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2022 SG 26 - Signature d'un accord-cadre relatif à l'indemnisation des victimes de l'explosion de gaz de la rue de Trévise à Paris (9e).


 

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Mes chers collègues, l?accord-cadre que je vous propose de voter aujourd?hui et, je l?espère, à l?unanimité marque l?aboutissement d?un travail mené par l?ensemble des parties prenantes pour accompagner au mieux les victimes de ce drame, bien sûr les nombreux blessés, les sinistrés, qui ont subi directement ou indirectement la violence de cette explosion.

Depuis le premier jour, nous nous sommes tenus aux côtés des victimes et je veux ici remercier celles et ceux qui, dès ce drame, au Secrétariat général mais aussi les élus - je pense notamment à Colombe BROSSEL, Olivia POLSKI ou à Ian BROSSAT - se sont mobilisés autour de moi aussi avec nos cabinets. Je salue bien sûr la maire du 9e arrondissement. Mais je veux remercier vraiment du fond du c?ur Emmanuel GRÉGOIRE pour avoir travaillé ces derniers mois, cette dernière année notamment à la proposition de l?accord-cadre.

Avant cela, nous avons proposé des relogements et, comme nous l?avons fait aussi pour d?autres drames - je pense évidemment aux attentats de 2015 -, nous avons mobilisé l?administration pour que chaque situation individuelle puisse être examinée et que des solutions soient trouvées.

J?ai aussi, avec toute mon équipe, mobilisé la Fédération française des assurances, la Fédération bancaire, la Fédération française des banques afin de prendre en compte également ces situations individuelles, là où certaines et certains ont tout perdu. Et puis, nous avons aussi et j?ai reçu personnellement les victimes, les présidentes des deux associations, "Vret" et "Trévise Ensemble", à plusieurs reprises tout au long de ces 3 années pour les assurer de notre soutien, du soutien de la Ville de Paris nonobstant les procédures judiciaires.

Très vite, nous avons tenu à mettre en place un fonds d?indemnisation des victimes, sans attendre d?ailleurs la procédure judiciaire, dont la temporalité, à l?évidence, ne pouvait coïncider avec la grande détresse des victimes. Toutefois, s?agissant de deniers publics, une analyse juridique des services du Premier Ministre, de Bercy et du Ministère de la Justice s?imposait, comme j?ai pu le dire à Mme ZAOURAR et à Mme PARIS le 28 octobre 2020 lors de notre entrevue à ce moment-là. Le 5 novembre, après cette entrevue, j?ai écrit en ce sens au Premier Ministre et je lui ai demandé qu?une analyse juridique soit sollicitée au plus vite afin de juger la possibilité pour la Ville de Paris de participer à un fonds d?indemnisation des victimes, sans que celle-ci vaille reconnaissance juridique de sa responsabilité pénale, ce qui sera l?objet du procès pénal.

Il nous aura fallu attendre presque un an, soit le 11 septembre 2021, pour que l?Etat nous en donne confirmation et je me réjouis, bien sûr, de cette confirmation. Cet avis juridique avait été précédé de plusieurs réunions à très haut niveau entre mon cabinet, le Secrétariat général de la Ville, et je remercie Marie VILLETTE ainsi que, à nouveau, mon premier adjoint Emmanuel GRÉGOIRE de s?y être impliqué fortement, personnellement, et le Ministère de la Justice, Bercy ou encore Matignon.

Alors oui, la question était juridiquement complexe, parce qu?aucun accord-cadre n?avait été conclu, par le passé, entre une collectivité publique, qui, en droit, ne peut pas faire de libéralités, et les associations représentant les victimes. Ainsi, cet accord et son fondement juridique nécessitaient l?avis de hauts magistrats judiciaires, de conseillers d?Etat, d?experts qui ont pu fixer les conditions requises pour la participation de la Ville à cet accord et, bien sûr, l?engagement des fonds que la Ville a décidé.

Et dès le Conseil de Paris suivant l?avis positif de Matignon et selon le v?u de l?Exécutif que nous avions voté le 13 octobre 2021, des décisions ont été actées, deux décisions.

D?abord, celle de maintenir, bien entendu, l?accompagnement individuel des victimes par la Ville de Paris dans le cadre des compétences qui sont les siennes, par le biais d?un guichet unique de suivi mais aussi, par exemple, en étant autorité prenant la responsabilité de l?avenir des enfants des deux sapeurs-pompiers qui ont péri dans cet incendie, comme nous le faisons évidemment après chaque drame qui a pu venir frapper la Brigade de sapeurs-pompiers de notre ville.

Il fallait aussi, comme deuxième décision, prendre la décision d?indemniser les victimes de leur préjudice, à hauteur de 20 millions d?euros, par le biais d?un fonds dédié, sous l?égide du Comité local d?aide aux victimes, le C.L.A.V., avec lequel tout cela devait et se mettra en place. Grâce à la mobilisation de toutes les parties, nous avons ensuite pu nous mettre d?accord sur un accord-cadre lors de l?ultime réunion de médiation qui s?est déroulée la semaine passée, le lundi 10 janvier, afin de créer un fonds financé par la Ville, par G.R.D.F., aujourd?hui Engie, et les assureurs.

Cet accord-cadre, nous le savons, est inédit à double titre et, je vous le dis, mes chers collègues, fera jurisprudence. D?abord, c?est la première fois dans l?histoire du droit, du droit de l?indemnisation, qu?une collectivité publique participe à un fonds d?indemnisation dédié. Ensuite, c?est la première fois qu?un accord-cadre est créé dans une tragédie avec potentiellement - les décisions judiciaires définitives nous le diront - une pluralité d?auteurs, contrairement au drame d?A.Z.F. ou de Brétigny-sur-Orge.

En votant aujourd?hui cet accord-cadre, nous montrons collectivement, d?abord notre volonté de prendre en charge tous les dommages, je dis bien tous les dommages, d?indemniser les dommages corporels, parce qu?ils sont nombreux et je pense notamment à tous les salariés des hôtels qui non seulement ont perdu leur emploi mais ont aussi été les victimes lourdes, avec des dommages corporels lourds, à l?issue de cet accident, mais avec également une priorité donnée aux familles endeuillées, aux orphelins et à tous les blessés graves. Et sans attendre 2023 ou 2024 et les conclusions du procès pénal qui établiront alors les responsabilités, nous prenons aujourd?hui, s?il y a un vote de ce projet de délibération, une décision inédite pour venir en aide à celles et ceux dont le drame a bouleversé la vie, mais aussi la nôtre, parce que cet accident de la rue de Trévise, cette explosion sera à jamais gravée dans notre histoire et dans nos mémoires. Ce vote à l?unanimité serait un symbole fort de l?action résolue de notre Ville, pour la première fois dans son histoire, qui indemniserait les victimes avant même la tenue du procès. A présent, je vous laisse la parole. Je vous remercie. Premier orateur, Nicolas BONNET-OULALDJ, président du groupe Communiste et Citoyen.

M. Nicolas BONNET-OULALDJ. - Madame la Maire, mes chers collègues, tout d?abord, au nom du groupe des élus Communistes et Citoyens, je tiens à adresser toutes mes pensées et tout mon soutien aux familles des victimes de l?explosion survenue il y a 3 ans rue de Trévise, dans le 9e arrondissement.

Cet événement dramatique, qui a causé la mort de quatre personnes, auxquelles nous venons de rendre hommage, dont une touriste, une infirmière et deux sapeurs-pompiers dans l?exercice de leurs fonctions, nous a tous bouleversés.

Cette explosion aura marqué les rescapés de l?accident, les blessés, les traumatisés, toutes celles et tous ceux qui gardent à ce jour et garderont peut-être encore longtemps des séquelles de cette tragédie. Je pense aux 400 riverains sinistrés, aux 200 habitants qui n?ont toujours pas regagné leur logement et aux 200 salariés qui n?ont pas pu retrouver leur bureau. A toutes ces victimes, nous devons la vérité sur les faits. Une enquête pénale a été diligentée, une procédure civile est en cours, la justice suit son cours, un cours trop long pour les sinistrés.

