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2008, V - Question d'actualité déposée par le groupe "Les Verts" à M. le Maire de Paris relative au décès survenu, en fin de semaine, d'une personne sans domicile dans le bois de Vincennes à Paris.


M. LE MAIRE DE PARIS. - La parole est � Jacques BOUTAULT pour le groupe "Les Verts".

M. Jacques BOUTAULT, maire du 2e arrondissement. Merci, Monsieur le Maire.

C'est avec �motion mais aussi avec consternation que nous avons appris qu'un homme sans domicile fixe a �t� retrouv� mort samedi dernier dans le bois de Vincennes. Comment, au XXIe si�cle, dans une des villes les plus riches du monde, une telle trag�die est-elle possible ? L'homme, �g� de 50 ans, n'�tait pas connu des services sociaux. Il vivait depuis plusieurs mois sous un abri de fortune qu'il s'�tait confectionn�. M�me si l'enqu�te a r�v�l� que le froid n'�tait pas la cause du d�c�s, � l'approche de la p�riode hivernale, nous redoutons que ce genre de drames ne se multiplie.

En effet, si nous ne connaissons pas les circonstances exactes de la mort, nous en connaissons les causes, qui sont toujours les m�mes : la grande pauvret�. Ce n'est pas le froid qui tue, mais la mis�re et ses cons�quences : l'exclusion, l'isolement et la pr�carit� de la rue. On d�nombre ces derniers mois plus de 150 personnes qui vivaient dans la rue mortes des suites de leurs conditions inhumaines d'existence.

Avec l'arriv�e du froid et des f�tes de fin d'ann�e, ces morts heurtent plus encore l'opinion. Mais il y a autant de d�c�s de S.D.F. en p�riode hivernale qu'en �t�. Dans le bois de Vincennes, il s'agit du deuxi�me d�c�s de S.D.F. survenu au cours de ce mois. De plus en plus de personnes sans abri, chass�es du centre-ville, y trouvent refuge. Aujourd'hui, ce serait plus de 200 personnes qui auraient �tabli des camps de fortune.

Avec le collectif "les Morts de la rue", nous posons la question : le Bois de Vincennes va-t-il devenir le mouroir des S.D.F. ?

A la suite de ce drame, la Pr�fecture a annonc� une hausse du nombre des maraudes, notamment celles de la B.A.P.S.A.

Deux structures d'h�bergement de S.D.F., soit 120 places suppl�mentaires au total, devraient �tre ouvertes, tandis que le Samu social d�veloppera l'accueil de jour.

Il est � souhaiter que ces places suppl�mentaires soient des lieux o� les personnes sont vraiment prises en charge et peuvent rester de fa�on stable, y compris en journ�e, pour se soigner et se reconstruire. Nous souhaitons avoir des garanties que ces places ne doivent pas �tre de simples dortoirs install�s dans les gymnases.

Par ailleurs, je souhaite interroger � la fois M. le Pr�fet de police, qui repr�sente l'Etat, et le Maire de Paris sur l'�tat d'avancement du projet de mise en place dans les bois d'une maraude sociale commune type Emma�s, destin�e � entrer en contact avec les personnes sans domicile, ainsi que sur le travail commun entre les services de la Ville et le Samu social, afin d'accompagner ces personnes vers un centre d'accueil adapt� ou l'h�pital.

De plus, alors que la crise �conomique qui s'annonce risque de mettre de nombreuses personnes suppl�mentaires � la rue, que la Pr�fecture de police a ex�cut� avec z�le les expulsions locatives avant la p�riode d'hiver et que le Gouvernement r�duit de fa�on drastique les aides aux associations d?aide aux plus d�munis, en particulier � la F.N.A.R.S., sans pour autant pouvoir mettre en ?uvre de fa�on effective la loi sur le logement opposable, je souhaite interpeller le Pr�fet de police afin de lui demander quels moyens suppl�mentaires il compte mettre en place afin de permettre au 115 d'�tre en capacit� de r�pondre aux nombreuses sollicitations quotidiennes dont il est l'objet, si des places d'h�bergement de jour, afin que les personnes n'aient pas � quitter les lieux d�s le petit matin, vont �tre ouvertes, au-del� de celles pr�vues, dont le nombre semble assez d�risoire au regard de la gravit� du probl�me pos�, quel bilan il tire du plan d'action renforc� pour les sans-abri, instaur� l'ann�e derni�re, qui permet � toute personne accueillie dans un centre d'h�bergement d'urgence de se voir proposer une solution p�renne, adapt�e et �tre accompagn�e dans le parc social ou en centre d?h�bergement et de r�insertion sociale.

