M. Jean-Luc ROMERO-MICHEL, adjoint, président. - Nous examinons le projet de délibération DJS 148 : attribution de la dénomination Eudy Simelane au terrain d?éducation physique situé rue Olivier-Métra dans le 20e.

La parole est à Mme Antoinette GUHL pour cinq minutes maximum.

Mme Antoinette GUHL. - Monsieur le Maire, chers collègues, ce projet de délibération nous propose d?attribuer la dénomination Eudy Simelane au terrain d?éducation physique rue Olivier Métra. Ce T.E.P. situé au c?ur du 20e, dans un quartier populaire, va porter le nom d?une femme footballeuse, lesbienne assumée, d?une femme noire sud-africaine, morte en 2008 après avoir subi un viol dit correctif, des hommes s?autorisant à violer pour corriger ce qu?ils considèrent être une dérive sexuelle.

Rendre hommage à une femme victime d?une attaque terrible lesbophobe témoigne aujourd?hui du combat que nous menons à Paris pour l?égalité, et nous rappelle qu?aujourd?hui encore, ici, à Paris même, des personnes parce que lesbiennes sont insultées et violentées trop souvent.

En France, en 2020, ce sont 1.590 crimes et délits anti-LGBTQI selon l?Observatoire des inégalités. Ce chiffre cache 30 % de violences physiques, 1,5 % de viols et agressions sexuelles. Au niveau international, l?homosexualité est encore illégale dans plus de soixante-dix pays et condamnée par la peine de mort dans encore six pays.

Le combat pour l?égalité est donc toujours nécessaire et cette dénomination y contribue. Nous voterons donc pour ce projet de délibération.

(M. Patrick BLOCHE, adjoint, remplace M. Jean-Luc ROMERO-MICHEL au fauteuil de la présidence).

M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci beaucoup, Antoinette GUHL.

Je donne la parole à Geneviève GARRIGOS sur le même projet de délibération.

Mme Geneviève GARRIGOS. - Merci, Monsieur le Maire.

Mes chers collègues, confrontée à la politique d?Apartheid dès son plus jeune âge, Eudy Simelane s?est particulièrement distinguée par sa combativité, son courage et son travail. Elle intègre l?équipe nationale sud-africaine féminine de football, après avoir suivi son frère en entraînement dès l?âge de 5 ans, à une époque où très peu de femmes pratiquaient ce sport.

Par la suite, elle s?impose comme l?une des plus grandes sportives de sa génération, attirant les foules dans les stades, alors qu?elle portait le maillot de capitaine de l?équipe des Banyana Banyana. Symbole de réussite pour l?ensemble de sa communauté, elle partage son amour du ballon rond avec les jeunes de sa ville en entraînant pas moins de quatre équipes locales.

Surnommée "le diamant" par son entourage, elle se distingue par son humour, prenant toujours du plaisir à marquer de beaux buts, à plaisanter, à taquiner ses coéquipières sur le terrain. Eudy Simelane est aussi l?une des premières femmes ouvertement lesbienne à militer en Afrique du Sud pour les droits humains en général, et pour les droits des personnes LGBTQIA+ en particulier, malgré les menaces qui pesaient sur celles osant braver l?ordre prétendument moral, c?est-à-dire l?ordre patriarcal.

Aussi, nous avons déjà eu l?occasion de l?évoquer, au moment de porter le v?u de cette dénomination au sein de ce Conseil, v?u qu?avec mes collègues du groupe Paris en Commun nous avions proposé et fait adopter au conseil d?arrondissement du 20e. C?est avec beaucoup de fierté que nous vous proposons aujourd?hui d?inscrire sur le fronton d?un équipement sportif municipal du 20e, le nom d?une femme noire, figure emblématique du football et de la lutte contre le sexisme, les LGBTphobies et les discriminations. Une femme de courage qui partageait son amour du foot avec les jeunes du quartier qui l'avait vu naître.

Eudy Simelane a été retrouvée morte dans le lit d?un ruisseau de la ville qui l?a vu naître. C?était le 27 avril 2008, elle avait 31 ans. Son corps, criblé de coups de couteau assénés par ses boureaux, portait les stigmates du viol "correctif" qui lui a été infligé pour la "guérir de son homosexualité".

