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QE 2021-22 Question de M. Rudolph GRANIER et des élus du groupe Changer Paris à Mme la Maire de Paris relative aux solutions envisagées par la Maire de Paris pour lutter contre la consommation de crack, et à la transparence de leur processus d’élaboration.


 

Libellé de la question :

"Depuis maintenant plusieurs mois, la situation des consommateurs de crack n?est toujours pas réglée. Les échecs se succèdent et votre passivité est coupable pour de nombreux riverains comme pour des personnes en déshérence sanitaire, sociale et médicale.

Les points d?ancrage que vous avez contribué à diffuser dans Paris, l?échec du Plan crack, les associations subventionnées pour accompagner la consommation plutôt que l?empêcher sont autant d?errements d?une politique du malheur.

Vos discours et changements de dialectique récurrents donnent le sentiment d?une certaine indécision, d?un manque de clarté que l?opacité de vos projets vient d?ailleurs accentuer. Nous déplorons ne toujours pas avoir de réponse aux nombreuses alertes envoyées ainsi qu?aux multiples solutions que nous avons proposées. Le manque de transparence dans l?élaboration de solutions - ainsi vouées à être présentées d?autorité - achève le sentiment d?abandon ressenti par nos concitoyens.

A ce titre, nous vous demandons de vous exprimer clairement sur les orientations que vous souhaitez porter concernant les points suivants :

Souhaitez-vous porter un projet de création de centre de prise en charge globale, médical, psychiatrique, social, des personnes toxicomanes, notamment des consommateurs de crack, dans un lieu éloigné des zones densément peuplées et visant la désintoxication ?

Que souhaitez-vous proposer pour garantir le statut et l?organisation des CAARUD et des CSAPA de Paris ?

Pouvez-vous prendre l?engagement d?exclure toute consommation de stupéfiant au sein des CAARUD et des CSAPA ?

Renoncez-vous à la création de nouvelles salles de shoot ou S.C.M.R. ou salle de repos ?

Pouvez-vous présenter le bilan des réunions de concertation organisées depuis le mois d?octobre ?"

Réponse (Mme Anne SOUYRIS, adjointe) :

"Souhaitez-vous porter un projet de création de centre de prise en charge globale (médical, psychiatrique, social) des personnes toxicomanes, notamment des consommateurs de crack, dans un lieu éloigné des zones densément peuplées et visant la désintoxication ?

Le traitement des addictions s?appuie communément sur le modèle dit "trivarié". Ce modèle est désormais recommandé comme grille d?analyse et guide des pratiques de prévention, de réduction des risques et de soin des usages de drogue problématiques. À la fois modèle théorique et outil diagnostique et thérapeutique, il considère que les facteurs biologiques, psychologiques et sociaux interagissent en permanence sur l?état de santé d?une personne. Il faut prendre en compte les facteurs tels que (1) le produit (toxicité, potentiel addictif, potentiel de modification psychique, mode d?administration, fréquence d?usage, quantité et qualité du produit, poly-consommation) ; (2) l?individu (âge, genre, état de santé mentale et physique, compétences psychosociales, histoire familiale, événements de vie) ; (3) l?environnement (milieu de vie, contexte de consommation, situation socio-économique, statut social et juridique du produit, influence des pairs).

Le champ de l?addictologie est composé de trois secteurs:

- le secteur médico-social ;

- le secteur sanitaire hospitalier ;

- le secteur de la ville (regroupant notamment les médecins généralistes, pharmacies d?officines et les réseaux de santé).

Les missions comprennent le soin médico-psychologique, l?accompagnement à l?insertion et à l?inclusion sociale, la réduction des risques, l?intervention précoce et la prévention.

Le Plan crack dans son Axe 1 relatif à l?accompagnement des usagers (renforcement des maraudes par les CAARUD, mise à disposition de matériels, renforcement des dispositifs de premier accueil avec l?ouverture d?espaces de repos) et son Axe 2 (hébergement avec accompagnement médico-social ou soins, mise à l?abri) répond pour une très large part aux attendus en matière de prise en charge sanitaire et sociale des personnes concernées par cette addiction.

