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2022 DGRI 28 - Subvention (5.000 euros). - Soutien à "Solidarité Internationale LGBTQI" (S.I.L.) pour son appui aux droits des personnes LGBTI au Cameroun.


 

Mme Anouch TORANIAN, adjointe, présidente. - Nous examinons le projet de délibération DGRI 28 : subvention de 5.000 euros en soutien à "Solidarité Internationale LGBTQI", SIL, pour son appui au droit des personnes LGBTI au Cameroun.

Je donne la parole à Mme Geneviève GARRIGOS, du groupe Paris en commun.

Mme Geneviève GARRIGOS. - Merci, Madame la Maire.

Mes chers collègues, "être homosexuel, c?est vivre dans la terreur et la violence, la violence permanente". Voici comment l?avocate, Me Alice NKOM, lauréate du prix "Amnesty International" des droits humains en 2013, résume la vie des personnes LGBTQI+ au Cameroun. Je remercie au passage Me NKOM d?avoir accepté, le 18 mai dernier, de présenter cette situation aux membres des 4e et 7e Commissions réunis.

L?article 347-A du Code pénal camerounais dispose effectivement que : "Quiconque a des relations sexuelles avec une personne de son sexe, sera puni de 6 mois à 5 ans de prison, et d?une amende allant de 20.000 à 200.000 francs CFA", soit 30 euros à 300 euros environ. Cet article, comme le dénoncent nombre d?O.N.G. et d?organisations internationales, depuis des années, installe un climat de peur, d?agressivité, de stigmatisation. Il permet à la police d?arrêter de manière arbitraire et d?incarcérer des personnes parce qu?elles sont ou sont présumées être lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, ce qui les expose à subir des actes de torture et autres formes de mauvais traitement en toute impunité.

Le dernier examen périodique universel de ce pays de 2018, donc des Nations unies, confirme le caractère alarmant de la situation. Cette pénalisation est appliquée avec tant de zèle que le simple fait de commander un verre de Baileys dans un bar peut justifier à lui seul la condamnation d?un homme. Les personnes qui défendent les droits fondamentaux des personnes LGBTQI+ sont elles-mêmes la cible de cette chasse aux sorcières et détenues arbitrairement, comme le fut Marc Lambert Lamba, quand elles ne sont pas tout simplement torturées et assassinées sans enquête aux suites judiciaires. Je pense avec émotion à Éric Ohena Lembembe, directeur exécutif de l?association camerounaise de lutte contre le sida, journaliste et militant engagé dans la défense des droits des personnes LGBTQI+, sauvagement assassiné dans la nuit du 15 au 16 juillet 2013 après d?atroces tortures.

Dans un tel pays, celles et ceux qui agissent pour les droits des personnes LGBTQI+ sont en danger réel et immédiat, et ce, de manière croissante depuis l?internationalisation de ce que l?on a appelé les "paniques morales LGBT-phobes" dans les années 2010. La persécution des personnes accusées d?homosexualité et les poursuites engagées à leur encontre nuisent, de plus, aux initiatives de santé qui cherchent à les sensibiliser, particulièrement concernant le V.I.H. et le sida. Elle les incite à se cacher, rendant plus difficile l?accès aux informations et aux services. Dans ce contexte, nous ne pouvons que saluer l?action de "Humanity First Cameroon", association de lutte contre le V.I.H. qui anime non seulement un centre d?accueil proposant traitements PrEP et antirétroviraux, mais aussi une cellule d?écoute et des conseils juridiques pour les personnes, constituant ainsi un lieu sûr pour les personnes LGBTQI+, la seule ressource de cette sorte à Yaoundé. C?est dans ce cadre que nous sommes sollicités par l?association "Solidarité Internationale LGBTQI+", la "SIL", fondée en 2005 à Paris et spécialisée dans les initiatives de solidarité et de défense des droits humains des personnes LGBTQI+ dans les pays francophones, particulièrement dans les pays d?Afrique francophone où l?homosexualité est encore criminalisée ou réprimée. Elle agit en priorité avec des associations portées par des personnes originaires des pays concernés, notamment "Afrique arc-en-Ciel", qui accueille de nombreux réfugiés, ou l?"A.N.K.H.", le "Réseau arabe pour les droits humains". "Humanity First Cameroon" est aujourd?hui en difficulté en raison de la baisse des crédits de coopération internationale sur le V.I.H. sida, et en attente du renouvellement de l?aide provenant de la Commission européenne. En l?état actuel des choses, elle pourrait être amenée à fermer ses portes en mars prochain, faute de pouvoir payer son loyer. Il nous est donc proposé ici de contribuer à la solidarité internationale avec les personnes LGBTQI+ ainsi qu?avec les personnes vivant avec le V.I.H. en Afrique, en accordant une aide de 5.000 euros à "SIL" qui travaille en lien étroit avec l?association camerounaise. Je suis sûre que vous voterez tous en faveur de ce projet de délibération. Je vous remercie.

