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2021 DAC 404 - Apposition de deux plaques commémoratives à la mémoire des habitants et résistants déportés du 209, rue Saint-Maur (10e).


 

Mme Colombe BROSSEL, adjointe, présidente. - Nous examinons le projet de délibération DAC 404. C'est l'apposition de deux plaques commémoratives à la mémoire des habitants et résistants déportés du 209, rue Saint-Maur, dans le 10e arrondissement.

La parole est à Jack-Yves BOHBOT.

M. Jack-Yves BOHBOT. - Avec sa porte cochère donnant sur un carré séparant quatre bâtiments, le 209 de la rue Saint-Maur n'est qu'un immeuble apparemment anodin de cette longue rue qui traverse le 11e et le 10e arrondissement. Jusqu'à il y a quelques années, son destin tragique durant l'occupation était oublié ou méconnu.

Pourtant, au cours des années 1930, des familles juives fuyant l'Europe de l'Est y avaient trouvé refuge, et s?y trouveront hélas piégées, plus d'une centaine y résidait. Elles représentaient alors un tiers de ses occupants. Cet immeuble fut à l'image de la France de l'époque, avec ses grandeurs, ses petitesses, ses lâchetés, son attentisme, ses résistances, ses délateurs, et ses nombreux déportés. Ce bâtiment nous raconte les différentes phases de la déportation des Juifs de France, notamment la célèbre rafle du 11e arrondissement, appelée la rafle du billet vert de mai 1941, avec aussi ses déportés de la rafle du Vél d'Hiv le 16 juillet 1942. Et puis, d'autres déportations dues à des délations dans les mois et années qui suivirent la rafle du Vél d'Hiv. Il est donc un condensé de l'histoire de la résistance, comme celle de la collaboration. Ces vies et ces destins ont fait l'objet d'un livre, "Le 209 rue Saint-Maur, Paris 10e", ainsi que d'un film poignant, soutenu par la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Ces documents sont le fruit d'une enquête minutieuse sur plusieurs années et plusieurs continents menée par Ruth ZYLBERMAN. Elle a filmé ces survivants, elle les a trouvés à New York, à Tel-Aviv, en Australie, à Melbourne. Elle a, à l'image des pierres de l'immeuble, reconstitué leur trajectoire et leur destinée brisée. L'histoire des bâtiments parisiens est indissociable de l'histoire des Parisiens. Elle porte les meurtrissures de notre histoire comme ses gloires. Avec ce documentaire, notre patrimoine matériel nous permet la transmission de notre patrimoine immatériel. Il est heureux que la Ville de Paris, à travers ces deux plaques qui sont apposées sur cet immeuble, honore ses déportés, ses familles, ses enfants, ses résistants et ses justes.

Je vous remercie.

Mme Colombe BROSSEL, adjointe, présidente. - Merci à vous.

La parole est à Dominique KIELEMOËS.

Mme Dominique KIELEMOËS. - Merci, Madame la Maire.

M. BOHBOT a dit beaucoup de choses, que je ne répéterai pas. Je mettrai le focus sur d'autres éléments.

D'abord, au 209, rue Saint-Maur, c'étaient des familles immigrées, pauvres, des petits appartements qui n'avaient ni eau ni gaz, quelques toilettes à se partager. Un tiers était étranger. C'étaient des petits employés, des ouvriers. Ils venaient des pays évidemment d'Europe centrale, Pologne, Russie, Roumanie, pour fuir les dictatures totalitaires, pour fuir l'antisémitisme.

Effectivement, Monsieur BOHBOT, vous avez parlé de la rafle du billet vert, de la rafle du Vélodrome d?Hiver. Beaucoup d'entre eux se sont engagés dans la résistance, la résistance juive communiste et aussi dans les F.T.P. M.O.I. : impression de tracts, organisation d'attentats, fabrication de faux papiers, transport d'armes, bref, des terroristes.

Beaucoup d'entre eux bien sûr ont été arrêtés, déportés, ne sont évidemment pas revenus. Je ne parlerai pas évidemment de ceux qui dans l'immeuble, ont eu un comportement beaucoup plus négatif, voire meurtrier. Effectivement, le 209 de la rue Saint-Maur est resté dans notre mémoire grâce au livre et au film de Ruth ZYLBERMAN. Pour moi, je voudrais rappeler que l'histoire nous enseigne que les immigrés ne sont pas forcément indésirables, qu'ils ne sont pas forcément dangereux. Il n'est pas inutile de le rappeler dans cette période qui voit renaître des pensées et des propos nauséabonds. Effectivement, Monsieur BOHBOT, vous l'avez rappelé, en 1995, le Président Chirac a reconnu la responsabilité de la France dans la collaboration et notamment vis-à-vis de la Shoah. C'est pourquoi il n'est jamais inutile de rappeler, surtout par les temps qui courent, que le général de Gaulle et le maréchal Pétain, ce n'est absolument pas la même chose.

Je vous remercie.

Mme Colombe BROSSEL, adjointe, présidente. - Merci à vous.

La parole est à Laurence PATRICE.

Mme Laurence PATRICE, adjointe. - Merci, Madame la Maire, merci, chers collègues.

Il s'agit effectivement de l'un de ces projets participatifs que j'aime à encourager dans le travail de mémoire de notre Ville, car lorsque j'ai rencontré Ruth ZYLBERMAN sur le projet de plaque, qui prolongerait dans l'espace public son ?uvre, en quelque sorte, dont on a parlé, que ce soit le livre ou le film, nous avons souhaité ensemble que les habitants puissent y participer.

Ainsi, ils se sont véritablement approprié ce projet, et ont eux-mêmes fait des suggestions, des compléments d'information, qui font l'objet du projet de délibération que je présente aujourd'hui. En lien avec les actuels habitants de l'immeuble, nous rendrons hommage ainsi aux victimes de la Shoah, aux résistants, aux Justes qui ont habité dans l'immeuble, sur la façade extérieure, comme vous l'avez vu dans le projet de délibération, en apposant une plaque qui ne citera pas les noms.

Et puis, ils ont souhaité aussi, quand on rentre dans la cour de l'immeuble, que l'on puisse avoir une plaque plus importante, qui rappellera tous les noms des habitants dont la mémoire sera honorée par cet hommage.

Je suis d'autant plus ravie que ce projet a été vraiment collectif. Il est porté par les habitants actuels de ce 209, rue Saint-Maur. Je vous remercie.

Mme Colombe BROSSEL, adjointe, présidente. - Merci à vous.

Je mets aux voix, à main levée, le projet de délibération DAC 404.

Qui est pour ?

Qui est contre ?

Qui s'abstient ?

Le projet de délibération est adopté. (2021, DAC 404).

 

Novembre 2021
Débat
Conseil municipal
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