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2005, DPP 50 - Autorisation à M. le Maire de Paris à signer une convention annuelle d’objectifs avec l’association “Mission possible”. - Attribution de la subvention correspondante. - Montant : 33.000 euros.


M. Pierre SCHAPIRA, adjoint, pr�sident. - Nous revenons au projet de d�lib�ration DPP 50 relatif � l?association ?Mission possible?.

Je donne la parole � V�ronique DUBARRY.

Mme V�ronique DUBARRY. - Merci, Monsieur le Maire.

L?association ?Mission possible? a �t� cr��e en 2002 par Claude BEAU, magistrate d�tach�e de l?I.N.H.E.S., Institut national des hautes �tudes de s�curit�.

L?un des objectifs de cette association est la pr�vention pr�coce de la d�linquance et pour ce faire, elle s?inspire des r�sultats d?une �tude men�e par l?I.N.H.E.S. qui aurait mis en �vidence un ensemble de crit�res de risque r�currents pr�valant dans les conduites � risques.

Je parle au conditionnel puisque malheureusement dans ce projet de d�lib�ration qui, vous l?avez rappel�, concerne la coquette somme de 33.000 euros, il n?est en rien rappel� les r�sultats de cette �tude. Nous ne pouvons donc malheureusement pas nous positionner sur les postulats m�thodologiques qui fondent cette approche. Pourtant en la mati�re, je crois que tout le monde en est conscient, il ne s?agit pas d?�tre de bonne volont� pour �tre absous de toute explication m�thodologique. Car sous le concept de pr�vention se cachent des postulats m�thodologiques et id�ologiques bien diff�rents.

De m�me, nous regrettons que ce projet de d�lib�ration ne livre aucune �valuation du travail men� depuis un an par cette association. J?ai fait quelques recherches et le cabinet de Christophe CARESCHE m?a communiqu� un article qui m?a permis d?avancer sur le sujet. Il semblerait que cette recherche de l?I.N.H.E.S. ait �t� fond�e sur l?�tude de 100 dossiers de jeunes d�linquants multir�cidivistes trait�s par des magistrats du 19e arrondissement. L?�tude de ces dossiers, compl�t�s par des consultations aupr�s de professionnels, aurait permis � l?I.N.H.E.S. d?isoler pr�s de 40 indicateurs. Selon M. BERLIOZ, l?ancien directeur de l?I.N.H.E.S., le premier signal serait la carence affective dont souffrirait le jeune enfant. L?approche semble donc privil�gier une analyse comportementaliste de la d�linquance.

L?association ne se limite heureusement pas � cette vision des choses, mais je reste m�fiante devant cette analyse psychologisante des ph�nom�nes de conduites � risques et de d�linquance. Chacun, chacune d?entre nous s?accordera sur le fait qu?une pr�vention cibl�e et pr�coce ne peut �tre que b�n�fique. Mais encore faut-il que nous soyons d?accord sur la d�finition des crit�res de risques r�currents et sur leurs causes. En effet, de l?avant projet de loi sur la pr�vention de la d�linquance, au si controvers� rapport BENISTI en passant par l?�tude de l?I.N.S.E.R.M. sur les troubles de conduite chez l?enfant et chez l?adolescent, nous voyons poindre les fondements d?une politique de pr�vention fond�e sur une id�ologie ultralib�rale de responsabilisation � outrance des individus qui d�douanent ainsi, de fait, notre syst�me social.

Il est bien �videmment plus confortable de limiter � une analyse comportementale, voire neurobiologique, les ph�nom�nes de d�linquance plut�t que de s?interroger sur la question de la production des r�gles sociales. Je caricaturerai � peine l?�tude de l?I.N.S.E.R.M., mais la d�linquance serait m�dicalement d�tectable d�s le plus jeune �ge chez des sujets pr�sentant des troubles de conduite. Selon cette m�me �tude, ?les troubles de conduite s?expriment chez l?enfant et l?adolescent par une palette de comportements tr�s divers qui vont des crises de col�re et de d�sob�issance r�p�t�es de l?enfant aux agressions grave comme le viol, les coups et blessures ou le vol du d�linquant?. Je cite encore, on nous explique que ?l?expression clinique du trouble de la conduite est fonction de l?�ge du sujet, �volue avec l?�ge avec un risque �lev� d?�volution vers une personnalit� antisociale � l?�ge adulte?. Cette �tude nous apporte ainsi un �clairage int�ressant sur les �v�nements actuels puisqu?elle nous explique que ?les comportements de destruction de biens et de mat�riels, bien que pr�sents chez la majorit� des petits enfants, restent pr�sents chez ceux pr�sentant un trouble de conduite, qui en avan�ant en �ge peuvent d�truire des biens et du mat�riel de plus en plus co�teux et utiles pour la collectivit� par vandalisme, incendie d?automobiles et d?�coles?.