Les structures médico-sociales avec hébergement relevant du "traitement résidentiel", et dont il semble que vous faites mention dans votre question, regroupent :

- Les centres thérapeutiques résidentiels (CTR), hébergements collectifs avec sevrage dits de "post-cure", c?est-à-dire en sortie d?un séjour de sevrage généralement hospitalier ;

- Les communautés thérapeutiques (CT), centres résidentiels permettant de longs séjours dans un environnement sûr et sans drogue, et accordant une place importante à la vie en communauté, à la resocialisation et au soutien par les pairs ;

- Les centres d?accueil, d?urgence, et de transition (CAUT), pour des courts séjours ;

- Les appartements thérapeutiques (AT) ou appartements relais, qui supposent une certaine autonomie ;

- Les appartements de coordination thérapeutique (ACT), qui s?adressent en priorité à des personnes souffrant de pathologies lourdes nécessitant un suivi médical renforcé.

Il existe plusieurs exemples de ces dispositifs en région parisienne, mais la proportion d?anciens consommateurs de crack qui parviennent à y obtenir une place de moyen ou de long séjour est limitée. En effet, ces dispositifs sont plutôt conçus pour une prise en charge de transition ou de fin de parcours de sevrage, une fois la personne stabilisée dans ses droits notamment. Ils ne sont, de fait, pas ouverts à des personnes sans titre de séjour ou en rupture totale de leur suivi sanitaire. Et si le séjour y est conditionné au respect du règlement intérieur (donc à l?absence de consommation), il va de soi que ce ne sont en aucun cas des lieux d?enfermement. L?adhésion aux soins et le consentement libre et éclairé des usagers sont des conditions indispensables à un traitement et un sevrage durablement efficaces.

La proposition de soutenir la création d?un nouveau lieu de ce type "éloigné des zones densément peuplées et visant la désintoxication", si elle rentrait dans les conditions prévues d?autorisation par l?ARS et la DRIHL dans le Code de la santé publique ou le Code de l?action sociale et des familles, pourrait donc présenter une réponse complémentaire au panel de l?offre de soins existante. En tant qu?autorité de contrôle de ces établissements et parce qu?elle a des fonctions de régulation, l?Agence Régionale de Santé (ARS) a toute latitude pour évaluer le besoin de ce type de dispositifs et pour initier leur création par voie d?appel à projets.

En 2019, les partenaires du Plan Crack 2019-2021 avaient estimé comme prioritaire la création d?autres types de dispositifs, correspondant davantage à une prise en charge en amont (sortie de la rue, sortie de l?urgence, entrée dans un parcours de soin) qu?à une prise en charge d?aval (post-cure, long séjour). Cette question peut néanmoins être soulevée dans le cadre d?un nouveau Plan Crack que l?exécutif parisien appelle de ses v?ux.

Que souhaitez-vous proposer pour garantir le statut et l?organisation des CAARUD et des CSAPA de Paris ?

La Ville de Paris concourt depuis plus de vingt ans au maintien de l?activité des CAARUD et des CSAPA, notamment en les accompagnant dans leurs recherches de locaux.

Via sa mission métropolitaine de la prévention des conduites à risque (MMPCR), elle contribue à la coordination des CAARUD dans leur action de réduction des risques. Elle anime notamment un comité de suivi des maraudes, initié dans le cadre du Plan Crack. Elle accompagne les associations gestionnaires et les professionnels dans la compréhension des processus à l?origine des conduites à risques et leur propose des ressources pour leurs projets de prévention. Elle s?appuie sur leur compétence en participant aux financements de plusieurs actions de réduction des risques et de promotion de la santé.

Pouvez-vous prendre l?engagement d?exclure toute consommation de stupéfiant au sein des CAARUD et des CSAPA ?

La proposition consistant à prendre l?engagement d?exclure toute consommation de stupéfiants au sein des CAARUD et des CSAPA pose plusieurs problèmes d?ordre juridique, de sécurité et de santé publique :

1. D?un point de vue légal, le contrôle de l?activité des CAARUD et des CSAPA ne relève pas de la Ville de Paris, mais de l?Agence régionale de santé. Si les autorités sanitaires nationales proposaient d?expérimenter une activité de Haltes Soins Addictions comprenant de la consommation supervisée au sein de CAARUD ou de CSAPA parisiens, cela se ferait, conformément au PLFSS 2022, en concertation avec la commune concernée et, à Paris, Lyon et Marseille, en concertation avec le maire d?arrondissement concerné. Le choix du lieu d?implantation, le projet précis porté par l?association gestionnaire et l?ARS, le public ciblé, les mesures de médiation avec les riverains prévues, la position du commissaire d?arrondissement concerné, etc. seront autant de paramètres à prendre en considération dans ce temps de concertation entre l?Etat et les élus locaux.

