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2021 DASES 299 - Subventions à des associations "Ayyem Zamen" et "Maison des Champs".


 

Mme Colombe BROSSEL, adjointe, présidente. - Nous examinons le projet de délibération DASES 299 : subventions à deux associations, "Ayyem Zamen" et la "Maison des Champs". La parole est à Lamia EL AARAJE.

Mme Lamia EL AARAJE. - Merci beaucoup, Madame la Maire.

Mes chers collègues, ce projet de délibération est un projet de délibération sur lequel je souhaitais ardemment m?exprimer pour soutenir cette association, "Ayyem Zamen", que l?on connaît très bien dans le 20e arrondissement pour le travail formidable qu?elle réalise auprès des "chibanis". Pour rappel, les "chibanis" sont des immigrés âgés qui viennent essentiellement du Maghreb, Maroc et Algérie, principalement pour ce qui concerne le Maroc, qui sont arrivés en France dans les années 1960 pour servir de main-d??uvre à un moment où la France avait besoin de cette main-d??uvre étrangère et qui ont travaillé dans des conditions très difficiles, notamment dans les métiers du bâtiment, parfois sans contrat de travail et très éloignés de leur famille souvent restée dans leur pays d?origine. Ce sont des personnes qui souffrent aujourd?hui d?un isolement important, qui, souvent, n?ont pas bénéficié d?un contrat de travail qui leur permettrait d?avoir une retraite reconnue et à hauteur du travail qu?ils ont fourni au service de la France, et c?était extrêmement important de pouvoir m?exprimer aujourd?hui.

Cette association, "Ayyem Zamen", a créé un premier café social à partir de 2003, qui est un modèle très intéressant puisqu?il permet de créer un espace de convivialité pour ces personnes âgées en exil qui, souvent, vivent dans des foyers de travailleurs migrants dans des conditions, là aussi, extrêmement difficiles. Ce café est situé en plein c?ur du quartier Belleville, qui est à cheval entre le 11e et le 20e arrondissement ; il a environ 800 adhérents, dont 90 % d?entre eux sont présents en France depuis au moins 25 ans. Les "chibanis" peuvent donc s?y retrouver pour boire un café, discuter, jouer aux dominos mais aussi trouver une permanence sociale pour les aider dans leurs démarches administratives, et c?est là un point très important pour ces publics qui sont, je l?ai déjà dit, parfois très éloignés des dispositifs de soutien habituels.

Ce café est d?autant plus important que le 20e arrondissement, dans son intégralité, est l?un de ceux qui, à Paris, accueillent le plus d?immigrés âgés et de personnes âgées plus globalement, car environ 21 % de la population de l?arrondissement a au moins 60 ans. Les immigrés âgés, quant à eux, représentent 14.000 personnes dans le 20e arrondissement, définition assez large, puisqu?elle démarre ici à partir de 55 ans et que ce n?est pas tout à fait les 60 ou 65 ans habituels selon l?I.N.S.E.E., ce qui représentait 7 % de la population de l?arrondissement en 2017.

Je salue donc le travail de cette association, qui est d?autant plus nécessaire que l?accueil physique des administrations - on est revenu sur ce point tout à l?heure - qui permettent l?accès aux droits des seniors est de plus en plus restreint du fait du contexte sanitaire. Et la seule crise épidémique que nous connaissons depuis près de deux ans ne peut pas être la seule excuse avancée par le Gouvernement. Il y a, là aussi, un recul de l?accès aux droits qui est assez important. Ce recul des points d?accueil physique est une situation que nous déplorons amèrement au sein de notre majorité, car, par ailleurs, il ne vous aura pas échappé que les personnes âgées sont celles qui ont le plus de mal à accéder au numérique et le plus de difficultés à faire valoir leurs droits, principalement pour les immigrés âgés qui sont très fortement confrontés, en sachant qu?ils ont en plus parfois des difficultés à lire et à écrire le français.

"Ayyem Zamen" saura au mieux utiliser cette subvention dans le cadre de sa situation budgétaire actuelle qui est très compliquée, et je voulais pouvoir m?attarder sur ce point car elle bénéficiait d?une subvention historique de la part de l?Etat, laquelle a été supprimée très récemment, et c'est cette suppression que je tenais à dénoncer ici. Sur cette base, l?association a réuni ses financeurs lors d?une réunion exceptionnelle le 19 novembre dernier et la Ville s?est engagée à adresser à l?association une subvention exceptionnelle de 14.000 euros pour soutenir ses actions et contribuer au développement de ses cafés sociaux, l?un à Belleville et l?autre dans le 18e.

Cette subvention va permettre à l?association de finir cette année budgétaire dans de meilleures conditions, mais, pour l?année prochaine, des travaux doivent être fournis par l?Etat pour stabiliser les comptes de l?association et trouver des solutions à plus long terme. La Ville ne saurait être en permanence un palliatif au désengagement et à la défaillance de l?Etat, notamment sur le plan social.

