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V - Question d'actualité posée par le groupe Ecologiste de Paris à Mme la Maire de Paris relative aux évolutions budgétaires et des emplois de la Ville de Paris. VII - Question d'actualité posée par Mme SIMONNET à Mme la Maire de Paris relative à la suppression de la taxe d'habitation et à la baisse des dotations de l'Etat.


Mme LA MAIRE DE PARIS. - Nous avons � pr�sent deux questions d'actualit� que je vous propose de regrouper en laissant � chaque orateur le soin de les poser, mais elles appellent une r�ponse qui sera port�e par Bruno JULLIARD et qui peut �tre conjointe.

Il s'agit de la question d'actualit� n� 5 d�pos�e par M. Yves CONTASSOT et le groupe Ecologiste de Paris, et la question d'actualit� n� 7 d�pos�e par Mme SIMONNET. Nous allons traiter ces deux questions maintenant. Tout d'abord, Monsieur CONTASSOT.

M. Yves CONTASSOT. - Merci, Madame la Maire. Le nouveau Pr�sident de la R�publique, lors de sa campagne, a annonc� qu'il entendait peser fortement sur le budget des collectivit�s locales pour r�duire le d�ficit de la France. Il a notamment expliqu� qu'il souhaitait une r�duction tr�s importante du nombre de fonctionnaires au sein de la fonction publique territoriale, et qu'il envisageait d'en faire un point d'arbitrage lors de la d�termination du montant de la dotation globale de fonctionnement, la fameuse D.G.F. Autrement dit, soit les collectivit�s locales acceptent de r�duire leurs effectifs, soit Bercy diminuera la D.G.F. pour les y contraindre. Outre que cela met � mal l'article 72 de la Constitution, qui indique que les collectivit�s locales s'administrent librement, cela traduit �galement une volont� de recentralisation assez contradictoire avec tout le processus de d�centralisation entam� depuis de nombreuses ann�es. Or, si l'on regarde l'�volution de la D.G.F. vers�e � Paris au cours des derni�res ann�es, on constate qu'elle a �t� divis�e par un peu plus de 2, passant de 1,335 milliard d'euros � 651 millions d'euros en 7 ans. Dans le m�me temps, la p�r�quation est pass�e de 86 millions d'euros � 546 millions d'euros. Si l'on prolonge cette tendance en int�grant le projet de M. MACRON et si l'on y ajoute la suppression de la taxe d'habitation, on voit que Paris pourrait payer plus qu'elle ne re�oit de l'�tat d�s l'ann�e prochaine. Une telle �ventualit� se traduira in�vitablement par une remise en cause des projets que nous avons port�s collectivement devant les Parisiennes et Parisiens en 2014. En effet, une baisse des effectifs pour maintenir la D.G.F. ou une baisse de la D.G.F. pour maintenir les effectifs ne permettrait plus d'assurer l'ensemble des services et prestations pour la population de Paris. Certes, des arbitrages seront possibles. Vous savez que nous estimons certaines d�penses inopportunes comme celles relatives aux Jeux olympiques ou � certains �quipements sportifs somptuaires. Malgr� tout, cela ne suffirait pas, et sauf augmentation de la fiscalit� directe, nous ne voyons pas comment maintenir notre engagement commun. Dans cette hypoth�se de baisse des moyens de la Ville, pourriez-vous nous dire, Madame la Maire, quelles seraient vos priorit�s, les secteurs qui seraient sanctuaris�s et ceux qui seraient susceptibles d'�tre les plus impact�s. Par ailleurs, pour �viter d'en arriver l�, qu'entendez-vous faire pour vous opposer � cette vision jacobine et r�trograde�? Envisagez-vous, si cela �tait mis en ?uvre, de contester une telle d�cision devant les instances juridiques ad hoc, �ventuellement le Conseil constitutionnel ? Madame la Maire, pouvez-vous aussi prendre l'initiative d'une action collective des responsables de collectivit�s territoriales contre un tel projet�? Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci.

Madame SIMONNET, vous avez la parole.