Au-delà de l?enquête, il est important de s?engager sur le chemin de la réparation, aussi matérielle que psychologique. C?est le sens de cet accord-cadre d?indemnisation inédit, pour les victimes de la rue de Trévise, et nous nous en félicitons. Rappelons d?ailleurs que la Ville a dû attendre que la Délégation interministérielle à l?aide aux victimes donne son accord, intervenu seulement en septembre 2021.

Depuis la catastrophe de Furiani, l?effondrement d?une tribune du stade Armand-Cesari en 1992, l?explosion d?A.Z.F. à Toulouse et l?accident de Brétigny, il est aujourd?hui établi qu?il est important d?engager des indemnisations au plus vite en évitant l?attente trop longue d?un jugement. Cet accord-cadre permet d?anticiper un certain nombre de besoins des victimes. La Ville, le syndic, G.R.D.F., les assurances, toutes les parties prenantes de cet accident ont su, parfois difficilement, travailler ensemble et doivent continuer de le faire. Trois ans après cette explosion meurtrière, l?accord proposé par la Ville de Paris est une bonne nouvelle. Nous nous en félicitons et avons bien conscience que cela ne préjuge nullement la responsabilité de la Ville. Pour autant, nous le savons tous, le dossier n?est pas clos. D?ailleurs, le préjudice est estimé par certains à plus de 200 millions d?euros. Le Parquet est tenu de rendre son réquisitoire dans les 3 mois avant la décision définitive des magistrats instructeurs, sur la tenue ou non d?un procès. La Cour d?appel n?a pas encore statué sur la demande de contre-expertise que la Ville a faite et qui a été rejetée. Le mois prochain, la chambre d?instruction de la Cour d?appel examinera les recours engagés par la Ville, et si le recours est accepté, une instruction sera relancée. Alors, au-delà de la réparation matérielle et psychologique, du soutien aux victimes, du rôle de la justice, notre rôle politique est aussi de tirer des enseignements. C?est d?ailleurs le sens de nos interventions et du v?u que nous avions fait adopter en 2019, relatif à la sécurisation du réseau de gaz à Paris. L?explosion de la rue de Trévise a mis au jour l?existence de risques sur la sécurité du réseau de gaz. Depuis 2007, le transfert de la maintenance vers des filiales privées, avec un recours massif à la sous-traitance, a conduit à une dilution des responsabilités. Les organisations syndicales déplorent les choix qui président à la gestion des fuites, déléguée aux services de secours, ce qui entraîne des dysfonctionnements. Rue de Trévise, les gaziers ont été appelés de longues minutes après l?arrivée des pompiers sur le site, et ils sont malheureusement arrivés après l?explosion. Il est nécessaire que les gaziers soient systématiquement appelés en même temps que les équipes de secours ; l?intervention conjointe des deux corps est indispensable. Si les pompiers savent fermer les canalisations, ils n?ont ni la connaissance du réseau, ni l?expertise technique pour évacuer les poches de gaz qui génèrent des risques d?explosion. Cela m?amène à évoquer un autre sujet, celui de la classification des fuites en fonction de leur importance. Leur traitement est ensuite différencié sur la base de leur classification, laissant des poches de gaz se constituer au gré du temps. Cette manière de gérer le risque ou la politique du risque calculé n?est pas satisfaisante, car elle expose les Parisiens à des risques importants. Toutes les fuites doivent être traitées le plus rapidement possible. De plus, pour prévenir le risque, les passages du véhicule de surveillance du réseau, appelé V.S.R., doivent être renforcés. Enfin, le recours à la sous-traitance et l?externalisation de certaines tâches confiées à des prestataires privés nous interrogent et, à notre avis, doivent être abandonnés. Malheureusement, les conditions de travail, la sécurisation des chantiers n?est pas respectée. D?aucuns ici, sur les réseaux sociaux, dénoncent un Paris en chantier en permanence, mais ces travaux sont indispensables si on ne veut pas un nouveau Trévise dans notre ville. Ces chantiers sont nécessaires pour améliorer l?entretien des réseaux et éviter une nouvelle catastrophe. Certes, ce n?est pas toujours agréable, certes, c?est parfois répété, mais cela reste indispensable. Notre collègue Jacques BAUDRIER a été désigné par la Maire, en la matière, pour la coordination des chantiers sur l?espace public. C?est en cours, c?est long car les concessionnaires sont nombreux, les enjeux sur lesquels ils travaillent ne sont pas toujours complémentaires, les urgences surgissent sans qu?elles n?aient été planifiées. C?est un travail de longue haleine, mais je sais qu?ils y parviendront, Jacques BAUDRIER et l?ensemble des services de la Ville. Notre rôle est d?uniformiser les travaux, de faciliter la gestion et la transmission des informations de mise à jour des travaux et d?avoir une cartographie précise du schéma du sous-sol existant. C?est le sens, Madame la Maire, d?une inspection générale que j?ai demandée auprès de vos services, pour qu?enfin nous ayons une cartographie et l?état de l?ensemble de nos réseaux, notamment celui du gaz, qui est évidemment le plus dangereux. Je vous remercie et, bien entendu, mes pensées vont à l?ensemble des victimes qui aujourd?hui nous écoutent.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci à vous, Monsieur le Président. Je donne la parole à Mme Delphine BÜRKLI, maire du 9e arrondissement, au nom du groupe "Indépendants et Progressistes".

Mme Delphine BÜRKLI, maire du 9e arrondissement. - Merci, Madame la Maire.

Ce matin, avec cet accord-cadre acquis de haute lutte, c?est d?abord une page qui se tourne. Cet accord-cadre, c?est une étape décisive dans la reconstruction des victimes, c?est aussi un soulagement pour toutes celles et tous ceux qui ont ?uvré, pour ne pas dire se sont battus, pour obtenir ce dispositif d?indemnisation.

Evidemment, comme je l?évoquais encore mercredi dernier aux commémorations des 3 ans, jamais nous ne pourrons oublier ce drame, ces quatre innocents fauchés en plein Paris, les familles endeuillées, son cortège de victimes dont la vie a basculé, et, parmi elles, certaines souffrent encore dans leur chair. Je pense à cette jeune femme, Inès, qui s?est battue malgré ses souffrances pour faire reconnaître ses droits, je pense à Angela, Ameroch, Amor, Inès, je pense aux sinistrés, à ceux qui ont perdu leur toit avec tous les souvenirs qu?il abritait. Et, bien sûr, je veux rendre hommage, dans cette enceinte, à Dominique PARIS et à Linda ZAOURAR, présidentes de "Trévise Ensemble" et de "Vret", qui ont fait preuve, j?ai envie de dire, d?une grande dévotion et qui ont consacré l?essentiel de leur temps à porter inlassablement la voix des victimes. Désormais, ce sont les coordonnateurs nommés par le Gouvernement, et je veux remercier ici Frédérique CALANDRA, la Déléguée interministérielle à l?aide aux victimes, le Préfet de Région, Marc GUILLAUME, de leur aide décisive, ce sont les experts, ce sont les avocats de l?ensemble des parties prenantes qui vont assurer la bonne application de cet accord-cadre, pour une juste indemnisation des victimes. Une nouvelle page s?ouvre désormais ; ces centaines de victimes et sinistrés, dont ce drame colle à la peau, aspirent à reprendre le cours de leur vie. Il faudra encore du temps, je le sais, mais nous resterons mobilisés pour que ce quartier du Faubourg-Montmartre meurtri retrouve son visage, pour que les habitants, le monde associatif et culturel, pour que les commerçants retrouvent leur joie de vivre, pour les victimes directes, pour les sinistrés mais aussi pour des centaines d?habitants, peut-être même des milliers, au-delà des frontières du 9e, qui n?auront pas été touchés directement mais qui auront vécu ce drame. Je pense tout particulièrement aux habitants du 10e, tout proche, chère Alexandra. Cet événement, on le sait, a généré beaucoup, beaucoup d?angoisse portée par la crainte de nouvelles explosions de gaz. Alors oui, il y aura, mes chers collègues, incontestablement un avant et un après 12 janvier 2019. Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci, Madame.

