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Voeu déposé par le groupe Changer Paris relatif à la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste.


Mme LA MAIRE DE PARIS. - Nous examinons le v?u n��111 relatif � la d�finition de l?antis�mitisme de l?Alliance internationale pour la m�moire de l?Holocauste.

La parole est � M. SZPINER, pour le groupe Changer Paris.

M. Francis SZPINER, maire du 16e arrondissement. - Je vous remercie, Madame le Maire, et vous remercie de votre pr�sence.

Accentu� par la crise �conomique et sociale, notre pays conna�t, ainsi que notre ville, un regain des actes antis�mites. C?est pourquoi, � la mairie du 16e arrondissement, nous avons adopt� en conseil d?arrondissement le v?u qui vous est soumis aujourd?hui, et que j?ai tenu � ce qu?un conseiller soit sp�cifiquement en charge d?une d�l�gation de lutte contre l?antis�mitisme, le racisme et les discriminations.

Ces passages � l?acte sont favoris�s par la diffusion d?une parole haineuse, accentu�e par les r�seaux sociaux, sur la base de pr�jug�s qui construisent cette haine. Je rappelle qu?Ilan Halimi est mort victime du plus vieux pr�jug� antis�mite�: les juifs, c?est l?argent. Je rappelle qu?il y a quelques semaines, une jeune femme, lors d?un concours de miss, ayant d�clar� que son p�re �tait Isra�lien, a �t� victime d?un flot d?insultes et de menaces. Il faut donc d�noncer ces pr�jug�s et ces manipulations pour mieux combattre ce fl�au.

L?"Alliance internationale pour la m�moire de l?Holocauste" a �tabli, avec l?aide de chercheurs, une liste de ces pr�jug�s et de ces amalgames pour illustrer cette d�finition. Cela a �t� adopt� par les 31 pays membres de l?alliance. Elle permet, par des d�finitions op�rationnelles, de d�noncer les visages multiples de l?antis�mitisme et elle est un outil utile pour la ville, ses agents et pour les Parisiens, pour mettre en pratique ce combat. Aucune de ces d�finitions ne porte atteinte � la libert� de critique au d�bat d�mocratique sur tous les sujets, y compris celui du Proche-Orient, mais elle permet de d�noncer les amalgames qui entretiennent la haine.

Voil� pourquoi je demande que la Mairie de Paris approuve la d�finition op�rationnelle de l?antis�mitisme utilis�e par l?"Alliance internationale pour la m�moire de l?Holocauste" en tant qu?instrument d?orientation, et qui est utile en mati�re de lutte contre l?antis�mitisme pour sa pr�vention, ainsi que pour l?�ducation et la formation du public et des agents de la Ville de Paris. L?Assembl�e nationale avait adopt� cela et je serais fier que la Ville de Paris soit la premi�re ville en France � ouvrir le chemin. Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci, Monsieur SZPINER. La parole, pour vous r�pondre, est � M. Jean-Luc ROMERO-MICHEL.

M. Jean-Luc ROMERO-MICHEL, adjoint. - Merci, Madame la Maire.

Cher Monsieur le Maire du 16e arrondissement, mes chers coll�gues, je constate une fois de plus, et cela nous honore, que l?int�r�t de notre Assembl�e pour les affaires du monde est �videmment toujours intact. Comme vous le savez, nous avons tous ici beaucoup d?engagements, notamment sur la question des droits humains qui sont l?essence m�me de notre travail.

Quelques �l�ments de contextes, tout d?abord, mes chers coll�gues. Ce que nous observons actuellement dans notre ville - vous l?avez dit, Monsieur le Maire - comme partout ailleurs, malheureusement, sur le continent europ�en, c?est une augmentation drastique des actes antis�mites sous toutes leurs formes et notamment les plus abjectes. Nous assistons aussi � une grande confusion dans les esprits. Cela permet aux ennemis de nos valeurs humanistes, r�publicaines et universelles, de donner un nouveau souffle � des id�es que nous souhaitions enterrer au XXe si�cle et qui consiste � faire de nos concitoyens juifs les parfaits boucs �missaires.

Dans ce contexte, vous savez que l?action de la Maire de Paris Anne HIDALGO et de tout l?Ex�cutif municipal est r�solue - et ce n?est pas d?aujourd?hui - � combattre sans rel�che toute forme d?antis�mitisme. Avec l?ensemble de mes coll�gues, nous sommes mobilis�s pour mener ce combat contre la haine, pour �duquer contre les pr�jug�s, pour prot�ger les Parisiennes et les Parisiens, et, bien s�r, pour accompagner les victimes de ces actes odieux.