Mme Danielle SIMONNET. - Madame la Maire, je vous remercie.

Nous posons finalement la m�me question avec M. CONTASSOT. Le nouveau Pr�sident de la R�publique, Emmanuel MACRON, s'est engag� � supprimer la taxe d'habitation, et de fait aussi � poursuivre les politiques d'aust�rit� puisqu'il s'engage � �tre le meilleur �l�ve de la r�gle d'or dans son engagement � bien suivre les injonctions de Bruxelles et ses politiques n�olib�rales.

La taxe d'habitation, d'ailleurs plus encore la T.V.A., est par ailleurs un imp�t socialement totalement injuste qu'il conviendrait plut�t de totalement repenser, puisque la taxe d'habitation n'est pas assise sur une prise en compte de la progressivit� du revenu, qui est au contraire notre conception profond�ment r�publicaine de la contribution de toutes et tous au financement des politiques r�pondant � l'int�r�t g�n�ral.

Par ailleurs, la taxe d'habitation est l'une des principales sources de financement des collectivit�s locales. Le co�t de cette mesure est �valu� � 10 milliards d'euros par an.

M. Emmanuel MACRON, bien �videmment, s'est toutefois engag� � ce que les communes ne soient pas p�nalis�es et a promis que l'Etat rembourserait � l'euro pr�s le manque � gagner. N�anmoins, mes chers coll�gues, souvenons-nous lors du transfert de comp�tences sous le Gouvernement Raffarin, si je ne m'abuse, il y avait bien, � ce moment-l�, un engagement au centime pr�s � transf�rer les moyens de l'Etat, notamment en ce qui concerne le transfert de la gestion du R.S.A. Finalement, on sait tr�s bien ce qu'il en a �t� par la suite�: le transfert de moyens n'a absolument pas suivi le transfert de comp�tences.

D'ailleurs, c'est l� que la Ville de Paris avait commenc�, sous M. DELANO�, � comptabiliser la dette de l'Etat due aux Parisiennes et Parisiens, dette, h�las je rappelle, qui a �t� effac�e � partir du moment o� Fran�ois HOLLANDE a succ�d� � Nicolas SARKOZY.

Donc, c'est �trange, c'est fou comme des ardoises tout d'un coup s'effacent�!

D'ores et d�j�, la baisse des dotations de l'Etat aux collectivit�s, notamment la collectivit� parisienne, conduit � une asphyxie budg�taire. Alors, Paris arrive mieux � supporter car n�anmoins Paris a des recettes assez cons�quentes, mais celles-ci vont en partie �tre coup�es de fait avec cette prise de d�cision sur la taxe d'habitation.

Alors moi, je ne perds pas espoir. Je pense que M. MACRON n'aura pas la majorit� � l'Assembl�e nationale. Je pense qu'il n'y a pas de majorit� politique dans le pays pour suivre l'orientation de M. MACRON. Il y aura une majorit� alternative anti-aust�rit� qui pourra tr�s bien �merger � l'Assembl�e nationale en juin prochain.

N�anmoins, Madame la Maire, j'aimerais que vous nous disiez non pas comment vous allez vous soumettre, car il y a dans les deux questions de M. CONTASSOT une version tr�s d�faitiste, mais souhaitez-vous, comptez-vous et cette Assembl�e compte-t-elle, si cette orientation devenait majoritaire, s'opposer fortement � la baisse des dotations de l'Etat et � la suppression de la taxe d'habitation ou, au contraire, exiger une r�volution fiscale qui permette d'organiser une redistribution des richesses et qui permette aux collectivit�s de d�fendre leur politique en r�ponse � l'int�r�t g�n�ral, social et �cologique.

Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci pour ces deux questions.

La parole est � M. Bruno JULLIARD pour vous r�pondre.

M. Bruno JULLIARD, premier adjoint. - Merci pour ces deux questions qui nous permettent d'aborder un sujet essentiel car il met en lumi�re notre capacit� � agir concr�tement dans nos territoires, et �videmment � Paris.