La parole est à Mme Nathalie MAQUOI, présidente du groupe "Génération.s".

Mme Nathalie MAQUOI. - Merci, Madame la Maire, chers collègues. J?interviens en ce lundi 17 janvier 2022 au nom des élus "Génération.s" de Paris pour apporter notre soutien, nos pensées, à toutes celles et ceux qui ont vécu l?événement dramatique du 12 janvier 2019 rue de Trévise, à celles et ceux qui y habitaient depuis longtemps ou depuis quelques mois, celles et ceux qui étaient venus passer à Paris quelques jours, celles et ceux qui sont venus porter secours lors de cette terrible explosion. Vous avez parfois perdu la vie, vous avez perdu votre santé, vous avez perdu votre domicile. Ce Conseil de Paris est donc important, parce que nous reconnaissons votre préjudice et, quasiment 3 ans après le drame que vous avez traversé, nous votons aujourd?hui un protocole d?accord qui a pour objectif de vous indemniser, de vous aider à traverser encore les quelques mois pour celles et ceux d?entre vous qui continueront à habiter rue de Trévise, pour celles et ceux qui se reconstruisent patiemment à l?hôpital. Nous mesurons le temps qui s?est écoulé depuis cette terrible nuit, nous mesurons aussi le temps dont la justice a besoin pour éclaircir les faits, pour apporter réparation. Nous pensons donc aux moyens de la justice, au fait qu?avec plus, elle serait peut-être plus en phase avec votre quotidien pour apporter des réponses et surtout déterminer qui doit vous indemniser pour continuer à vous loger, à vivre, à vous soigner. Comme nous avions voté l?enveloppe exceptionnelle de la Ville de 20 millions d?euros, nous approuverons bien sûr ce protocole pour qu?une nouvelle étape dans la réparation s?ouvre.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci, Madame MAQUOI.

La parole est à Mme LELIÈVRE, pour le groupe MoDem, Démocrates et Ecologistes.

Mme Maud LELIÈVRE. - Madame la Maire, mes chers collègues, 3 années, 3 années se sont écoulées depuis ce drame inqualifiable, un drame, un accident qui a bouleversé la vie des habitants de la rue de Trévise, les riverains, qui marquera pendant de très nombreuses années la mémoire du 9e arrondissement et plus généralement celle de toute notre ville.

Je tiens à avoir une pensée toute particulière pour les défunts, le caporal-chef Simon Cartannaz, le sergent Nathanaël Josselin, Laura Sanz Nombela, Adèle Biaunier, à leur compagne, leur compagnon, les orphelins, les familles endeuillées, les blessés. Nous serons toujours à vos côtés et nous n?oublierons jamais ce drame.

Je tiens à saluer celles et ceux qui aujourd?hui souffrent encore de séquelles physiques, psychologiques, matérielles, de ce qui fut une scène de guerre impensable au c?ur de notre Capitale. Je pense aussi à Inès qui nous aura tous bouleversés par ses témoignages de souffrance et de peine.

D?une manière générale, à chaque cérémonie de commémoration, nous avons pu nous rendre compte que la reconstruction sans la reconnaissance n?était pas possible. Avoir l?impression d?être une deuxième fois victime des lenteurs, des hésitations, des attentes, du temps perdu et souffrir toujours plus, sans avoir l?impression qu?un jour il sera possible de tourner la page.

Je tiens évidemment à remercier les présidentes des associations de victimes, Linda ZAOURAR et Dominique PARIS, pour leur combat au quotidien, pour faire entendre la voix de celles et de ceux qui attendent depuis 3 ans de pouvoir enfin passer à autre chose, mais surtout Delphine BÜRKLI, maire du 9e arrondissement, qui a été là dès les premières minutes aux côtés des victimes et qui est engagée jour après jour pour qu?un jour, tout le quartier puisse reprendre une vie normale, sans oublier, mais sans les stigmates encore visibles.

Je n?étais pas encore élue du 9e en 2019, mais je peux témoigner des efforts considérables mis en place par notre équipe d?élus du 9e en 2020 et 2021 autour de Delphine BÜRKLI. La maire n?a jamais diminué ses efforts pour que l?on puisse arriver à la signature d?un accord-cadre, à la reconnaissance du statut de victime ou encore à la reconstruction du quartier Faubourg-Montmartre.

Le lieu du drame est à quelques pas de l?école maternelle et primaire de ma fille, et j?ai ressenti ce matin-là une terrible frayeur pour la camarade de classe, pour ses parents qui vivaient à quelques mètres du 6 rue de Trévise. Ces minutes, ces heures, nous les avons connues, celles où chacun et chacune d?entre nous se demandaient comment allaient ceux que nous connaissons, car dans un drame, c?est toujours aux proches que nous pensons en premier, et puis à ceux que l?on connaît, ce restaurateur, ces amis d?amis. Ce sentiment d?appartenance à une vie de quartier, à une communauté s?est immédiatement manifesté par un formidable élan de générosité des habitants pour venir en aide, aux premières heures du drame, depuis la cour de la mairie du 9e, aux victimes de l?explosion.

Je vous invite, j?invite celles et ceux qui ne l?auraient pas encore fait à se rendre sur les lieux du drame. D?un côté, les hôtels éventrés sont désormais refaits à neuf et flamboyants, et c?est une excellente chose pour la vie du quartier. Mais, en face, au 6 rue de Trévise, la désolation, pour reprendre les termes employés par Dominique PARIS, à l?image des victimes et des rescapés, qui ont attendu trop longtemps pour que ce jour arrive. C?est un sujet bien trop grave pour en faire une récupération politique.

En tant qu?avocate, je sais combien ce genre d?affaire est difficile à résoudre et à quel point il faut du temps pour établir les responsabilités, pour rechercher les causes du drame, indemniser, reconnaître puis reconstruire. Nous avons pourtant eu l?impression pendant 3 ans que les victimes et leur indemnisation étaient toujours reléguées au second plan derrière les procédures judiciaires, les expertises, les contre-expertises, les enquêtes et les attentes d?avis juridiques. L?impression donnée par la Ville de Paris fut malheureusement celle d?une collectivité locale plus inquiète de son éventuelle responsabilité que d?apporter une écoute et des réponses concrètes et rapides à la hauteur de ce drame. Nous aurions attendu d?une ville comme Paris, suite à l?ampleur des dégâts, plus d?humanisme et de compassion. Comme nous avons su le faire à tant de reprises, affirmer que certaines situations dramatiques ont un caractère d?urgence aurait été plus que bienvenu. Or, sur ce dossier, les victimes et les rescapés ont été littéralement ballottés et notre Ville n?a pas été au rendez-vous.

Pourtant, la convocation de ce Conseil municipal exceptionnel interroge grandement. Quatre mois sont passés depuis la confirmation de la possibilité de signer un tel accord-cadre par la Déléguée interministérielle à l?aide aux victimes, Frédérique CALANDRA. Des mois d?attente, des années de patience et, d?un coup, alors que le calendrier électoral s?accélère, nous apprenions notre convocation à ce Conseil exceptionnel quelques semaines avant celui de février, ce qui donne l?impression d?une instrumentalisation de notre Assemblée que nous désapprouvons.

Bien évidemment, le groupe MoDem, Démocrates et Ecologistes votera sans hésitation ce projet de délibération, en espérant qu?il pourra donner aux victimes et aux rescapés la sérénité et l?apaisement nécessaires et tant attendus. Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - La parole est à Mme Alexandra CORDEBARD, maire du 10e arrondissement, pour le groupe Paris en commun.

Mme Alexandra CORDEBARD, maire du 10e arrondissement. - Merci, Madame la Maire de Paris, chère Anne HIDALGO, Madame la Maire du 9e, chère Delphine BÜRKLI, mes chers collègues.

