordre du jour, exigeante, aigu�, vivante".
Nos pens�es vont � la famille de Maurice Audin et � sa femme qui n'a cess� de se battre pour son mari contre le mensonge d'Etat, contre la torture.
Voici comment Mme AUDIN avait conclu son allocution au quaranti�me anniversaire de Maurice Audin soutenue in abstentia � la Sorbonne : "Avec le comit� Maurice Audin, Laurent SCHWARTZ et Pierre VIDAL-NAQUET ont d�nonc� la torture et les tortionnaires, ils ont permis de faire prendre conscience aux Fran�ais ce que l'on faisait en leur nom en Alg�rie, ils ont aid� � faire cesser cette guerre meurtri�re. Pourtant, la France n'a jamais reconnu officiellement qu'elle avait ordonn� d'utiliser massivement la torture en Alg�rie. Les tortionnaires des ann�es de l'Alg�rie fran�aise n'ont jamais �t� sanctionn�s, m�me si les noms de beaucoup d'entre eux �taient connus, ils ont �t� r�compens�s. Il reste donc beaucoup � faire � ce sujet, par exemple, en ouvrant les archives qui concernent la guerre d'Alg�rie, pour faire toute la lumi�re sur les atrocit�s qui y ont �t� commises dans le pass�".
Puisse cet hommage contribuer � ce que Maurice Audin ne soit plus le disparu d'un mensonge d'Etat et � ce que la v�rit� sur la part d'ombre de notre histoire progresse.
Je vous remercie.
(Applaudissements sur les bancs du groupe "Les Verts").
M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - La parole est � Mme CAPELLE.
Mme Liliane CAPELLE. - Madame AUDIN, Monsieur le Maire, mes chers coll�gues, les �lus du groupe M.R.C. soutiennent totalement l'initiative de la Municipalit� parisienne de donner le nom de Maurice Audin � une place du 5e arrondissement, ceci au moins pour deux raisons.
La premi�re tient � la personnalit� de Maurice Audin. Bien que disparu tr�s pr�matur�ment, il �tait consid�r� comme un des espoirs de la recherche fran�aise.
Surtout, il �tait tr�s repr�sentatif de ces Fran�ais d'Afrique du Nord qui, visc�ralement attach�s � la terre o� ils �taient n�s, r�vaient d'une Alg�rie multi-ethnique, multi-confessionnelle, la�que et progressiste, qui, une fois devenue ind�pendante, aurait permis aux Europ�ens, aux Arabes et aux Kabyles de vivre ensemble.
La seconde raison tient aux conditions de sa mort. Il existe en effet une affaire AUDIN, symbole des d�rives dont se sont rendus coupables des officiers et des soldats qui en sont venus par manquement � l'id�al r�publicain � cautionner l'usage de la torture voire l'�limination pure et simple de ceux qui �taient consid�r�s comme un "danger" pour l'ordre public.
Or, Maurice Audin, s'il �tait militant communiste et partisan d'une ind�pendance alg�rienne d'ailleurs devenue in�luctable, n'a jamais �t� associ� ni de pr�s ni de loin � des activit�s de terrorisme.
Son arrestation, son passage � la torture et sa disparition jamais �lucid�s sont donc des t�ches sur l'honneur d'officiers d�voy�s.
Il aurait ensuite �t� possible de faire la lumi�re sur le sort de Maurice Audin. Les autorit�s politiques de l'�poque et celles qui se sont succ�d�es apr�s n'ont pourtant jamais donn� � son �pouse et � ses enfants les explications qui s'imposaient.
Il aurait �t� tout � leur honneur pourtant de reconna�tre que dans son cas comme dans d'autres, il s'agissait tout simplement d'une ex�cution sommaire.
En attendant qu'un jour peut-�tre les archives parlent et que les historiens �tablissent avec pr�cision ce qui s'est pass�, la Ville de Paris se doit bien de rendre hommage � Maurice Audin.
Certains membres de notre Assembl�e ont exprim� le souhait de voir retirer ce projet de d�lib�ration de l'ordre du jour. Je ne comprends pas ce qu'ils craignent. C'est en effet la grandeur de la France que de savoir regarder courageusement son pass� en face, pour ce qui concerne la p�riode de la guerre d'Alg�rie, et d'assumer toutes les facettes de son action, ses ombres comme ses lumi�res, depuis le d�but de la colonisation jusqu'� l'ind�pendance sans repentir inappropri�, mais en admettant les fautes et en condamnant les crimes.
