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I - Question d'actualité posée par le groupe "Génération.s" à Mme la Maire de Paris et à M. le Préfet de police relative à la loi dite "anticasseurs".


Mme LA MAIRE DE PARIS. - Je vous propose de passer � notre s�ance de questions d'actualit�, et la premi�re est pos�e par le groupe "G�n�ration.s".

C'est Mme L�a FILOCHE�? Merci, je vous donne la parole.

Mme L�a FILOCHE. - Merci, Madame la Maire.

Mes chers coll�gues, Monsieur le Pr�fet, le projet de loi dite "anticasseurs", dont le vote solennel � l'Assembl�e nationale est en train de se d�rouler au moment m�me o� je vous pose notre question d'actualit�, et alors qu?� l'ext�rieur de notre h�micycle les Parisiens et les Parisiennes et de nombreux citoyens se mobilisent pour leur pouvoir d'achat et de meilleures conditions de travail, ce projet de loi vous permettra, Monsieur le Pr�fet, gr�ce � son article�2, d'interdire, je cite, "pr�ventivement de manifester une personne repr�sentant une menace d'une particuli�re gravit� pour l?ordre public sur de simples pr�somptions". Car, oui, il sera de votre responsabilit� administrative et non plus de celle du juge, apr�s la tenue de la commission des faits, d'interdire une personne de sa libert� individuelle de manifester. Nous le savons, et je l'esp�re sinc�rement, les casseurs doivent r�pondre de leurs actes devant la justice, ne doivent pas simplement �tre punis de manifestation.

Cette loi plus qu?inefficace repr�sente un danger r�el pour notre d�mocratie. Le pouvoir actuel fait le choix volontaire de r�duire chaque jour un peu plus l'espace des libert�s fondamentales.

Monsieur le Pr�fet, je ne vais pas vous demander votre sentiment sur cette nouvelle loi autoritaire et liberticide, comme je le ferai aupr�s de Mme la Maire, car ce n'est pas votre r�le, je le sais. Mais permettez-moi d'exprimer mon opposition � cette loi qui, apr�s la constitutionnalisation de l?�tat d?urgence, apr�s la loi Asile et Immigration, montre, une fois encore, l'amateurisme du Gouvernement face � des tensions sociales dont il est le premier responsable.

Les r�ponses sont pourtant assez simples et rel�vent du pouvoir d'achat et de la d�mocratie. A une question sociale, la r�pression seule ne permettra pas l'apaisement et l'�change constructif, quelle que soit la taille du d�bat national, petit ou grand. La nouvelle trouvaille de ce Gouvernement est donc le contr�le administratif du droit de manifester. Dans quelle d�mocratie ce type de loi existe-t-il�? Ce texte trop vague ouvre la voie � l?arbitraire. Il est facile de faire la le�on � d?autres dirigeants internationaux quand on attaque les libert�s individuelles dans son propre pays.

Si je voulais faire un peu d'ironie, je vous demanderais na�vement si, demain, vous interdiriez de manifestation une personnalit� comme Alexandre BENALLA, par exemple, ou m�me les policiers ayant bless� des manifestants pacifistes lors des derni�res mobilisations sociales, car peut-�tre repr�sentent-ils une menace particuli�re pour l'ordre public�? Mais l'importance de notre question et la tonalit� de notre h�micycle nous obligent. Je vous poserai donc les questions suivantes.

Madame la Maire, pouvez-vous nous assurer de votre opposition au projet de loi dite "anticasseurs", loi qui attaque une fois encore les libert�s fondamentales�? Monsieur le Pr�fet de police, pouvez-vous nous pr�ciser quels seraient les crit�res qui permettraient de caract�riser qu?une personne repr�sente une menace d?une particuli�re gravit� pour l?ordre public�? Comment compteriez-vous utiliser cette nouvelle disposition administrative�?

Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup.

Je vais d'abord donner la parole � Colombe BROSSEL, puis � M. le Repr�sentant du Pr�fet de police.

Mme Colombe BROSSEL, adjointe. - Merci beaucoup, Madame la Maire. Merci � L�a FILOCHE pour cette question. Pour r�pondre � cette question, j'aurais pu vous lire in extenso l'interview donn�e hier par Fran�ois SUREAU, avocat et �crivain, qui dit beaucoup de choses, voire dit presque tout. Je le dirai avec beaucoup moins de talent et je m'en excuse par avance.

Un v?u de l?Ex�cutif sera propos� sur ce projet de loi. Nous l'examinerons en 3e Commission.

Des �v�nements particuli�rement violents ont eu lieu � Paris chaque samedi. Nous avons eu l'occasion d'�changer sur les retomb�es aupr�s des commer�ants avant l'interruption de s�ance. Nous le savons, ce mouvement social d'ampleur dure depuis maintenant pr�s de trois mois. La Ville est mobilis�e depuis plusieurs mois d�j� pour accompagner l'ensemble des Parisiens, notamment des acteurs �conomiques. Olivia POLSKI porte plusieurs projets de d�lib�ration � ce sujet. Evidemment, il appartient au Gouvernement de mettre des dispositifs de s�curit� en cons�quence et, en m�me temps, de proposer des r�ponses politiques et sociales pour permettre, favoriser, encourager la d�sescalade et l'apaisement.

