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V - Question d'actualité posée par le groupe Communiste - Front de Gauche à Mme la Maire de Paris relative à la défense du pluralisme et de l'indépendance de la presse.


Mme LA MAIRE DE PARIS. - Je donne la parole � Nicolas BONNET-OULALDJ, Monsieur le Pr�sident du groupe Communiste - Front de gauche.

M. Nicolas BONNET-OULALDJ. - Merci, Madame la Maire.

Mes chers coll�gues, il y a 115 ans, le 18 avril 1904, naissait un journal � Paris imprim� rue du Sentier. 10 ans plus tard, le 31 juillet 1914, son fondateur, Jean Jaur�s, �tait assassin� au caf� du Croissant.

Il y a 75 ans, � la Lib�ration, apr�s 5 ans de clandestinit� sous l'occupation nazie, le journal retrouvait sa place dans nos rues. Vous l'avez compris, mes chers coll�gues, je parle du journal l'"Humanit�", qui est aujourd'hui en grand danger.

Pourtant, depuis un an, le nombre d'abonn�s progresse. Les ventes en kiosque progressent aussi. Le nombre d'utilisateurs du site Internet est aussi en augmentation. Depuis 2015, il manque structurellement 1 million d'euros dans les caisses du journal, du fait uniquement des modifications des r�gles au soutien � la presse � faible revenu publicitaire. Les banques ont trouv� ce pr�texte pour refuser le soutien au quotidien.

Alors qu?� la fin de la Seconde Guerre mondiale, on comptait plus de 30 quotidiens nationaux, ils ne sont plus que 9 aujourd'hui. O� sont pass�s "D�fense de la France", "Combat", "France soir", "Ce soir", l'"Aurore", le "Matin de Paris", le "Quotidien de Paris"�?

Aujourd'hui, la "Croix", le "Figaro" et l'"Humanit�" sont les plus anciens � r�sister. Aujourd'hui, tous les titres de la presse �crite sont en difficult� financi�re, mais � l'exception de quelques-uns, dont l'"Humanit�", ils sont tous recapitalis�s par des fonds priv�s.

L'existence d'une presse ind�pendante est menac�e, soit par asphyxie, soit par intimidation, comme nous l'avons vu hier avec les attaques juridiques contre "Mediapart", que nous d�non�ons fermement.

Comme le disait ce matin M. LEGARET, est-ce que l'avenir de la presse, ce sont les gratuits envahis de publicit�? Robert GUEDIGUIAN �crit aujourd'hui "sauver l'"Humanit�" - un jeu de mots -, il faut prendre la mesure de la gravit� du d�clin constant de la presse d'opinion, par l� aussi, notre d�mocratie fout le camp".

Nous avons su apporter notre soutien, Madame la Maire, � "Charlie Hebdo" apr�s l'attentat qui a frapp� sa r�daction. Nous avons pris une bonne d�cision en r�novant les kiosques, ce qui a permis la reprise de la vente de la presse au num�ro. Nous nous appr�tons � soutenir un projet pour accueillir une Maison des m�dias libres � Paris. Nous devons nous poser la question�: qu'allons-nous faire pour que Paris contribue � aider un titre qui est n� au c?ur de Paris, qui est associ� aux plus belles pages de son histoire, et qui reste une voix sp�ciale dans le paysage de la presse�?

Malgr� nos demandes, depuis 5 ans, de mettre le journal � disposition de tous les Parisiens dans les m�diath�ques, on nous dit qu'on ne peut obliger les m�diath�ques � acheter l'"Humanit�". Depuis 5 ans, peu d'encarts publicitaires de la Ville sont parus dans ce quotidien, ni d'annonces l�gales.

De nombreuses personnalit�s ont exprim� leur soutien au journal de Jean Jaur�s, � l'appel lanc� pour sauver le journal. Les soutiens �manent d'artistes, de cr�ateurs, de journalistes, d'intellectuels, de femmes et d'hommes politiques de tous bords politiques. Certaines personnalit�s ont d�j� annonc� leur pr�sence � la grande soir�e de solidarit� pour le journal, qui se tiendra le 22 f�vrier � la Bellevilloise � Paris.

