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V - Question d'actualité posée par le groupe Ecologiste de Paris à Mme la Maire de Paris relative au projet d'installation d'une œuvre d'art place de Tokyo et à la place de l'art dans l'espace public.


Mme LA MAIRE DE PARIS. - Nous allons � pr�sent passer � la 5e question d'actualit�, pos�e par le groupe Ecologiste de Paris. C'est M. Jacques BOUTAULT, je crois, qui la pose.

M. Jacques BOUTAULT, maire du 2e arrondissement. - Merci, au nom du groupe.

Depuis plusieurs semaines, une pol�mique s'est faite jour � propos du don d'une ?uvre de Jeff KOONS offerte � la Ville de Paris. En effet, nous pouvons nous interroger sur la pertinence de ce cadeau au regard de l'intention affich�e par l'artiste, l'hommage aux victimes des attentats de Paris et Saint-Denis en 2015. Ce don pose plusieurs questions.

D'abord, sur le lieu d'implantation. La place de Tokyo, dans le 16e arrondissement, dans la perspective de la Tour Eiffel. Cette ?uvre monumentale, dont on peut discuter aussi du caract�re joyeux, tr�s troublant, a-t-elle sa place dans un site d�j� fort pourvu en ?uvres d'art et monuments historiques class�s�? N'aurait-il pas �t� plus pertinent, compte tenu de son intention m�morielle, de l'�riger � proximit� du Bataclan, ou de l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes�?

Ensuite, l'absence de consultation des familles des victimes pose aussi question. Ainsi, l'association "Life for Paris" a exprim� publiquement sa r�probation. Enfin, et c'est tr�s dommageable, ce cadeau n'est pas tout � fait d�sint�ress�. Il ressemble � une op�ration de communication suppl�mentaire de cet artiste tr�s cot� et interroge sur le symbole de l'hyperluxe que son art v�hicule.

En effet, l'?uvre financ�e par de g�n�reux m�c�nes, qui pourront b�n�ficier d'avantages fiscaux qui impliquent de facto, un financement de chacune et chacun d'entre nous, est d�j� en cours de fabrication, avant m�me que la repr�sentation parisienne en ait d�battu. C'est un peu, vous en conviendrez, nous forcer la main.

Plus largement, l'art dans la rue est l'une des priorit�s des Parisiennes et Parisiens. Si l'on en croit les �ditions du budget participatif qui ont permis de financer deux fresques �labor�es en concertation avec les habitants, nous avons besoin de l'art dans la rue. Nous avons peut-�tre et surtout besoin de dialogue et de concertation. Cela questionne sur la fa�on dont nous favorisons, permettons et installons des ?uvres d'art dans l'espace public. Le don d'un artiste en hommage aux victimes du terrorisme devrait nous rassembler�; force est de constater que ce n'est pas le cas.

Aussi, Madame la Maire, nous souhaiterions savoir quelle est votre intention en acceptant ce cadeau, dont l'installation pose probl�me � de nombreuses et nombreux Parisiennes et Parisiens. Quel symbole et quel lien faites-vous entre ce bouquet color� de tulipes monumentales devant le Palais de Tokyo et les attentats de Paris�? Pourquoi ne pas saisir le comit� de l'art dans la ville dans le choix de cette ?uvre et son implantation�?

Enfin, plus g�n�ralement, comment comptez-vous r�pondre � ce besoin exprim� � plusieurs reprises par nos concitoyennes et concitoyens d'art dans la rue�? Quels dispositifs concert�s impliquant l'ensemble des parties prenantes vont �tre mis en place pour d�velopper l'art dans la rue, dans sa diversit� et qui pourraient nous �viter des d�bats clivants, comme nous le constatons pour le don de Jeff KOONS alors qu?il aurait d� nous rassembler�? Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup, Monsieur BOUTAULT. La parole est � M. Bruno JULLIARD.

M. Bruno JULLIARD, premier adjoint. - Merci beaucoup, Madame la Maire, et merci beaucoup, Monsieur le Maire du 2e arrondissement, pour cette question qui nous permet de revenir � nouveau sur ce sujet d�j� longuement �voqu� ce matin et sur lequel, tant Patrick KLUGMAN que vous-m�me, Madame la Maire de Paris, avez pris le temps de r�pondre.

Je ne vais donc pas r�p�ter l'ensemble des arguments qui ont �t� longuement explicit�s ce matin. Il ne s'agit pas que d'une question artistique et culturelle, je vais y revenir, mais aussi d'une question diplomatique. Puisqu'il s'agit d'un cadeau � Paris mais aussi � la France, puisqu'il comm�more des attentats � Paris mais �galement � Nice, la France et Paris ne refuseront pas un cadeau d'une Nation amie, a fortiori lorsqu'il s'agit de comm�morer et de rendre hommage aux victimes d'attentats � Paris et � Nice.

Quant au financement, pas un euro public ne sera d�pens� pour la mise en place de cette ?uvre entre le Palais de Tokyo et le mus�e d'Art moderne. Vous faites r�f�rence, tout comme Mme SIMONNET ce matin, � l'existence de r�ductions fiscales pour des m�c�nes qui souhaiteraient financer cette ?uvre. C'est vrai pour les m�c�nes fran�ais mais il se trouve que l'essentiel des m�c�nes qui ont financ� cette ?uvre sont am�ricains et n'auront donc pas droit aux d�ductions fiscales de l'Etat fran�ais, puisque le Fonds pour Paris a cr�� un fonds aux Etats-Unis qui permet aux m�c�nes am�ricains de financer cette ?uvre.

