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2006, Vœu déposé par le groupe socialiste et radical de gauche relatif à la pose d’une plaque commémorative en souvenir de la mort de Malik Oussekine, le 6 décembre 1986.


M. Eric FERRAND, adjoint, pr�sident. - Nous passons � l?examen du v?u r�f�renc� n� 40 dans le fascicule, d�pos� par le groupe socialiste.

Monsieur ASSOULINE, vous avez la parole.

M. David ASSOULINE. - Merci, Monsieur le Pr�sident.

Au moment de vous pr�senter ce v?u au nom du groupe socialiste et apparent�s, avec Patrick BLOCHE et Alain MORELL, des images me reviennent : des jeunes massivement dans la rue, des mon�mes de jeunes, en nombre jamais �gal� dans l?Histoire de France, faisant la f�te dans les rues de Paris, bon enfant, criant parfois � l?approche de cordons de C.R.S. dans les rues : ?C.R.S. avec nous, vos enfants sont dans la rue !?.

C?�tait il y a 20 ans. Pas d?acte de violence, pas de bande de jeunes venant ?d�pouiller? d?autres jeunes dans la rue, ce n?�tait pas l?�poque. C?�tait il y a 20 ans. Beaucoup de joie, parfois quelques incidents aux abords des rues, des militants du G.U.D., cherchant ici ou l� le coup de poing mais vite neutralis�s. Cela ne marquait pas, ces moments-l�.

Et puis, subitement, brutalement, accompagnant un non cat�gorique du Ministre de l?Education nationale de l?�poque, Ren� MONORY, la r�pression, des charges brutales, des tirs de grenades lacrymog�nes � flux tendu, des bless�s graves, des m�mes effray�s puis r�volt�s mais sans qu?� aucun moment leur r�volte, malgr� leur nombre, ne se transforme en violence. On ne r�pondait pas � la violence par la violence.

Puis une nuit, celle du 5 au 6 d�cembre 1986, apr�s une �vacuation de la Sorbonne et alors que tout �tait calme, minuit, 1 heure du matin, des pelotons voltigeurs motoris�s d�boulent dans les rues du Quartier latin, pas loin d?ici. La cible, bien entendu : tout se qui ressemble � un jeune. Malik est l�, il n?a rien � voir avec l?occupation pr�c�dente de la Sorbonne, il finit sa soir�e comme beaucoup de jeunes au Quartier latin. Pris en chasse, il se r�fugie dans une cage d?immeuble de la rue Monsieur-Le-Prince. Les policiers laissent leurs motos, entrent dans la cage d?escalier. Malik se prot�ge, se terre. Ils le frappent jusqu?� le laisser inanim�. On constatera sa mort plus tard � l?h�-pital.

Au petit matin, quand la sonnerie du t�l�phone me r�veilla pour m?annoncer cette nouvelle, j?allai vite sur les lieux, accabl�, charg� de responsabilit�. Je me souviens qu?aux m�dias pr�sents, je n?avais qu?une phrase que je disais d?une fa�on un peu h�b�t�e : ?Ils sont devenus fous?. J?appelai aussi � se recueillir dans le calme, ne pas r�pondre � la violence par la violence. Une seule phrase guidait les centaines de milliers de jeunes qui allaient r�pondre � cette mort : ?Plus jamais �a?.

En proposant 20 ans apr�s d?apposer une plaque � la m�moire de Malik, personnellement, mais je sais que, pour beaucoup ici, ce sera le cas, je fais un acte de fid�lit�, de devoir aussi envers un jeune qui devrait �tre aujourd?hui parmi nous, envers sa famille, envers toute une g�n�ration qui fut profond�ment marqu�e par ce gigantesque mouvement de jeunes de novembre-d�cembre 1986.

Malgr� ce moment qui reste dans la m�moire de cette g�n�ration comme un grand moment de rencontre, de f�te et d?engagement, il nous est rest�, il leur est rest� � tous cette amertume et cette dette parce que Malik y est rest�.

Il s?agit donc tout simplement d?un acte de m�moire et de justice que notre groupe propose de faire � cette Assembl�e, en demandant au Maire de Paris de proposer un projet de d�lib�ration dans un Conseil prochain pour qu?une plaque soit pos�e rue Monsieur-Le-Prince en la m�moire de Malik Oussekine. C?est tout, point. Sans pol�mique, sans besoin de raviver autre chose que sa m�moire.