Nous nous souvenons, oui, nous nous souvenons ensemble, aujourd?hui, du 12 janvier 2019. Nous nous souvenons de l?angoisse qui nous a saisis lorsque beaucoup d?entre nous, y compris dans mon arrondissement, ont entendu la déflagration. Nous nous souvenons de la stupeur lorsque nous avons appris l?explosion et nous nous souvenons de l?effroi lorsque nous avons constaté l?ampleur de cette catastrophe.

L?explosion de la rue de Trévise a coûté la vie à quatre personnes, en a blessé plusieurs dizaines d?autres. Et je ne parle ici que des blessures physiques, car il faut, on l?a beaucoup senti pendant cette commémoration et je le crois profondément, compter également les blessures morales qui continuent de faire souffrir les rescapés. Oui, mes chers collègues, le drame de la rue de Trévise n?a pas quitté celles et ceux qui l?ont subi. Il les hante, il les poursuit, nous le savons. Il y a le traumatisme qui persiste, les images qui reviennent, le chagrin qui demeure. Il y a aussi, nous le savons tout autant, le difficile chemin administratif, le parcours du combattant juridique, vous en parliez tous avant moi, les interminables procédures qui écrasent, qui peinent immanquablement, qui blessent à leur tour. Et de tout cela, je veux le dire avec solennité, je pense parler ici au nom de tous, car je crois, Madame la Maire de Paris, Madame la Maire du 9e, Madame LELIÈVRE, que tous ici sont solidaires. Trois ans plus tard, est venu le temps de l?apaisement, est venu le temps de la reconstruction, est venu le temps de la réparation. C?est un temps long, nous le savons. Le rythme d?une procédure, le rythme de l?indemnisation, le rythme de la justice n?est souvent, hélas, pas le rythme de la vie. Mais, vous le savez, mes chers collègues, la Ville de Paris avec ses élus, dès les premières heures de ce drame, s?est tenue résolument aux côtés des victimes, a mobilisé l?ensemble de ses compétences, de ses services pour leur venir en aide. L?ensemble de son énergie, la détermination, la compassion d?Anne HIDALGO, d?Emmanuel GRÉGOIRE, de vous, chère Delphine BÜRKLI, de l?ensemble des élus du 9e, forcément touchés, va de pair avec celle de tous les élus de ce Conseil de Paris. Cette compassion, cette solidarité nous rassemble, elle doit nous rassembler. Je pense à ces Parisiennes et à ces Parisiens qui spontanément se sont réunis pour dire leur émotion. J?en ai, comme maire du 10e, un souvenir douloureux qui me ramène devant la caserne de pompiers de la rue du Château-d?Eau, orpheline de deux des siens. Aujourd?hui, certains l?ont dit avec ce mot-là précisément, nous sommes soulagés devant cet accord-cadre que nous sommes invités à entériner enfin et après avoir garanti le financement du dispositif d?indemnisation des victimes, car nous l?avons fait et voté à l?unanimité au mois de novembre dernier. Et indépendamment de l?établissement des responsabilités, des responsabilités de chacun dans le cadre d?une information judiciaire toujours en cours, la Ville de Paris s?est donc engagée dans une voie qui, je l?espère, fera jurisprudence en matière d?indemnisation des victimes, car nous inaugurons là un mécanisme totalement novateur. Oui, cet accord-cadre est là pour les victimes, comme la Ville a toujours tenu à être là pour elles. Et Paris n?abandonne pas les siens, Paris n?abandonne jamais les siens face au malheur ou face au désarroi. Si nous entendons, si nous comprenons sincèrement, profondément, l?épuisement, la colère - disons-le -, il est aujourd?hui temps de nous réunir pour avancer ensemble. Je veux saluer ici les associations de victimes, qui m?ont tant touchée, "Trévise Ensemble", sa présidente Dominique PARIS, victime et rescapée de l?explosion de la rue de Trévise, et la présidente Linda ZAOURAR pour leur travail, leur résilience, et leur dire, comme Delphine BÜRKLI l?a fait la semaine dernière, toute notre admiration. Mes chers collègues, au cours de la minute de silence que nous avons observée il y a quelques instants, je me remémorais les noms de celles et ceux qui ont disparu, Laura, Adèle, Simon, Nathanaël. Pensons à eux, habitants du 9e, touristes, sapeurs-pompiers du 10e, pensons aussi à celles et ceux à qui, depuis 3 ans, ils manquent terriblement. Pensons encore aux blessés, souvent grièvement, qui doivent, depuis, réapprendre à vivre différemment. Et ce faisant, n?oublions pas, tous ensemble, ce jour du 12 janvier 2019 qui restera dans nos mémoires comme une terrible balafre dans nos c?urs et dans celui de Paris. Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci à vous, Madame la Maire.

La parole est à Mme DATI, présidente du groupe Changer Paris.

Mme Rachida DATI, maire du 7e arrondissement. - Madame la Maire, mes chers collègues, il y a 3 ans et 5 jours, l?explosion de la rue de Trévise faisait 4 morts et 66 blessés. Au-delà de ce décompte glaçant, ce sont des conséquences psychologiques et des traumatismes irréversibles qui habiteront à vie les victimes et leurs familles, c?est la perte irrémédiable d?êtres chers, des vies et des familles brisées, ce sont des blessés qui, aujourd?hui encore et nous les avons rencontrés, subissent des dizaines d?opérations pour éventuellement pouvoir remarcher et qui doivent avancer les frais médicaux et chirurgicaux, qui ne sont pas considérés comme des dépenses de santé ou de réparation. Ce sont les riverains qui, aujourd?hui encore, subissent des séquelles psychologiques, ce sont des travailleurs qui ont dû réduire ou arrêter leur activité, ce sont des femmes, des hommes qui souffrent physiquement, psychologiquement et dont la vie ne sera plus jamais comme avant. 3 ans et 5 jours, cela fait 1.100 jours. Oui, 1.100 jours, Madame la Maire. En 1.100 jours, vous avez eu le temps de finir votre mandat précédent, de faire une nouvelle campagne municipale, d?annoncer que vous serez candidate à l?élection présidentielle, de changer d?avis, tout cela, au mépris des victimes, de leurs familles, ni reçues et jamais considérées. En 1.100 jours, Madame la Maire, vous avez eu le temps d?endetter la Ville de 1,201 milliard d?euros supplémentaires, et rien, rien dans cela, rien pour les survivants - oui, cela vous gêne -, rien pour les survivants. Et pourtant, en 1.100 jours, la Ville n?a pas abondé un fonds d?aide d?urgence aux victimes de cette terrible catastrophe, à hauteur de 20 millions d?euros, quand d?autres catastrophes lointaines mobilisaient la Maire et l?argent des Parisiens en un temps record. Alors oui, il n?était que temps de pouvoir entériner enfin cet accord-cadre d?indemnisation des victimes de cette catastrophe. Un accord obtenu par la mobilisation des victimes, la pression des médias face à cette injustice et cette méprisante irresponsabilité. Ce n?est ni une aumône ni la charité, ni votre argent, Madame la Maire, mais celui de la solidarité des Parisiens. Ces 20 millions d?euros permettront aux victimes d?envisager la longue épreuve, et vous avez raison de le rappeler, Madame MAQUOI, la longue épreuve du parcours judiciaire, pénal comme civil, qui permettra de déterminer les responsabilités et d?évaluer les préjudices. D?ailleurs, ces fonds interviennent alors que les victimes et leurs familles ont engagé des frais si importants que, pour certains, cela a même compromis leur minimum vital. En effet, comment envisager sérieusement de pouvoir se reconstruire, de placer sa juste parole dans un processus éminemment compliqué - expertises, audiences, papiers administratifs - alors que l?explosion a soufflé votre appartement, vous soumet à des traitements médicaux lourds, vous empêche de reprendre une vie normale à la suite de ce traumatisme ? Ces 20 millions d?euros auraient dû, auraient pu être versés quasi immédiatement. Le fondement juridique était possible ; plusieurs options, même, étaient ouvertes. Nous en avons déjà discuté. Et quand bien même, si le premier fondement n?était pas le bon, il était régularisable, c?est possible en droit. Alors pourquoi tant de temps ? La Ville n?a cessé de proclamer qu?elle ne voulait pas risquer de voir sa présomption d?innocence entachée par un versement préalable à la désignation précise des responsabilités de chacun. Quel égoïsme. Oui, la Ville est partie prenante au dossier. Ce n?est pas une entreprise privée. C?est avant tout une collectivité au service de ses citoyens qui attendent d?elle, dans les temps d?épreuve, son soutien et son accompagnement. Et vous féliciter, Madame la Maire, de cette innovation juridique est indécent. Il est frappant de constater que dans le cas d?accidents similaires, à l?usine A.Z.F. à Toulouse ou lors de l?incendie de l?usine Lubrizol à Rouen, en moins de 6 mois les victimes ont reçu une aide financière. Ainsi, la Ville aura mis 6 fois plus de temps à aider nos concitoyens. J?entends d?ores et déjà la réponse : le respect de la loi, l?attente de réponses précises du Gouvernement. Comme toujours, avec vous, c?est toujours la faute des autres. Comme toujours, avec vous, des questions claires, des réponses floues. Pourtant, le respect de la loi, le risque d?illégalité, parfois, pour ne pas dire souvent, ce n?est pas ce qui vous a retenue. Pourtant, la Ville dispose de hauts fonctionnaires, auxquels je souhaite rendre hommage, de juristes, de spécialistes du droit. La Direction des Affaires juridiques compte à elle seule 77 agents. Mais il est vrai, et j?ai pu en discuter avec eux, qu?eux-mêmes étaient désemparés par tant de flou, et tant, j?allais dire, d?incompétence, comme dans tant d?autres dossiers, d?ailleurs, nous ont-ils dit. C?est aussi grâce à la Fédération d?entraide nationale d?aide aux victimes, que je connais bien, grâce à elle et à son conseil, que ce projet d?accord-cadre a pu voir le jour. Là, vous ne pouviez plus vous dérober. Au total, que nous apprennent tous ces rebondissements ? Que les victimes, non contentes d?être victimes, doivent se "débrouiller" seules. Elles sont contraintes de proposer elles-mêmes les solutions qui leur permettront de résoudre leurs graves problèmes, qui devraient, dans un pays développé, être résolus par les institutions au service de leurs citoyens. Que l?Exécutif parisien semble d?abord et avant tout préoccupé de se prémunir contre toute idée de mise en cause de sa responsabilité plutôt que d?aller secourir les Parisiens victimes d?une catastrophe, comme si, chacun le sait, l?un empêchait l?autre.