Enfin, je souhaite demander au Maire de Paris de bien vouloir nous indiquer s'il compte renforcer les brigades de la Direction de la Pr�vention et de la Protection, dont le personnel fait d�j� un travail admirable, qui a permis de sauver de nombreuses vies de personnes vivant dans les bois, quels sont les moyens donn�s � la mise en ?uvre du plan "grand froid" � Paris et l'�tat d'avancement du projet de la cr�ation des centres d'h�bergement et de soins suppl�mentaires pour personnes sans domicile pr�vu au contrat de mandature.

Je vous remercie.

M. LE MAIRE DE PARIS. - Monsieur le Pr�fet de police, vous avez la parole d'abord, puis Mme Olga TROSTIANSKY.

M. LE PR�FET DE POLICE. - Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les Conseillers.

Monsieur le Conseiller, pour r�pondre � votre question, ces derniers jours, plus encore que d'ordinaire, en raison des premiers froids, la Brigade d'assistance aux personnes sans-abri a renforc� ses maraudes en liaison avec ses partenaires du Samu social, des associations et des services de la Ville.

La d�couverte, dans le bois de Vincennes, d'un homme d�c�d� vraisemblablement depuis plusieurs jours lors de sa d�couverte, samedi, suscite, bien s�r, la tristesse et nous commande de mener collectivement, chacun dans notre sph�re de comp�tence, une action �nergique pour secourir et assister les personnes sans domicile fixe.

Le r�le de la B.A.P.S.A., dont je rappelle qu'elle a �t� cr��e en 1954, ann�e c�l�bre, est d'aller quotidiennement et sans rel�che au contact, tout comme le Samu social ou d'autres. Chaque jour, elle dialogue, propose et prend en charge des S.D.F. vers les structures d'h�bergement disponibles.

Ce faisant, la P.P. n?agit pas seule et travaille dans le cadre de la coordination unique mise en place au sein du 115.

Votre question s'adresse, sur le fond, essentiellement � mon coll�gue Pr�fet de Paris, comp�tent pour l'h�bergement d'urgence ; je m'engage � la lui transmettre et solliciterai qu?une r�ponse pr�cise et compl�te vous soit adress�e sous huitaine, car je ne suis pas, M. le Maire me l?avait fait remarquer, repr�sentant de l'Etat � titre complet, ce que je regrette tous les jours, parce que j?ai entendu, par exemple, des interventions sur la politique scolaire auxquelles j'aurais eu plaisir � r�pondre, mais je n'ai pas pu, puisqu'on m'avait fait remarquer...

M. LE MAIRE DE PARIS. - Il n'est pas pr�vu que le Pr�fet de Paris si�ge au Conseil de Paris. Il y a le Pr�fet de police. C?est bien?

M. LE PR�FET DE POLICE. - Non, mais j'explique � M. BOUTAULT, pour qu'il ne m'accuse pas de m'esquiver de ne pas r�pondre � chaque fois qu'il dit du bien du Gouvernement pour le remercier.

(Applaudissements sur les bancs des groupes U.M.P.P.A. et Centre et Ind�pendants).

Je ne souhaite pas que seule l'opposition m'applaudisse non plus.

S'agissant de la mobilisation hivernale � Paris, pour l'hiver 2008-2009, elle s'inscrit, comme vous l'avez indiqu�, Monsieur le Maire, dans le cadre du plan d'action renforc� pour les sans-abri, le P.A.R.S.A., et du grand chantier national prioritaire 20082012 pour l'h�bergement et l'acc�s au logement des personnes sans-abri ou mal log�es.

Ce plan et ce chantier ont permis de d�gager de nouvelles capacit�s d'h�bergement significatives qui seront encore renforc�es. Mme BOUTIN, le ministre charg� de ce secteur, l?a encore indiqu�.