M. Eric FERRAND, adjoint, pr�sident. - Merci, Monsieur ASSOULINE.

Madame MAZETIER, vous avez la parole pour lui r�pondre.

Melle Sandrine MAZETIER, adjointe. - En cet automne 1986, c?�tait d�j� l?hiver et, pourtant, au c?ur de cet hiver, a fleuri un mouvement �tudiant. Une mobilisation contre le projet dit DEVAQUET, du nom de son auteur que cette Assembl�e a compt� dans ses rangs, un projet d?embl�e rejet� par la Conf�rence des pr�sidents d?universit�, par le Conseil national de l?�ducation, de l?enseignement sup�rieur et de la recherche, critiqu� par le Conseil �conomique et social, un projet qui soul�ve la jeunesse.

L?appel � tous les �tudiants de France lanc� le 22 novembre � l?amphi Richelieu de la Sorbonne est massivement suivi d?effet. Cinq jours plus tard, lors d?une premi�re manifestation, le 27 novembre, appelant au retrait de ce projet, 500.000 �tudiants � Paris et quasiment autant en province d�filent dans la bonne humeur.

Une deuxi�me manifestation le 4 d�cembre voit ce nombre augmenter puisque 1 million d?�tudiants et lyc�ens � Paris d�filent et des centaines de milliers en province. Toujours dans la bonne humeur. C?est un cort�ge, comme l?a rappel� David ASSOULINE, immense, joyeux, interminable, au point que les premiers manifestants sont arriv�s depuis longtemps aux Invalides quand la fin du cort�ge n?a toujours pas d�marr�. Et les manifestants, loin des slogans de 1968 de leurs parents, s?adressent effectivement aux C.R.S. gentiment, na�vement, en disant : ?C.R.S. avec nous, vos enfants sont dans la rue?.

Par contre, la dislocation du cort�ge aux Invalides se d�roule dans des conditions dramatiques. Des dizaines de manifestants seront bless�s dans les charges des C.R.S. d?une rare violence. L?utilisation de grenades lacrymog�nes � tir tendu fait des bless�s graves dont Fran�ois RIGAL et J�r�me DUVAL qui resteront mutil�s � vie. Et d�s cette soir�e du 4 d�cembre, la fra�cheur et la na�vet� qui caract�risent ce mouvement laissent place � la stup�faction et � la col�re. Et le lendemain soir, aux alentours de la Sorbonne, des brigades de voltigeurs - un nom qui reste de sinistre m�moire - s?emploient, selon des m�thodes qui semblaient vraiment d?un autre �ge, � nettoyer - certains diraient ?karcheriser? - le Quartier latin. N?importe quels passants, clients de restaurants du boulevard Saint-Michel risquent des coups de matraque qui pleuvent sans raison et sans discernement. La terreur casqu�e envahit les rues et Malik Oussekine, �tudiant de Dauphine qui �tait l�, presque par hasard, mourra � la suite des coups re�us rue Monsieur-le-Prince.

Cette nuit-l�, notre printemps en hiver s?est soudain fig� sous le gel. Notre g�n�ration n?�tait pas pr�te � tant de violence, notre mouvement festif et d�sordonn� ne pouvait imaginer affronter une telle incompr�hension du Gouvernement, une telle brutalit� d?Etat, probablement un sympt�me du sida mental qui, selon un �ditorialiste du Figaro, nous caract�risait.

Avec la mort de Malik Oussekine, nous avons vieilli d?un coup. Nous avons douloureusement exp�riment� les cons�quences de discours irresponsables tenus au sommet de l?Etat, au Minist�re de l?int�rieur, � l?Education Nationale. Nous avons brutalement pris conscience de la violence dont pouvait faire preuve un Gouvernement autiste � sa jeunesse. Alors pour qu?effectivement ne se produise ?plus jamais �a?, nous pensons qu?en m�moire de Malik Oussekine, il faut rappeler ces �v�nements rue Monsieur-le-Prince.

J?�mets donc un avis favorable � ce voeu.

(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et radical de gauche, communiste, du Mouvement r�publicain et citoyen et ?Les Verts?).

M. Eric FERRAND, adjoint, pr�sident. - Merci, Madame MAZETIER.

Je mets donc aux voix, � main lev�e, ce v?u assorti d?un avis favorable de l?Ex�cutif.

Qui est pour ?

Qui est contre ?

Abstentions ?

Le voeu est adopt�. (2006, V. 322).

Septembre 2006
Débat
Conseil municipal
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