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2008, II - Question d’actualité posée par le groupe communiste à M. le Préfet de police relative au centre de rétention administratif de Vincennes.


M. LE MAIRE DE PARIS. - La parole est � Mme Emmanuelle BECKER pour la question d?actualit� du groupe communiste.

Madame BECKER, attendez une seconde !

Monsieur le Pr�fet ?

M. LE PREFET DE POLICE. - Je note avec beaucoup de satisfaction dans cette r�ponse que le Pr�fet de police n?est pas interrog�, ce qui montre bien qu?il y a une comp�tence municipale dans cette affaire !

M. LE MAIRE DE PARIS. - Vous �tes taquin ici. Vous voulez parler ? Je vous donne la parole volontiers, chaque fois que vous me la demandez !

M. LE PREFET DE POLICE. - Comme la s�ance �tait partie sur le sourire, je souhaitais aussi sourire !

M. LE MAIRE DE PARIS. - Vous souhaitiez ajouter un brin de sourire et vous nous r�v�lez une partie tout � fait attachante de votre personnalit� : vous �tes un peu taquin ! Mais nous en sommes ravis ! Tout va bien.

M. LE PREFET DE POLICE. - Je vous remercie.

M. LE MAIRE DE PARIS. - La parole � Mme Emmanuelle BECKER.

Mme Emmanuelle BECKER. - Merci, Monsieur le Maire.

Je vais vous donner l?occasion de parler, Monsieur le Pr�fet.

Chers coll�gues, durant la premi�re quinzaine de juin, le Ministre HORTEFEUX paradait. Presque 30.000 expulsions depuis 12 mois, 80 % de plus que l?ann�e derni�re � la m�me �poque. Des chiffres gonfl�s mais qui en disent longs ! Le respect des droits humains est bien menac� quand un ministre de la R�publique croit utile � sa gloire de gonfler les chiffres des mauvais traitements inflig�s � une partie de la population.

La r�alit� n?a pas tard� � se manifester : le d�c�s le 21 juin d?un Tunisien de 41 ans dans les murs du centre de r�tention administratif de Vincennes a �t� l?�tincelle qui a allum� l?incendie au sens propre comme au figur�. Dimanche, vers 15 heures, il semble que plusieurs foyers se soient d�clar�s, que les policiers sur place auraient �t� incapables de contenir. Les deux b�timents du centre sont aujourd?hui d�truits.

Les intern�s administratifs �taient alors rassembl�s dans la cour, parqu�s derri�re des barri�res. 17 d?entre eux, intoxiqu�s par la fum�e ont �t� hospitalis�s ; 14, selon la police, auraient disparu. Les autres ont �t� transf�r�s en car et en train vers les prisons administratives de Palaiseau, Lille et N�mes dans des conditions honteuses : interdiction de lever les rideaux, de s?allonger, d?aller aux toilettes et de boire.

Nous estimons que ces �v�nements, d?une extr�me gravit�, sont imputables � la politique du Gouvernement, qui consiste � faire toujours plus de chiffres, et aux conditions de s�jour dans les centres de r�tention. Ces drames r�sonnent comme l?ultime signal d?alarme d?une politique d?immigration devenue inhumaine et dangereuse.

L?origine exacte de l?incendie reste � d�terminer, mais nous aimerions avoir des explications. Comment un feu peut-il se d�clencher dans un �tablissement o� personne n?est cens� disposer de briquet ou d?allumettes ? Cela pose aussi la question des normes de s�curit� contre l?incendie au centre de Vincennes : mat�riaux de construction utilis�s ? Les extincteurs �taient-ils p�rim�s? Existe-t-il un plan d?�vacuation des locaux en cas de sinistre ?

Il semblerait aussi que la police, perdant son sang-froid, pourrait avoir utilis� la violence de fa�on disproportionn�e. Y aurait-il eu un manquement aux r�gles de d�ontologie de la s�curit� ?

Au regard de ces �l�ments que je n?ai pas le temps d?�tayer et qui ont r�volt� un grand nombre de Parisiennes et de Parisiens, je vous serais reconnaissante, Monsieur le Pr�fet, de bien vouloir nous expliquer comment une telle situation peut arriver en France en 2008.

Je vous remercie.

M. LE MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup.

Monsieur le Pr�fet de police, vous avez la parole.

M. LE PREFET DE POLICE. - Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les conseillers, Madame la conseill�re, votre question porte sur plusieurs registres, politiques et administratifs, et met en cause la fa�on dont les agents du service public ont g�r� ce malheureux �v�nement de l?incendie du C.R.A. Je vais donc y r�pondre point par point, afin de d�m�ler l?amalgame, de redresser ce qui est inexact et de compl�ter l?information de cette Assembl�e et au-del�, de rectifier un certain nombre d?informations qui ont circul� et qui �taient compl�tement fausses.

