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2022 DDCT 10 - Appel à projets "politique de la ville". - Subventions de fonctionnement (163.200 euros) à 54 associations pour le financement de 55 projets dans les quartiers populaires (1ère enveloppe).


 

M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Nous examinons maintenant le projet de délibération DDCT 10 : Appel à projets "politique de la ville". - Subventions de fonctionnement (163.200 euros) à 54 associations pour le financement de 55 projets dans les quartiers populaires. Il s?agit de la première enveloppe. La parole est à Mme Johanne KOUASSI.

Mme Johanne KOUASSI. - Merci, Monsieur le Maire.

Chers collègues, la construction et le maintien du lien social sont au c?ur de nos missions d?élus. C?est vrai pour tout le territoire parisien, mais probablement encore plus dans les quartiers populaires. Pour cela, nous nous appuyons sur les associations de proximité. Paris concentre beaucoup de richesses. Cela, nous le savons tous. Notre ville est aussi celle des contrastes. Les élus des arrondissements populaires, dont je fais partie, le savent : pour lutter contre les inégalités territoriales, il faut des moyens. C?est bien dans cet esprit que le contrat de ville parisien s?inscrit. Il est le fruit d?une synergie entre la Ville de Paris, la C.D.C., les bailleurs, l?A.R.S., la Préfecture de police, Pôle Emploi.

La liste n?est pas exhaustive, mais, vous l?aurez compris, l?idée est bien de réduire les inégalités territoriales dans toutes leurs dimensions : économiques, avec l?accès à l?emploi ; sociales et culturelles, en développant des activités à destination des plus jeunes et plus largement des familles ; proposer des actions de soutien à la parentalité et des actions de prévention de la délinquance pour plus de sécurité pour tous. Au-delà de la réduction des inégalités, cette première enveloppe vient financer 56 projets répartis dans les quartiers populaires parisiens. Cette enveloppe va soutenir concrètement des acteurs qui contribuent au quotidien au lien social et au vivre ensemble. Ces associations, financées dans le cadre d?une convention pluriannuelle d?objectifs, font vivre pour certaines des lieux de vie, des lieux où les habitants des quartiers, parfois enclavés en raison de leur architecture ou de leur localisation, peuvent se retrouver autour de projets ou tout simplement pour vivre des moments de convivialité. Ces espaces sont indispensables pour nos quartiers et nous nous devons de leur donner les moyens de fonctionner. Toutes les associations mériteraient d?être citées, tant leur travail sur nos territoires est précieux. Ce matin, j?aimerais en évoquer deux qui interviennent dans le 13e arrondissement. Tout d?abord, "Culture et Bibliothèques pour Tous". Comme son nom l?indique, c?est une structure qui travaille principalement autour du livre et de la lecture. C?est un acteur de proximité qui aide les parents, et rapproche des livres et des bibliothèques les publics qui en sont encore trop éloignés dans les quartiers populaires. La deuxième structure, c?est le "Deuxième Groupe d?Intervention", qui anime, quant à lui, un espace de vie sociale dans le quartier Amiral-Mouchez. Cet espace s?appelle "L?Escale". C?est un lieu de rencontre des différentes générations. Il y a toujours quelqu?un qui est là pour accueillir. Il y a des développements de partenariats avec d?autres associations locales. C?est une structure - et c?est important de le souligner - par et pour les habitantes et les habitants du quartier. En effet, ce sont bien les habitantes et les habitants qui gèrent le lieu et prennent aussi des responsabilités associatives. C?est important parce que cela permet d?accompagner celles et ceux qui ne se sentent pas légitimes pour le faire. Il y a aussi, bien sûr, des activités parents enfants, des ateliers scientifiques, du soutien scolaire et de l?expression par le chant et le théâtre, avec l?objectif de réduire les inégalités entre les filles et les garçons. Vous l?aurez compris, ces associations sont indispensables pour nos quartiers populaires. Je me réjouis que leurs projets soient soutenus encore et toujours malgré le contexte budgétaire tendu. Je vous remercie.

M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci beaucoup, Johanne KOUASSI. Je donne la parole à Mme Alice COFFIN, en Webex, dont on me dit qu?elle est connectée.

Mme Alice COFFIN. - Merci, Monsieur le Maire.

Merci à toutes et tous d?avance, chers collègues, pour votre attention. Je vais vous parler, pendant les quelques minutes qui viennent, de football, de féminisme et de l?engagement des femmes parisiennes, plus particulièrement du talent sur le terrain social des joueuses du "Football Club Paris 20", et, sur le terrain politique, de l?équipe et syndicat des "Hijabeuses". J?y viens dans un instant.

Pour commencer, un aperçu général de ce projet de délibération. Il est de ceux qui donnent la joie, car il met en lumière, en ces temps politiques particulièrement troublés, le travail quotidien de 54 associations qui s?acharnent chaque jour contre les déterminismes sociaux et les imaginaires discriminants. C?est le contrat de ville qui nous permet de les soutenir. Je veux saluer ici le travail exemplaire d?Anne-Claire BOUX, adjointe en charge de la politique de la ville, pour que les objectifs de réduction des inégalités sociales et territoriales de ce contrat se réalisent.