Nous voterons évidemment ce projet de délibération, mais nous nous étonnons encore une fois, comme l?a rappelé Mme LELIÈVRE, du délai qu?il a fallu pour aboutir à cette solution, qui est l?honneur et la responsabilité de notre Ville, ces deux principes que vous avez tant dévoyés.

Pour conclure, je ne vous rejoins pas, Madame la Maire, sur votre satisfaction et je vous cite, sur ce mot à propos de cet accord, pour ne pas reprendre "l?innovation" dont vous vous êtes félicitée. Non, notre satisfaction aurait été que l?entretien du réseau de gaz soit fait pour éviter cette catastrophe. Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Madame Fatoumata KONÉ, présidente du groupe Ecologiste de Paris, vous avez la parole.

Mme Fatoumata KONÉ. - Merci.

Madame la Maire, chers collègues, comme l?ont exprimé mes collègues qui sont intervenus avant moi, l?explosion de la rue de Trévise est un drame humain effroyable. Elle a détruit à jamais des vies, et nous devons désormais apporter réparation le plus rapidement possible.

Samedi 12 janvier 2019, vers 9 heures du matin, rue de Trévise, en plein c?ur de Paris, une explosion de gaz a provoqué une déflagration d?une violence inouïe et a emporté dans son souffle la vie de quatre personnes, dont une touriste, une infirmière et deux pompiers morts de leur intervention sur la fuite de gaz. Elle a fait 66 blessés et détruit les logements et les locaux de plus de 400 riverains et professionnels. Nos pensées accompagnent toutes les victimes de ce drame ainsi que leurs enfants, leurs familles et leurs proches. Nous tenons aussi à exprimer notre solidarité aux familles et aux proches des deux pompiers, Nathanaël Josselin et Simon Cartannaz, qui ont donné leur vie en intervenant sur le site du sinistre. Depuis 10 ans en France, ce sont plus d?une centaine de soldats du feu qui sont morts pour protéger des vies, et nous tenons à remercier une fois de plus les pompiers de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris pour leur engagement quotidien au service des Parisiennes et des Parisiens. Trois ans après, alors que nous venons de commémorer ce drame aux côtés des victimes et de leurs familles, nous sommes enfin réunis au sein de notre Assemblée pour voter l?approbation d?un accord-cadre permettant d?indemniser les victimes de la rue de Trévise. Conclu lundi 10 janvier dernier entre la Ville et les différentes parties prenantes, c?est-à-dire le syndic de copropriété du 6, rue de Trévise, les entreprises et, en premier lieu, G.R.D.F., les assureurs et les associations de victimes, cet accord était attendu depuis trop longtemps par les victimes et les sinistrés, car il a fallu attendre 3 années pour parvenir à cet accord-cadre qui nous est aujourd?hui présenté. Trois longues années d?attente qui ont semblé interminables aux victimes, à ces femmes et ces hommes dont la vie a basculé en janvier 2019 et qui souffrent encore aujourd?hui, dans leur chair et dans leur esprit, des douloureuses séquelles physiques et psychologiques de ce sinistre. Comment admettre qu?il a fallu attendre aussi longtemps pour que cet accord soit conclu ? Comment accepter que certaines victimes de l?explosion puissent se retrouver, près de 3 ans après le drame, dans de profondes difficultés financières, étant parfois même dans l?incapacité de recevoir les soins médicaux nécessaires ? Comment ne pas comprendre alors la légitime colère de personnes handicapées à vie ? Il est insupportable, inacceptable, intolérable que tant de vies brisées se retrouvent doublement victimes, d?abord victimes de l?explosion, puis victimes d?arguties juridiques. Trois ans après ce drame, il est de notre devoir de regarder avec lucidité le sinistre et l?imbroglio juridique et administratif qui l?a suivi, afin de tirer des leçons de ce drame, d?une part pour prévenir la reproduction de ce type de sinistre et, d?autre part, pour, au cas où un tel accident interviendrait de nouveau, mettre en place des procédures permettant aux victimes d?être indemnisées et prises en charge beaucoup plus rapidement, sans se retrouver prisonnières d?un labyrinthe administratif inacceptable. Nous devons écouter et entendre les blessés et les sinistrés, qui témoignent du calvaire juridique et administratif dans lequel ils se débattent depuis 3 ans pour avoir accès à leurs droits. Tous les obstacles qu?ils ont rencontrés sur le chemin ont été autant d?obstacles à leurs soins, à leur relogement, à leur travail, pour se reconstruire et pour soigner les traumatismes physiques et/ou psychologiques. De la souffrance a été ajoutée à leur souffrance. Lorsqu?il s?agit de vies humaines, les considérations financières ne devraient pas mettre des obstacles quasi-infranchissables sur le chemin des victimes. Quand des vies humaines ont été brisées, les seules priorités devraient être une prise en charge et un accompagnement médico-social fondés sur la bienveillance et l?empathie. Il est donc de notre devoir de faire en sorte que ce calvaire administratif ne se reproduise plus jamais. Bien sûr, le groupe Ecologiste de Paris votera en faveur de la signature de cet accord-cadre d?indemnisation, afin que la somme de 20 millions d?euros soit débloquée au plus vite et que les victimes de la rue de Trévise obtiennent une première réparation des préjudices subis. Eu égard au traumatisme considérable et incontestable vécu par les victimes de cet accident, il est absolument nécessaire de leur apporter une réparation et une indemnisation intégrale, afin de leur permettre de se concentrer sur le long travail de reconstruction physique et psychologique. Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - La parole est à Mme SIMONNET, pour deux minutes.

