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2021 DAC 492 - Apposition d'une plaque commémorative en hommage à Suzanne Leclézio et Yvonne Ziegler, au 22, rue Marcadet (18e).


M. Patrick BLOCHE, adjoint, pr�sident. - Nous examinons maintenant le projet de d�lib�ration DAC 492�: apposition d'une plaque comm�morative en hommage � Suzanne Lecl�zio et Yvonne Ziegler au 22, rue Marcadet, dans le 18e arrondissement.

La parole est � Genevi�ve GARRIGOS.

Mme Genevi�ve GARRIGOS. - Mes chers coll�gues, je pense que ce sera le dernier projet de d�lib�ration que nous allons examiner ce soir. Je suis particuli�rement ravie de le pr�senter. J'appelle tous mes coll�gues � voter unanimement pour la reconnaissance et pour l'apposition d'une plaque qui concerne deux femmes, Suzanne Lecl�zio et Yvonne Ziegler.

Je voudrais commencer par souligner que ce n'est pas pour la gloire ou le souvenir qu'ont ?uvr� celles et ceux qui ont r�sist� � l'occupation nazie. Au contraire, comme le dit la complainte du partisan, "personne ne m'a demand� d'o� je viens et o� je vais, vous qui le savez, effacez mon passage".

L'anonymat, le fait de pouvoir dispara�tre dans la nuit sont � la fois une m�thode d'action et un objectif pour la r�sistance. Lorsque la libert� reviendra, on nous oubliera, nous rentrerons dans l'ombre, comme le dit toujours ce chant.

Une soci�t� d�mocratique paisible n'a pas besoin de h�ros. Ce souhait correspond enti�rement � l'engagement et � la vie de Suzanne Lecl�zio et Yvonne Ziegler, mais nous ne pouvons acc�der � cet oubli. Le devoir de comm�moration et de m�moire est ins�parable de la dette immense que nous avons envers elles, envers celles et ceux qui ont fait pr�valoir les droits fondamentaux et l'humanit� dans les heures les plus sombres.

Avant l'occupation, Suzanne Lecl�zio et sa compagne Yvonne Ziegler ont �t� des femmes cr�atives et altruistes, ouvertement lesbiennes � une �poque o� cela ne se faisait pas, et cela alors m�me que Paris �tait une femme selon l'expression d'Andrea WEISS, dans ces ann�es o� les lesbiennes, du monocle au salon litt�raire, faisaient battre le c?ur de notre Capitale.

� partir de 1935, Suzanne et Yvonne travaillent au centre d'hygi�ne social, dispensaire de la Compagnie du chemin de fer du Nord au 22, rue Marcadet dans le 18e, � l'endroit o� doit �tre appos�e la plaque. Puis, pendant l'occupation elles vont exprimer leur solidarit� envers les familles juives lors des grandes rafles, notamment des Scharapan. Elles ne se contentent pas de soigner et de venir en aide, Suzanne Lecl�zio dite Georgette, et Yvonne Ziegler dite V�ronique, toutes deux sous-lieutenants rejoignent le r�seau de r�sistance Cohors-Asturies. Elles h�bergent chez elles des r�sistants recherch�s par la Gestapo. Arr�t�es, elles sont brutalement tortur�es mais ni l'une ni l'autre ne parle. Puis, c'est Ravensbr�ck. Malgr� l'adversit�, elles conservent tendresse et amour l'une envers l'autre. Elles font un contraste amusant, l'une longue et mince, l'autre massive de proportion, ces deux ins�parables qui depuis de longues ann�es ont nou� leur vie de d�vouement, la brave puce, Suzanne, toujours de bonne humeur et doucement bienveillante, tel que le relate Yvonne Pagniez dans "Sc�nes de la vie du bagne" en 1947. C'est ensemble qu'elles reviennent de ce bagne. C'est ensemble qu'elles re�oivent la croix de guerre 1939-1945. Puis, Suzanne recevra la L�gion d'honneur en 1965. Elles parlent peu de la guerre, mais rient et re�oivent beaucoup dans leur maison du Calvados. C'est ensemble qu'elles partent en maison de retraite. C'est � sept mois d'�cart qu'elles meurent. C'est gr�ce au travail de l'historien Laurent THEVENET que leur histoire nous est connue et mise en lumi�re dans l'interface "Constellations bris�es" par Queer Code avec le soutien des Lesbiennes d'Int�r�t G�n�ral. Si elles n'avaient jamais cherch� la gloire, Suzanne Lecl�zio et Yvonne Ziegler ont plus que m�rit� notre hommage. Ce n'est pas pour elles, mais pour nos g�n�rations et celles � venir que nous devons rappeler leurs actions et leur vie unique. Nous qui savons leur histoire comme le disait la complainte des partisans, nous n'effacerons pas leur passage, nous l'honorerons dans les lieux m�me o� elles se sont illustr�es, car elles sont des exemples pour toutes et tous. Merci beaucoup.