Madame la Maire, nous pensons que la Ville de Paris s'honorerait � trouver tous les moyens pour soutenir ce titre � un moment aussi difficile de son histoire.

Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Cher Emmanuel GR�GOIRE, je vous laisse la r�ponse.

M. Emmanuel GR�GOIRE, premier adjoint. - Merci beaucoup, Madame la Maire.

Monsieur le Pr�sident, cher Nicolas BONNET-OULALDJ, vous nous interrogez � travers votre question d'actualit� sur la d�fense du pluralisme et l'ind�pendance de la presse, et plus particuli�rement sur la situation tr�s pr�occupante que conna�t aujourd'hui le quotidien l'"Humanit�", dont vous avez rappel� qu'il a �t� fond� par Jean Jaur�s le 18 avril 1904.

Tout d'abord, il faut rappeler quelques �l�ments factuels, le quotidien s'est d�clar� en cessation de paiement, le Tribunal de commerce de Bobigny doit d�cider, le 7 f�vrier prochain, si le quotidien fait l'objet d'un redressement judiciaire ou d'une liquidation. C'est une situation pr�occupante.

Cet exemple des difficult�s rencontr�es par l'un des plus grands titres de l'histoire de la presse fran�aise est aussi une d�monstration des restructurations majeures � l'?uvre dans le secteur de la presse et notamment de la presse �crite. D�veloppement d'Internet et des contenus en ligne, �volution des modalit�s traditionnelles de financement, mutation des usages sont autant de facteurs qui participent � expliquer les probl�mes d'un ensemble de titres de presse dont fait partie l'Humanit�.

Ce constat, pour les d�fenseurs du pluralisme et de l'ind�pendance de la presse que nous sommes, doit nous amener � r�fl�chir � des �volutions du financement de ce secteur, pour faire face � la crise structurelle qu'il conna�t.

Pour rappel, le budget de l'Etat contribuait, via des aides � la distribution, des aides fiscales, des exon�rations de cotisations sociales, � hauteur de pr�s de 600 millions d'euros � la presse en 2017.

Ces sommes, aussi importantes soient-elles, ne sont peut-�tre pas fl�ch�es le plus justement qui soit. A cet �gard, je partage l'id�e de porter ce d�bat devant les parlementaires qui pourraient r�fl�chir, par exemple sous la forme d'une mission parlementaire, � une �volution du financement public de la presse �crite.

Au-del�, comme vous le savez, le soutien des collectivit�s aux titres de presse est fortement encadr�, ce qui participe d'ailleurs � l'ind�pendance des journaux en question. Ainsi, la Ville ne recourt que tr�s �pisodiquement et sur de faibles montants � la r�servation d'encarts publicitaires. Nous sommes nombreux � penser que c'est une bonne chose. En outre, la Ville r�serve �galement des espaces pour remplir ses obligations l�gales en mati�re de publicit� sur les proc�dures de mise en concurrence.

Finalement, c'est sans doute � travers le soutien aux kiosquiers que se manifeste notre soutien � la presse en g�n�ral de fa�on la plus efficace. D'ici l'�t� 2019, 360 kiosques seront renouvel�s pour proposer de nouveaux services � la client�le, favoriser la vente de presse, et am�liorer les conditions de travail des kiosquiers.

Ce d�ploiement s'accompagne de dispositifs d'aide aux kiosquiers, qui s'�l�vent � plus de 2 millions d'euros par an. Il est clair que le devenir de l'"Humanit�" est � titre politique, � titre affectif, un sujet de pr�occupation pour beaucoup d'entre nous.

J'esp�re que dans les jours et semaines qui viendront, nous trouverons les voies et moyens, notamment par souscription, pour sauver ce quotidien qui fait honneur � l'histoire de notre pays, au-del� des convictions qui chacun nous occupent. Et bien �videmment, vous pourrez compter sur nous pour �tre aux c�t�s de l'"Humanit�" le 22 f�vrier prochain, et apporter un soutien � sa direction.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup, Emmanuel GR�GOIRE.

Monsieur le Pr�sident, souhaitez-vous reprendre la parole�? Non.

Nous continuerons aussi � garder nos abonnements, j'en ai un. C'est un acte de militantisme.

Février 2019
Débat
Conseil municipal
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