La question, aujourd?hui, n?est pas de se prononcer sur le conflit isra�lo-palestinien. Bien s�r, il y a tant � dire sur la politique men�e par Isra�l, et tant d?autres Etats, et je ne crois pas qu?une quelconque interdiction de s?exprimer en la mati�re soit heureusement � l?ordre du jour. En revanche, oui, il y a une forme de haine des juifs, qui se sert chez certains de la haine d?Isra�l comme bureau d?accueil de l?antis�mitisme. La plupart des associations de lutte contre le racisme et l?antis�mitisme font d?ailleurs le distinguo entre la critique possible, et je dirais l�gitime, de la gouvernance de l?Etat d?Isra�l et la haine des juifs.

Mes chers coll�gues, il nous est demand�, par ce v?u du groupe Changer Paris et du maire du 16e arrondissement, de nous prononcer dans la lign�e de la repr�sentation nationale et du Parlement europ�en sur une d�finition de l?antis�mitisme qui tient compte de ces r�alit�s. C?est pourquoi, mes chers coll�gues, dans le respect des sensibilit�s de chacune et de chacun, nous sommes, avec la Maire de Paris, favorables � l?adoption de ce v?u, tout en laissant sur une question nationale la libert� de vote aux membres de cette Assembl�e. Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup, cher Jean-Luc ROMERO-MICHEL.

J?ai deux demandes d?explication de vote.

Monsieur J�r�me GLEIZES, pour le groupe Ecologiste de Paris.

M. J�r�me GLEIZES. - Madame la Maire, chers coll�gues, nous avons plusieurs fois, dans cette Assembl�e, dit qu?il ne fallait pas importer des d�bats qui d�passent les comp�tences de notre collectivit� territoriale, � savoir d�finir l?antis�mitisme, m�me si nous avons conscience d?une recrudescence de l?antis�mitisme, que nous condamnons et regrettons. Comme il n?est pas possible, en deux minutes, de r�pondre en d�tail sur les implications de ce vote, d?une bataille s�mantique commenc�e au d�but des ann�es 2000, je me contente de rappeler ce qu?en dit la C.N.C.D.H., la "Commission Nationale Consultative des Droits de l?Homme", et la L.D.H., la "Ligue des Droits de l?Homme", qui a �t� cr��e suite au proc�s du capitaine Dreyfus lorsque ce m�me d�bat s?est pos� � l?Assembl�e nationale. Ils �taient oppos�s � cette transposition en France et ils le sont toujours.

Une singularisation de l?antis�mitisme vis-�-vis des autres formes de racisme pourrait remettre en cause le cadre r�publicain et encourager d?autres communaut�s victimes de racisme � revendiquer � leur tour pareille reconnaissance, et aurait l?effet inverse de fragiliser l?approche universelle et indivisible du combat antiraciste qui doit pr�valoir, d?autant plus dans un contexte d?exag�ration des revendications identitaires.

Il y a un risque d?amalgame entre le racisme et la critique l�gitime d?un Etat et de sa politique, droit fondamental en d�mocratie. Je n?y reviendrai pas puisque M. ROMERO-MICHEL en a d�j� parl�. Mais l?argument le plus important est l?expression utilis�e dans la d�finition de l?IHRA: "une certaine perception des juifs". Celle-ci est trop floue et pourrait avoir un effet contre-productif en n�gligeant certaines formes d?antis�mitisme, comme celui des juifs sionistes qui esp�rent le retour du messie pour avoir ensuite la conversion au christianisme. Mais surtout, cette d�finition de l?antis�mitisme ignore tout simplement que la d�marche premi�re de l?antis�mitisme est de s?emparer de plusieurs st�r�otypes pour dissocier les personnes juives du reste de l?humanit�, allant jusqu?� justifier leur extermination.

Je ne reviens donc pas sur les �crits d?Hannah Arendt sur la banalit� du mal et surtout la partie sur l?antis�mitisme dans son livre "Les Origines du totalitarisme". Mais cette n�gation de leur humanit� existe toujours. Nous en avons vu la r�surgence lors de la manifestation des "pro-Trump" � l?investiture de Joe BIDEN, avec des tee-shirts relativisant les 6 millions de morts de la Shoah. D?ailleurs, la grande association juive am�ricaine "J Street" demande � Joe BIDEN de ne pas adopter cette d�finition que nous voulons adopter ici.