Ainsi, je salue le travail d?"Ayyem Zamen" et je vous appelle donc à accorder un vif soutien en votant à l?unanimité ce projet de délibération qui va permettre, je l?espère, de maintenir ses activités et de les accompagner au mieux en attendant que nous trouvions une solution avec l?Etat, et je m?engage à pouvoir intervenir sur ce sujet également. Merci beaucoup, Madame la Maire.

Mme Colombe BROSSEL, adjointe, présidente. - Merci à vous, surtout.

La parole est à Maya AKKARI.

Mme Maya AKKARI. - Madame la Maire, mes chers collègues, je tenais également à intervenir au sujet de cette subvention à deux associations, "Ayyem Zamen" et la Fondation Maison des Champs de Saint-François d?Assise. On le sait tous, dans nos territoires, nos seniors vivent très difficilement le confinement, et les besoins d?aide que nous pouvons leur apporter les uns et les autres ont augmenté.

Cette subvention exceptionnelle, Lamia EL AARAJE l?a dit, pour "Ayyem Zamen", c?est essentiellement pour compenser une perte incompréhensible de subvention, dans ce contexte, de l?Etat. Celle pour Saint-François d?Assise vise à lui permettre d?élargir son champ d?action au regard des besoins qu?elle rencontre sur le territoire.

Je voulais moi aussi rendre hommage plus particulièrement à nos anciens. Oui, les "chibanis" sont nos anciens à tous. Je n?ai pas eu personnellement un père ou un grand-père "chibani", même si mon père et mon grand-père ont eu des cheveux gris en avançant dans l?âge, parce que "chibani", c?est ce que cela veut dire. Mais ce sont nos anciens à tous, car ils ont participé à la construction de notre France. On les a vus, pendant des années, tôt le matin, à 4 heures, à 5 heures du matin pendant que nous, nous dormions, réparer les fuites dans le métro, mettre du bitume sur nos routes, construire nos hôpitaux, nos écoles, nos prisons, nos services publics. Et bien souvent, comme l?a dit Lamia EL AARAJE, ils n?ont pas eu de contrat, ils ont travaillé au noir, comme on dit, et même si certains d?entre eux ont eu des contrats pendant 40 ans, c?étaient des petits boulots, des "boulots" de man?uvriers, des "boulots" sur des chantiers et ils ont des petites retraites. Ces hommes ont sacrifié toute leur vie à leur travail, à leur famille. Parfois, un certain nombre d?entre eux n?ont pas voulu faire monter leur famille en France et la majorité de leur paie servait à nourrir leur famille dans leur pays de naissance.

Ces seniors, bien souvent, ont rêvé de retourner au pays une fois la retraite prise. Quand c?était le cas, ils se sont fréquemment rendu compte que leur pays n?était plus ce pays de naissance qu?ils avaient fantasmé longtemps et que c?était bien la France, leur pays. C?est là qu?ils ont leurs repères, c?est là qu?ils ont leurs amis, c?est là qu?ils ont construit une vie en parallèle de leur vie familiale qu?ils avaient créée dans leur pays d?origine, si bien que beaucoup d?entre eux ne souhaitent pas vivre à plein temps en Algérie, au Maroc ou en Tunisie, ils souhaitent vivre ici, continuer à vivre ici. Mais leurs conditions de vie ne sont pas toujours satisfaisantes, ils sont dans des foyers ou des petites chambres de bonne. Et je souhaite mettre l?accent sur le nouveau projet d?"Ayyem Zamen" de colocation solidaire. Ils essaient de repérer ces hommes un peu seuls et ils mettent à leur disposition, dans le cadre d?un partenariat avec la Ville, des grands appartements rénovés avec un système de colocation.

Je souhaite ici témoigner d?une visite, une fois, en permanence d?élue, d?un "chibani" qui avait vécu toute sa vie en foyer. C?était un monsieur aux cheveux blancs, aux yeux bleus et vifs, qui m?avait dit : "Madame, moi, tout ce que je veux, c?est finir mes vieux jours avec ma 'vieille' - en parlant de son épouse - à mes côtés." Tout ce qu?il voulait, c?était une chambre qu?il puisse partager avec sa compagne de toute une vie, qu?il n?avait vue qu?un mois par an, pour ses vieux jours.

Ces sujets-là sont des sujets de dignité pour nous et je crois que ce n?est pas un hasard si Lamia et moi nous nous exprimons ce soir, vu tout ce contexte médiatique malsain. Notre France, elle est plurielle et de nombreuses personnes ont participé à sa construction, à son histoire. Notre histoire est complexe, il s?agit de notre dignité, de notre dignité en tant que pays de reconnaître l?apport de toutes et tous, qui a fait ce pays que nous aimons tous.

Voilà, chers collègues, je vous invite à voter cette subvention à l?unanimité, je l?espère et nous aurons une autre belle subvention à ce sujet dans les jours à venir, celle de la place des tirailleurs sénégalais, dit Sénégalais. C?est important?

Mme Colombe BROSSEL, adjointe, présidente. - Merci?

Mme Maya AKKARI. - ? que le Conseil de Paris rende hommage?

Mme Colombe BROSSEL, adjointe, présidente. - Merci beaucoup.

Mme Maya AKKARI. - ? à toutes les populations parisiennes.