Mme Anouch TORANIAN, adjointe, présidente. - Merci, Madame GARRIGOS.

M. Jérôme LORIAU, pour le groupe Changer Paris.

M. Jérôme LORIAU. - Madame la Maire, mes chers collègues, il y a, dans ce projet de délibération, une cause, une association. Cette cause, c?est celle de la défense, à travers le monde, et en l?espèce au Cameroun, des personnes LGBTQIA+. Cette défense est personnifiée, si j?ose dire, en la personne de l?association "Humanity First Cameroon". Cette association, que je ne connaissais pas, comme je pense beaucoup d?entre nous, j?ai essayé d?en faire sa connaissance. J?ai essayé de regarder sur Internet, tout simplement, ce que l?on pouvait en penser. Elle a l?air effectivement très efficace. Elle a mené beaucoup d?actions. C?est une association qui, initialement, comme vous le disiez, Madame GARRIGOS, est née de la lutte contre le V.I.H. Puis, elle a étendu ses activités vers d?autres thématiques, un peu autour de cette thématique initiale. Très franchement, même si l?on ne dispose d?aucun élément financier sur la gestion de cette association, si l?on ne dispose, sur les données d?Internet, parce que c?est la seule chose sur laquelle on peut fonder notre réflexion, sur Internet, on ne dispose pas des dernières actions de cette association, puisque les dernières mises à jour datent de 2020, donc on ne sait pas ce qui se passe depuis deux ans pour cette association. En tout cas, sur le principe, c?est vrai que l?on a envie d?aider cette association qui ?uvre au Cameroun dans des circonstances extrêmement difficiles.

Mais il y a quand même un problème de forme énorme dans le projet de délibération que vous nous proposez. D?abord, je suis personnellement extrêmement gêné de trouver dans l?exposé des motifs un premier paragraphe qui est un réquisitoire à charge contre un pays qui est le Cameroun. Je ne dis pas que l?on ne peut pas le faire. C?est un choix politique, éventuellement diplomatique, mais ce n?est sans doute pas dans un document technique, qui doit émaner de services, que l?on peut se permettre, à mon avis, de condamner la politique menée au sein d?un pays. Donc, je trouve que ce type de réquisitoire n?a pas sa place dans ce type de document, et je crois que chacun doit rester dans son rôle et sa place, y compris dans la présentation des projets de délibération.

Puis, il y a le montage financier que vous nous proposez, parce que l?on n?est pas en train de proposer une attribution de subvention à "Humanity First Cameroon", mais on est en train de proposer une subvention à une association qui, elle-même, par un phénomène de tiroirs, va aider "Humanity First Cameroon". Et cela, c?est quand même assez inédit et assez dérangeant pour une collectivité. Quelle collectivité, aujourd?hui, peut se permettre ce genre d?opération à tiroirs, où la visibilité, la lisibilité pour le contribuable est quand même un tout petit peu plus difficile que si l?on dispose des éléments comptables actuels et mis à jour de l?association que l?on subventionne. Ce montage peut donc porter à confusion. Il peut masquer des réalités. D?ailleurs, on n?a aucun élément comptable sur l?association dans le projet de délibération. C?est donc assez gênant. Pour toutes ces raisons, nous pouvons vous soutenir sur le principe et voter cette subvention, parce que la cause nous semble tout à fait noble et audible, mais vraiment, sur la forme, je crois qu?il y a besoin d?un gros travail pour qu?à l?avenir, ce type de projet de délibération soit beaucoup plus facilement partageable sur tous les bancs de notre Assemblée. Je vous remercie.

Mme Anouch TORANIAN, adjointe, présidente. - Merci, Monsieur LORIAU. Pour vous répondre, je donne la parole à M. Jean-Luc ROMERO-MICHEL.

M. Jean-Luc ROMERO-MICHEL, adjoint. - Merci, Madame la Maire.

Merci, chère Geneviève.