Si nous allons un peu plus loin dans cette �tude, nous apprenons �galement que ces recherches sur les fondements neurobiologiques du trouble de conduite permettent de circonscrire ces m�canismes et qu?il convient d?�tudier les interaction g�ne environnement mais �galement que des taux anormalement bas de cholest�rol ont �t� rapport� chez des hommes auteurs d?agressions violentes. Quelle chance, je suis une femme mais j?ai un taux de cholest�rol extr�mement �lev� ! Nous sommes donc face � une question de sant� publique. Nul besoin d?aller chercher des explications sociales ou historiques aux ph�nom�nes de d�linquance, puisque les fondements m�me de ces comportements sont �minemment scientifiques.

Franchement, je m?interroge : qu?attendons-nous pour traiter tous ces malades ?! Or, nous assistons l� � une dangereuse confusion entre cat�gories m�dicales et actes sociaux, � une dangereuse naturalisation du social et du politique, tendant � �vacuer toute cause sociale de la souffrance et des comportements dits d�viants. Il est effectivement beaucoup plus simple de m�dicaliser un sympt�me plut�t que de remettre en question le syst�me qui a produit ce sympt�me. Quand la paix sociale, l?�galit� des chances ne sont plus garanties par un syst�me efficace de solidarit�, de redistribution des richesses, quand la souffrance et la col�re s?expriment parfois de fa�on brutale et violente, est-ce que nous nous donnons vraiment les moyens d?�couter cette souffrance et d?en combattre les causes ? Ou tentons-nous, comme la politique du Gouvernement le fait si bien, de faire taire ceux qui souffrent en les enfermant dans une identit� de malades sociaux ? Soigner ou punir nous semble, � l?heure actuelle, �tre la seule alternative qui nous est pr�sent�e par l?id�ologie ultralib�rale en marche.

En ce qui concerne le groupe ?Les Verts?, nous nous abstiendrons sur ce projet de d�lib�ration qui ne r�pond pas � notre avis � tout un ensemble de questions.

M. Pierre SCHAPIRA,adjoint, pr�sident. - Merci, ch�re coll�gue.

Je donne la parole � Philippe GOUJON.

M. Philippe GOUJON. - Merci.

Monsieur le Maire, Monsieur le Pr�fet, je prendrai le contre-pied de tout ce qui vient d?�tre dit parce que, pour ma part, je consid�re que c?est le type m�me d?action intelligente et utile mais pour peu qu?on laisse l?id�ologie et les arri�re-pens�es au vestiaire et je ne vois pas ce que vient faire la pens�e lib�rale l�-dedans.

Au titre des outils de pr�vention pr�coce, les chercheurs et Mme DUBARRY a �voqu� les �tudes de l?I.N.H.E.S. et de l?I.N.S.E.R.M. - les chercheurs donc savent bien, et vous l?avez presque d�montr� dans votre contre- argumentaire si je puis dire, qu?aujourd?hui il y a une tr�s large batterie de crit�res par lesquels on peut identifier des enfants qui sont susceptibles, il est vrai, de basculer ult�rieurement dans des comportements � risques. Pour ma part, je fais davantage confiance � ces �tudes qu?aux observations d?ordre politico-neuropsychologique auxquelles vous vous �tes livr�e avec beaucoup d?audace, me sem-ble-t-il !

C?est toujours facile en isolant telle ou telle proposition, telle ou telle phrase de caricaturer n?importe quelle �tude et certainement aussi des discours et des �crits politiques, n?est-ce pas ?

Donc, il ne s?agit pas du tout de stigmatiser ces enfants, mais au contraire de les prendre en charge, en accord avec leur famille d?ailleurs comme cela est pr�cis� par le projet de d�lib�ration, pour une remise � niveau scolaire et un traitement de troubles avec l?aide d?un psychologue. Je ne vois pas en quoi cela pr�sente le moindre danger. Bien au contraire, c?est une deuxi�me chance finalement qu?on leur donne. On ne voit pas l� le moindre fantasme s�curitaire tout � fait d�plac�.