Je vous remercie.
(Applaudissements sur les bancs du groupe du Mouvement r�publicain et citoyen).
M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - La parole est � Mme COHEN-SOLAL.
Mme Lyne COHEN-SOLAL, adjointe. - Madame AUDIN, Monsieur le Maire, mes chers coll�gues, Maurice Audin �tait un math�maticien, un militant actif du parti communiste alg�rien, il croyait �perdument � une Alg�rie ind�pendante et fraternelle. Il est mort sous la torture.
Aujourd'hui, on nous propose qu'une place de Paris porte son nom. Nous le devons bien entendu, comme mes coll�gues viennent de le dire, au devoir de m�moire et naturellement � notre travail r�cent sur la guerre d'Alg�rie.
En ce qui me concerne, naturellement, vous permettrez � une fille d'Alger qui a grandi � El Biar et qui est �lue du 5e, de vous dire combien ce sera un honneur pour Paris et, en particulier, pour le 5e arrondissement que le nom de Maurice Audin participe � sa vie de tous les jours. Et que, sur cette petite place ombrag�e, envahie par les �tudiants et les cin�philes, on puisse penser � cet homme qui s'est battu pour la fraternit� et pour la libert�. Le 5e arrondissement est un arrondissement universitaire, intellectuel, toujours universaliste qui se doit bien aujourd'hui, parce que Maurice Audin �tait math�maticien, parce que cette place est tout proche de Jussieu, parce que nous ne sommes pas tr�s loin de la Sorbonne et parce apr�s tout, c'est bien la Mutualit� qui a accueilli les r�unions du comit� Maurice Audin, que ce soit justement l� que Paris honore et retrouve le nom de Maurice Audin.
Cet honneur, je voudrais qu'il soit partag� par l'ensemble de notre Assembl�e. Contrairement � d'autres, je voterai pour que ce soit le 5e qui accueille cette place Maurice Audin.
M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - La parole est � M. TIBERI.
M. Jean TIBERI, maire du 5e arrondissement. - Je suis un peu surpris de la pr�sentation de cette situation. Nous devons toujours rechercher la v�rit� historique dans un drame qui a touch� la France profond�ment et l'Alg�rie.
Qu'un hommage soit rendu � toutes celles et � tous ceux qui ont �t� victimes, dans des conditions directes ou indirectes, choquantes ou non, est un devoir de m�moire.
Les gaullistes d'ailleurs dont je m'honore, ont fait beaucoup pour r�gler le probl�me de cette partie extr�mement importante qui touchait profond�ment la France. Mais je ne suis pas s�r, et c'est d'ailleurs sur ce point que je vais m'exprimer en d�finitive, que le fait de vouloir rendre un hommage qui peut se justifier � telle ou telle personnalit� soit de nature � refermer les plaies et � assurer l'unit� de la Nation.
Je crois que l'hommage g�n�ral plus global rendu � toutes les victimes de cette guerre est plus de nature � assurer l'unit� de la Nation. Bien entendu, la d�cision qu'a prise le Pr�sident de la R�publique pour un jour rendre hommage � la fin de cette guerre me para�t justement respectueuse de la coh�sion de la Nation.
Je voulais faire ce rappel qui n'exprime pas ma d�cision. Le Conseil du 5e arrondissement a vot� � l'unanimit� des pr�sents un rejet de cela. Il y avait eu une proposition et au cours d'une r�union pr�sid�e par M. CAFFET, mon repr�sentant M. BARDON avait exprim� le fait qu'il n'y avait pas de lien direct avec le 5e arrondissement.
C'est simplement pour cette raison. Je constate une fois de plus que sur ce point pr�cis quantit� d'�lus ont voulu s'exprimer en prenant des positions de fond que je n'ai m�me pas voulu int�grer, mais, si c'�tait pour ces raisons de fond, que n'ont-ils pas voulu prendre un lieu appartenant et d�pendant de ces arrondissements. Je constate une fois de plus que la position unanime du Conseil d'arrondissement n'a pas �t� retenue.
Simplement, au moins sur un sujet sensible, il aurait d� y avoir l'unanimit�.
(Applaudissements sur les bancs du groupe U.M.P.).
M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - La parole est � M. CAFFET.