Je voudrais m?attarder sur l?une de ces structures, le "Football Club Paris 20". Depuis plusieurs années, ce club - dans le sillage et grâce à l?incroyable travail de sa fondatrice, Sonia SBITLI - ?uvre au sein des portes du 20e arrondissement, quartier classé prioritaire de la ville, à ce que des adolescents puissent jouer au football. Ces jeunes joueuses, qui viennent pour un certain nombre de Python-Duvernois, dont nous avons souvent eu l?occasion de parler dans cette enceinte, savent qu?elles peuvent compter sur le "Football Club Paris 20" pour les accueillir gratuitement chaque mardi soir, et ce, en solidarité avec d?autres clubs qui militent contre les discriminations sexistes, lesbophobes ou transphobes, comme "Les Dégommeuses" ou "Arc-en-Ciel".

Parmi les joueuses du "Football Club Paris 20", il y a quelque temps, l?une a envoyé un message à Sonia SBITLI, avec une question : est-ce que tu m?acceptes toujours si je joue avec le voile ? La réponse a évidemment été oui. Quand je dis "évidemment", c?est parce que, pour peu que l?on soit doté d?un minimum de c?ur, d?une réelle volonté de faire en sorte que les femmes puissent jouer au football, bénéficient de l?émancipation révolutionnaire à l?échelle d?une vie de fille, de femme - et j?en sais quelque chose - de pouvoir porter le maillot, pour peu que, contrairement à la "Fédération française de football", on respecte le principe de laïcité qui ne prévoit pas d?interdire à des joueuses, donc des usagères, de porter le voile sur un terrain, on répond : "Oui, je t?accepte, bien sûr, je t?accepte", et l?on est ému par l?angoisse d?exclusion ressentie par cette joueuse.

Ce mercredi, demain, à l?Assemblée nationale, un amendement doit décider si oui ou non cette interdiction du voile sur les terrains sportifs sera avalisée par la loi et interdite par l?ensemble des fédérations sportives. Un amendement dans ce sens a déjà été bloqué il y a quelques jours au Sénat grâce à la mobilisation des "Hijabeuses, ce syndicat de joueuses, de femmes musulmanes ou pas, portant le voile ou pas, soutenues par de nombreuses personnalités, journalistes sportives, et par d?autres clubs engagés dans la lutte contre les discriminations, comme "Les Dégommeuses". Allez regarder les mobilisations des "Hijabeuses", allez écouter leurs chants, découvrir leurs slogans : "Avec ou sans voile, quand on tire, c?est dans la lucarne".

Face à cela, des politiques froids, campés sur des visions complètement hors sol ou hors terrain, en l?occurrence, et surtout, encore une fois, campés sur des positions contraires à ce que prévoit la laïcité, expliquent, comme Bruno RETAILLEAU, président du groupe LR au Sénat, que le football est un terrain privilégié de l?entrisme pour l?islamisme. Mais quel rapport ? De quoi parle-t-on ? Ces femmes sont engagées aux côtés de militantes lesbiennes qui se sont battues pour la P.M.A., pour les droits des "trans". J?ai un gros doute sur la conformité des engagements de toutes ces joueuses, avec les diktats patriarcaux des extrémistes religieux. Le boulot contre les extrémismes religieux, contre l?oppression des femmes, ce sont ces joueuses qui le mènent. En général, la formule à laquelle on a le droit, c?est : "Et les femmes afghanes, vous y pensez ?" Précisément, oui. Beaucoup de personnes qui participent à cette mobilisation ne font pas que penser, elles agissent, puisque ce sont aussi des structures comme "Les Dégommeuses" qui s?occupent d?accueillir des lesbiennes, des "trans" exilés pourchassés, qui font le travail que cette république ne fait pas assez.

Comme le constatait le magazine "So Foot", ce sont bien évidemment les femmes musulmanes qui sont ciblées. Je cite : "Le voile d?une joueuse choque infiniment plus que le signe de croix à chaque début de match de 100 hommes. Une fois de plus, le foot sert à faire de la politique sans l?assumer et sans jamais demander ou tenir compte de la réalité du terrain". Les fédérations sportives, au lieu d?interdire et de terroriser des femmes qui viennent jouer au football, feraient mieux de s?occuper de la nécessaire parité de leurs instances, de la mobilisation, et je pense particulièrement à la "Fédération française de football", contre les violences sexistes et sexuelles. La "Fédération française de football" ferait mieux de lutter contre la lesbophobie, voire ne pas la pratiquer elle-même.