Comme nous n?avons pas les conditions r�unies pour avoir un d�bat �quilibr�, nous demandons de faire appel � la grande sagesse de cette Assembl�e pour retirer ce v?u et que nous ayons ce d�bat dans de meilleures conditions. Merci de votre intention.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci, Monsieur GLEIZES.

La parole est � M. Nicolas BONNET-OULALDJ, pour le groupe Communiste et Citoyen.

M. Nicolas BONNET-OULALDJ. - Merci, Madame la Maire.

Je pense que nous partageons tous le m�me constat du regain des actes antis�mites sur notre territoire, � Paris, que nous devons combattre et mettre tous les moyens pour combattre. Cependant, le v?u que vous nous proposez est un d�bat qui n?est pas forc�ment � l?�chelle de notre collectivit�. Vous avez d?ailleurs rappel�, Monsieur SZPINER, que c?est un d�bat qui a �t� trait� � l?Assembl�e nationale. D?ailleurs, dans vos consid�rants, vous ne dites pas que la d�finition de l?"Alliance internationale pour la m�moire de l?Holocauste" a �t� adopt�e par une courte majorit�, et qu?un appel de 127 intellectuels juifs aux d�put�s fran�ais � ne pas soutenir cette r�solution assimilant l?antisionisme � l?antis�mitisme �tait sorti � l?�poque et fait partie du d�bat.

Ce qui est reproch� par ces intellectuels � cette d�finition, c?est d?associer antis�mitisme et antisionisme. Antis�mitisme, qui est une attitude de racisme et une attitude syst�matique hostile aux juifs. Antisionisme, qui est l?hostilit� � l?existence ou � l?extension de l?Etat d?Isra�l. Et donc, par le biais de l?expression "institution communautaire", celle-ci pouvait se r�f�rer � l?Etat d?Isra�l. Cela pose deux probl�mes. Un probl�me qu?a �voqu� mon coll�gue J�r�me GLEIZES sur la d�finition d?une cat�gorie de racisme. Or, les lois fran�aises criminalisent toutes les formes de racisme. Cela pose une autre question�: c?est la confusion, cr��e � dessein dans cette d�finition, entre un d�lit condamnable par la justice, qu?est l?antis�mitisme, et une opinion politique, qu?est l?antisionisme. Comme cela a �t� tr�s bien dit dans l?appel des 127 intellectuels, cette d�finition serait utilis�e pour criminaliser et r�duire au silence des critiques contre les politiques isra�liennes.

Je suis personnellement, et au nom du groupe Communiste et Citoyen, pour que le droit international s?applique partout et toujours, mais je m?oppose syst�matiquement aux gouvernements d?extr�me droite racistes et colonisateurs, quels qu?ils soient. Fid�les au principe d?amiti� entre les peuples, ne confondons jamais les peuples avec des agissements de leurs gouvernements. C'est cela, �tre antiraciste, et c?est d?ailleurs ce qui distingue notre d�finition de la v�tre. Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci, Monsieur le Pr�sident.

Monsieur Alexis GOVCIYAN, pour le groupe MoDem, D�mocrates et Ecologistes.

M. Alexis GOVCIYAN. - Merci, Madame la Maire.

Quelques mots sur ce v?u bienvenu.

Je souhaite vraiment vous remercier et vous f�liciter, cher coll�gue, d?avoir port� ce texte au sein de cette Assembl�e, qui est l�gitime, parce qu'il s'agit d'une question de soci�t�. Cela concerne chacun et chacune d?entre nous. Je suis donc heureux de vous accompagner, et mon groupe "Ind�pendants et Progressistes" sera bien �videmment pr�sent.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Pardon. C?est le groupe "Ind�pendants et Progressistes".

J?ai dit�: "MoDem, D�mocrates et Ecologistes".

M. Alexis GOVCIYAN. - Il fut un temps o� l?antis�mite se pr�sentait comme anti-dreyfusard pour ne pas dire qu?il �tait antis�mite. Nous observons depuis quelques ann�es le m�me ph�nom�ne parce que, pour ne pas se dire "antis�mite", l?antis�mite se pr�sente sous forme d?antisioniste � l?�gard d?Isra�l. Les propos que nous avons entendus, m�me si je ne veux stigmatiser personne, laissent penser qu?il y a encore des mouvements profonds au sein de notre soci�t�. Ce n?est pas acceptable. Parce que le fait d?attaquer Isra�l, parce qu?Etat juif, est un acte antis�mite. Le fait d?attaquer Isra�l sous forme de boycott d?Isra�l - je regrette que ce terme n?ait pas �t� mis dans votre v?u, cher coll�gue, mais je pense que c?�tait implicite, c?est un acte antis�mite. Le fait de boycotter les produits isra�liens parce qu?ils sont isra�liens, c?est un acte antis�mite. C?est de cela qu?il s?agit et c?est pourquoi cette d�finition de l?"Alliance internationale pour la m�moire de l?Holocauste" est bienvenue. A l?Assembl�e nationale, notre coll�gue Sylvain MAILLARD - d�put� de Paris, pr�sident du groupe d?�tude sur l'antis�mitisme - et ses coll�gues avaient port� ce texte. Il avait �t� vot�.

