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2021 DEVE 131 - Avis sur le projet d'installation d'une chambre funéraire au 37, boulevard de Ménilmontant (11e).


 

M. Nicolas NORDMAN, adjoint, président. - Nous examinons le projet de délibération DEVE 131 et l'amendement technique n° 134 : avis sur le projet d'installation d'une chambre funéraire au 37, boulevard de Ménilmontant. Je donne la parole à Mme Alice TIMSIT.

Mme Alice TIMSIT. - Merci, Monsieur le Maire.

Je vous prie de m'excuser un instant, que je retrouve mon intervention. Je peine à la retrouver. Tant pis.

Ce projet de délibération qui nous est soumis porte sur un projet d'exploitation d'espace funéraire par la société "Funecap", une société privée, dans le 11e arrondissement au boulevard de Ménilmontant. L'objectif est de créer des chambres froides, des cellules et des espaces de recueillement, des salons de recueillement à destination des familles et à destination des proches du défunt, de la personne décédée. Si nous poursuivons cet objectif, si nous considérons que cela répond à un besoin réel des familles, des proches du défunt, nous nous interrogeons toutefois sur le fait que, en réalité, ce projet de délibération confie finalement toujours plus au privé le service public des pompes funèbres de la Ville.

En réalité, j'ai deux questions à adresser. Une première question : avons-nous la garantie que les tarifs proposés par la société "Funecap" seront accessibles ? Car il ne s'agit pas de créer des espaces funéraires et que ces derniers soient inaccessibles aux Parisiennes et aux Parisiens. Nous aimerions avoir la garantie que les tarifs pratiqués seront accessibles et que tout le monde pourra se permettre de se recueillir.

Deuxième question, qui s'adresse plus spécifiquement à la présidente de la S.A.E.M.P.F., Mme KOMITÈS : à l'occasion de notre prochain conseil d'administration, pourrions-nous échanger notamment sur ce besoin réel d'équipement de proximité en matière funéraire ? Puisque c'est un besoin, ces salons de recueillement manquent. Nous ne voulons pas, finalement, que le service public se recroqueville et que l'on confie toujours plus au privé ce service essentiel. On a tous en mémoire la privatisation du crématorium du Père-Lachaise, qui a porté un coup sérieux au service public des pompes funèbres. Nous aimerions avoir la garantie que, en parallèle, se développent une offre de qualité et une offre accessible pour toutes les Parisiennes et tous les Parisiens. Soyez assurés de notre engagement sur le sujet et de notre vigilance sur cette question, dans la continuité notamment de l'attention que Pascal JULIEN avait portée à ces questions lors de la précédente mandature. En tout cas, nous serons au rendez-vous. Je vous remercie.

M. Nicolas NORDMAN, adjoint, président. - Merci. La parole est à Mme Barbara GOMES.

Mme Barbara GOMES. - Monsieur le Maire, mes chers collègues, c'est un projet de délibération un peu singulier, car il porte sur l'avis que la Ville doit donner concernant le projet d'installation d'une chambre funéraire au 37, boulevard de Ménilmontant dans le 11e, au terme d'une procédure sur laquelle je ne reviendrai pas en détail, puisque l'exposé du motif, en réalité?

M. Nicolas NORDMAN, adjoint, président. - Pardonnez-moi. Juste, il y a un brouhaha extrêmement dérangeant. Si vous pouviez faire vos conversations particulières à l'extérieur, ce serait plus simple pour la personne qui parle. Allez-y.

Mme Barbara GOMES. - Je disais, pour reprendre : on parle de cette chambre funéraire et plus particulièrement de la procédure. Le champ sur lequel la Ville doit intervenir est en réalité assez restreint, du coup. Il ne s'agit pas de se prononcer sur l'opportunité d'installer ou non une nouvelle chambre funéraire à Paris, mais plutôt de veiller à ce que cette installation ne trouble pas les usages publics, autrement dit, que le projet ne cause pas de problèmes de circulation.

Evidemment, puisqu'il m'est donné l'occasion de m'exprimer sur ce sujet, je voudrais quand même rappeler la position du groupe Communiste et Citoyen sur la question des établissements funéraires, qu'il s'agisse d'ailleurs des funérariums ou des crématoriums.

Paris en manque. Paris manque de chambres funéraires. Alice TIMSIT vient de le dire. C'est un fait, on ne le conteste pas, mais à la question de la construction de nouveaux funérariums s'ajoute celle concomitante de leur gestion. Le service funéraire est aujourd'hui devenu un marché et nous le regrettons. Garantir un service public funéraire, c'est essentiel. Que l'on soit riche ou pauvre, la douleur éprouvée lorsque l'on perd un être cher est la même. On a donc le devoir de garantir à toutes et à tous l'accès à ce service funéraire. C'était déjà pour cette raison que l'on alertait, en décembre 2017, mais aussi en mars 2018, sur l'importance de garantir un service public funéraire de qualité au service de notre S.E.M., d'ailleurs, le service funéraire de la Ville de Paris.