S'agissant de la taxe d'habitation, bien s�r, il nous faut poser la question l�gitime de sa justesse, de la d�su�tude des bases de la valeur locative des logements �tablies, je le rappelle, il y a plusieurs d�cennies, ou encore de la difficult� de nos concitoyens � en saisir les fondements.

Ces interrogations sont d'ailleurs si l�gitimes que Paris n'a pas attendu cette campagne pr�sidentielle pour y apporter les premi�res r�ponses puisque notre Commune all�ge d�j� tr�s substantiellement la taxe d'habitation des foyers les plus modestes, � travers le m�canisme d'abattement. Ainsi 140.000 m�nages ne sont pas assujettis � la taxe d'habitation � Paris, soit environ deux fois plus que le nombre de m�nages exon�r�s du seul fait des dispositions nationales. Il s'agit d'un marqueur fort de justice sociale et fiscale port� par notre majorit�.

Au-del� de cette approche purement budg�taire, m�me si la suppression �ventuelle de cette taxe d'habitation �tait compens�e � l'euro pr�s par l'Etat, ce qui, soit dit en passant, serait �videmment non n�gociable, nous ne serions pas favorables en tout �tat de cause � une recentralisation particuli�rement anachronique pour Paris, au regard des conqu�tes r�centes sur le statut de notre Commune et du r�tablissement de notre Municipalit� dans ses pleins droits.

La taxe d'habitation � Paris repr�sente 25�% de nos recettes de fiscalit� directe locale. Cela reviendrait donc � priver notre collectivit� de son principal levier fiscal, outil majeur d'une politique ambitieuse. D'ailleurs, ce qui est vrai � Paris est vrai pour l'immense majorit� des communes de France.

Le d�bat n'est pas seulement pour ou contre la taxe d'habitation, ou m�me son exon�ration pour une partie de la population, mais c'est bien une remise � plat de la fiscalit� directe et indirecte qui est imp�rative. Dans une approche conforme � l'h�ritage des Lumi�res, l'imp�t est n�cessaire, il est m�me l�gitime, il est le socle de notre communaut�, garant de la solidarit� nationale, mais il doit �tre juste et proportionn�.

Ce qui importe au final, c'est de pr�server notre capacit� collective, l'Etat bien s�r, mais aussi les collectivit�s r�unies avec l'Etat, � investir dans l'avenir. Il ne s'agit pas, dans le d�bat qui s'ouvre, de s'en remettre aux seuls experts fiscalistes, mais bien de restituer ses enjeux profond�ment citoyens. Comment �voluer vers un syst�me fiscal plus juste, plus progressif, permettant de financer nos politiques publiques b�n�ficiant � l'ensemble de nos concitoyens et des territoires�?

Alors il reviendra � Paris de d�fendre, dans les �changes � venir, trois principes majeurs�: d'abord, r�tablir un imp�t juste - il ne suffit pas que la recette fiscale soit compens�e, il faut qu'elle le soit sans cr�er ou augmenter de nouveaux pr�l�vements tout aussi injustes. Si on maintient au final le m�me niveau de pr�l�vements obligatoires pour les Fran�ais en supprimant la taxe d'habitation, on aura � la fois une recentralisation et, en m�me temps, un maintien de pr�l�vements non progressifs. Le deuxi�me principe est de garantir la libert� et l'autonomie d'administration de Paris. Nous d�fendrons, avec des maires de gauche comme de droite, ce principe. Le troisi�me objectif, cher � Yves CONTASSOT et � toute la majorit� bien s�r, le c?ur de notre engagement�: toute r�forme fiscale devra �tre compatible avec la mise en ?uvre des priorit�s choisies par les Parisiens et port�es par cet Ex�cutif en mati�re de logement social, de petite enfance, d'innovation, de lutte contre la pollution, de reconqu�te de l'espace public. A ce stade, nous souhaitons garder ces priorit�s et nous souhaitons toutes les garder. Bien s�r, nous g�rerons cette ville avec s�rieux et ambition comme nous le faisons depuis plusieurs ann�es maintenant. Mais nous refusons, � cette �tape, cette fatalit� qui verrait une poursuite des baisses de dotation qui sont � la fois inefficaces mais aussi injustes. Alors, la suppression de cette taxe d'habitation n'est � ce stade qu'une proposition. Il serait pr�matur� d'adopter des postures p�remptoires ou encore mena�antes. Il appartiendra au nouveau Pr�sident de la R�publique de travailler avec les maires de gauche et les maires de droite qui administrent nos territoires, nos communes, premier �chelon d�mocratique et, de loin, le plus respect� de nos concitoyens. Nous sommes disponibles pour engager ce travail. Paris fera entendre sa voix, ses exigences de justice sociale, fiscale, territoriale dans ce dialogue n�cessaire. Nous le ferons avec les maires des grandes villes, de l'ensemble des villes de France, des grandes collectivit�s ou encore dans le cadre du Comit� des finances locales que la Maire de Paris a r�cemment int�gr�. Notre �tat d'esprit, et c'est vrai sur ce sujet comme sur tous les autres, sera un �tat d'esprit constructif et exigeant.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup, Bruno JULLIARD. Des demandes d'intervention�?