En deux ans - je r�ponds de fa�on pr�cise � votre question -, cela fait 950 places p�rennes suppl�mentaires qui ont �t� d�gag�es pour le dispositif parisien, sans compter les renforts temporaires, comme le Fort de Nogent qui rouvrira la semaine prochaine.

Pas plus tard que la semaine derni�re, la Pr�fecture de police a d�livr� en urgence un avis au titre de la r�glementation E.R.P. pour permettre l'ouverture sans d�lai d'un nouveau centre d'h�bergement rue Cugnot, � proximit� de la gare de l'Est.

Le dispositif d'urgence hivernale applicable � Paris s'articule suivant deux situations de mobilisation qui sont activ�es en fonction de l'appr�ciation des pr�visions m�t�o avec trois jours d'avance.

En cons�quence, depuis le 1er novembre, la situation de vigilance et de veille renforc�e est activ�e et le nombre de maraudes a �t� augment� et sera ajust� en fonction des donn�es locales et m�t�o.

S'agissant de la situation des personnes recens�es dans le bois de Vincennes, sachez que la r�partition des maraudes dans l'espace parisien fait que la B.A.P.S.A. y travaille, bien s�r, mais qu'elle intervient en assistance chaque fois que sollicit�e par la Direction de la Pr�vention et le 115.

Par ailleurs, nul ne l'ignore, le sujet est loin de se r�duire aux capacit�s d'h�bergement, car de nombreux refus sont oppos�s par les sans-abri � leur prise en charge. Ce week-end encore, des places sont rest�es vides.

J'ai fait v�rifier dans la nuit de samedi, puisque nous �tions tous pr�occup�s par cette situation ; il y avait encore des places vides, avant m�me d'ailleurs que nous ne nous tournions vers la mairie pour demander �ventuellement l'ouverture d'un gymnase.

Voil� quelle est la situation.

Je souhaiterais que vous soyez vraiment convaincus que ni les uns, ni les autres, nous ne voyons ces situations sans c?ur et sans discernement.

Si je disais tout � l'heure, sur une autre question qui m'�tait pos�e par un de vos coll�gues, que nous regrettions quelquefois que l'on incite un peu quelques personnes � rester dehors, je parle avec beaucoup de franchise, je crois qu'il ne faut pas le faire, parce que nous avons pris en compte ces demandes, nous faisons vraiment le maximum et Mme TROSTIANSKY peut en t�moigner, dans le cadre de la Maison de Nanterre, dont j'anime le Conseil d'administration, nous avons vraiment pris des mesures tout � fait nouvelles, nous avons un nouveau plan d'�tablissement, sur lequel nous avons travaill� ensemble et je tenais � le dire.

Enfin, je voudrais - je comprends parfaitement le d�bat, les questions qui sont pos�es - r�agir avec une relative vigueur � vos propos relatifs aux expulsions.

Je l'ai dit dans la r�ponse � M. BROSSAT tout � l'heure, nous nous effor�ons de plus en plus, et j'y veillerai, de proc�der � un examen individuel et tr�s pouss� des situations.

J'ai dit tout � l'heure les chiffres. Si nous avons r�duit de 18 % le nombre d'expulsions pour lesquelles nous accordons le concours de la force publique, c'est parce que, notamment avec les services de la Ville, avec tous les services de logement, nous faisons un travail consid�rable. Nous avons des collaborateurs qui s'engagent beaucoup sur ces dossiers et je ne peux pas laisser dire que l'on ne se pr�occuperait pas de ces situations.

M. LE MAIRE DE PARIS. - Merci.

Madame TROSTIANSKY, vous avez la parole.

Mme Olga TROSTIANSKY, adjointe. - Monsieur le Maire, ce week-end, la pauvret� et l'exclusion ont, une fois encore, provoqu� la mort d'une personne sans-abri et je partage l'�motion qu'elle suscite.

De nombreux sans-abri vivent de mani�re tr�s pr�caire dans le bois de Vincennes, mais contrairement � vos informations, Monsieur BOUTAULT, ils sont tous bien connus des �quipes qui interviennent sur ce site, notamment cette personne qui avait refus� des propositions de prise en charge.