M. Patrick BLOCHE, adjoint, pr�sident. - Merci beaucoup, Genevi�ve GARRIGOS. Je donne la parole � la pr�sidente Rapha�lle PRIMET, qui doit toujours �tre en salle Webex. Nous vous �coutons, Madame la Pr�sidente.

Mme Rapha�lle PRIMET. - Mes chers coll�gues, je veux saluer ici le travail de recherche historique de Laurent THEVENET, et le remercier d'avoir attir� l'attention sur le parcours de Suzanne Lecl�zio et Yvonne Ziegler.

Au d�but des ann�es 30, Suzanne Lecl�zio, infirmi�re faisant fonction d'assistante sociale au centre social de la S.N.C.F. invite Yvonne Ziegler, artiste-peintre reconnue, comme assistante sociale b�n�vole. De cette rencontre na�tra une longue vie commune et partag�e. Ensemble, en 1940, elles assurent les soins pour les r�fugi�s lors de l'exode, notamment en procurant du lait aux familles et aux enfants, ce qui leur vaudra d'�tre cit�es � l'Ordre de la S.N.C.F.

En 42, elles aident une famille juive du quartier de Marcadet � �chapper � la d�portation.

En 43, elles int�grent le r�seau de r�sistance Cohors-Asturies. Elles h�bergent r�guli�rement chez elles des r�sistants recherch�s par la Gestapo, dont Gabrielle Vienne, une grande r�sistante.

En 44, elles soignent les bless�s des bombardements des installations ferroviaires de la Chapelle qui firent plus de 500 morts. Toujours ensemble, en juillet 1944, elles sont arr�t�es et tortur�es par la Gestapo, et ensuite d�port�es au camp de Ravensbr�ck en Allemagne.

En 45, devant l'avanc�e de l'arm�e rouge, les SS �vacuent le camp dans une marche � pied forc�e, appel�e marche de la mort. Suzanne et Yvonne s'�vadent et sont d�livr�es par l'arm�e sovi�tique qui les remet � la Croix-Rouge internationale.

Elles sont rapatri�es en France en 45. Suzanne retravaille au dispensaire dont elle devient directrice, et au centre qui est toujours en fonction au 22, rue Marcadet o� sera appos�e la plaque. Nouvelle bataille de Suzanne pour que les assistantes sociales de la S.N.C.F obtiennent le statut de cheminot � part enti�re, ce qui sera reconnu par un protocole d'accord en 49. Leur vie et leur engagement, leur lumi�re, ce qui est rest� longtemps dans l'ombre�: le r�le des femmes dans la r�sistance et la d�portation. R�unies par le combat commun pour la libert� et l'aide aux plus d�munis, elles ont �t� des femmes libres assumant leurs choix. Cette plaque et cet hommage veulent mettre en lumi�re leur vie et leur engagement, et donc le r�le des femmes dans la r�sistance. Je vous remercie.

M. Patrick BLOCHE, adjoint, pr�sident. - Merci beaucoup, Madame la Pr�sidente. Derni�re intervenante inscrite, Alice COFFIN, toujours en salle des f�tes.

Mme Alice COFFIN. - Je suis l�. Vous me voyez�? Merci.

Je ne vais pas reprendre ce qu'ont d�j� tr�s bien dit Genevi�ve GARRIGOS, que je salue ici, dont je salue aussi l'intervention particuli�rement forte de cet apr�s-midi, et Rapha�lle PRIMET. Je vais raccourcir ce que j'avais pr�vu, pour mentionner des choses qui sont importantes � redire, dans un contexte pr�sent.