Quant au lieu, dont nous pouvons effectivement reconna�tre qu'il peut susciter un certain nombre de questions, c'est un lieu qu'a choisi Jeff KOONS, l?artiste lui-m�me, et il appartient dor�navant au Minist�re de la Culture de donner son accord ou pas pour l'installation de cette ?uvre.

Par ailleurs, je ne souhaiterais pas laisser penser que la Ville de Paris - ce n'est pas le c?ur de votre intervention, d?ailleurs, Monsieur BOUTAULT - se pr�cipite pour accepter un don de la part d'un artiste am�ricain populaire, tandis qu?elle ne laisserait aucune place � des artistes plus fragiles. Je ne voudrais pas non plus laisser penser que la Ville se pr�occupe de renforcer la place de l'art dans l?espace public dans les beaux quartiers, tandis qu?elle d�laisserait les autres. Nous avons d'ores et d�j� engag� l'installation de plusieurs dizaines d'?uvres depuis le d�but de la mandature, et en priorit� dans les quartiers populaires.

Nous sommes en effet persuad�s de l'importance de faciliter la rencontre entre les ?uvres et le public dans les lieux du quotidien, sur le chemin de l?�cole, devant les arr�ts de tramway, dans nos services publics. Paris, c'est aujourd'hui plus de 800 ?uvres install�es dans l'espace public.

Sans me lancer dans un inventaire � la Pr�vert, je citerai tout de m�me quelques-unes de ces r�alisations, sur lesquelles je me permets de regretter que notre Assembl�e ne se soit pas attard�e autant qu'elle le fait sur le projet du jour. Je pense par exemple � l'?uvre de Leandro ERLICH, la "Maison fond", qui interpelle le public sur le r�chauffement climatique. Je pense � l'action du fonds municipal d'art contemporain avec des ?uvres exceptionnelles, notamment l'Arc-en-ciel d?Ugo RONDINONE, install� rue de la Fontaine-au-Roi ou encore le street painting de LANG & BAUMANN, place Martin-Nadaud dans le 20e arrondissement. Je pense aussi aux nombreuses r�alisations qui ont vu le jour gr�ce au budget participatif, puisque chaque ann�e des projets culturels sont pl�biscit�s par les Parisiens et les Parisiennes. Plusieurs murs de street art notamment ont ainsi �t� r�alis�s, en particulier par des grapheurs historiques, parisiens ou internationaux.

Je voudrais aussi mettre en avant la d�marche innovante que nous avons mise en place pour l'accompagnement artistique du tramway T3, avec la constitution de groupes de citoyens commanditaires impliqu�s dans la r�daction d'un cahier des charges, dans le choix d'un artiste, puis dans le suivi des projets. Nous inaugurons par exemple bient�t une magnifique ?uvre de Joana VASCONCELOS le long du T3 dans le 17e arrondissement. Je ne d�veloppe pas davantage la politique de la ville en mati�re de renforcement de l?art dans l?espace public et volontaire. Surtout, elle s'attache � repr�senter la diversit� des esth�tiques. Je voudrais rappeler enfin qu?il existe une commission pour l'art dans l'espace public, commission consultative souhait�e par la Maire de Paris, compos�e de personnalit�s qualifi�es du monde de l'art, charg�e de rendre un avis, mais aussi de nous conseiller sur tous les projets d'installation p�renne dans l?espace public, commission qui a �t� sollicit�e pour l'?uvre de Jeff KOONS. L'art fait d�bat et c'est bien heureux. Je ne crois pas qu'il existe des ?uvres d'art qui ne soient pas clivantes ou, en tout cas, je doute de leur pertinence, cher Jacques BOUTAULT. Toutes les questions sont l�gitimes, notamment celles concernant le financement - les r�ponses ont �t� apport�es. Il me para�t d�licat de nous engager ici dans des d�bats esth�tiques, tant les jugements et les sensibilit�s individuelles ne se discutent pas, quelles qu'elles soient. Oui, KOONS est un artiste populaire, oui, le monde de l'art contemporain se d�chire actuellement autour de ce projet avec m�me une certaine outrance peut-�tre excessive. Mais, de gr�ce, ne faisons pas de ce d�bat l'alpha et l'om�ga de nos �changes sur un sujet qui, je crois, nous rassemble largement, � savoir la promotion de l'art dans le quotidien des Parisiens.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup, cher Bruno JULLIARD.

Oui, Monsieur BOUTAULT�?

M. Jacques BOUTAULT, maire du 2e arrondissement. - Madame la Maire, je voudrais dire que j'ai trouv� la r�ponse de Bruno JULLIARD int�ressante, voire convaincante. C'est vous dire si on avance.

Pourquoi je l'ai trouv� convaincante�? Pas simplement parce qu'il fait allusion au principe m�me de l'art dans la ville, au budget participatif et � notre volont� d'implanter des ?uvres d'art dans les quartiers qui en sont le plus d�pourvus, mais parce qu?il semble que la localisation de cette ?uvre de Jeff KOONS, fait pol�mique plus, � mon sens, en raison de son lieu d'implantation qui nous est un peu impos�, reconnaissons-le, qu'en raison du cadeau lui-m�me. Si cette ?uvre d'art �tait implant�e � la fois dans des quartiers qui en sont d�pourvus, comme la porte de Vincennes par exemple, elle constituerait un hommage r�el et d�sint�ress� aux victimes des attentats. En l'occurrence, ce serait un beau geste.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup. Je me suis exprim�e ce matin, je n'y reviens pas, et Bruno a �t� excellent dans sa r�ponse.

Février 2018
Débat
Conseil municipal
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