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2006, DU 55 - Attribution de la dénomination “passerelle Simone de Beauvoir” à la passerelle des 12e et 13e arrondissements de Paris.


M. Christian SAUTTER, adjoint, pr�sident. - Nous passons au projet de d�lib�ration DU 55 qui attribue la d�nomination de ?passerelle Simone de Beauvoir? � la passerelle qui reliera les 12e et 13e arrondissement de Paris.

La parole est � Mme BLUMENTHAL.

Mme Mich�le BLUMENTHAL, maire du 12e arrondissement. - Merci, Monsieur le Maire.

Il nous est propos� aujourd?hui de rendre hommage � Simone de Beauvoir en attribuant son nom au 37e pont enjambant la Seine entre la Biblioth�que Nationale de France, la Biblioth�que Fran�ois Mitterand et le parc de Bercy reliant ainsi les deux nouveaux quartiers du 13e et du 12e arrondissement.

Dans la m�moire collective les noms de Simone de Beauvoir et de Sartre sont souvent associ�s, car comme le disait Simone de Beauvoir, ils se disaient tous deux avoir rencontr� l?un et l?autre leur double. Ce qui explique qu?aujourd?hui une place de Paris porte leurs deux noms mais cela n?emp�chait pas qu?ils �taient dissociables.

Trop souvent dans le cas de couple c�l�bre, on a tendance � accoler leurs deux noms : rue Pierre-et-Marie-Curie, rue Georges-et-Ma�e-Politzer, rue Robert et Sonia Delaunay. Ainsi appeler la passerelle Simone de Beauvoir permet de reconna�tre en Simone de Beauvoir plus seulement la compagne d?un grand philosophe mais enfin la femme de lettres, la philosophe et surtout son engagement pour le f�minisme et son engagement politique.

N�e dans une famille de la petite bourgeoisie qui n?avait pas les moyens d?assurer son rang, elle repr�sente la premi�re g�n�ration de femmes � avoir fait des �tudes sup�rieures. Elle est re�ue deuxi�me � l?agr�gation de philosophie, Jean-Paul Sartre �tant le premier mais elle devient � 21 ans, la plus jeune agr�g�e de France.

Emancipation des femmes, libert� sexuelle, contraception sont les libert�s que Simone de Beauvoir revendique dans ?Le deuxi�me sexe? qu?elle publie en 1949. Ce livre fait scandale et certains �crivains contemporains le re�oivent tr�s mal. En effet, en pleine guerre froide, chaque camp se veut le d�fenseur de la morale et de la famille. Si l?�galit� femme homme a fait du chemin au lendemain de la guerre, celle-ci s?efface dans les textes de loi qui valorisent l?image de la m�re.

Face � tous ceux qui s?opposent � la contraception, face aux associations de femmes qui pr�nent le retour de la femme au foyer, son livre est un v�ritable coup de tonnerre qui sera censur� aux Etats-Unis, interdit en Union Sovi�tique o� il faut attendre la Perestro�ka pour que l?ouvrage soit traduit.

Elle ouvre la voie � une nouvelle g�n�ration de femmes qui s?interrogent sur les possibilit�s de cumuler vie professionnelle et familiale, au moment o� le planning familial dont on vient de f�ter le cinquanti�me anniversaire, m�ne bataille pour le droit � la contraception.

?Le deuxi�me sexe? fait son chemin et Clara Malraux �crira : ?nous sommes sortis du Moyen �ge ! Si l??uvre de Simone de Beauvoir suscite tant de pol�mique, c?est que la premi�re, elle aborde des sujets tabous : homosexualit�, lib�ralisation de la contraception et de l?avortement. Elle est ainsi l?avant-garde d?un mouvement qui s?amplifiera dans les ann�es 1970. Elle mena les combats dans les ann�es 1970 aux c�t�s du Mouvement de Lib�ration de la Femme en pr�parant le manifeste des 343 femmes ayant d�clar� avoir avort� ou en interrogeant en direct � la radio des mineures lors de l?occupation du foyer des m�res c�libataires de Plessis Robinson.

Engagement politique lors de la guerre d?Alg�rie et ce sera, souvent oubli�e, la d�fense de Djamila Boupacha, jeune alg�rienne tortur�e par des militaires fran�ais. C?est elle qui d�fendit aussi aupr�s de Fran�ois Mitterand le maintien d?un Minist�re du droit des Femmes.

Je voudrais terminer en citant un extrait ?des bouches inutiles? qui la d�finit bien : ?choisir la vie, c?est toujours choisir l?avenir sans cet �lan qui nous porte en avant nous ne serions rien de plus qu?une moisissure � la surface de la terre?.

M. Christian SAUTTER, adjoint, pr�sident. - Merci, Madame BLUMENTHAL.

Madame TA�EB, vous avez la parole.

Mme Karen TA�EB. - Monsieur le Maire, mes chers coll�gues.

Deux arrondissements, le 12e et le 13e vont donc �tre reli�s par une passerelle traversant la Seine, conduisant les amoureux de Saint-Germain-des-Pr�s, comme le furent Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, sur la rive gauche. Mais aussi reliant l?immense jardin Itzhac Rabin, lieu de toutes les r�veries, au temple de l?�criture que repr�sentent les biblioth�ques en g�n�ral, et plus pr�cis�ment ici la Biblioth�que nationale de France Fran�ois Mitterand.