Mme Danielle SIMONNET. - Mes chers collègues, mercredi dernier, c?était le temps du recueillement, de l?hommage aux victimes qui ont subi ce terrible drame il y a 3 ans, rue de Trévise. 4 morts, 66 blessés, 400 sinistrés : derrière ces chiffres, ce sont des habitantes et des habitants, des travailleurs, travailleuses, des touristes, une infirmière, des pompiers, ce sont des couples séparés à jamais, des orphelins, ce sont des rescapés à vie marqués par des souffrances physiques et psychiques, ce sont des femmes et des hommes engagés dans un combat quotidien pour se reconstruire, avec un courage inouï, comme celui d?Inès, qui a subi plus de 40 opérations.

Aujourd?hui, je souhaite exprimer mon incompréhension qu?il ait fallu 3 ans, 3 longues années, 1.101 jours pour qu?enfin nous ayons cet accord-cadre signé qui sera voté pour indemniser les victimes. Certes, c?est historique et il était nécessaire de ne pas attendre le jugement qui, lui, sera bien plus long. Mais combien de temps devront-elles encore attendre, les victimes, avant de percevoir enfin ces indemnités ? Soyons bien conscients ici que la somme de 20 millions d?euros est somme toute dérisoire quand le préjudice, lui, a été évalué par certains à 200 millions d?euros. Je le redis ici, l?accès à un logement adapté, à un logement accessible et sans gaz doit être garanti à toutes les victimes qui le demandent.

Quels enseignements tire la Délégation interministérielle à l?aide aux victimes, la majorité municipale parisienne ? Allez-vous ou avez-vous déjà engagé un audit du réseau de gaz et un plan de rénovation pour que cette catastrophe ne se reproduise plus jamais, comme le demandent les organisations syndicales de G.R.D.F., aujourd?hui Engie ? Vous pouvez raconter ce que vous voulez aujourd?hui, vous n?effacerez pas le sentiment, pour beaucoup de concitoyens, que la priorité de la Ville n?a pas tant été de venir en aide aux victimes que de se protéger d?abord elle-même de toute responsabilité dans ce drame. Je tiens à saluer le courage des associations des familles des victimes, leur courage et leur ténacité, et je sais que la bataille n?est pas finie et que la vigilance s?impose pour veiller à la mise en application de cet accord. Je tiens de nouveau à saluer Mme la Maire du 9e arrondissement, Mme BÜRKLI. Nous ne partageons pas les mêmes orientations politiques?

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci, Madame SIMONNET.

Mme Danielle SIMONNET. - ? comme chacun le sait, mais vous avez été une élue infatigable?

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Vous devez conclure?

Mme Danielle SIMONNET. - ? toujours présente et disponible auprès des victimes. C?est ce que nous attendons des élus et?

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Vous devez conclure?

Mme Danielle SIMONNET. - ? c?est que nous attentons d?une maire.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup.

Mme Danielle SIMONNET. - C?est ce qu?on attendait de la Maire de Paris et de son équipe.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci?

Mme Danielle SIMONNET. - Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - ? et je donne la parole à M. BALADI, pour le groupe Changer Paris, qui, lui, est à distance.

M. Vincent BALADI. - Madame la Maire, chers collègues, dans la continuité de l?intervention de Rachida DATI, présidente de notre groupe Changer Paris, je m?associe bien évidemment à la détresse des familles endeuillées par cette explosion de gaz sans précédent rue de Trévise. Il est utile de le rappeler encore une fois, 4 décès, dont 2 pompiers, 66 blessés, 400 sinistrés mais aussi des milliers d?habitants du 9e qui restent traumatisés à vie - j?en connais - par ce bruit assourdissant, à 8 heures 59 exactement, le samedi 12 janvier. Trois ans après et face à la lenteur administrative et judiciaire, nous arrivons enfin au début du commencement de l?indemnisation des victimes, avec cet accord-cadre qui représente 10 % des dommages. Chacun a joué son rôle, Etat, Mairie de Paris, mairie locale du 9e bien évidemment, associations des victimes, "Vret", "Trévise Ensemble", groupes d?opposition au Conseil de Paris, mais aussi la presse qui a relayé les appels à l?aide des familles. Ces appels et cette colère des familles de victimes ont mis le doigt sur les incohérences des processus de réparation de cette tragédie, qui prennent un temps inacceptable. Il est aussi utile de rappeler que la Région Ile-de-France a pris sa part en débloquant dès janvier 2019 un fonds d?aide d?urgence avec un appui aux entreprises sinistrées. Malgré cet accord-cadre, la procédure étant encore en cours, nous ne reviendrons pas sur le fond de l?affaire, même si le travail d?expertise sera nécessaire pour éviter que cela se reproduise à nouveau. Je rappelle que la Ville de Paris a renégocié en 2019 avec G.R.D.F. la concession de réseau du gaz, 700 millions d?euros investis sur 15 ans, mais les doutes demeurent par rapport à la sécurité du gaz à Paris. A cette époque, la maire du 9e arrondissement, Delphine BÜRKLI, en première ligne pour soutenir les victimes de la rue de Trévise, avait d?ailleurs critiqué cette reconduction, indiquant je cite, "une précipitation contestable". Nous le savons tous, les installations et réseaux de gaz à Paris peuvent avoir plus de 90 ans. La gestion du gaz, bien que complexe, implique une réelle transparence et ne peut être débattue uniquement entre experts sans les Parisiens. Les installations de gaz, en tout cas à Paris, représentent 10 % du réseau national, et 500.000 foyers sont concernés. Dans ce débat, il y a un certain nombre de questions, bien évidemment la vétusté du réseau de gaz, et il faudrait aussi connaître l?âge des canalisations de chaque quartier, leur état. Je rappelle qu?il y a eu aussi des drames, heureusement beaucoup moins importants que celui de la rue de Trévise, mais assez importants. En avril 2016, dans le 6e arrondissement, rue de Bérite, une explosion - n?est-ce pas, Jean-Pierre LECOQ - avait déjà soufflé deux immeubles, faisant 17 blessés dont un grave, encore un soldat du feu. En juin 2021, une importante fuite de gaz a eu lieu boulevard des Invalides, dans le 7e arrondissement, et dès le lendemain de cette explosion, Rachida DATI avait demandé par courrier à Anne HIDALGO un audit général du réseau de gaz parisien afin de déceler les potentiels dysfonctionnements conduisant à ces événements récurrents, dont la fin, heureusement, n?est pas toujours tragique. Enfin, dernièrement, en septembre 2021, rue du Faubourg Saint-Honoré, Jeanne d?HAUTESERRE, maire du 8e, et moi-même avons été alertés d?une importante fuite de gaz dans un immeuble très ancien suite au percement accidentel d?une colonne, et vous savez par qui, par un installateur de fibre optique. Nous avons frôlé la catastrophe dans chacun de ces cas, et cela ne concerne que les incidents qui ont été rendus publics. En France, deux incidents sont signalés chaque semaine, et les accidents meurtriers concernent tout le territoire. Ce sujet mériterait donc largement que l?Assemblée s?y penche avec une commission d?enquête ou une mission d?information auditionnant les pompiers, les plus sensibilisés à cela et qui ont très peur du gaz, les gaziers, les élus, les usagers. Enfin, il y a une autre question à plus long terme, à savoir le gaz comme source d?énergie des villes de demain. Il y aura ce temps-là, je pense, très important, ce temps de réflexion sur le plus long terme, du point de vue sécuritaire et du point de vue environnemental. Nos infrastructures énergétiques ont longtemps été un exemple d?innovation. Aujourd?hui, les décideurs publics doivent non seulement sécuriser l?existant mais aussi inventer l?énergie écologique et accessible à tous. Nous le devons aux citoyens, aux entreprises, nous le devons aux victimes de la rue de Trévise, dont le drame ne doit plus se reproduire, plus jamais. Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci. Pardon, Alexis GOVCIYAN, j?avais sauté votre nom. C?est à vous d?intervenir, pour le groupe "Indépendants et Progressistes".