Mme Colombe BROSSEL, adjointe, présidente. - Merci à vous, Madame AKKARI.

Et pour vous répondre à toutes les deux, je donne la parole à Véronique LEVIEUX.

Mme Véronique LEVIEUX, adjointe. - Merci, Madame la Maire.

Chers collègues, tout d?abord, permettez-moi de remercier Maya AKKARI et Lamia EL AARAJE pour leurs belles interventions et qui ont su vraiment trouver les mots justes pour nous rappeler tout le sens des projets portés par ces deux associations, à commencer par l?une d?elles, "Ayyem Zamen" qui intervient effectivement dans le 20e et le 18e arrondissement. Vous avez rappelé combien les actions portées par cette structure, notamment au travers de ses cafés sociaux mais également du travail d?accompagnement dans ses démarches administratives auprès des "chibanis", sont des actions extrêmement importantes. Vous avez très bien su leur rendre hommage, non seulement, chère Maya, au titre de leur contribution à la vie de notre pays, de notre ville, au titre du passé, mais aussi au titre de leur contribution aujourd?hui à la vie de nos quartiers, de leur présence, et nous leur devons aujourd?hui un soutien.

Cette association en propose à plus d?un titre et c?est la raison pour laquelle le Département de Paris, la Ville de Paris les soutient, notamment dans le cadre de la conférence des financeurs. Jusqu?en 2020, cette structure bénéficiait également d?une ligne budgétaire au niveau de l?Etat, d?un montant de 100.000 euros, mais, dans le courant de l?année 2000, l?association a appris que cette ligne était réorientée et qu?elle ne pouvait donc plus bénéficier de ce montant qui était extrêmement conséquent.

De fait, l?ensemble des financeurs s?organisent depuis près d?un an pour trouver les moyens de pallier cette suppression qui peut avoir des conséquences dramatiques. Cette année, grâce à la mobilisation de certains et notamment de Jean-Luc ROMERO-MICHEL et d?Anne-Claire BOUX, nous avons pu trouver des moyens pour limiter ces conséquences et permettre normalement le maintien des deux cafés sociaux, celui du 20e et celui du 18e qui était en particulier menacé. Mais ce n?est pas une situation satisfaisante. Nous avons coécrit tous les trois au Préfet de Région l?année dernière pour l?alerter sur cette situation et sur l?obligation dans laquelle ils doivent se sentir de trouver des dispositifs alternatifs pour venir en soutien à cette structure. Une conférence, une réunion avec l?ensemble des financeurs s?est tenue il y a quelques semaines pour refaire le point. Ils nous ont parlé de perspectives mais, pour l?instant, il n?y a rien de concret.

Je vous remercie pour vos interventions et celle de la députée Lamia EL AARAJE, parce que, oui, nous devons faire pression sur les autorités pour retrouver les moyens financiers pour soutenir cette structure extrêmement importante à plus d?un titre. En tous les cas, là, par cette subvention, vous avez, je l?espère, la possibilité d?apporter une aide complémentaire exceptionnelle de 14.000 euros, et Jean-Luc ROMERO-MICHEL a, de son côté, sur un autre projet de délibération, la possibilité d?apporter sa contribution à hauteur de 10.000 euros supplémentaires. Mais cela ne fait pas 100.000 euros et la menace demeure.

Par ailleurs, vous avez rappelé, chère Maya, que ce projet de délibération porte également sur une autre structure qui nous est très chère et qui est le Carrefour des Solidarités dans le 19e arrondissement, dirigé par la Fondation Maison des Champs de Saint-François d?Assise, qui anime aussi toute une série d?actions également en direction des seniors, souvent en situation de fragilité, d?isolement. Nous avons eu la possibilité de compléter le dispositif financier déjà que nous leur apportons, afin d?être encore plus présents dans les périodes de fêtes auprès de ces personnes âgées isolées.

J?en profite pour vous indiquer, et l?ensemble des mairies d?arrondissement ont été conviées avec l?ensemble des acteurs qui y participent, que j?ai mis en place un comité parisien de lutte contre l?isolement des seniors afin qu?avec l?ensemble des structures qui interviennent à la fois à l?échelle parisienne et à l?échelle des arrondissements et des quartiers, nous travaillions davantage de concert pour être plus efficaces, pour voir les dispositifs qui manquent, étant entendu que, par exemple, des structures comme la Fondation Maison des Champs ou "Ayyem Zamen" ont également leur part dans cette réflexion, car c?est un enjeu majeur.

Vous l?avez rappelé à juste titre, la crise sanitaire a rendu encore plus grave cette situation d?isolement des seniors, qui est présente aussi en c?ur de ville dans des milieux urbains comme la Ville de Paris. Je ne peux donc que vous inviter à voter très favorablement ce projet de délibération.

Mme Colombe BROSSEL, adjointe, présidente. - Merci beaucoup.

Je mets aux voix, à main levée, le projet de délibération DASES 299.

Qui est pour ?

Qui est contre ?

Qui s?abstient?

Le projet de délibération est adopté. (2021, DASES 299). Merci pour votre soutien.

 

Décembre 2021
Débat
Conseil municipal
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