J?ai d?autant plus de facilit� � faire cet exercice que j?ai pass� la nuit sur place et y suis retourn� le lendemain matin avec le Secr�taire g�n�ral du Minist�re de l?Immigration. Nous avons d?ailleurs, � cette occasion, pu rencontrer un certain nombre de parlementaires, puisque c?est leur droit d?acc�der au C.R.A. Trois rencontres avec les parlementaires au cours de la nuit et une comme ils l?avaient souhait� le lundi � midi.

Premier �l�ment fondamental, l?origine de l?incendie et le d�clenchement des incidents.

Cela est �vident pour le grand public mais je vais �tre plus pr�cis. Il s?agit d?un incendie criminel. Les analyses de police technique et scientifique �tablissent que l?incendie s?est d�clench� � partir de plusieurs foyers dans les deux centres, dans un intervalle de temps tr�s r�duit.

Les premiers �l�ments d?enqu�te attestent du caract�re volontaire et criminel de ces actes, des linges et matelas ayant �t� enflamm�s. Une enqu�te judiciaire confi�e � la direction de la Police judiciaire est en cours sous l?autorit� d?un magistrat de la R�publique. Je suis confiant sur le fait qu?elle conduira � l?identification des auteurs de cet acte et � la d�termination de l?exact encha�nement des faits.

La justice en tirera les cons�quences p�nales qui s?imposent. A ce jour et sans porter atteinte au secret de l?instruction, je peux vous signaler qu?un r�tentionnaire a �t� plac� sous contr�le judiciaire et que deux autres ont �t� pr�sent�s le 5 juillet dernier � un juge d?instruction et qu?ils sont en d�tention provisoire. L� aussi, sans trahir le secret de l?instruction, je peux vous dire que d?autres �l�ments sont port�s � la connaissance des juges.

Deuxi�me point, la conformit� du centre aux normes incendie et la rapidit� de l?intervention des policiers pr�sents. Le C.R.A. de Vincennes avait �t� refait voici moins de deux ans pour un co�t qui m�rite d?�tre signal� : huit millions d?euros. Il r�pondait bien �videmment � toutes les prescriptions d?incendie et aux normes de s�curit�.

Le centre b�n�ficiait d?un dispositif d?alerte et de surveillance. Il �tait �quip� de d�tecteurs de fum�e dans tous les locaux avec un renvoi vers un local de vid�osurveillance qui b�n�ficiait d?une pr�sence 24 heures sur 24. Le dispositif a d?ailleurs bien fonctionn�, c?est en partie gr�ce � ce bon fonctionnement que tous les occupants ont pu �tre �vacu�s, retenus comme personnels du centre.

Les extincteurs �taient d�ment install�s et en �tat de fonctionnement. Un premier d�part de feu ayant eu lieu la veille, il est �vident que quelques uns de ces appareils n?avaient sans doute pas pu �tre recharg�s. Il se peut qu?il y ait eu quelques extincteurs qui n?�taient pas en �tat de fonctionnement.

Le dossier de s�curit� incendie de l?�tablissement avait fait l?objet de contr�le des diff�rents organismes sp�cialis�s, y compris l?existence d?un plan d?�vacuation, ce dernier pr�voyant le recours au gymnase de l?�cole de Police, ce qui s?est d?ailleurs effectivement pass�.

Face � l?�vidence de l?acte criminel, il serait d�plac� non seulement de s?abstenir de condamner cette dimension des choses mais �galement de chercher � la minorer par de faux-fuyants.

En outre, je tiens � le dire solennellement, je tiens � rendre hommage aux 40 policiers pr�sents ce jour-l� et non pas dix comme on a pu le lire dans la presse, pour leur sang-froid, leur sens des responsabilit�s et leur souci de prot�ger la vie humaine dans la gestion de ces �v�nements.

Les fum�es �paisses d�gag�es notamment par des mat�riaux ignifug�s ont incommod� 17 retenus qui ont �t� imm�diatement conduit � l?H�tel Dieu, apr�s avoir �t� examin� par le S.A.M.U. L?autorit� m�dicale que j?ai rencontr�e � plusieurs reprises sur place m?a tr�s vite rassur� sur leur �tat de sant�. Tous sont sortis le soir ou le lendemain matin.

Troisi�mement, le respect de la dignit� des retenus.

Les agents publics, Madame, ne m�ritent pas la caricature. On ne saurait leur faire le double grief de ne pas avoir emp�ch� l?incendie et d?�tre intervenus pour mettre fin aux troubles foment�s par quelques meneurs.