Cher Jérôme LORIAU, je vais essayer de vous rassurer et de vous démontrer tout simplement que, sur la forme, nous faisons exactement ce que fait aussi la Région Ile-de-France, parce que je vous rappelle que la Région Ile-de-France soutient des associations LGBT et de lutte contre le sida en Afrique par le biais de "Solidarité Sida", puisque nous ne pouvons pas les subventionner directement. C?est le cas pour cette association.

Merci pour ce soutien, qui, je l?espère, sera unanime.

Vous dites qu?il ne faut pas parler de la situation au Cameroun. Si, justement. Parce que si l?on soutient une association qui n?est pas en France, il faut quand même qu?il y ait de vraies raisons. Les vraies raisons, c?est que la situation des droits humains au Cameroun nous interpelle. Je crois que nous sommes fiers de pouvoir aider concrètement celles et ceux qui, sur place, ont besoin de notre appui. En matière de droit LGBTQI+, les inquiétudes sont très fortes dans ce pays. L?homosexualité est toujours un crime au Cameroun. Faudrait-il ne pas le dénoncer ? D?ailleurs, je vous rappelle que Joe BIDEN a dit récemment que, parmi les pires pays homophobes dans le monde, il y avait le Cameroun et le Ghana. On pourrait malheureusement ajouter ces temps-ci le Sénégal.

Comme vous pouvez l?imaginer, cette situation a contraint de nombreuses Camerounaises et de nombreux Camerounais - vous en voyez peut-être certains qui viennent vous voir dans vos permanences - à quitter leur pays en raison de la criminalisation de l?orientation sexuelle, de l?identité de genre, et de l?hystérisation qu?il y a autour de cette question dans leur pays, faite par certains malheureusement.

Sur place, toutefois, le combat a lieu, le combat contre l?homophobie, contre les LGBT-phobies, notamment avec une personnalité que je voudrais remercier, qui est Me Alice NKOM, que nous avons d?ailleurs l?honneur de recevoir, et j?espère que vous viendrez la voir ce jour-là, parce que, vous allez voir, c?est une femme remarquable, qui est une avocate hétérosexuelle et qui se bat pour les personnes LGBTQI+ au Cameroun. Elle présidera notre jury pour le prix LGBT international de la Ville de Paris, le 17 mai prochain.

"Humanity First Cameroon", je les ai rencontrés. La "visio" permet quand même de se voir. C?est une association qui fait un travail remarquable, on l?a dit. Elle est d?abord spécialisée sur les questions de V.I.H., mais vous le savez. Pour la plupart des associations qui se battent pour les droits des personnes LGBT en Afrique, elles sont obligées d?avoir le combat de lutte contre le sida, parce que, dans ces pays-là, elles ne sont pas reconnues. C?est d?ailleurs pour cela que l?"ONU Sida" soutient indirectement, par le biais du V.I.H., la question de la lutte contre les LGBT-phobies dans ces pays. Elles nous permettent, évidemment, de les aider - Geneviève l?a rappelé - sur les questions de la PrEP, des traitements, de la sérophobie, qui est une question. Sur ce sujet, je pense que, sur tous nos rangs, nous partageons ces problèmes.

Cette organisation avait juste besoin qu?on lui paie son loyer cette année, parce que vous savez qu?elle est soutenue internationalement - j?évoquais tout à l?heure la "FASTI" ; celle-ci aussi - par des organisations internationales, par l?Union européenne et par l?O.M.S. Mais ces conventions venaient en fin? On est en fin d?année, et vous savez que cela met toujours quasiment un an pour se remettre en place. Elle avait besoin d?une année pour payer son loyer et pour que, donc, son local ne soit pas fermé. Voilà ces mécanismes.

Je vous le répète : si nous passons par une autre association de droit français, c?est parce que nous ne pouvons pas faire autrement. Ce n?est pas du tout simplement la Ville de Paris qui fait cela, la Région le fait aussi pour son dispositif avec "Solidarité Sida". C?est pourquoi j?espère, mes chers collègues, d?abord, vous avoir rassuré sur les inquiétudes que vous aviez, et que vous voterez cette subvention qui, reconnaissez-le, est quand même relativement modeste, 5.000 euros, mais va permettre que les activités de cette association continuent et que, donc, des personnes qui sont en danger puissent être accueillies durant cette année. Je vous remercie.

Mme Anouch TORANIAN, adjointe, présidente. - Merci, Monsieur ROMERO-MICHEL.

Je mets donc aux voix, à main levée, le projet de délibération DGRI 28.

Qui est pour ?

Qui est contre ?

Qui s?abstient ?

Le projet de délibération est adopté. (2022, DGRI 28). Merci.

 

Février 2022
Débat
Conseil municipal
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