On peut regretter seulement que cette m�thode ne soit destin�e qu?aux enfants � partir de 6 ans, et je parle sous le contr�le de ma coll�gue Edwige ANTIER qui s?en est occup�e par ailleurs, alors que les sympt�mes d�crits peuvent �tre constat�s aussi bien s�r avant cet �ge et qu?un type de prise en charge diff�rente devrait aussi aider les tr�s jeunes enfants qui sont inscrits dans les structures municipales destin�es � la petite enfance.

Chacun devrait, semble-t-il, approuver ces projets de r�ussite, parce que c?est de cela dont il s?agit, pour les enfants et leurs parents, qui s?inscrivent parfaitement dans le Contrat parisien de s�curit� et son avenant que vous avez approuv�, me semble-t-il, pour venir en aide aux plus d�munis.

M. Pierre SCHAPIRA, adjoint, pr�sident. - Merci.

La parole est � Christophe CARESCHE.

M. Christophe CARESCHE, adjoint, au nom de la 5e Commission. - Merci, Monsieur le Maire.

D?abord, je voudrais dire que je suis tr�s heureux que ce d�bat puisse avoir lieu ici : c?est un vrai d�bat, int�ressant, qui doit nous permettre d?�clairer l?action de la Ville de Paris dans ce domaine.

Je n?ignore pas toutes les ?pr�ventions? que doit affronter la ?Mission possible?. Malgr� ces pr�ventions, j?ai consid�r� qu?il fallait soutenir cette action. Nous avons commenc� � le faire dans le 19e arrondissement, et l�, nous vous proposons de le faire, sur une �chelle plus grande, dans le 20e arrondissement.

Deux choses, effectivement, sont nouvelles dans l?approche de ?Mission possible?.

La premi�re, c?est l?�ge des enfants. Ils ont entre 6 et 10 ans. Il s?agit donc d?une pr�vention pr�coce. Je ne propose pas d?aller dans le sens de M. GOUJON, c?est-�-dire d?aller en de�� de cet �ge, comme M. BENISTI d?ailleurs qui propose entre 0 et 3 ans. Il me semble que c?est excessif, c?est le moins que l?on puisse dire.

Premier probl�me : acceptons-nous - encore une fois, le d�bat se pose, de fa�on parfaitement l�gitime - une action pr�coce en direction d?enfants qui sont jeunes, voire tr�s jeunes ? Je pense personnellement qu?il faut le faire.

Je vois bien l?objection. Elle consiste � nous expliquer qu?il est difficile ?d?intervenir?, entre guillemets, ou de prendre en charge un enfant avant m�me qu?il ait commis quelque acte de d�linquance que ce soit. En m�me temps, il est vrai aussi, et je pense qu?un certain nombre d?�l�ments le d�montrent, que plusieurs facteurs montrent qu?un enfant peut pr�senter plus de risques que d?autres de basculer plus tard dans la d�linquance. Pour parler clairement, j?assume le fait que l?on puisse intervenir de fa�on pr�coce en mati�re de pr�vention, y compris en mati�re de pr�vention de la d�linquance. C?est un choix, encore une fois, dont je mesure le d�bat qu?il peut susciter, mais que j?assume parfaitement.

Le deuxi�me point, la deuxi�me question, le deuxi�me d�bat que soul�ve ?Mission possible?, c?est son approche. C?est effectivement une approche comportementale, d?ailleurs tr�s d�velopp�e dans d?autres pays - je pense notamment au Canada ou aux pays de l?Europe du Nord - et qui est assez �trang�re � la tradition fran�aise. L� encore, je pense que, d�s lors que cette approche est encadr�e et ma�tris�e, elle peut �tre utile et permettre que des enfants ou de jeunes adolescents, confront�s par exemple � l?�chec scolaire, � des probl�mes de liens familiaux, b�n�ficient d?un soutien : il s?agit � la fois sur le plan �ducatif mais aussi sur le plan psychologique, de les ?r�ins�rer? dans l?�cole ou dans leur famille.

Je pense que ces approches, m�me si je mesure leurs limites, sont int�ressantes et qu?il ne faut pas les r�cuser a priori. Sur ce point �galement, j?ai consid�r� cette d�marche acceptable.

Voil� les deux �l�ments sur lesquels il y a un engagement de l?Ex�cutif municipal que j?assume totalement.

Ayant dit cela, il est bien �vident que ces actions doivent �tre suivies et �valu�es. Un comit� de pilotage a d?ailleurs �t� mis en place autour de ?Mission possible? � la Ville de Paris ; il r�unit l?ensemble des directions concern�es. Nous sommes �videmment tr�s vigilants et tr�s attentifs � la fa�on dont les choses se font.