De la pens�e � l?�criture, il n?y a donc qu?un pas que nous pourrons bient�t fouler sur cette passerelle. En accompagnant Simone de Beauvoir vers la B.N.F., on honore ainsi la femme de lettres que fut Simone de Beauvoir et qui laisse une ?uvre nourrie de son histoire.

?Le fait est que je suis �crivain. Une femme �crivain, ce n?est pas une femme d?int�rieur que �crit mais quelqu?un dont toute l?existence est command�e par l?�criture?, comme si elle avait eu � se justifier dans les ?M�moires d?une jeune fille rang�e?. Faut-il rappeler son �criture profuse et riche. Son premier livre ?L?invit�e? para�t en 1943. Elle est l?auteur d?essais avec ?Le deuxi�me sexe?, livre phare dans la d�fense du f�minisme en 1949, romanci�re avec ?Les Mandarins? pour lequel elle obtient le prix Goncourt en 1954 avant d?�crire ses m�moires en 1958 avec ?Les m�moires d?une jeune fille rang�e?.

Attribuer � cette passerelle le nom de Simone de Beauvoir sans lui accoler le nom de Jean Paul Sartre, aussi, bien qu?ils furent ins�parables (?En plus de trente ans, nous ne nous sommes endormis qu?un seul soir d�sunis? �crit-elle) donne du sens � l?individualit� et � l?alt�rit�.

Sur cette passerelle, il sera aussi d�clar� quelque part finalement : une femme est un individu ind�pendant, un individu � part enti�re. ?L?histoire, �crit-elle, a montr� que les hommes ont toujours d�tenu tous les pouvoirs concrets depuis les premiers temps du patriarcat, ils ont jug� utile de maintenir la femme dans un �tat de d�pendance? �crit-elle dans ?Le deuxi�me sexe?.

Paris fait donc place aux femmes, place mat�rialis�e ici dans notre majorit� par cette parit� r�cente mais quasi exemplaire et ceci n?est pas sans rapport avec cela car pour la premi�re fois dans la l?histoire des ponts de Paris, il est question d?attribuer le nom d?une femme ou plut�t d?un �tre devenu femme.

C?est un moment, un tournant historique qui rompt avec la tradition qui donnait aux ponts et aux passerelles le nom d?un g�n�ral ou d?une victoire militaire. Aujourd?hui, avec Simone de Beauvoir, on honore non pas la victoire du f�minisme mais quelques batailles de gagn�es, comme le droit de vote en 1944, la loi Neuwirth en 1967 qui l�galise la contraception, la loi Simone Veil et le droit � l?avortement en 1975. Simone de Beauvoir qui fait d?ailleurs partie des signataires en 1971 du Manifeste des 343 pour la libert� d?avortement n?a m�nag� ni son temps ni son temps ni son �nergie pour venir en aide aux femmes en d�tresse, d�noncer le sexisme et encourager toute initiative f�ministe.

Quelques batailles de gagn�es donc, mais pas la guerre, car on ne peut se r�jouir en 2006 de la situation des femmes, ni dans le monde ni en France. Aujourd?hui, dans notre pays, tous les cinq jours, une femme meurt des suites de violences conjugales. Aujourd?hui, malgr� la loi Roudy de 1983, il n?y a toujours pas d?�galit� professionnelle et de plus en plus de femmes sont les esclaves modernes d?une soci�t� d�cadente.

Aujourd?hui, comme le 8 mars dernier � l?H�tel de Ville, donner le nom de Simone Beauvoir est, bien s�r, l?occasion de mettre � l?honneur une Parisienne, une femme d?exception, une �crivaine, dont la pens�e a fait le tour du monde, mais son nom doit r�sonner en 2006 dans le c?ur des hommes et des femmes, comme un appel � la vigilance contre les mariages forc�s, contre la prostitution, contre les violences faites aux femmes et m�me mortelles, comme ce fut le cas r�cemment pour Sohane dans nos banlieues. En regardant onduler le fleuve, on pourra imaginer tous les voyages qu?elle fit � travers le monde, des Etats-Unis en Afrique, de l?Europe � la Chine, ou encore � Cuba ou au Br�sil, et penser � toutes ces femmes du monde qui se battent en 2006 pour leur libert�.

Les �lus du M.R.C. voteront, bien entendu, ce projet de d�lib�ration.

Je vous remercie.

M. Christian SAUTTER, adjoint, pr�sident. - Merci, Madame TA�EB.

Monsieur CAFFET, quelques mots ?

M. Jean-Pierre CAFFET, adjoint, au nom de la 8e Commission. - Monsieur le Maire, m�me r�ponse que sur le pr�c�dent projet de d�lib�ration. Evidemment, je m?associe � cet hommage.

M. Christian SAUTTER, adjoint, pr�sident. - Parfait. Je mets aux voix, � main lev�e, le projet de d�lib�ration DU 55.

Qui est pour ?

Qui est contre ?

Qui s?abstient ?

Le projet de d�lib�ration est adopt�. (2006, DU 55).

Avril 2006
Débat
Conseil municipal
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