Sa mort violente permet une prise de conscience mondiale de l?ampleur et de la réalité de ces fameux viols dits "correctifs" car elle n?était pas un cas isolé. Pendant les dix ans qui ont précédé sa mort, au moins 31 lesbiennes ont été assassinées dans des conditions similaires à la suite d?un viol. Des crimes sadiques, visant les lesbiennes, les homosexuels et les personnes transgenres en Afrique du Sud, des crimes bénéficiant d?une quasi-impunité, les hommes ayant violé des lesbiennes étant encore trop souvent considérés comme des héros par leurs pairs pour essayer de remettre ces femmes dans le droit chemin.

Depuis ce crime odieux, nous avons pleuré Endy et de nombreuses autres lesbiennes assassinées dans des contextes similaires. Les lois ont changé, les meurtriers d?Eudy Simelane ont été condamnés, mais les changements de mentalité prennent du temps. La mobilisation reste nécessaire et nous souhaitons aussi par cette nomination rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui combattent ces violences dans tous les pays où elles sont encore courantes, en particulier en Afrique du Sud.

C?est la vie d?Eudy Simelane, ses combats, ses prouesses sportives, son engagement auprès des autres que nous voulons honorer aujourd?hui et nous nous devons de rappeler aussi que ses engagements et sa visibilité lui ont coûté la vie.

La dénomination d?un équipement sportif de proximité, particulièrement symbolique pour ses liens avec les valeurs de respect, d?égalité et de partage nous permet aujourd?hui d?honorer sa mémoire. Et nous souhaitons associer à cette démarche les associations et groupes qui font vivre justement à la fois sa mémoire et notamment le club de foot (Inaudible).

Nous avons souhaité que des événements sportifs évocateurs de son nom, de ses valeurs et de ses combats s?y déroulent régulièrement, afin de faire connaître au grand public, et notamment aux plus jeunes, l?humanisme et le courage de cette femme exceptionnelle, pour qu?elle puisse reposer en puissance et continuer d?éclairer le monde.

Je vous remercie.

M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci beaucoup, Geneviève GARRIGOS.

Je donne évidemment la parole à Pierre RABADAN pour répondre aux oratrices.

M. Pierre RABADAN, adjoint. - Merci, Monsieur le Maire.

Merci beaucoup Antoinette GUHL et Geneviève GARRIGOS.

Je ne vais pas reprendre l?ensemble des éléments qui nous ont poussés, j?allais dire, en tout cas qui nous ont incités fortement à attribuer cette dénomination du nom d?Eudy Simelane et le destin tragique qui a été le sien et qu?il fallait souligner. Je suis content que beaucoup dans cette Assemblée l?aient écouté attentivement et l?aient entendu.

Cette dénomination hautement symbolique poursuit notre volonté de participer activement à la féminisation de l?espace public et de faire connaître ces histoires, aussi tragiques soient-elles, et le parcours de cette personne absolument remarquable, comme cela a été raconté par Geneviève GARRIGOS.

Evidemment on parle là d?un assassinat abject qu?il ne faut pas banaliser et qui a été celui dont a fait l?objet Eudy Simelane, vous l?avez dit, Geneviève GARRIGOS, pour le fait d?être homosexuelle et de défendre ses droits et ceux de celles qu?elle représentait.

C?est avec beaucoup de satisfaction évidemment que nous portons ce projet de délibération. Je voulais remercier l?ensemble des personnes qui ont proposé son nom, les associations, vous les avez citées, Geneviève GARRIGOS, et l?ensemble des élus en Conseil d?arrondissement qui ont porté cela?

Il y a beaucoup de bruit, mais pas le bon pour le coup.

Je voulais remercier aussi l?adjoint aux sports qui s?est associé à ce projet de délibération.

Je voudrais vous dire que, pour nous, il est essentiel de donner aussi des noms d?équipements sportifs à des personnes, et à des femmes en particulier pour rééquilibrer des dénominations qui sont trop souvent le nom d?hommes, même s?ils ont eu un parcours marquant dans le milieu sportif et aussi lorsqu?ils sont le symbole de répression et de discriminations très fortes et encore plus quand ils le payent de leur vie.

Je vous remercie beaucoup et j?espère que cette dénomination sera votée à l?unanimité.

M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci beaucoup, Pierre RABADAN.

Je mets aux voix, à main levée, le projet de délibération DJS 148.

Qui est pour ?

Qui est contre ? Qui s?abstient ?

Le projet de délibération est adopté à l'unanimité, cher Pierre RABADAN, comme vous le souhaitiez. (2021, DJS 148).