Nous connaissons tous la mobilisation des services de police, des agents de la Pr�fecture comme de ceux qui viennent les renforcer semaine apr�s semaine dans des conditions extr�mement difficiles. Je tiens ici � les saluer et les remercier, car, nous le savons, la libert� de manifester ne peut s'exercer que si chacun b�n�ficie d'une pleine et enti�re s�curit�. Nous y sommes d'autant plus attach�s que l'histoire de Paris est li�e aux mobilisations sociales. Cette histoire, nous l?�voquons souvent dans cet h�micycle. Paris a toujours port� haut son attachement � cette libert� qui doit �tre parfois accompagn�e, mais, en aucun cas, jamais, entrav�e.

A ce titre, la proposition de loi dite "anticasseurs" en cours d'examen nous inqui�te, notamment en ce qu'elle comporte un projet d'interdiction administrative de manifester. L'interdiction de manifester est d�j� pr�vue par le Code de la s�curit� int�rieure. C'est l'article 211-13. Il s'agit d'une d�cision de justice. Elle constitue un d�lit pour celui qui ne la respecterait pas. Cette mesure administrative pourrait donc s'y substituer, faisant craindre une limitation non contr�l�e et donc, possiblement arbitraire, de la libert� fondamentale de manifester. C'est en effet une d�rive inqui�tante.

A ce titre, on fait souvent le parall�le avec les interdictions de stade. Permettez-moi deux remarques. D'une part, la libert� d'aller au stade avec toute la passion que l'on peut avoir pour la chose sportive n'est tout de m�me pas du m�me niveau que la libert� de manifester dans une soci�t� d�mocratique. Libert� inscrite � l'article�10 de la D�claration des droits de l'homme et du citoyen.

D'autre part, si des faits graves sont commis, la loi existe. Le Code p�nal apporte les r�ponses. En effet, pour les casseurs, pour ceux qui infiltrent les mobilisations, qui s'opposent violemment aux forces de l'ordre, qui mettent en danger les autres manifestants, les riverains et l'ensemble de ceux qui se trouvent autour, la r�ponse ne peut �tre une sanction administrative. Il faut placer en garde � vue, poursuivre, juger les auteurs. Cette loi autorise, par ailleurs, le Ministre de l'Int�rieur et le Ministre de la Justice � mettre en ?uvre un traitement automatis� de donn�es � caract�re personnel.

Je le citais en propos introductif. Permettez-moi de conclure avec quelques mots de Fran�ois SUREAU, qui disait hier�: "Ce sont les manifestations qu'on veut limiter, pas les actes violents. C?est le citoyen qu'on intimide, et pas le d�linquant". Oui, nos libert�s publiques, particuli�rement en cette p�riode, mais toujours, tout le temps, doivent �tre partout en Europe d�fendues d'arrache-pied.

En mati�re de libert� publique, les lois de circonstance d�battues dans l?urgence ne peuvent jamais constituer une r�ponse s�rieuse, construite et apais�e. Nous le disons ici�: Paris ne peut que s'opposer � cette loi qui sera, par principe, inefficace. Toute loi ou tout arr�t� inefficace est, par nature, contre-productif. Elle est, au-del� de son inefficacit�, inqui�tante.

Je pourrais dire "si le Gouvernement allait au bout de son projet", mais je crois que, malheureusement, le Gouvernement ira au bout de son projet. Nous allons donc placer nos espoirs dans le Conseil Constitutionnel, dont nous souhaitons qu?il soit saisi pour rappeler les fondamentaux de notre d�mocratie � tous ceux qui sont cens�s la faire vivre.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup, Madame BROSSEL.

Je donne la parole � M. le directeur.

M. LE REPR�SENTANT DU PR�FET DE POLICE. - Merci.

Madame la Maire, Mesdames et Messieurs les �lus, Madame la Pr�sidente, je vous prie tout d'abord d'excuser M. le Pr�fet de police qui est reparti � la Pr�fecture de police pour g�rer la manifestation en cours de d�roulement cet apr�s-midi.

Je vais r�pondre � la seule question que vous avez adress�e au Pr�fet de police, Madame la Pr�sidente, et je vais �tre dans l'impossibilit� de vous r�pondre. Il n'est pas possible au Pr�fet de police, pas plus qu?� son repr�sentant, de s?exprimer sur les modalit�s de mise en ?uvre de dispositions, dont la r�daction est toujours discut�e par le Parlement, entre les deux chambres. Le processus l�gislatif n'est pas abouti, donc je d�cline toute r�ponse � votre interrogation.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup.

Madame FILOCHE, souhaitez-vous reprendre la parole�? Merci beaucoup.

Février 2019
Débat
Conseil municipal
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