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2010, V - Question d'actualité du groupe Communiste et élus du Parti de Gauche à M. le Maire de Paris et à M. le Préfet de police relative au développement des pratiques de ventes improvisées autour du marché aux puces de Montreuil.


M. LE MAIRE DE PARIS. - La parole est maintenant � Pierre MANSAT.

M. Pierre MANSAT, adjoint. - Monsieur le Maire, la question s'adresse, bien s�r, au Pr�fet de police, puisqu'il s'agit d'une situation que nous avons d�j� �voqu�e au pr�c�dent Conseil de Paris. Je veux �voquer le d�veloppement de la vente ill�gale sur la voie publique autour du march� de la porte de Montreuil, ce qui nous am�ne � poser une question d'actualit� : le d�veloppement spectaculaire de cette occupation du domaine public par des vendeurs. Bien s�r, ces vendeurs, maintenant, envahissent m�me la voie d'acc�s du p�riph�rique et les rues attenantes � la porte de Montreuil. Il y a toujours eu de la vente � la sauvette autour du march� des puces de Montreuil, mais l�, nous sommes dans une situation assez extraordinaire par son ampleur. Fr�d�rique CALANDRA, qui �tait ce matin � un rassemblement des puciers et des riverains pourrait t�moigner dans ce sens. Nous parlons de plusieurs centaines ; certains parlent de plus de 1.000 personnes qui vendent des marchandises � la sauvette.

Bien s�r, pour une grande part, il s'agit de gens en situation extr�mement pr�caire, qui sont amen�s � vendre des aliments dont la date de p�remption est d�pass�e ou des objets de r�cup�ration, mais il y a aussi beaucoup de trafic qui trouve l� son d�bouch�.

Nous ne pouvons pas, dans cette situation, rester insensibles � la situation, bien s�r, des riverains qui sont exc�d�s, puisque l'espace public est compl�tement appropri�, avec les cons�quences que l'on peut imaginer, la situation d'extr�me pr�carit� d'une partie de ces vendeurs, l'int�r�t des gens qui ont recours � ce type de commerce, c'est-�-dire qui ne sont pas prot�g�s pour les objets qu'ils ach�tent, et les puciers eux-m�mes qui voient la r�putation du march� aux puces de la porte de Montreuil - je dis bien la r�putation du march� aux puces de la porte de Montreuil - qui est gravement atteinte par le d�veloppement de cette vente ill�gale.

Nous imaginons que les r�ponses ne sont pas faciles devant une situation qui atteint une telle ampleur et qu'elles doivent mobiliser l'ensemble des pouvoirs publics dans les comp�tences qui sont les leurs et, bien �videmment, c'est � ce titre, Monsieur le Pr�fet, que nous vous interrogeons sur ce qu?il vous semble n�cessaire de faire pour que la situation ne continue pas de se d�grader.

M. LE MAIRE DE PARIS. - Merci, Monsieur le Conseiller ; l�, je ne m?adresse pas � l?adjoint.

J?ai vu que votre question, si je lis bien, s'adressait au Maire de Paris et au Pr�fet de police. Je vais donc donner la parole d?abord, en accord avec M. le Pr�fet de police, � Olga TROSTIANSKY, puis � M. le Pr�fet de police.

Vous voulez dire un mot ? C'est pr�vu par le r�glement, les maires d'arrondissement ? Je suis pour, mais je veux respecter le r�glement.

Fr�d�rique CALANDRA, un instant, avant ; c'est une bonne id�e.

Mme Fr�d�rique CALANDRA , maire du 20e arrondissement. - Merci, Monsieur le Maire.

Tr�s rapidement, nous sommes l� dans une situation qui est hors du commun, c'est-�-dire qu'il ne s'agit pas de vente � la sauvette comme on peut en conna�tre ailleurs, et je tiens � dire fermement que je mets en garde contre les discours un peu � l'emporte-pi�ce et faciles sur la question des Biffins. Les personnes, aujourd'hui, qui vendent � la sauvette � Montreuil ne sont pas des Biffins. Il y a une tradition de Biffins � Paris, qu'on a connue porte de Montmartre, qu'on a connue aussi porte de Montreuil ; ce sont des gens qui s?identifient et se reconnaissent entre eux comme Biffins, qui sont organis�s dans des associations qui ont des traditions et qui ont - je dirai m�me - presque un savoir-faire.