Non, ils n?ont pas parqu� les retenus. Les retenus ont �t� regroup�s dans la cour puisque, s?agissant de retenus, il �tait difficile de les laisser partir.

Les retenus, � ma demande et nous y avons veill� avant de partir, se sont vus servir un plateau repas. Ils ont �t� transf�r�s vers d?autres centres de r�tention, en T.G.V. notamment pour ce qui concerne les retenus qui sont all�s � N�mes.

Vous vous �tonnez de la pr�sence possible d?allumettes ou de briquets. Je vous rappelle que le droit autorise les retenus � recevoir des visites et qu?il n?est ni possible ni souhaitable de pratiquer une fouille � corps � chaque visite.

Je rappelle d?ailleurs au passage que les centres de r�tention, et c?est heureux, ne sont pas des prisons. C?est la raison pour laquelle il y a acc�s au t�l�phone, possibilit� de communication, possibilit� de visite et aussi, ce qui est assez peu souvent signal�, la possibilit� de partir volontairement quand on n?a pas le droit d?�tre sur le territoire fran�ais. La diff�rence entre Fresnes et le centre de r�tention c?est qu?on peut partir librement de ce dernier, c?est peut-�tre na�f de le dire, cependant cela m�rite d?�tre signal�.

Il existe une zone fumeur avec des allume-cigares �lectriques, mais j?imagine que vous ne m?invitez pas � priver les retenus de la libert� de fumer.

Je tenais � pr�ciser les choses. Je sais qu?il y a des positions qui peuvent �tre prises et des d�bats politiques dans notre pays.

Mais s?agissant de la gestion de cet �v�nement, je crois que les forces de Police ont fait leur travail, bien que confront�es � des jets de projectiles qui auraient pu �videmment �tre tr�s dangereux. Par ailleurs, tous les retenus ont �t� retrouv�s et identifi�s puisque m�me si � un moment donn� nous avons parl� d?une dizaine de retenus qui n?avaient pas pu �tre recens�s, le dernier d?entre eux qui �tait enregistr� sous une fausse identit� � l?H�tel Dieu.

Les principes qui guident la raison, le droit et la justice d�finissent que l?engagement de la responsabilit� ne saurait intervenir que sur la base de m�canismes d?imputation clairs, v�rifiables et attribuables � une ou plusieurs personnes d�sign�es.

Je trouve sage de s?en tenir � ces principes �prouv�s.

(Applaudissements sur les bancs des groupes U.M.P.P.A. et Centre et Ind�pendants).

M. LE MAIRE DE PARIS. - Mme BOISTARD va ajouter quelques mots au nom de l?Ex�cutif.

Mme Pascale BOISTARD, adjointe. - Merci, Monsieur le Maire.

L?incendie du centre de r�tention de Vincennes est malheureusement le r�sultat d?une politique de l?immigration bas�e uniquement sur des objectifs chiffr�s sans aucune prise en compte de la question humaine, comme vous l?avez dit, Madame BECKER.

La surpopulation de ces centres et les conditions de plus en plus difficiles pour celles et ceux qui sont retenus m�nent aujourd?hui � cette situation explosive.

Ces personnes retenues ne sont pas des criminels, elles sont dans une situation administrative non conforme. Alors m�me qu?aujourd?hui, dans le cadre de la pr�sidence fran�aise europ�enne, le Ministre de l?Immigration et de l?Identit� nationale pr�sente devant les autres pays europ�ens le pacte de l?immigration, un rapport de la commission Mazeaud sur les quotas d?immigration, pierre angulaire de ce pacte, d�clare que celui-ci est, je cite : ?Sans utilit� r�elle en mati�re d?immigration de travail et inefficace contre l?immigration irr�guli�re.?

Ce rapport pr�conise d?ailleurs une meilleure concertation plut�t que des recettes radicales purement nationales ou des rem�des spectaculaires mais illusoires.

De plus la directive europ�enne visant � prolonger la r�tention � 18 mois plut�t que 32 jours actuellement en France contribue aussi � accentuer ce climat de tension.

La question que nous devons nous poser aujourd?hui est la suivante : Une soci�t� qui accepte que des �tres humains soient ainsi trait�s sur son sol n?est-elle pas finalement pr�te � l?accepter aussi vis-�-vis de ses propres concitoyens ? Ces hommes et ces femmes venus l�galement ou ill�galement en France ont le droit au respect, ils ont le droit de conserver leur dignit� et d?�tre tout simplement consid�r�s avec humanit�.

Il en va de m�me pour toutes celles et ceux, �lus et citoyens, qui oeuvrent pour faire respecter leurs droits.

M. LE MAIRE DE PARIS. - Je vous remercie.

Juillet 2008
Débat
Conseil municipal
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