M. Jean-Pierre CAFFET, adjoint, rapporteur. - Merci, Monsieur le Maire.
Je voudrais d'abord commencer par saluer la pr�sence de Josette AUDIN et de sa famille car ce moment est un moment, je crois, symbolique et particuli�rement �mouvant.
Je ne vais pas revenir sur le d�bat, dont je consid�re qu'il a �t� tr�s digne, au cours de cette s�anc. Bien s�r, chacun y a mis sa part de v�rit�, sa vision du monde, sa vision de l'Histoire. En tout cas, sa vision d'un pan de notre histoire, celui de la guerre d'Alg�rie, qui a �t�, comme vous le savez, particuli�rement douloureuse.
Et pour r�pondre, ne serait-ce que d'un mot, � M. TIBERI, je voudrais dire tout simplement qu'honorer Maurice Audin, mort sous la torture en Alg�rie en 1957, ce n'est pas oublier tous ceux qui ont souffert de la guerre d'Alg�rie. Et Dieu sait s'ils sont nombreux.
La question que vous posez est, en fait, une question d'opportunit� en quelque sorte : vous n'�tes pas oppos� � cet hommage, mais vous vous demandez pourquoi dans le 5e arrondissement. Pour une raison tr�s simple, Monsieur TIBERI, et je revendique la pr�sidence de la r�union au cours de laquelle le lieu a �t� d�cid�. Tout simplement, parce que Maurice Audin est un pied noir, l'un des pieds noirs qui ont milit� pour l'ind�pendance de l'Alg�rie. Maurice Audin est n�, a v�cu, est mort en Alg�rie et n'a jamais habit� Paris ; on ne lui en a m�me pas laiss� la possibilit� car, en 1957, il mourait sous la torture. Il fallait donc trouver un lieu dans Paris qui soit un lieu qui ait du sens.
Quelques propositions ont �t� faites. Il a sembl� � la Municipalit� et au Maire de Paris que d�baptiser la rue des Tourelles dans le 20e arrondissement, � proximit� imm�diate de la caserne Mortier, n'�tait sans doute pas la meilleure solution et, en tout cas, n'�tait pas de nature � apaiser les esprits qui, chaque fois que l'on parle de la guerre d'Alg�rie, commencent � s'�chauffer. Il est vrai que, s'agissant de la guerre d'Alg�rie, les blessures ne sont toujours pas referm�es.
Il fallait trouver un lieu qui ait du sens et nous avons pens� au 5e arrondissement. Pour quelles raisons ? Parce que le lieu qui va porter - je l'esp�re - le nom de place Maurice Audin, quand nous en aurons d�cid� dans quelques instants, se trouve � proximit� imm�diate de la Facult� des sciences de Paris VI et de Paris VII. Nous pensons que ce lieu rappellera que Maurice Audin �tait un math�maticien sans doute promis � un grand avenir, s'il n'�tait pas mort sous la torture.
Deuxi�mement, cette future place se trouve aussi au c?ur du quartier latin et c'est � la Sorbonne que la th�se de math�matiques de Maurice Audin a �t� soutenue ; c'est un fait suffisamment rare pour �tre soulign�.
Et, troisi�mement, cette place se trouve � proximit� de la Mutualit� dont on disait qu'elle avait �t� un lieu de r�sistance, je dirais plut�t de contestation de la guerre d'Alg�rie.
Oui, je crois que ce lieu a du sens. Nous avons �t� capables de nous rassembler ce matin sur une d�nomination qui a recueilli l'unanimit� du Conseil de Paris : "place du 9 novembre 1989, chute du mur de Berlin". Je ne comprendrais pas que nous ne puissions pas maintenant nous rassembler pour honorer la m�moire de Maurice Audin dans le 5e arrondissement.
Pour le pied noir que je suis, qui a v�cu son enfance en Alg�rie, c'est un honneur pour moi de rapporter ce projet de d�lib�ration.
(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et radical de gauche, communiste, du Mouvement r�publicain et citoyen et "Les Verts").
M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - Je mets aux voix, � main lev�e, le projet de d�lib�ration DU 145.
Qui est pour ?
Qui est contre ?
Abstentions ?
Le projet de d�lib�ration est adopt�. (2003, DU 145).
(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et radical de gauche, communiste, du Mouvement r�publicain et citoyen et "Les Verts").

Octobre 2003
Débat
Conseil municipal
retour Retour