retour Retour

2022 DAC 1 - Approbation de la modification des statuts de l’établissement public de coopération culturelle Centquatre (19e).


 

M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Nous examinons le projet de délibération DAC 1 : approbation de la modification des statuts de l?établissement public de coopération culturelle Centquatre dans le 19e arrondissement. Si les oratrices et orateurs pouvaient faire moins de cinq minutes, cela nous permettrait d?aller au terme de nos échanges. Raphaëlle PRIMET est la première intervenante.

Mme Raphaëlle PRIMET. - Mes chers collègues, je ne vais pas parler vraiment de ce projet de délibération, mais je vais en profiter pour apporter le soutien du groupe Communiste aux salariés et aux intermittents du Centquatre qui sont en grève depuis le 31 janvier.

Nous sommes allés à leur rencontre avec ma collègue Camille NAGET et nous avons été frappées par leur implication, leur passion pour leur métier et leur amour de ce lieu emblématique.

Mais trop, c?est trop ! Aucune augmentation de salaire depuis plus de quinze ans. C?est à la fois un manque de reconnaissance pour leur travail et leurs compétences, mais aussi et surtout, vous le savez : un salaire qui n?augmente pas, c?est leur pouvoir d?achat qui régresse. En somme, c?est travailler pareil pour gagner moins. La réalité, c?est qu?au Centquatre c?est plutôt travailler plus pour gagner moins. En effet, ce qui a mis le feu aux poudres, c?est l?augmentation constante de la charge de travail et, du coup, la dégradation des conditions de celui-ci.

Depuis plusieurs années, la programmation augmente, ne laissant aucun moment de répit aux salariés. Depuis 2021, à cause du report des dates qui avaient été annulées, le nombre de séances a augmenté de 30 %. Offrir plus de spectacles, c?est un objectif que l?on peut partager, mais alors il faut s?en donner les moyens. Cela ne peut pas se faire sur le dos des salariés. Cette suractivité conduit d?ailleurs à un turnover important de salariés, ce qui nuit à l?efficacité des équipes et je ne vous parle pas des burn-out. En conséquence, il faut embaucher des salariés en recherche d?emploi dans le secteur culturel. Il y en a !

Les salariés nous disent le manque de communication, d?écoute, les années de tentative pour faire entendre leur voix, à essayer de communiquer, mais en vain. C?est ce mur qui les a conduits à utiliser la seule arme qui leur restait : la grève.

Le Centquatre est un établissement public de coopération culturelle de Paris. Vous le présidez, chère Carine ROLLAND, et de nombreux élus de notre Conseil de Paris y siègent. Nous ne pouvons pas détourner le regard face au cri d?alerte de celles et ceux qui font vivre ce lieu incontournable de la culture parisienne. C?est pourquoi nous nous devons de les soutenir et de nous engager à restaurer le dialogue social.

A travers le Centquatre, c?est la politique parisienne vis-à-vis des acteurs culturels qu?ils expriment. C?est de notre image de marque qu?il s?agit.

Par ailleurs, sur le projet de délibération lui-même qui vise à modifier les statuts pour pouvoir mener des actions de formation, y compris que le Centquatre puisse être en mesure de dispenser ses propres formations certifiantes, nous y sommes bien entendu favorables. Je vous remercie.

M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci beaucoup, Raphaëlle PRIMET. La parole est à Danielle SIMONNET.

Mme Danielle SIMONNET. - Je ne m?opposerai pas non plus à ce projet de délibération, même si je nous invite tout de même tous à réfléchir sur la différence entre les diplômes d?Etat et les formations certifiantes. On est quand même dans un contexte où de plus en plus d?organismes cherchent à dispenser des formations certifiantes. C?est un marché juteux, lucratif. Il y a une volonté, qui ne date pas d?hier, qui date de presque plus de vingt ans, d?intérêts privés qui cherchent à marchandiser les formations initiales et continues pour retirer à l?Etat le monopole de la délivrance des diplômes et pouvoir permettre justement à de nombreuses entreprises privées de pouvoir délivrer des certificats de formation.

La différence est énorme, d?abord parce qu?on ne souhaite pas que la formation diplômante et qualifiante devienne un marché et un business, et surtout parce que la délivrance des titres par l?Etat garantit la reconnaissance au niveau des qualifications par le monde du travail, par les branches professionnelles, et donc permet aussi la reconnaissance salariale et de responsabilité qui y correspond. Donc, ce n?est pas neutre quand le Centquatre souhaite dispenser des formations certifiantes. J?ose quand même espérer que ce n?est pas dans une logique lucrative. Mais, cautionner cela fait débat. Cela veut dire que, nous aussi, on pense que c?est une bonne chose de contribuer à la déconstruction du monopole qui doit être réservé à l?Etat et de la priorité qui doit être faite à la valorisation des diplômes d?Etat, et non pas à cette logique de démantèlement. C?est quand même problématique.

Voilà déjà mon problème vis-à-vis du projet de délibération.