Sur ce plan, je veux pr�ciser qu?il existe une garantie extr�mement importante : c?est que cette action est men�e en �troite relation et collaboration avec l?Education nationale. Les enfants pris en charge par ?Mission possible? sont des enfants dont le ?signalement? et le suivi sont faits par l?Education nationale.

Je pr�cise, au passage, que c?est peut-�tre l?une des seules actions de pr�vention? pas la seule, j?en conviens?, une des rares actions de pr�vention � Paris qui se d�roule en �troite relation avec l?Education nationale. Il y a de ce c�t� l� un certain nombre de garanties.

Il y a �galement un certain nombre de garanties par rapport aux intervenants : ceux de ?Mission possible? sont des gens de grande comp�tence, � commencer par la responsable de l?association, celle qui l?a cr��e, Mme BEAU, magistrate poss�dant une exp�rience salu�e par tous en ce domaine.

D?ailleurs, un certain nombre d?articles ont �t� �crits sur ce sujet. Je pense � celui de ?Lib�ration? qui vous a �t� transmis : il pose un certain nombre de questions et consid�re l?orientation int�ressante.

Je veux aussi dire que ?Mission possible? est cit�e dans le rapport annuel de la d�fenseur des enfants au titre des exemples d?actions de pr�vention exemplaires, j?ai le rapport ici. Il est important que vous disposiez de tous ces �l�ments qui permettent, par rapport � l?approche que j?ai indiqu�e - et qui encore une fois peut entra�ner un d�bat l�gitime - de donner des garanties sur la mise en ?uvre de cette action.

Voil� les quelques �l�ments que je voulais vous communiquer.

Je pense, en tout �tat de cause, que ceux qui souhaitent voir sur place comment les choses se passent, pourront le faire. C?est une association tr�s ouverte. Il est int�ressant que nous puissions, � Paris, soutenir ce type d?initiative, regarder comment cela se passe dans la r�alit� et, en fonction de tout cela, soit adapter les choses, soit au contraire les confirmer. Voil�, en tous les cas, l?�tat d?esprit dans lequel je me trouve � cet �gard.

M. Pierre SCHAPIRA, adjoint, pr�sident. - Merci, cher coll�gue.

Pour une explication de vote, le Pr�sident VUILLERMOZ a la parole pour une minute.

M. Jean VUILLERMOZ. - Je ne suis pas totalement convaincu par les explications qui viennent d?�tre apport�es par Christophe CARESCHE.

Soutenir ?Mission possible?, c?est d�j� le cas dans le 19e arrondissement, comme il vient d?�tre dit par Christophe CARESCHE, mais, comme cela vient aussi d?�tre dit par Christophe CARESCHE, le probl�me, c?est que, pour l?instant, nous n?avons pas d?�valuation. Nous soutenons un certain nombre d?actions dans le 19e arrondissement. Nous n?avons pas d?�valuation. Nous savons qu?il y a un r�el d�bat au niveau national et qui traverse beaucoup de sp�cialistes, notamment au niveau psychiatrique puisque le pr�sident du conseil d?administration de Maison Blanche que je suis, a d�j� organis� un colloque avec un certain nombre de grands sp�cialistes, notamment am�ricains et canadiens, sur cette question. Pour l?instant, l� non plus l?�valuation n?est pas faite et c?est en grande discussion. On peut dire que l?on peut aller au-del�. Un certain nombre de sp�cialistes outre-Atlantique disent que l?on peut aller au-del� de 6 ans, que l?on peut mener une telle action d�s le tr�s jeune �ge. C?est une question.

Il n?y a pas de bilan. La question que je me pose, c?est : faut-il d�s maintenant l?�largir � un autre arrondissement, c?est-�-dire le 20e arrondissement ? C?est dans ce sens-l� qu?il me semble qu?il ne faut pas aller trop loin et trop vite et qu?il faut pouvoir �valuer, de fa�on � pouvoir dire ensuite si c?est valable ou si �a ne l?est pas.

C?est dans ce sens-l� que nous allons nous abstenir.

M. Pierre SCHAPIRA, adjoint, pr�sident. - Merci, Pr�sident.

Je mets aux voix, � main lev�e, le projet de d�lib�ration DPP 50.

Qui est pour ?

Qui est contre ?

Qui s?abstient ?

Le projet de d�lib�ration est adopt�. (2005, DPP 50).

Novembre 2005
Débat
Conseil municipal
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