M. Yves CONTASSOT. - L'essentiel n'est pas la taxe d'habitation.

L'essentiel est beaucoup plus le chantage � la D.G.F. et � la baisse des effectifs. C'est cela qui nous para�t le plus dangereux. Sur la taxe d'habitation, vous l'avez dit, Paris fait d�j� beaucoup, et l'Etat s'engage, au moins en th�orie, � compenser pour la premi�re ann�e, puisque que, pour les ann�es suivantes, il est dit que ce serait aux contribuables de verser au pot pour tenir compte des �volutions. Ce qui est d�j� en soi assez �tonnant, puisque c'est assez contraire � la tradition en la mati�re.

Mais le plus inqui�tant, c'est cette volont� qui est que c'est Bercy qui d�cidera des politiques men�es dans les collectivit�s territoriales � travers le chantage � la D.G.F. C'est le changement radical dans la libre administration des collectivit�s territoriales et l�, je pense qu'il faudra utiliser tous les moyens, vous les avez �voqu�s � travers l'A.M.F. et bien d'autres, pour dire "non, nous ne voulons pas revenir sur une trentaine d?ann�es de d�centralisation, nous voulons m�me absolument amplifier ce mouvement pour que les collectivit�s locales puissent, puisqu'elles sont �lues directement par les citoyens, appliquer les programmes sur lesquels leurs �lus ont �t� �lus". Merci.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Madame SIMONNET, souhaitez-vous reprendre la parole�?

Mme Danielle SIMONNET. - Non, �coutez, je pense que c'est aux mois qui vont venir, la fa�on dont les uns et les autres d�fendront, feront campagne aussi sur le terrain aupr�s des �lectrices et des �lecteurs et, c'est � l'issue de cette s�quence l�gislative que nous verrons ce que valent les engagements oraux ici des uns et des autres.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Pour ce qui nous concerne, la boussole est claire. L'engagement que nous avons pris aupr�s des Parisiens, en mars 2014, est d�mocratiquement sacr�, c'est un point essentiel. Deuxi�mement, bien s�r, nous verrons en fonction de ce qui sera propos�, comment, avec les autres maires, les autres collectivit�s, nous travaillerons pour faire en sorte que nos collectivit�s soient dans l'autonomie qui est celle qui nous est garantie par la Constitution.

Je ne pars jamais avec des "a priori" n�gatifs, c'est aussi � nous d'engager cette discussion, en fonction de la r�alit� qui sera celle � laquelle nous devrons r�pondre, mais avec une boussole tr�s claire�: les engagements que nous avons pris devant les Parisiennes et Parisiens sont vraiment pour nous la boussole, en tous les cas pour moi, la boussole qui doit guider notre action, comme cela a toujours �t� le cas, notamment au cours de ces trois derni�res ann�es.

Mai 2017
Débat
Conseil municipal
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