En dépit de nos alertes et alors même que notre S.E.M. était tout à fait en mesure de rendre un service d'une grande qualité aux Parisiennes et aux Parisiens, le Conseil de Paris a concédé la gestion du second crématorium via une délégation de service public à un opérateur privé. Cette incursion toujours plus grande du privé sur le service funéraire nous fait craindre son corollaire, qui est le démantèlement du service public.

Monsieur le Maire, mes chers collègues, vous l'avez compris, nous ne voulons pas d'une privatisation du secteur funéraire et nous alerterons à chaque fois que cela sera nécessaire. Bien sûr, il nous sera répondu qu'il s'agissait d'un établissement privé appartenant à un opérateur privé qui souhaite y installer un funérarium. Je vois des têtes qui approuvent. Compte tenu de cette propriété, la Ville est peu disposée à émettre une quelconque prescription ou contestation, je sais. La juriste que je suis l'entend par ailleurs, mais l'élue que je suis également ne souhaite pas que le secteur funéraire soit privatisé. Alors, pour toutes ces raisons, notre groupe s'abstiendra sur ce projet de délibération. Je vous remercie.

M. Nicolas NORDMAN, adjoint, président. - Merci. La parole est à Mme SIMONNET.

Mme Danielle SIMONNET. - Alice TIMSIT, Barbara GOMES, je partage totalement vos propos, mais j'irai plus loin. Je pense que ce projet de délibération, dans lequel finalement la Ville n'a qu'à émettre son avis sur l'installation d'une nouvelle chambre funéraire gérée par le privé, ce projet de délibération révèle l'absence totale de politique publique d'anticipation des besoins. Et ce projet de délibération révèle l'aveuglement libéral de la politique municipale parisienne vis-à-vis de cette question si importante, qui est : comment est-ce que l'on organise nos politiques publiques par rapport à un sujet qui ne doit pas être tabou, qui est la mort ? Oui, cela doit réveiller le scandale, parce que je pense que c'est un scandale que la Ville ait, quelque part, privatisé le crématorium du Père-Lachaise et le nouveau crématorium.

En fait, un an avant la fin de la D.S.P. - délégation de service public - sur le crématorium du Père-Lachaise, qui était géré par la Société d'économie mixte de la Ville de Paris - S.A.E.M.P.F., je ne sais pas comment on le prononce -, j'étais intervenue pour dire : "Attention ! Vous décidez de relancer une procédure de délégation de service public. Vous prenez donc le risque qu'une entreprise privée y réponde et que, dans le cadre de la Commission d'appel d'offres, ce soit une entreprise privée qui l'emporte". On m'expliquait dans les couloirs : "Ecoute, évidemment, ce sera une Commission d'appel d'offres, mais tu penses bien que c'est la Société d'économie mixte qui sera retenue". J'ai dit : "Oui ? Et pourquoi ? Vous ne pouvez pas le dire publiquement, parce que, forcément, il y a mise en concurrence et qu'il faut respecter les règles. Vous prenez un risque énorme". Un an après, évidemment, que s'est-il passé ? J'aurais aimé ne pas être seule à m'opposer à l'ouverture du lancement de la démarche de délégation de service public, parce que si l'on a été plus d'élus à l'issue de la démarche d'appel d'offres à voter contre le choix de "Funecap", un an auparavant, j'étais seule à m'opposer à l'ouverture de la démarche et à dire : "C'est dès maintenant qu'il faut s'engager sur la remunicipalisation et, donc, que ce soit une régie directe ou une S.P.L.". C'est une première chose.

Deuxième chose, on est dans une situation catastrophique, parce qu'on a donc le crématorium du Père-Lachaise géré par "Funecap", on a le futur crématorium, qui va être construit porte de Pantin à la Villette, géré par "Funecap". "Funecap", par ailleurs, gère déjà dans le 13e ou va gérer dans le 13e, plutôt, dans le cadre d'un "Réinventer Paris" remporté par la Compagnie de Phalsbourg, à côté du cimetière de Gentilly, un nouvel espace funéraire et son siège. Il va là y avoir, en plus de ce site de la Poterne des Peupliers, une nouvelle chambre funéraire dans le 11e, juste à côté du Père-Lachaise. Vous avez par ailleurs 2 autres salles funéraires qui sont gérées par "O.G.F.", l'autre concurrent de "Funecap", une dans le 17e aux Batignolles, une dans le 20e au 9, boulevard de Ménilmontant.