2. Du point de vue de la santé et de la sécurité publiques, cet engagement reviendrait à se priver par idéologie d?une solution efficace, qui a fait ses preuves. Plusieurs études confortent cet argument :

- D?après l?Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, les résultats obtenus indiquent que les salles d?inhalation sous supervision peuvent réduire les troubles à l?ordre public et les confrontations avec la police (DeBeck et al., 2011) ;

- Le rapport scientifique d?évaluation des Salles de consommation à moindre risque (SCMR) en France, publié par l?Institut de Santé Publique de l?INSERM le 7 mai 2021, démontre une amélioration significative de la santé des consommateurs·trices, une diminution des passages aux urgences, la baisse du matériel d?injection abandonné dans l?espace public et l?amélioration de la tranquillité de l?espace public à la suite de l?ouverture des SCMR de Paris et Strasbourg. En conséquence de quoi, nous ne pouvons prendre cet engagement, qui n?apporterait aucune réponse concrète aux enjeux de santé et de sécurité publique qui se posent.

Renoncez-vous à la création de nouvelles salles de shoot ou SCMR ou salle de repos ?

Tout d?abord, il semble important de s?accorder sur les termes. Les salles de consommation à moindre risque (SCMR), et bientôt les Haltes Soins Addictions (HSA), sont des lieux de réduction des risques qui permettent à des personnes qui consommeraient de toute façon, dans des conditions dangereuses pour elles et pour autrui, de le faire avec la supervision et l?accompagnement au soin de professionnels de santé.

En les nommant abusivement "salles de shoot", vous faites comme si les équipes médicales, infirmières et sociales des associations qui les gèrent, et avec elles l?ARS qui les autorise ou encore le Gouvernement qui en pérennise l?expérimentation au PLFSS 2022, encourageaient le fait de se "shooter" sans aucune perspective de sevrage ou de contrôle progressif de la consommation de stupéfiants. Cela dénote un grand mépris pour le professionnalisme et l?engagement des médecins, psychiatres, addictologues, infirmiers, éducateurs et travailleurs sociaux qui ?uvrent chaque jour pour aider les grands toxicomanes en errance à reprendre pied dans leur vie.

En 2022, les salles de consommations à moindre risque seront remplacées par les Haltes Soins Addictions (HSA), conformément aux dispositions votées à l?occasion de l?adoption du Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2022. Comme indiqué au préalable, ce n?est pas à la Ville de Paris de renoncer à un dispositif sanitaire, puisque l?initiative de la programmation et de l?ouverture des futures HSA relève de la compétence de l?ARS, même si la Maire de Paris et les Maire d?arrondissement concernés sont concertés.

Quant aux espaces de repos, la consommation n?y est pas autorisée. Il s?agit de lieux de répit, qui permettent aux consommateurs, souvent SDF, de se poser quelques heures pour prendre une douche, laver leur linge ou dormir un peu.

Pouvez-vous présenter le bilan des réunions de concertation organisées depuis le mois d?octobre ?

Lors de la réunion organisée par le Préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, le préfet de police et la directrice générale de l'ARS d'Ile-de-France, nous avons demandé plusieurs actions à court, moyen et long terme concernant :

- la prise en charge des personnes consommatrices de crack présentes à la Porte de la Villette (soins en urgence, mises à l?abri, dispositifs d?hébergement avec soins) 

- le pilotage avec une comitologie du Plan crack par la PRIF plus proactive ;

- le besoin d?un portage politique du plan par le parquet de paris et le préfet de police signataire du plan.

Les réponses sont incomplètes. Si nous pouvons saluer l?augmentation de places pour de la mise à l?abri (+ 40 places Assore) et la mise en place d?un bus sanitaire Porte de la Villette ; il reste que l?état ne répond pas totalement à ses obligations d?assistance aux personnes sans abri ; de planification des soins et de régulation de l?offre de soins.

L?État, par la voix du Préfet de Région, attend de la Ville qu?elle soit aidante dans la recherche de foncier et de locaux adaptés, notamment pour le relocalisation d?un CAARUD qui a dû fermer ses portes au printemps dernier (association Aurore), pour l?ouverture de nouveaux espaces de repos et pour l?installation dans Paris de plusieurs établissements médico-sociaux prévus au Plan Crack 2019-2021 (LAM-LHSS et UHS). Force est de constater que des questions comme celles posées ici par le Groupe Changer Paris, et la virulence avec laquelle tout projet, même provisoirement à l?étude, est attaqué, ne facilitent pas la capacité de l?administration parisienne à répondre aux attentes de l?État. Cependant, comme nous l?avons toujours été, la Ville de Paris, en responsabilité, reste et restera force de proposition."

II - Question du groupe Écologiste de Paris.

 

Novembre 2021
Débat
Conseil municipal
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