Suzanne Lecl�zio et Yvonne Ziegler, si l'on doit la m�moire de leur souvenir, cela a �t� dit je vais refaire une boucle sur, on la doit � un ensemble d'actrices, d'acteurs, qui permettent que l'on s'en souvienne aujourd'hui. Cela nous fait r�fl�chir sur, que fait-on dans cette commission culture�?

Cette intervention, nous aurions d� la faire au pr�c�dent Conseil. Nous �tions press�s, les conditions sont particuli�res. La 2e Commission a �t� particuli�rement aidante dans ce cas, parce qu?on pourrait se dire, culture, m�moire, ce ne sont pas des choses prioritaires, ce qui serait une grave erreur, donc je suis contente que l'on y revienne.

C'est un travail collectif. Le nom du chercheur Laurent THEVENET a �t� cit�. Il faut remercier � nouveau Laurence PATRICE de mettre inlassablement en valeur, justement pour rappeler les objectifs d'une autre DAC, la DAC 436, des sources historiques m�connues.

Il faut citer le groupe "Queer Code" et son exposition num�rique "Constellations bris�es", que je vous invite vraiment � consulter, qui retrace le parcours des femmes qui aimaient les femmes durant la Seconde Guerre mondiale, leur r�sistance, leur �mancipation, leurs amours, leurs plaisirs... "Fais un effort pour te souvenir ou � d�faut, invente".

Merci aux Lesbiennes d'Int�r�t G�n�ral qui ont permis de financer ces projets.

Deux points.

Ce projet, si la Ville de Paris lui rend hommage, c'est via ce projet "Queer Code", participatif, europ�en, num�rique et f�ministe. Je trouve cela int�ressant qu'il y ait cette alliance entre la m�moire et des technologies modernes. La semaine pass�e, c'�tait la journ�e internationale de m�moire de l?Holocauste. Il y a eu un �v�nement particulier autour de cette th�matique de mettre en valeur les femmes, les lesbiennes de la r�sistance, qui s'appelait un Wikithon, men� par "Queer code" et ELC. C'est important de voir ces alliances. Dernier point sur lequel je voudrais insister, on r�fl�chit beaucoup au Conseil de Paris en ce moment autour des notions de r�publique. Une mission a �t� confi�e sur la promesse r�publicaine, qui va certainement rendre des travaux assez passionnants. Je trouve que l'on a un magnifique exemple avec cette m�moire, de comment on arrive � la m�moire de Suzanne Lucl�zio et d'Yvonne Ziegler. En fait, on a eu l'alliance de ressources communautaires, c'est pour cela qu'il �tait important de les citer, avec un projet de m�moire r�publicaine. Au-del� des enjeux assez absurdes d'une opposition entre r�publique, universalisme d'un c�t�, et communaut�, identit� de l'autre, on voit bien que la vie exceptionnelle de Suzanne Lecl�zio et Yvonne Ziegler et la fa�on dont on peut d�sormais s'en souvenir, c'est le r�sultat d'un travail commun d'instances communautaires, lesbiennes en l'occurrence, mais cela pourrait �tre d'autres, et r�publicaines. Ce souvenir nous sert aussi de lumi�re, puisqu'on parle de r�sistance, de flamme. Merci beaucoup.

M. Patrick BLOCHE, adjoint, pr�sident. - Merci beaucoup, Alice COFFIN.

Je donne la parole � Laurence PATRICE pour r�pondre aux intervenantes.

Mme Laurence PATRICE, adjointe. - Je vais simplement remercier ces trois intervenantes, qui ont vraiment bien pr�sent� les deux femmes que nous honorons.

Je veux juste ajouter que l'on esp�re pouvoir inaugurer cette plaque en leur honneur, lors de la journ�e nationale de la d�portation, fin avril, si la situation sanitaire le permet.

Je ne peux que vous inviter, toutes et tous, � voter largement ce projet de d�lib�ration.

M. Patrick BLOCHE, adjoint, pr�sident. - Merci beaucoup, Laurence PATRICE.

Je mets aux voix, � main lev�e, le projet de d�lib�ration DAC 492.

Qui est pour�?

Qui est contre�?

Qui s'abstient�?

Le projet de d�lib�ration est adopt�. (2021, DAC 492).

Février 2021
Débat
Conseil municipal
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