L�, ce n?est pas du tout de cela qu?il s'agit. Aujourd'hui, nous avons un ph�nom�ne de fixation � la porte de Montreuil qui est favoris� par la nature de l'espace public. La porte de Montreuil est un �norme espace, tr�s difficile � g�rer, par sa nature et sa disposition m�me, et nous avons aujourd'hui des ventes � la sauvette qui sont de deux natures : il y a, d'une part, un march� de la mis�re de gens qui se font un revenu comme cela, en vendant des choses trouv�es dans la rue, prises dans des bacs, y compris des bacs de la Ville de Paris d'ailleurs, prises dans les bacs des v�tements, si ce n'est qu'attention, il y a aussi des r�seaux organis�s, il faut avoir le courage de le dire, on n'est pas devant des choses simples et, d'autre part, il y a des trafics, je tiens � le dire et � faire face � une certaine na�vet� ; ce week-end, j'ai envoy� des gens de mon cabinet pour la �ni�me fois me faire un point sur ce qui s'y passait, il y avait des t�l�visions � �cran plat, neuves, en vente sur le trottoir ; il y a de la contrebande de cigarettes, il y a du trafic de drogue, il y a du recel de vols. Il faut dire pr�cis�ment les choses.

Par ailleurs, les Biffins ne peuvent plus travailler � la porte de Montreuil, parce qu?ils sont mis en danger. Il y a m�me des gens qui s?autoproclament placiers de fait et qui rackettent les autres.

Aujourd'hui, les sauvettes sont install�es sur la voie m�me, donc les pi�tons sont oblig�s de descendre sur la chauss�e, tous les trottoirs sont occup�s, les riverains ne peuvent plus rentrer chez eux dans des conditions normales, ils ne peuvent plus acc�der � leur v�hicule. Nous sommes dans une situation exorbitante du droit commun et de danger.

Il y a, par ailleurs, des dangers et des questions de sant� publique, il y a des marchandises alimentaires p�rim�es qui sont vendues?

M. LE MAIRE DE PARIS. - Il faut conclure, Madame.

Mme Fr�d�rique CALANDRA , maire du 20e arrondissement. - ? et d�sormais, les sauvettes s?installent sur les acc�s du p�riph�rique, donc je demande � la Pr�fecture de police de nous trouver une solution p�renne, en ayant conscience de ses propres contraintes, mais je demande simplement � ce que les habitants de la porte de Montreuil puissent b�n�ficier des dispositifs qui s'appliquent ailleurs.

Je vous remercie.

M. LE MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup.

Madame TROSTIANSKY ?

Mme Olga TROSTIANSKY, adjointe. - Monsieur le Maire, le d�veloppement d?un march� de la mis�re dans le quartier de la porte Montreuil est effectivement un ph�nom�ne tr�s inqui�tant, en termes tant de s�curit� et d'occupation ill�gale du domaine public que de pauvret� des populations qui se livrent � ces activit�s.

D�s d�cembre dernier, Fr�d�rique CALANDRA alertait la police sur cette situation et ses cons�quences sur les riverains. Il est important de rappeler que la Ville est clairement oppos�e au d�veloppement des march�s ill�gaux sur la voie publique et la col�re des habitants face aux nuisances g�n�r�es par la pr�sence d'un millier de vendeurs dans ce quartier populaire est tout � fait l�gitime.

En accord avec Fr�d�rique CALANDRA, maire du 20e arrondissement, le Maire de Paris a demand� par courrier au Pr�fet de police un renforcement des effectifs et des interventions dans la dur�e dans ce secteur pour mettre fin � ces occupations et assurer la tranquillit� et l'hygi�ne publiques attendues par les riverains.

Nous avons �galement demand� aux services de la Direction de la Propret� d'�tre tr�s r�actifs, sachant que les conditions d'intervention de ses agents confront�s � des occupations sauvages sont extr�mement difficiles.

Par ailleurs, les services sanitaires de la Pr�fecture de police sont �galement sollicit�s afin de contr�ler les produits alimentaires et les m�dicaments qui pourraient �tre revendus.

Cependant, Monsieur MANSAT, vous avez raison d'indiquer que les interventions polici�res et judiciaires, bien que prioritaires et indispensables, ne peuvent suffire seules � r�guler ce ph�nom�ne qui est aussi l'expression de la paup�risation d'une partie de la population domicili�e � Paris et en banlieue.

La pr�sence de personnes issues des communaut�s roms et asiatiques, en grande difficult�, traduit aussi l'impasse des politiques migratoires et l'absence de prise en charge sociale relevant de la comp�tence de l'�tat.

L'analyse des situations sociales des vendeurs est en cours via le Secr�tariat g�n�ral de la Ville de Paris, mais nous savons d'ores et d�j� que la population pr�sente est tr�s composite. Des personnes se livrent � des ventes de produits neufs, comme l?a rappel� Fr�d�rique CALANDRA, et � des activit�s de recel qu'il faudra r�primer. D'autres vendeurs compl�tent leurs minima sociaux par la vente de produits r�cup�r�s ou recycl�s. C'est une population pr�caire que nous devons soutenir dans leur insertion et leur acc�s au droit.