Vous savez, si je trouve cela aussi terrible que l?on en soit à mener ces combats-là, c?est parce que, moi aussi, j?ai connu les angoisses de ce que c?était que d?assumer de jouer au football en tant que fille, d?assumer de jouer au football en tant que fille aux cheveux courts, les insultes, les moqueries que l?on sait que l?on va prendre. Jouer au football est encore un acte profondément féministe pour les femmes. Je connais aussi la libération et la force que cela donne quand on peut le faire. D?ailleurs, je convie toutes celles et ceux qui nous écoutent à venir écouter demain, à 16 heures 30, à l?esplanade des Invalides, pour appuyer la mobilisation contre cet amendement. En tant qu?ancienne libéro, je serai ravi de tenter de contrer toutes les attaques.

Merci donc à toutes les structures comprises dans ce projet de délibération pour leur travail. Merci en particulier à Anne-Claire BOUX d?avoir fait de l?égalité femmes/hommes une thématique centrale des projets financés dans les quartiers populaires. Merci, et vive le football pour toutes.

M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci beaucoup, Alice COFFIN.

Je donne évidemment la parole à Mme Anne-Claire BOUX, pour répondre aux deux oratrices.

Mme Anne-Claire BOUX, adjointe. - Merci, Monsieur le Maire.

Chers collègues, merci, chères Johanne KOUASSI et Alice COFFIN, pour vos interventions. Ce projet de délibération vient financer des actions portées par des associations de proximité, des collectifs d?habitantes et d?habitants vivant dans les quartiers populaires, sur l?ensemble des trois axes du contrat de ville : habiter, grandir et travailler. Par ces actions, et cela a été souligné par mes collègues, nous avons à c?ur de renforcer l?égalité pour lutter contre les inégalités territoriales et sociales, pour lutter contre les discriminations que subissent les habitantes et les habitants des quartiers populaires. Pour cela, nous vous proposons, par ce projet de délibération, d?accorder votre soutien à 56 projets orientés, comme l?a souligné ma collègue Alice COFFIN, sur l?émancipation, en particulier des jeunes et des femmes, sur la capacité d?agir sur son propre destin, de choisir son orientation, de choisir son métier et de ne pas être assigné à résidence.

Je tiens à appuyer l?intervention de ma collègue, Alice COFFIN, qui souligne l?important travail mené également pour l?égalité femmes/hommes. En effet, par ce projet de délibération, nous avons souhaité soutenir les projets visant à lutter contre l?isolement des femmes, à accompagner les familles monoparentales pour lutter contre la précarité dont elles souffrent et plus encore pour les accompagner vers l?emploi, pour retrouver du lien social, mais aussi des projets renforçant leur capacité à agir. Je pense notamment aux collectifs de mamans qui s?engagent pour lutter contre les rixes au quotidien.

Oui, la culture - vous l?avez souligné, ma chère collègue, Johanne KOUASSI - et le sport sont des vecteurs d?égalité et d?émancipation, et nous travaillons à développer un maximum de projets dans les quartiers populaires, avec mon collègue Pierre RABADAN, pour que le sport soit ce vecteur d?émancipation pour toutes et tous, en particulier pour les jeunes femmes. Dans le sport, on porte toutes et tous le même maillot. C?est bien le seul endroit dans cette société où les différences s?effacent au profit du collectif et de la fraternité. Dans le climat actuel d?incitation à la haine et à la division, alimenté par l?extrême droite et la droite extrême, je serai heureuse que la France ressemble un peu plus à une équipe de football.

Je tiens également à m?associer aux remerciements pour les actions menées par le "Football Club Paris 20", qui permet à des adolescentes des portes du 20e arrondissement de pouvoir faire du football. Je tiens à remercier toutes ces associations, tous ces clubs, comme "Les Dégommeuses", "Arc-en-Ciel", qui se battent pour les droits LGBTQIA+, qui ne cèdent pas aux sirènes de celles et ceux qui veulent détourner les fondements de notre société : la liberté, l?égalité, la fraternité, mais aussi la laïcité.

La loi de 1905, c?est la séparation de l?Etat et de l?Eglise. La loi de 1905 assure la neutralité de l?Etat et de ses fonctionnaires. Mais elle garantit également la liberté d?exercer son culte dans la sphère privée. L?amendement porté par les Républicains au Sénat, visant particulièrement le port du voile, va à l?encontre des principes de la loi de 1905 qui visent aussi, d?ailleurs, à lutter contre les pressions qui peuvent être exercées sur chacun et chacune. Le port du voile n?est pas synonyme de radicalisation. Nous devrions nous attacher à lutter contre les extrémistes religieux plutôt que d?exclure des jeunes femmes qui demandent simplement de pouvoir jouer au football, de s?émanciper. Je rejoins donc, à titre personnel, ma collègue Alice COFFIN et le soutien aux "Hijabeuses" qui demandent le droit de pouvoir pratiquer un sport. Je vous remercie.

M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci beaucoup, Anne-Claire BOUX.

Je mets aux voix?

Si l?on pouvait retrouver un peu de silence, ce serait une bonne chose.

Je mets donc aux voix, à main levée, le projet de délibération DDCT 10.

Qui est pour ?

Contre ?

Abstentions ?

Le projet de délibération est adopté. (2022, DDCT 10).

 

Février 2022
Débat
Conseil municipal
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