M. Alexis GOVCIYAN. - Merci, Madame la Maire. Je prends la parole au nom de mon groupe, bien sûr, mais aussi en tant qu?élu du 9e arrondissement et témoin direct au côté de Delphine BÜRKLI des trois années qui viennent de s?écouler. J?ai un souvenir encore très vif de ce samedi 12 janvier 2019. Je me trouve, au côté de la maire du 9e, dans son bureau, mobilisé dès 8 heures 30 à l?annonce d?une nouvelle journée de manifestation dans notre secteur. Une terrible détonation. La proximité avec la mairie fait qu?en quelques minutes, nous sommes, avec Delphine, sur les lieux du drame, avant même l?arrivée des premiers secours. Nous découvrons l?horreur dans une ambiance de totale sidération. Chers collègues, vous le savez comme moi, élus de proximité, il peut nous arriver d?affronter des cas extrêmes, et notre part d?humanité fait qu?on ne ressort jamais tout à fait indemne d?une telle situation. En effet, comment oublier le choc de cette explosion sans précédent ? La sidération qui s?est ensuivie, les visages de femmes, d?hommes, d?enfants, les pleurs, les cris, nous n?oublierons jamais les quatre victimes décédées, les centaines de blessés. Comment oublier ces victimes, coincées depuis 3 ans dans le trou spatio-temporel du temps judiciaire, bien sûr, mais aussi du temps assurantiel et indemnitaire, ces victimes, encore aujourd?hui, frappées d?une double peine ? La peine du drame terrible d?abord, tellement énorme à surmonter, physiquement, psychologiquement. La peine aussi de devoir sans cesse justifier qu?on est victime et qu?on doit être reconnu comme telle par les assurances, par les services de l?État, par les services hospitaliers, par la Ville de Paris. Des démarches longues, difficiles auprès de médecins experts, d?experts d?assurances, d?assurés qui, mises bout à bout, donnent aux victimes ce sentiment d?abandon, d?impuissance. Depuis ce 12 janvier 2019, il ne se passe pas une semaine sans que Delphine BÜRKLI ne me parle de la rue de Trévise, me donnant des nouvelles de telle ou telle victime et me faisant part des avancées mais aussi souvent, trop souvent des obstacles, des blocages rencontrés dans le cadre du combat qu?elle mène aux côtés de ces victimes. Sans cet engagement sans faille, associé au courage exemplaire des victimes et, en premier lieu, des présidentes Dominique PARIS et Linda ZOUARAR, à la détermination de la Fenvac, je n?ose imaginer ce que ces hommes, ces femmes, ces familles seraient devenues. Il en a fallu du courage et de la persévérance, car, dès le 9 janvier 2020, presque un an après cette catastrophe, s?appuyant sur une note de la D.A.J. dont nous n?avons d?ailleurs jamais eu connaissance malgré nos demandes répétées, votre premier adjoint informait la centaine de victimes présentes en mairie pour une réunion de suivi, comme il s?en tient chaque mois à la mairie du 9e depuis 3 ans, que leur demande que la Ville de Paris participe à un accord-cadre n?était pas possible. J?étais présent et j?ai vu l?incompréhension, le désespoir mais aussi la colère de ces hommes et de ces femmes. Les deux associations de victimes, avec notre total soutien, ont poursuivi leur démarche et leur rendez-vous avec Mme PELSEZ puis Mme CALANDRA à la chancellerie, d?autres rendez-vous à la Préfecture de Région, avec le Procureur, pour que la Ville se mette autour de la table. Madame la Maire, en novembre 2020, vous avez saisi le Gouvernement pour demander une loi qui permettrait d?indemniser des victimes sans que la responsabilité de la Ville de Paris ne soit induite pour autant - 18 mois pour demander une loi. Démarche surprenante qui a pu donner le sentiment aux victimes qu?il s?agissait de jouer la montre et que leur sort pouvait dépendre d?une loi et était donc soumis aux aléas du calendrier parlementaire. La suite. En février 2021, le Premier Ministre vous répondait que non, il n?était pas nécessaire de faire une loi. Retour à la case départ pour les victimes. Mais rien ne semblait bouger du côté de la Ville de Paris. C?est pourquoi les victimes ont persévéré, vous le savez. En s?appuyant sur la note juridique que la maire du 9e avait commandée à Me Bernard de FROMENT, avocat de droit public, membre honoraire du Conseil d?Etat, en décembre 2020, les victimes ont lancé une procédure judiciaire débouchant finalement sur la médiation permettant l?accord-cadre que vous nous présentez. Depuis 3 ans, nous sommes préoccupés par le sort des victimes, de tous les sinistrés, qui sont encore dans l?attente d?une indemnisation avant même tout procès et de la reconnaissance, surtout, de leur statut de victimes. Ces hommes, ces femmes ont besoin de se projeter, de se reconstruire, et la signature de cet accord-cadre pourra les y aider.

Aussi, nous voterons ce projet de délibération, mais nous n?oublierons pas ces 3 ans de douleur, de solitude, de dépit et de colère. Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Dernière oratrice, Madame Nelly GARNIER, pour le groupe Changer Paris.

Mme Nelly GARNIER. - Madame la Maire, chers collègues, en ce jour, nous pensons d?abord aux victimes de la rue de Trévise, pour qui la signature de cet accord-cadre est un soulagement, un soulagement après des mois de combat pour faire reconnaître leurs droits. C?est un soulagement, mais je suis obligée de rappeler à mon tour que ces 3 ans d?attente ont été beaucoup trop longs. Alors, vous allez dire que maintenant, il faut tourner la page et regarder vers l?avenir, mais je crois qu?il est au contraire très important de ne pas oublier ces 3 longues années d?attente.

Il ne faut pas les oublier, tout d?abord pour éviter qu?une telle situation ne se reproduise à l?avenir. Avec le recul, on voit bien que les choses auraient pu aller beaucoup plus vite. Il faudra en tirer les leçons et nous rappeler que le rôle des élus est d?empêcher que les citoyens soient pris en otage dans un jeu où personne ne veut prendre ses responsabilités. C?est notre devoir de le rappeler aujourd?hui et je veux remercier les élus des différents groupes politiques qui ont eu le courage et l?honnêteté de le faire. Il ne faut pas les oublier ensuite, parce que ces 3 ans d?attente ont eu un coût humain, ils ont aggravé les blessures psychologiques et physiques des victimes.

Aujourd?hui, c?est le temps de la reconstruction qui s?ouvre, c?est un temps long. Ceux qui l?ont vécu savent que c?est un temps de solitude et de douleur. Hier soir, en écrivant cette intervention, j?ai repensé au "Lambeau", ce livre si poignant de Philippe LANÇON, un des journalistes victimes de l?attentat de "Charlie Hebdo", qui est resté de longs mois dans le huis clos de sa chambre d?hôpital, perclus de douleurs et hanté par le souvenir des camarades qu?il avait perdus. Dans ce livre, Philippe LANÇON cite quatre vers qu?il a posés sur le papier encore et encore pendant ces longs mois de convalescence où le désespoir l?emportait souvent sur tout le reste. Ce sont des vers de Paul Valéry et je voudrais les lire aujourd?hui dans cette Assemblée : "Ces jours qui te semblent vides/ Et perdus pour l?univers/ Ont des racines avides/ Qui travaillent les déserts".

Aujourd?hui, nos pensées vont vers les victimes. Je sais que certaines vont très mal. Je sais que certaines ont l?impression que leurs jours sont vides et perdus pour l?univers, comme disait le poète. Alors, je voudrais leur demander de croire le poète quand il dit que sous ces jours vides, sous ces déserts, il y a des racines qui travaillent et qu?un jour, la vie reprendra le dessus.