Cependant, malgr� le passage des maraudes associatives et de l'unit� d'aide aux sans-abri de la D.P.P., les personnes rencontr�es ne sollicitent pas d'aide sociale directe et leur mobilit� en premi�re couronne rend l'accompagnement social difficile.

C'est pourquoi nous souhaitons �tudier, en concertation avec les riverains, avec la maire du 20e arrondissement et en compl�ment des interventions de police, la faisabilit� de r�guler une activit� de revente strictement encadr�e et de proposer un suivi social de ces personnes.

M. LE MAIRE DE PARIS. - Tr�s bien.

Merci.

Monsieur le Pr�fet de police.

M. LE PR�FET DE POLICE. - Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les Conseillers, des march�s sauvages et des ventes � la sauvette se sont effectivement enracin�s sur plusieurs sites de l?espace parisien, qu'il s'agisse du secteur de Belleville, de la Porte de Montmartre, du Champ de Mars ou bien, comme on vient de l'�voquer de fa�on plus aigu�, du secteur de la Porte de Montreuil.

Parall�lement � la pr�sente question d'actualit�, mais cela a �t� �voqu� parmi les intervenants, vous m'avez, Monsieur le Maire, �crit ce matin � ce sujet.

D'embl�e, je souhaite, et j'esp�re comme d'habitude, �tre parfaitement clair, et pas davantage qu'aucun �lu de cette assembl�e, la Pr�fecture de police ne consid�re comme satisfaisante la situation actuelle et les troubles qu'elle entra�ne dans les conditions d'existence des riverains.

Contrairement � ce que j'ai pu entendre ou bien lire tr�s r�cemment, personne n'est abandonn� dans cette affaire et l'an dernier, ce ne sont pas moins de 10.000 proc�s-verbaux pour vente sur la voie publique sans autorisation qui ont �t� dress�s ; depuis le d�but de l'ann�e, 2.730 contraventions l'ont �t� � nouveau.

Je vous remercie d'ailleurs, puisque c'est dans votre courrier, Monsieur le Maire, d'avoir bien voulu relever les efforts importants qui ont �t� consentis � l'automne dernier sur les sites de Belleville et de la Porte Montmartre avec l'appui de M. SARRE.

Malgr� cet engagement massif de policiers, la situation n'est pas r�gl�e, loin de l�, et je n'en con�ois personnellement aucun d�couragement mais un ardent devoir de reprendre le probl�me et de le combattre plus efficacement et peut-�tre autrement.

Si nous voulons agir avec efficacit�, il faut avoir le courage de faire une analyse compl�te et se poser les bonnes questions.

D'abord, il y a la question de la pr�sence polici�re, et je suis de ceux qui pensent que la pr�sence polici�re ne suffira pas, mais la pr�sence polici�re sera comme c'est d�j� le cas, contrairement � ce qui a �t� dit, renforc�e. J'ai donc demand� ce matin aux directeurs de la Pr�fecture de police d'affecter r�guli�rement des renforts sur les sites concern�s, et ces renforts se poursuivront au cours des prochaines semaines.

Mais je crois, et d'ailleurs cela a �t� �voqu� par les orateurs ou ceux qui ont pos� la question, je crois qu'il serait d�raisonnable de penser que c'est simplement une question d'effectifs que l'on pourrait pr�lever d'ailleurs au d�triment d'autres missions tout � fait importantes que sont la s�curisation des quartiers - vous y tenez de fa�on globale -, la probl�matique des transports, etc.

Mais s'agissant du domaine public, qui est une comp�tence partag�e, je me f�licite que la Direction de la Pr�vention et de la Protection ait accept� depuis plusieurs semaines de s'associer � notre dispositif de vigilance.

Au-del�, il faut constater le caract�re inadapt� de la l�gislation en vigueur. Le droit positif actuel ne pr�sente pas un caract�re dissuasif suffisant, et c'est la raison pour laquelle, sit�t que les policiers ont le dos tourn�, les installations reprennent. Je vous ai donn� les chiffres tout � fait �loquents du nombre de contraventions que nous dressons dans le syst�me juridique actuel.

C'est pourquoi, d�s l'an dernier, j'ai saisi le gouvernement de cette question et qu'un amendement a �t� d�pos� dans le projet de loi relatif � la s�curit� int�rieure.

Deux dispositions sont pr�vues : d'une part de lutter contre les fili�res, en instituant un d�lit sp�cifique d?exploitation de vente � la sauvette, et d'autre part de transformer la contravention de vente � la sauvette en d�lit, ce qui nous permettra d'interpeller les personnes, de contr�ler les identit�s et non pas simplement de se contenter de mettre une contravention qui n'est g�n�ralement pas r�gl�e et qui est devenue un sabre de bois.