Je pose la question : que reste-t-il du service public funéraire à Paris ? Quand la Ville va-t-elle se décider à anticiper les besoins, les besoins en termes notamment de funérariums, et anticiper ces besoins pour y développer sa politique publique de programmation des nouveaux équipements à créer ? Créer des équipements publics pour permettre à celles et ceux qui viennent de perdre un être cher de faire leurs adieux dans un cadre laïque, c'est extrêmement important. C'est essentiel. On n'est pas complètement sorti de la crise COVID. On en a tous conscience, mais on sort de ces moments les plus durs, au moment du premier confinement, où je pense que la réflexion dans notre rapport à la mort a, j'espère, progressé. J'espère que tout le monde a été choqué par, un moment donné, ces mises en scène à Rungis, où les cercueils étaient entassés pour des sommes extravagantes, avec des familles totalement démunies qui non seulement n'avaient même pas pu dire adieu à leurs défunts, mais se retrouvaient quasiment prises à la gorge par une logique quasi mafieuse.

Il y a donc une nécessité de politiques publiques. C'est l'humanité de notre conception de la ville et de ses usages qui l'ordonne et qui l'exige. Je trouve que ce projet de délibération, c'est une honte. S'il y a des besoins en salles funéraires, c'est à nous de les anticiper en termes de politiques publiques. Le rôle des élus dans la Ville, c'est d'émanciper les usages de la Ville des intérêts privés, pour que justement les usages de la Ville ne soient pas l'objet de profits, de marchandises, mais qu'au contraire ce soit le collectif qui y réponde, pour garantir par ailleurs l'égalité et, en matière funéraire, la gratuité, la gratuité des services funéraires de A à Z. C'était un esprit fort de la Ville de Paris en la matière. Cela disparaît par la privatisation d'un côté et l'absence de nos politiques publiques qui fait que le privé s'en empare. Je voterai contre.

M. Nicolas NORDMAN, adjoint, président. - Merci. Pour vous répondre, la parole est à M. Paul SIMONDON.

M. Paul SIMONDON, adjoint. - Merci beaucoup.

Vos trois interventions l'ont montré, chacune à leur manière, le projet de délibération à propos duquel nous discutons n'est pas vraiment concerné. Il s'agit en fait d'un avis relativement formel que la Ville va rendre à la Préfecture dans le cadre de l'autorisation préfectorale d'ouverture d'une chambre funéraire, projet privé sur un patrimoine privé, dans le cadre d'un marché concurrentiel. La seule raison pour laquelle, éventuellement, l'avis préfectoral pourrait s'y opposer, ce sont des motifs d'ordre public ou de salubrité publique. Il n'y a rien en la matière à y redire, d'où ce projet de délibération qui propose, dans ce cadre, un avis favorable.

Vous avez, par contre, posé toutes les trois la question du rôle du service public et de la part concurrentielle dans les marchés des activités funéraires. Je voulais vous assurer de notre attachement, bien sûr, à notre rôle de service public en la matière, à notre outil qu'est la S.E.M. de la Ville, les services funéraires de la Ville de Paris, bien sûr, en particulier à travers la D.S.P. dont elle est titulaire sur les services extérieurs des pompes funèbres et le travail formidable qui est fait sur ce sujet, avec en particulier le "Collectif Les Morts de la Rue", d'une part, mais aussi l'attention sur la question des chambres funéraires.

Dans celles que vous avez citées, il y en a bien une, celle des Batignolles, qui est une D.S.P., donc un patrimoine municipal, ainsi que le futur parc funéraire de la Porte de la Villette qui, aussi en D.S.P., proposera un service de chambres funéraires. Dans le cadre de ces D.S.P., je ne reviens pas sur les attributions et comment elles se sont passées, mais c'est bien dans le cadre de D.S.P. où il y a une maîtrise publique sur les services rendus, y compris sur les prix, qui influe, bien sûr, sur le marché parisien des services funéraires et qui les tire vers plus de qualité et plus de respect des usagers. En tout cas, nous en sommes persuadés.

Voilà pourquoi je comprends tout à fait les débats et les remarques qui ont été posés, mais en l'occurrence, pour en revenir à ce strict projet de délibération, je vous proposerai, bien sûr, de l'adopter.

M. Nicolas NORDMAN, adjoint, président. - Merci.

Il y a un amendement technique n° 134.

M. Paul SIMONDON, adjoint. - J'ai oublié d'en parler. Pardon. Un amendement technique important, qui précise que l'avis que nous rendons est bien adressé à la Préfecture d'Ile-de-France.

M. Nicolas NORDMAN, adjoint, président. - Merci.

Je mets d'abord aux voix, à main levée, l'amendement technique n° 134.

Qui est pour ?

Qui est contre ?

Qui s'abstient ?

L'amendement technique n° 134 est adopté.

Je mets aux voix, à main levée, le projet de délibération DEVE 131 ainsi amendé.

Qui est pour ?

Qui est contre ?

Qui s'abstient ?

Le projet de délibération amendé est adopté. (2021, DEVE 131).

 

Novembre 2021
Débat
Conseil municipal
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