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Vœu déposé par le groupe UMP relatif à l'exposition Exhibit B.


Mme Alexandra CORDEBARD, adjointe, pr�sidente. - Nous allons maintenant passer � l'examen du v?u r�f�renc� n��86, d�pos� par le groupe UMP, relatif � l'exposition "Exhibit B". La parole est � Mme Anne-Constance ONGHENA. Est-ce qu?elle est l�?

Mme Anne-Constance ONGHENA. - Oui, je suis l�? je n'ai pas boug� depuis plusieurs heures.

Mme Alexandra CORDEBARD, adjointe, pr�sidente. - Je vous entendais tout � l?heure, en effet. Je vous �coute.

Mme Anne-Constance ONGHENA. - Oui, si tout le monde veut bien se taire, je prendrai la parole.

Mme Alexandra CORDEBARD, adjointe, pr�sidente. - Il faut s?appliquer � soi-m�me les consignes qu?on donne aux autres, mais je vous �coute avec plaisir.

Mme Anne-Constance ONGHENA. - Je suis tr�s sage, vous savez. Madame le Maire, le "104" - beaucoup plus s�rieusement parce que le sujet est �minemment important - est un �tablissement culturel financ� sur fonds publics, notamment ceux de la Ville de Paris, et il programme dans les prochaines semaines une exposition d'un artiste Sud-africain. Cette exposition - vous l'avez dit - s'appelle "Exhibit B". Elle vise � mettre en sc�ne des acteurs qui sont statiques, qui sont de couleur noire et qui sont immobiles dans des positions d�gradantes. On peut ainsi voir, dans une cage, une femme aux seins nus, en costume tribal�; dans la cage � c�t�, une autre femme encha�n�e par le cou, avec une cha�ne. L'auteur affirme vouloir d�noncer le racisme ordinaire. Or, il ne nous semble pas que l'esclavage soit du racisme ordinaire. J'ai bien entendu vos r�flexions en conseil d'arrondissement et en commission, � tour de r�le autour du th�me "Il est interdit d'interdire" ou encore "L'importance de la libert� artistique". Nous ne souhaitons pas revenir sur la libert� artistique, mais plut�t r�fl�chir ensemble sur ce qu'il est bon et sur ce qui doit �tre financ�, ou non, avec des fonds publics et, � plus forte raison, en p�riode de r�duction des budgets. Exhiber des corps supplici�s pour permettre de r�fl�chir, est inacceptable. Ce n'est pas notre conception de l'art. Nous n'imaginons pas, ici, dans cette Assembl�e, mettre en sc�ne des figurants sur le m�me principe pour d�noncer le viol ou le meurtre. Exhiber des personnes de couleur dans un quartier multi-ethnique, comme l?est le quartier qui h�berge le "104", pour r�fl�chir soi-disant sur le racisme, rel�ve du mauvais go�t, voire de la provocation. Avez-vous demand� aux habitants du quartier ce qu'ils pensent de cette id�e de pr�senter des personnes en situation humiliante ou d�gradante pour r�fl�chir au racisme�? C'est une question de choix politique dont il est question aujourd'hui. Souhaitez-vous, sur fonds publics, financer une exposition dans un quartier multi-ethnique en difficult� qui exhibe et humilie des personnes de couleur pour d�noncer les plus mauvaises pages de notre histoire�? Dans les quartiers populaires, la vie est difficile. Les habitants ont besoin de rep�res. Ils ont besoin de valeurs. Paris ne peut pas humilier, Paris ne peut pas diviser, Paris doit rassembler. En cons�quence, je vous demande de bien vouloir intervenir pour que cette exposition choquante soit d�programm�e.

Mme Alexandra CORDEBARD, adjointe, pr�sidente. - Merci, Madame ONGHENA. La parole est � M. JULLIARD, pour vous r�pondre.