Maintenant, comme Raphaëlle PRIMET, j?aimerais aussi me saisir de ce projet de délibération pour attirer votre attention, comme elle l?a excellemment fait, sur la situation de tension énorme qu?il y a au Centquatre. Le personnel craque. Ecoutons-le ! Bien sûr, c?est très chouette, après toute cette période de confinement marquée par le Covid, que l?on essaye de rattraper et de permettre à ce lieu de pouvoir développer un grand nombre de programmations artistiques et culturelles, mais tout le report de projets?

Quand on se retrouve avec 2.000 séances en 2019? L?automne 2021, le nombre de séances a augmenté de 30 % d?une activité déjà intense avant, on se retrouve avec une activité qui est d?une telle intensité qu?elle devient insupportable. Il n?y a pas eu des effectifs supplémentaires pour pouvoir assumer +30 % d?activité. Cette charge de travail croissante, avec des effectifs qui ne suivent pas, avec des impacts sur la qualité du travail fourni, a fait que les personnels n?en pouvant plus se sont mis en grève. C?est la deuxième fois qu?ils se mettent en grève.

Chacun assume en moyenne le travail de deux personnes. Voilà ce qu?ils nous disent : "C?est un lieu formidable où les gens se donnent comme des dingues, mais dont beaucoup sortent broyés." Broyés ! Ce n?est pas possible ! La culture est là pour émanciper, et celles et ceux qui travaillent dans un lieu culturel ne doivent pas être broyés par des conditions de travail dégradées.

Cette grève surprise fin janvier a justement porté la critique de cette charge de travail trop importante et de ce manque d?effectif, et les bas salaires qui vont avec. Les salaires ont été légèrement augmentés, mais franchement pas assez, et donc la grève a été reconduite le 4 février.

Il y a donc peut-être une réflexion à avoir sur le modèle économique du Centquatre et sur le fait que l?on ne peut pas faire reporter sur le Centquatre une activité qui ne respecte pas les droits des salariés. Je pense qu?il est vraiment important que l?ensemble des élus qui siègent au niveau du Centquatre s?en préoccupent pour faire en sorte que la Ville donne les moyens au Centquatre de respecter ses salariés. On ne le dira jamais assez : la qualité d?un service public dépend du respect que l?on a de celles et ceux qui le servent. Je vous remercie.

M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci beaucoup.

Avant de donner la parole à Alice TIMSIT, à la demande de plusieurs groupes, je voudrais tout de suite vous avertir que nous irons au terme de l?examen des dossiers de la 2e Commission concernant Carine ROLLAND, y compris l?examen des v?ux concernant le cinéma "La Clef", ce qui va donc nous amener à déborder au-delà de 13 heures. Voilà, je donne la parole à Alice TIMSIT.

Mme Alice TIMSIT. - Monsieur le Maire, chers collègues, le groupe Ecologiste de Paris va également profiter de ce projet de délibération relatif à la modification des statuts du Centquatre, modification que nous approuvons par ailleurs, pour évoquer la mobilisation sociale en cours au sein de cet établissement public culturel.

Certains permanents et intermittents qui sont en grève depuis le 31 janvier font état d?une surcharge de travail, d?une activité exercée en flux tendu, et expriment de la fatigue, de l?épuisement au travail. A cet épuisement se surajoute une revendication un peu plus ancienne : la revalorisation des bas salaires. Il nous faut impérativement les écouter. A ce jour, la dernière revalorisation - je suis allée regarder cela au sein des documents du dernier conseil d?administration - date d?octobre 2021 et a eu pour seul effet de placer les premiers niveaux de salaire de la grille du Centquatre au niveau des minima légaux.

Au niveau des minima légaux !

Ces revendications doivent nous alerter et le groupe Ecologiste demande, dans l?attente du futur conseil d?administration, à prendre connaissance de l?état du dialogue social en cours et de l?accueil réservé aux alertes lancées par les équipes du Centquatre. Ces dernières ont été extrêmement mobilisées, dès la reprise de l?activité de l?établissement culturel, avec une programmation artistique soutenue et qui s?est largement intensifiée ces derniers temps.

Quelles réponses ont été apportées à ce jour ? Nous devons collectivement être extrêmement vigilantes et vigilants sur la qualité du dialogue social pour préserver celles et ceux qui travaillent au Centquatre et pour que ce lieu demeure un fabuleux lieu de créativité, d?ouverture et d?ingéniosité. Je vous remercie.

M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci, Alice TIMSIT. La parole est à Marie TOUBIANA.

Mme Marie TOUBIANA. - Monsieur le Maire, mes chers collègues, ce projet de délibération nous propose d?entériner l?ajout d?une nouvelle mission pour le Centquatre via la modification de ses statuts. Nous apprenons ainsi que l?établissement va dispenser ses propres formations certifiantes ou diplômantes dans le cadre de ses activités culturelles.

Sur le principe, nous approuvons cette modification puisqu?il s?agit d?une manière de valoriser des savoir-faire déjà présents. Nous voterons donc pour le projet de délibération.