Il y a � peu pr�s une dizaine d?associations et d?institutionnels qui interviennent dans le bois.

Sans attendre la p�riode hivernale, je me suis rendue d�s cet �t� dans le bois de Vincennes avec l'unit� d'assistance aux sans abris de la D.P.P. de la Ville de Paris. J'ai constat� que la pr�sence de nombreux sans abri qui sont en danger dans le bois est d'autant plus probl�matique qu'ils refusent pour certains, compte tenu de leur long pass� dans la rue ou de leur �tat psychologique, les propositions d'h�bergement.

Je ne peux vous laisser dire, Monsieur BOUTAULT, que les sans abri, chass�s du Centre de Paris, vont mourir au bois de Vincennes.

Monsieur le Maire, parce que nous sommes tr�s conscients de ce probl�me et que nous connaissons bien les personnes vivant, pour certaines depuis longtemps, dans le bois, nous avons d�cid� la mise en ?uvre avec l'Etat d'une mission bois de Vincennes port�e par "Emma�s", ayant pour objectif d'aller � leur rencontre pour s'assurer de leur acc�s aux droits �l�mentaires et les convaincre d'accepter un h�bergement.

Compos�e de travailleurs sociaux, d'une �quipe de b�n�voles et de plusieurs compagnons d'Emma�s, cette mission, cofinanc�e par la Ville et l'Etat pour 270.000 euros, sera op�rationnelle tr�s prochainement. L'Etat ne s?est pour l'instant engag� que sur le financement pour l'ann�e 2008.

Je crois qu?il faut r�p�ter que nous n'attendons pas l'hiver pour agir. Dans tout Paris et toute l'ann�e, des maraudes p�destres et v�hicul�es vont r�guli�rement au-devant des personnes � la rue, qui sont pratiquement toutes identifi�es. Sur certains arrondissements moins bien couverts, nous allons renforcer les maraudes. De plus, nous augmenterons l'effectif de la brigade d?unit� aux sans abri de deux postes d�s 2009.

Parce que l'urgence sociale est une des grandes priorit�s de cette mandature, nous avons d�cid� de nommer dans les plus brefs d�lais un responsable de la lutte contre l'exclusion aupr�s du Secr�tariat g�n�ral.

Dans l'imm�diat, un gymnase a �t� ouvert dans le 14e arrondissement, un second gymnase est mobilis� dans le 12e arrondissement et il est d�j� pr�vu d'autres ouvertures en cas de besoin, permettant tr�s rapidement l'accueil de 300 personnes.

Monsieur le Maire, une r�union est pr�vue demain avec le cabinet de la Ministre du Logement Christine BOUTIN. Ce sera l'occasion de r�affirmer la n�cessit� d'une programmation par l'Etat, dont c?est la comp�tence, de 5.000 places nouvelles en Ile-de-France pour r�pondre � la crise de l'h�bergement.

La Ville concentre d�j� plus de la moiti� des capacit�s r�gionales. Elle s?est engag�e � cr�er 2.000 places de maisons relais et d?h�bergement en plus des 1.000 financ�s sous la pr�c�dente mandature. Trois nouveaux centres d'h�bergement vont ouvrir � l'initiative de la Ville de Paris. Cet hiver, dans le 5e arrondissement, rue Vauclin, et dans le 15e arrondissement, rue de Javel, rue Gutenberg.

La Ville de Paris lance un appel � projets innovants pour des �tablissements destin�s � des personnes refusant les structures d'h�bergement traditionnelles. Toute nouvelle solution permettant d'am�liorer la prise en charge sera examin�e sans a priori mais avec des exigences de respect de la dignit� des personnes. Et nous attendons sur ce point l'accord de l'Etat.

Mais je voudrais dire peut-�tre, pour conclure, qu'il faut vraiment que les d�partements franciliens qui ont tr�s peu de capacit�s, comme les Hauts-de-Seine et les Yvelines, acceptent de cr�er d'urgence de telles structures.

Je vous remercie.

(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, radical de gauche et apparent�s, communiste, du Mouvement r�publicain et citoyen et "Les Verts").

M. LE MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup.

Novembre 2008
Débat
Conseil municipal
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