M. Bruno JULLIARD, premier adjoint. - Madame la Maire, je suis tr�s surpris que ce v?u puisse atterrir jusqu'� notre Conseil. Lorsqu'il est apparu en 2e Commission, j'ai pens� que ce n'�tait que l?incons�quence d'une ou deux �lues du Conseil de Paris. Malheureusement, ce v?u est repris ici en Conseil de Paris par la totalit� du groupe UMP. Je suis m�me encore plus surpris de vos applaudissements � la fin de l?intervention qui vient d'avoir lieu. Le spectacle donc vous parlez tourne depuis quatre ans sans le moindre probl�me jusqu'� l'annulation r�cente et regrettable au Barbican Center de Londres. Il a �t� vu par plus de 25.000 personnes au festival d'Avignon, � Vienne, � Hanovre, � Bruxelles, en Afrique du Sud, en passant d?ailleurs d�j� par "Le 104" l'hiver dernier, sans que cela ne soul�ve le moindre d�bat, � part peut-�tre quelques bonnes critiques. Quelques bonnes critiques dans Lib�ration et m�me, rendez-vous compte, dans Le Figaro�! D'ailleurs, l'ann�e derni�re, au "104", le spectacle �tait programm� en partenariat avec la CIMADE dans le cadre d'un festival qui s'appelle "Migrant?sc�ne" et un certain nombre de rencontres et de d�bats avaient �galement �t� organis�s avec le metteur en sc�ne. "Exhibit B" est une performance qui d�nonce le racisme, en repr�sentant des actes commis en Afrique � l'�poque coloniale et envers des immigr�s africains en Europe aujourd'hui. Il n'y a absolument aucun doute - aucun doute�! - sur les intentions du metteur en sc�ne. Pour reprendre les mots des directeurs de th��tre qui ont programm� ce spectacle dans diff�rents pays et qui ont r�pondu par une lettre � ceux qui lancent les p�titions, je les cite�: "Tout le monde peut protester contre une ?uvre d'art qui provoque, d�fie et invite � la r�flexion et au dialogue". Mais refuser cette ?uvre, c'est refuser d'ouvrir les yeux sur la r�alit� du colonialisme et de l'histoire mais aussi du racisme et des discriminations encore si violentes aujourd'hui. C?est renoncer � soigner le mal en le cachant sous le tapis. Car combien d'?uvres faudrait-il supprimer du regard des jeunes et moins jeunes, en fonction, d'ailleurs, je le d�couvre en �coutant votre intervention, des lieux d'habitation�? Ainsi, certains quartiers populaires ne seraient pas suffisamment �duqu�s pour comprendre un certain nombre d'?uvres�! Non, ce n'est pas notre vision de la culture. Ainsi, il ne faudrait pas que, dans certains quartiers de Paris, il y ait dans les biblioth�ques municipales un certain nombre d'ouvrages, comme "Mon ami Fr�d�ric" qui parle de la Shoah. Ainsi, il ne faudrait pas que des films soient diffus�s dans certaines salles de cin�ma, comme "La liste de Schindler". Ainsi, des artistes comme Steven COHEN d'Afrique du Sud, qui travaille? Non, l?amalgame, il ne vient pas de moi, Monsieur�! ? qui travaille sur la Shoah, ne pourrait pas non plus travailler � Paris et se produire � Paris. Ce v?u demande, et je conclus, Madame la Maire? Ce v?u demande la d�programmation d'une ?uvre et cela s'apparente � de la censure.

Mme Alexandra CORDEBARD, adjointe, pr�sidente. - Laissez r�pondre M. JULLIARD.

M. Bruno JULLIARD, premier adjoint. - Il n'y a pas d'autres mots et c'est de la censure. Et ce n'est pas acceptable dans une ville d�mocratique comme Paris.

Mme Alexandra CORDEBARD, adjointe, pr�sidente. - Merci, Monsieur JULLIARD. L?art a toujours fait d�bat et c'est une bonne chose. Maintenant, nous allons passer au vote. Une explication de vote est demand�e par Mme Fanny GAILLANNE, du groupe Communiste. Je vais donc lui donner la parole.

Mme Fanny GAILLANNE. - Merci, Madame la Maire. Cette performance met en sc�ne des com�diens et des com�diennes d�nud�s, silencieux, immobiles, dans des positions d�gradantes, selon certains t�moignages. Je n'ai personnellement pas vu l'exposition de mes propres yeux. Certains verront dans cette performance provocante un moyen de d�noncer les d�rives racistes d?hier et celles qui persistent toujours dans notre soci�t�, et d'autres y verront une mise en sc�ne obsc�ne qui n'apporte rien au combat que souhaite porter le metteur en sc�ne Brett BAILEY. Je le rappelle ici�: un combat de d�nonciation des barbarismes du colonialisme. Nous pensons cependant qu'une exposition de ce type doit �tre accompagn�e d'une m�diation autour de l'histoire coloniale, du racisme, et ce, pour ne pas tomber dans un voyeurisme d�plac�. Ce partenariat avec la CIMADE dans cette performance va dans ce sens. En effet, la CIMADE, comme vous le savez, est une association de solidarit� active avec les �trangers. Elle a pour but de manifester une solidarit� active avec ceux qui souffrent, qui sont opprim�s et exploit�s, et d'assurer leur d�fense. Dans le m�me sens, l'Observatoire de la libert� de la cr�ation de la Ligue des droits de l'Homme s'est aussi saisi de ce sujet et a d�cid� d'intervenir autour de cette exposition, de produire du d�bat et d'emp�cher sa censure. Nous ne sommes pas favorables � une d�programmation comme elle est appel�e dans le v?u de l'UMP, d'autant plus que la premi�re chose que fait l'UMP quand il r�cup�re une ville, c?est de d�programmer les politiques culturelles. Censurer la cr�ation, c?est limiter la libert�. Le respect de la libert� d?expression et de cr�ation est essentiel pour la d�mocratie. Merci.

Mme Alexandra CORDEBARD, adjointe, pr�sidente. - Merci, Madame GAILLANNE. Exceptionnellement? Monsieur BOURNAZEL�! Exceptionnellement, Madame ONGHENA, pour une minute maximum.

Mme Anne-Constance ONGHENA. - Je ne vais pas tenir le micro pendant une minute�: je vais dire deux choses. Je pense que M. JULLIARD s'est un peu enflamm� en lisant son papier qu'il avait pr�par� et qu'il a lu sans tenir compte de ce que j'ai pu dire. Je ferai une phrase de conclusion�: je note que vous privil�giez l'art au respect de l'�tre humain et je ne suis pas plus raciste que vous, Monsieur�!

Mme Alexandra CORDEBARD, adjointe, pr�sidente. - Merci beaucoup pour l'ensemble de ces �clairages. Nous allons maintenant passer au vote. Je mets aux voix, � main lev�e, la proposition de v?u d�pos�e par le groupe UMP, assortie d'un avis d�favorable de l'Ex�cutif. Qui est pour�? Contre�? Abstentions�? Abstention du groupe UDI. La proposition de v?u est repouss�e.

Novembre 2014
Débat
Conseil municipal
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