Courte majorit� ou pas, cher Nicolas BONNET-OULALDJ, l?important, c?est que la d�mocratie s?exprime et fonctionne. Aujourd?hui, j?esp�re qu?il en sera de m�me. En tout cas, j?ai compris que l?Ex�cutif municipal �tait sur la m�me ligne que ce v?u, et nous nous en f�licitons. Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci � vous, Monsieur GOVCIYAN.

Monsieur R�mi F�RAUD, pour le groupe Paris en commun. Monsieur le Pr�sident.

M. R�mi F�RAUD. - Merci, Madame la Maire.

Le v?u pr�sent� par le groupe des R�publicains et par le maire du 16e arrondissement pourrait nous conduire � dire, comme nous l?avons entendu ce matin, que cela n?a rien � voir avec les comp�tences municipales, et donc, que nous n?allons pas participer au vote. Pourtant, nous allons faire tout autre chose, parce que ce v?u a � voir avec les valeurs essentielles, et donc, a � voir avec Paris et notre engagement politique.

Pour notre part, et pour ma part, j?entends ce v?u et cette d�finition de l?antis�mitisme comme la possibilit� de critiquer la politique men�e par le Gouvernement isra�lien, et m�me de la critiquer vivement, mais jamais de critiquer l?existence m�me de l?Etat d?Isra�l, seul Etat dans le monde dont l?existence est parfois contest�e. A ce titre, cette d�finition, qui associe une forme d?antisionisme � l?antis�mitisme, nous para�t juste. Et donc, comme la plupart des membres du groupe Paris en commun, comme l?a exprim� Jean-Luc ROMERO-MICHEL au nom de la Maire de Paris, pour ma part et avec la plupart de mes coll�gues, je voterai donc favorablement ce v?u.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup.

Je voudrais vous remercier, d?abord, de la s�r�nit� de ce d�bat et de l?�coute. Je pense que c?est important et cela honore notre Assembl�e. Je veux dire, et sans prolonger les d�bats, que je partage totalement cette d�finition de l?"Alliance internationale pour la m�moire de l?Holocauste", comme l?a tr�s bien expliqu� R�mi F�RAUD. La possibilit� de critiquer la politique d?Isra�l sur beaucoup de sujets est quelque chose qui rel�ve justement de l?opinion politique et de l?exercice de l?opinion politique. La position qui consiste � critiquer Isra�l comme Etat dans son existence m�me, rel�ve, pour le coup, d?une d�finition de l?antis�mitisme. C?est une nouvelle forme d?antis�mitisme, parce que l?Etat d?Isra�l a �t� cr�� aussi parce qu?il y a eu la Shoah.

Il faut que l?on soit tr�s clair avec les mots, que nous puissions porter les valeurs de libert�. Cette d�finition adopt�e par notre Assembl�e nous permettra sans doute aussi de donner � chaque mot sa signification pr�cise et d?�tre � la hauteur de l?histoire de notre ville qui nous oblige. Nous sommes la ville dans laquelle la "rafle du V�l?d?Hiv?" a �t� op�r�e. Nous sommes une ville dans laquelle une communaut� juive d?Europe centrale est venue, s?est install�e, a fait de cette ville sa ville, a fait aussi de la R�publique sa R�publique. Je crois que cette histoire nous engage. Le vote que nous allons op�rer � pr�sent fait partie, je crois aussi, de cette fid�lit� � nos valeurs et � notre histoire, celle de la ville de Paris.

Je vous remercie.

Je mets aux voix, � main lev�e, le v?u n��111 du groupe Changer Paris, pr�sent� par le maire du 16e arrondissement, M. Francis SZPINER.

Qui est pour�?

Qui est contre�?

Qui s?abstient�?

Qui ne prend pas part au vote�?

Le v?u est adopt�. (2021, V. 48). Je vous remercie.

Février 2021
Débat
Conseil municipal
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