Avec Rachida DATI, avec l?ensemble des élus de mon groupe politique, Changer Paris, je veux dire aux victimes de la rue de Trévise que nous sommes à leurs côtés et que nous pensons à elles. Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Je donne à présent la parole à Emmanuel GRÉGOIRE que je remercie à nouveau d?avoir, sur ce sujet lourd, porté non seulement la parole de la Ville, mais aussi la parole des victimes. Parce que dans ce dossier, la Ville a agi en ayant d?abord le souci des victimes et le souci de la vérité, de la vérité pour la réparation. C?est la position que j?ai prise en demandant, dès les quelques jours et temps qui ont suivi cet accident de la rue de Trévise, une inspection générale des services pour mettre au point les "process" qui avaient eu lieu avant ce drame. D?ailleurs, ce document, qui est un document que nous avons remis à la justice, est un des éléments qui permettra aussi de faire valoir la vérité. La vérité aussi et l?intérêt des victimes, parce que, je l?ai dit d?entrée de jeu, Maire de Paris, je ne suis pas le syndic de Paris. Je suis la représentante des Parisiennes et des Parisiens et de leurs intérêts. Y compris lorsque la Ville comme d?autres parties prenantes sont concernées par cette affaire, je considère que la seule chose qui compte, c?est la vérité et le droit à réparation des victimes. C?est ce qui nous a guidés et je veux remercier Emmanuel GRÉGOIRE d?avoir porté cela avec beaucoup d?énergie, beaucoup de constance et en essayant, contrairement à ce que j?entends ici et là, d?être non pas dans cette attitude politicienne qui ne mène à rien, mais bel et bien dans cette attitude qui consiste, à partir d?un sujet grave qui a ôté la vie à 4 personnes mais qui a aussi impacté la vie de très nombreuses victimes corporelles ou qui ont perdu leur appartement, à leur apporter des solutions. C?est le sens du travail que nous faisons ici, dans le sérieux et l?honnêteté. Cher Emmanuel, je vous donne la parole.

M. Emmanuel GRÉGOIRE, premier adjoint. - Merci beaucoup, Madame la Maire, merci beaucoup, chers collègues.

C?est un moment émouvant pour nous tous, parce que, je vais vous dire, aujourd?hui, j?ai une seule envie, avoir une pensée pour les victimes, pour Laura Sanz Nombela, pour Adèle Biaunier, pour le première classe Nathanaël Josselin, pour le caporal-chef Simon Cartannaz, pour l?ensemble des victimes, pour l?ensemble de leurs familles. Et je veux leur dire mes regrets, mes regrets de ne pas avoir réussi à aller plus vite et aussi, je l?espère, les convaincre que nous y avons mis, autour de la Maire, autour, je le sais, de l?ensemble des membres de cette Assemblée, toute notre énergie, et une forme de honte qui m?habite à devoir se justifier avec des arguments juridico-administratifs, comme si le filet de ces difficultés était une peine de plus imposée aux victimes.

Je n?ai pas envie aujourd?hui de dire autre chose que mes pensées pour les victimes et qu?adresser des remerciements. Des remerciements à l?ensemble de ceux qui ont travaillé à cet accord-cadre, à la fois la Délégation interministérielle à l?aide aux victimes, le Préfet de Région, le Gouvernement, le Garde des Sceaux, le Premier Ministre et tous ceux qui sont hautement conscients des difficultés inextricables dans lesquelles le droit nous plaçait. Et qu?y a-t-il de plus absurde pour l?humain que de voir le droit imposer son implacable neutralité, son implacable insensibilité aux douleurs et à la nécessité d?agir vite ?

Je voudrais également tirer les enseignements de ce drame, les enseignements à au moins deux titres que je voudrais citer de nouveau, puisque nous avons fait le choix, avec les associations de victimes, d?essayer d?y travailler pour porter auprès du Gouvernement un certain nombre de demandes visant à tirer les enseignements.

D?abord, la difficulté pour des victimes à voir les solutions, les accompagnements assurantiels s?épuiser bien plus vite que les conséquences de ces drames.

Le deuxième, c?est évidemment le temps long de la justice, et la justice doit, avec les moyens nécessaires, pouvoir faire son travail librement, et malheureusement, cela prendra encore de nombreuses années. Mais au titre de la manifestation de la vérité, c?est un temps nécessaire et indispensable.

Et entre les deux, il n?y a rien et c?est ce que nous avons essayé d?inventer pour accompagner du mieux que nous pouvions les victimes. J?ai une pensée en particulier pour l?ensemble des avocats qui ont travaillé à la rédaction de cet accord-cadre, qui soulevait d?immenses questions juridiques et qui, je l?espère, sera utile à l?avenir. Je pense évidemment aux associations de victimes, en particulier à leurs présidentes, et à l?ensemble des membres statutaires pour leur relation de travail à la fois exigeante et, je le sais, nourrie uniquement par l?intérêt d?accompagner au mieux les victimes, et puis aux services de la Ville de Paris, en particulier la Direction des Affaires juridiques qui a, pendant des mois et des mois, travaillé à essayer de trouver des solutions. Vous comprendrez que je ne reviendrai à aucun moment sur les causes de ce drame. C?est le rôle de la justice et d?elle seule, mais je voudrais rappeler, comme l?a fait Mme la Maire, que la Maire a décidé de mobiliser tous moyens de l?administration pour participer à la manifestation de la vérité. Il n?y a aucune mesure dilatoire, aucune procrastination là-dedans, simplement l?ambition humble d?accompagner au mieux, comme nous le pouvons, les victimes. Je voudrais enfin revenir sur cette journée du 12 janvier et saluer votre action, Madame la Maire du 9e, Delphine BÜRKLI. J?étais dans la rue moi aussi et j?ai entendu cette détonation sans savoir d?où elle venait, avant que l?alerte de sécurité nous amène sur les lieux avec vous, Madame la Maire, avec de très nombreux élus sur place. Mais j?ai peut-être aussi le souvenir plus saisissant, plus émouvant, plus dur de la très longue soirée, de la très longue nuit que nous avons passée à la mairie du 9e, aux côtés de la cellule de crise de la Ville de Paris et des centaines de victimes qui affluaient, qu?il fallait d?abord reloger, qu?il fallait rassurer en plus, évidemment, des victimes les plus gravement touchées et qui avaient dû être prises en charge. Ces moments, dans un mandat, nous rappellent à notre humilité, forgent des souvenirs difficiles et nous rappellent aussi à l?impérieuse nécessité d?agir au plus vite. Je veux vous dire qu?aujourd?hui je suis très heureux qu?une étape de plus soit franchie. Ce n?est pas le bout du chemin, pour les victimes d?abord, car il y aura la justice. Je veux vous dire qu?à la juste place qui sera celle de notre Assemblée désormais et celle de la Ville de Paris, nous veillerons à une application de ce protocole avec rapidité, avec justesse, avec humanité. C?est quelque chose que nous ont beaucoup demandé les associations de victimes et je sais que nous aurons l?occasion d?y revenir. Et permettez-moi de conclure mon intervention en ayant une pensée pour les victimes, évidemment les quatre personnes décédées, leurs familles, et leur dire que j?espère tout simplement qu?avec cette étape, elles pourront commencer à se reconstruire et que nous essaierons d?être à leurs côtés.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci à vous, Emmanuel GRÉGOIRE. Merci aussi à Nicolas NORDMAN qui a pris part à tout ce travail également et aux services, à Marie VILLETTE, à la Direction des Affaires juridiques et à nos différents cabinets. Merci beaucoup.

Je mets aux voix, à main levée, le projet de délibération SG 26.

Qui est pour ?

Contre ?

Abstentions ?

Le projet de délibération est adopté à l'unanimité. (2022, SG 26).

Il est voté à l?unanimité, je vous en remercie.

 

Janvier 2022
Débat
Conseil municipal
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