M. Jean-Luc ROMERO-MICHEL, adjoint, président. - Nous examinons le projet de délibération DAC 402 : apposition d?une plaque commémorative en hommage à Alfred Kastler, 1, rue du Val-de-Grâce dans le 5e.

Je donne la parole à Mme Douchka MARKOVIC pour cinq minutes.

Mme Douchka MARKOVIC. - Merci, Monsieur le Maire.

"Nous savons que la carence en protéines, tout particulièrement dans l?alimentation des enfants de moins de 3 ans, crée des atrophies cérébrales irréversibles qu?une nutrition convenable est incapable de réparer. Or, une évolution récente dans les pays industrialisés aggrave grandement la situation alimentaire mondiale et tout particulièrement le bilan en protéines disponible pour le tiers-monde.

Je veux parler de l?extension de l?élevage industriel en batterie des animaux domestiques qui absorbe une proportion de plus en plus grande de la production mondiale de céréales, et surtout de céréales riches en protéines comme le soja. Sur les 1.200 milliards de tonnes de céréales produites annuellement dans le monde, 400 milliards servent à l?alimentation du bétail des riches, alors que consommées directement, elles pourraient nourrir 1,5 milliard d?êtres humains. Il faut en effet 5 à 20 kilos de protéines végétales pour fabriquer un seul kilo de protéines animales.

Cette évolution n?est pas uniquement préjudiciable aux habitants du tiers-monde, c?est à une alimentation carnée trop riche qu?il faut attribuer, à en croire les cardiologues, la multiplication spéctaculaire au cours des dernières années des accidents cardiaques dans les milieux aisés des pays industrialisés.

L?unicité du code génétique nous apprend que biologiquement l?animal est notre frère, que l?humain a émergé du règne animal, mais juridiquement cette parenté n?est pas reconnue. La reconnaissance du droit de l?animal doit être une extension naturelle du droit de l?homme. La souffrance de l?humain, et tout particulièrement de l?enfant du tiers-monde, est liée directement à la souffrance de l?animal."

Alors ces paroles ne sont pas de moi, je viens de vous lire un extrait de "Souffrance humaine, souffrance animale : la question de l?élevage industriel", par Alfred Kastler. Effectivement, déjà dans les années 1970, cet homme avait tout compris. Il avait déjà projeté ce que nous vivons à l?heure actuelle et c?est ainsi que je souhaite lui rendre hommage.

Une société ne peut se dire ni civilisée ni socialement évoluée, si elle ne respecte pas les animaux et si elle ne prend pas leur souffrance en considération. Cet homme, Alfred Kastler, né en 1902 et mort en 1984, prix Nobel de physique, avait déjà tout compris de ce lien inébranlable entre les humains et l?animal. Il nous dira aussi que la cruauté pour l?homme va de pair avec la cruauté pour l?animal. Ainsi, les deux sont liés.

Par ces quelques mots, j?aimerais rendre hommage à cet homme qui non seulement a travaillé sur la physique, a été prix Nobel, a découvert des méthodes spécifiques sur la résonance hertzienne mais qui, profondément humaniste, a aussi toujours lutté pour les droits humains, pour le droit des animaux. Et qui, par sa grande sincérité, s?est toujours levé de façon indéniable pour les luttes des intellectuels et des idées politiques, et même pour les réfugiés politiques et scientifiques.

Dans le 5e arrondissement, 1, rue du Val-de-Grâce, sera apposée une plaque et je ne peux qu?être heureuse pour lui et pour sa famille de cette reconnaissance de la Ville de Paris. Merci à vous.

M. Jean-Luc ROMERO-MICHEL, adjoint, président. - Merci, chère collègue.

Pour vous répondre, Marie-Christine LEMARDELEY.

Mme Marie-Christine LEMARDELEY, adjointe. - Merci beaucoup, Douchka MARKOVIC, pour votre très belle intervention qui me permet de revenir, moi aussi, sur la vie d?Alfred Kastler.

Le parcours de cet homme méritait, vous l?avez dit, d?être rappelé par une plaque à son domicile, dont le texte sera le suivant : "Au 1, rue du Val-de-Grâce, dans cet immeuble a vécu Alfred Kastler (1902-1984), prix Nobel de physique (1966), humaniste engagé".

Ce projet a été voté à l?unanimité au Conseil du 5e arrondissement et ce projet est soutenu par l?Ecole normale supérieure qui veut rendre hommage à l?un de ses anciens élèves.

D?abord, Alfred Kastler a eu une carrière scientifique assez exceptionnelle, brillante. Reçu premier à l?agrégation de physique, ensuite docteur en physique, il a été maître de conférences puis professeur de physique à l?Université de Paris et à l?Ecole normale supérieure. Il deviendra ensuite président de l?Institut d?optique théorique et appliquée et sera élu à l?Académie des sciences en 1964.

La consécration de sa carrière de scientifique interviendra deux ans plus tard, en 1966, avec le prix Nobel de physique. Un détail qui me touche en tant qu?universitaire, car je sais combien la recherche est collective, c?est que lorsqu?il a reçu ce prix Nobel, il a regretté que son ami et collègue Jean Brossel, avec qui il avait développé la méthode pour laquelle il était récompensé, ne soit pas cité. C?est assez rare pour être mentionné. Le pompage optique qu?ils ont mis en valeur est à l?origine du laser que nous connaissons pour ses applications scientifiques, et médicales en particulier.

Mais comme vous l?avez rappelé, Madame MARKOVIC, et comme son fils aime à le dire, il n?était pas seulement un brillant enseignant-chercheur, car il adorait enseigner, un brillant scientifique, mais également un poète et un humaniste engagé. Il s?opposera à l?armement nucléaire, à la guerre d?Algérie et à la guerre du Vietnam, il s?engagera en faveur de la condition animale - comme vous l?avez dit et vous l?avez même cité, ce dont je vous remercie - avec la volonté de développer des méthodes alternatives à l?expérimentation animale et de lutter contre l?élevage intensif. Ce sont tous ces visages que Paris se rappellera à travers cette plaque.

J?en profite également pour préciser qu?avec la restructuration de l?Ecole supérieure de physique et de chimie industrielles de la Ville de Paris, dans le 5e arrondissement, l?entrée de l?école, qui est aujourd?hui rue Vauquelin, se fera désormais par la place Alfred Kastler. Oui, il existe déjà une petite place Alfred Kastler, qui sera beaucoup mieux mise en valeur par cette nouvelle ouverture de l?école. Elle sera exactement et rigoureusement placée entre l?Ecole normale supérieure et l?E.S.P.C.I. Un bel exemple pour nos étudiantes et nos étudiants qui pourront s?inspirer des engagements et de la carrière scientifique de cet être d?exception. Merci.

M. Jean-Luc ROMERO-MICHEL, adjoint, président. - Merci, Madame la Maire.

Je mets aux voix, à main levée, le projet de délibération DAC 402.

Qui est pour ?

Qui est contre ? Qui s?abstient ?

Le projet de délibération est adopté. (2021, DAC 402).