Nous avons absolument besoin de cette disposition pour �tre efficace.

Aussi, je vous remercie, Monsieur le Maire, ainsi que tous les parlementaires qui sont sur ces bancs, de l'appui qui nous sera apport� pour cette avanc�e l�gislative.

Mais par ailleurs, et cela vient d'�tre �voqu� tr�s longuement, ce ph�nom�ne comprend une dimension sociale qu'une approche polici�re seule ne peut pr�tendre prendre en charge. Il y a une demande sociale en mati�re d'�change commercial de proximit�, et s?il y a des trafics, s?il y a des recels dont nous nous occupons et dont nous nous occuperons - j'ai bien entendu ce qu?a dit Mme CALANDRA, notamment sur l'organisation de v�ritables trafics et de v�ritables fili�res -, nous allons nous en occuper avec la police judiciaire.

Mais il faut �galement, pour reprendre vos propres termes, Monsieur le Maire �galement, que l'on aboutisse � une forme de r�gulation. Faut-il d�terminer de nouveaux emplacements r�serv�s � cette activit� judicieusement choisis ? Je n?ai aucune certitude mais je pense que nous pouvons en parler car les policiers ne r�gleront pas seuls ces probl�mes.

Je suis donc particuli�rement int�ress�, puisque j'ai �voqu� la situation que nous avons connue � Belleville, par le rapport que vous avez command� sur un diagnostic social, qui a �t� engag� � l'automne dernier sur le boulevard de Belleville, pour voir quel est le profil exact des personnes qui se livrent � ce type d'activit�s.

Enfin, et comme c'est souvent le cas en mati�re de police et dans d'autres secteurs - vous venez d'�voquer la circulation -, il y a une dimension m�tropolitaine de ce probl�me qui ne doit pas �tre ignor�e.

Une partie des populations concern�es vit dans des campements de fortune de la couronne parisienne ; Mme Olga TROSTIANSKY s?en est faite l'�cho. Je suis �videmment beaucoup moins pessimiste qu'elle sur la prise en charge par ces personnes par l'Etat et d'ailleurs, � Paris, gr�ce � une v�ritable coop�ration que nous conduisons sur ces probl�matiques, nous avons enregistr� des progr�s tout � fait sensibles. Dans le cadre de la police d'agglom�ration, avec mes trois coll�gues, et notamment avec mon coll�gue de Seine-Saint-Denis, nous aurons � voir comment nous pouvons progresser sur une probl�matique qui p�se beaucoup sur les formes de d�linquance et d'activit�s dans la Ville de Paris.

Voil� ce que je voulais dire. C'est un travail collectif qu'il faut conduire. Vous pouvez, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les Conseillers, compter sur ma fermet� et ma d�termination pour agir dans ce secteur comme ailleurs, Madame CALANDRA, car je consid�re que toute la Ville de Paris et maintenant l'agglom�ration doivent avoir le m�me degr� de service de la part de la Pr�fecture de police dans toutes ses dimensions, puisque j'ai bien not� que l?on souhaitait �galement faire intervenir les contr�les sanitaires.

J'avoue d'ailleurs que dans le cadre de la r�forme de l'Etat, � partir du 1er juillet, la Concurrence et la Consommation sera rattach�e � la Pr�fecture de police, ce qui me para�t �tre un atout suppl�mentaire pour attaquer sous certains angles qui ont �t� �voqu�s, qui sont ceux de la concurrence.

S'agissant des riverains, j'ai d�l�gu� sur place, ce matin M. CHALULOT, le chef de la cellule police � mon cabinet, pour les rencontrer et je recevrai personnellement dans la semaine qui vient, puisqu'il a �t� dit que c'�tait la comp�tence unique de la Pr�fecture de police, afin que ce soit la Pr�fecture de police qui s'occupe de ce sujet dont je vous remercie d'avoir bien voulu consid�rer les uns et les autres qu'il �tait multiforme et compliqu�.

M. LE MAIRE DE PARIS. - Cela fait un moment que je suis cette situation. Je pense qu'on a atteint un niveau totalement intol�rable, et c'est pourquoi je suis totalement solidaire de la maire et des �lus du 20e arrondissement, tout simplement parce que la vie des habitants, des riverains, est devenue insupportable.

J'ai pris acte des propos tenus aujourd'hui ; j'entends que dans les prochains jours, les prochaines semaines, nous fassions preuve ensemble d'efficacit�, et le concours de tous est le bienvenu, y compris pour la finesse des analyses. Mais j'entends que cette situation ne perdure pas.

Mai 2010
Débat
Conseil municipal
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