Cependant, le développement de cette mission intervient alors que nous avons tout juste appris, par voie de presse, l?état de surrégime permanent du Centquatre. Comme l?ont déjà relevé mes collègues des autres groupes, des salariés sont entrés en grève en fin de semaine dernière. L?une des principales revendications porte sur la charge de travail et un témoin affirme que chacun assure en moyenne le travail de deux personnes. Aussi, alors que le budget annuel du Centquatre est assuré pour moitié par les subventions de la Ville et que, de l?aveu même de son directeur, son économie est fragile, nous nous demandons quelle est la soutenabilité de son modèle.

Par ailleurs, le Centquatre semblant avoir déjà beaucoup de mal à assumer ses missions existantes, nous souhaitons savoir quel sera l?impact du changement des statuts.

Plus concrètement, l?élargissement des activités de formation va-t-il conduire à faire de nouveaux recrutements ou s?ajouter à la charge, voire à la surcharge de travail des personnels actuels ? Ces nouvelles missions seront-elles une nouvelle source de recettes ou contribueront-elles encore à alourdir les dépenses qui, je le rappelle, s?élevaient à plus de 6 millions d?euros pour les seules charges salariales en 2020 ?

Notre groupe a d?ailleurs posé cette dernière question au dernier Conseil du 19e arrondissement et n?a pu obtenir aucune réponse. J?espère que nous aurons cette fois-ci des éclaircissements car cela fait beaucoup d?incertitudes pour un lieu culturel de cette envergure. Je vous remercie.

M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci, Marie TOUBIANA.

La parole est à Carine ROLLAND, pour répondre aux oratrices.

Mme Carine ROLLAND, adjointe. - Merci, Monsieur le Maire.

Merci, Mesdames, puisque seules des femmes sont intervenues aujourd?hui.

Concernant le projet de délibération dont j?ai bien compris qu?il recueillerait vos assentiments, le fait est que le Centquatre prodigue depuis longtemps des formations dans le cadre de ce qui est fait à la "Maison des petits" qui est un vrai succès. D?ailleurs, je vous invite tous à aller voir ce qu?il se passe à la "Maison des petits". Il s?agit là d?un changement de statut pour ces formations certifiantes, sans réelle portée, qui n?engageront aucune dépense, je vous rassure, Madame TOUBIANA.

Pour ce qui est des chiffres et de la masse salariale, tout apparaît dans les rapports du conseil d?administration, dans le rapport d?activité du Centquatre. Votre groupe politique est tout à fait dûment représenté dans ce conseil d?administration. Rien n?est caché.

Maintenant, pour ce qui est de la période actuelle, et il est bien légitime que nous en soyons tous extrêmement préoccupés. Bien sûr, ce qu?il se passe au Centquatre mérite d?être examiné avec une attention particulière. Il me semble qu?il faut aussi reconnaître qu?il s?agit là d?un symptôme, d?une fatigue, d?un épuisement professionnel collectif qui s?exprime partout et, oui, qui s?exprime au Centquatre au moyen de cette grève.

Deuxième grève - Madame SIMONNET, soyons honnêtes ! -, deuxième grève depuis l?ouverture du Centquatre il y a de cela plus de dix ans et première grève avec l?équipe actuelle en place dirigée par José Manuel GONÇALVÈS. C?est une manière quand même de dire que, non, dans cet établissement, il n?y a pas de non-respect des droits des salariés. D?ailleurs, la grève a cours ; des négociations ont lieu depuis cette grève. Et puis, non, les grèves ne sont pas récurrentes et les difficultés ne sont pas récurrentes non plus.

Il s?agit là, je crois, d?un phénomène qui a été très bien expliqué par différents articles de presse, par le directeur, José Manuel GONÇALVÈS : une surcharge de travail liée en grande partie au report des annulations engendrées par les fermetures, les interruptions de la crise sanitaire.

Donc, oui, une surcharge de travail à la fin de l?année 2021. Oui, des négociations annuelles obligatoires qui ont commencé à envisager des hausses de salaire, au-delà, Madame TIMSIT, des minimums légaux, ne serait-ce que par l?attribution d?une prime à l?ensemble des salariés.

Et puis, distinguons juste - je vais en terminer sur ce point - le fait que l?on mette dans le même ensemble les salariés du Centquatre et les intermittents qui ne peuvent pas être traités exactement de la même manière. En tout état de cause, le dialogue social a cours depuis une semaine maintenant. Il a cours de manière quotidienne entre les représentants du personnel et la direction. Nous en échangeons quotidiennement, là aussi avec José Manuel GONÇALVÈS, et j?ai bon espoir que cela aboutisse très prochainement. Je fais ici part, moi aussi, bien sûr, de mon soutien à toutes celles et ceux qui font vivre ce lieu exceptionnel, formidable, pour le 19e, pour Paris et bien au-delà. Nous continuerons d?être aux côtés des uns et des autres pour qu?une solution soit trouvée très rapidement. Je vous remercie.

M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci beaucoup, Carine ROLLAND.

Je mets aux voix, à main levée, le projet de délibération DAC 1.

Qui est pour ?

Qui est contre ?

Qui s?abstient ?

Le projet de délibération est adopté. (2022, DAC 1).

 

Février 2022
Débat
Conseil municipal
retour Retour