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Vœu déposé par le groupe “Les Verts” relatif à “l’autre 8 mai 45”.


M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - Nous passons maintenant � l?examen du v?u r�f�renc� n� 60 dans le fascicule, relatif � ?l?autre 8 mai 45?, d�pos� par le groupe ?Les Verts?.

Madame NENNER, vous avez la parole.

Melle Charlotte NENNER. - Le 8 mai 1945 marque la capitulation de l?Allemagne nazie. Au m�me moment, l?Alg�rie allait conna�tre un des �v�nements les plus sanglants de son histoire. Au matin du 8 mai 1945, des milliers d?Alg�riens se sont rassembl�s dans les rues de S�tif afin de d�poser une gerbe au pied du monument aux morts et revendiquer le droit � l?ind�pendance qui leur avait �t� promise pendant la guerre. Le sous-pr�fet de la ville, ne pouvant s?opposer � cette c�l�bration, a n�anmoins interdit le port de toute arme et de banni�re revendiquant l?ind�pendance de l?Alg�rie.

Dans le cort�ge, un jeune homme brandit un drapeau alg�rien. Refusant de le baisser, il est alors abattu comme le sera le maire de S�tif qui tente de s?interposer. Dans la panique, une fusillade �clate qui fait 27 victimes �galement du c�t� fran�ais. L?insurrection s?�tend rapidement dans tout le Constantinois et fait 103 morts et 110 bless�s parmi les colons europ�ens. La r�action de la France ne se fait pas attendre et, d�s le 10 mai, prend la forme d?une r�pression d?une extr�me brutalit�, hors de toute proportion. Men�e par le g�n�ral Duval, engageant l?aviation et la marine, l?arm�e coloniale fusille, bombarde, ex�cute.

La r�pression durera six longues semaines pendant lesquelles l?arm�e, rejointe par les colons ultras fera preuve d?une rare violence notamment � Guelma et Kherrata. En quelques semaines, des milliers d?Alg�riens seront tu�s. Ce drame est pass� quasiment inaper�u de l?opinion m�tropolitaine, � l?exception notable d?Albert Camus, alors directeur de ?Combat?, qui, dans un article du 15 mai, adjure la presse fran�aise � ?refuser les appels inconsid�r�s � une r�pression aveugle? et d�nonce le ?sauvage massacre? du Constantinois. Il aura fallu ensuite attendre pr�s de 60 ans pour que la France, par l?interm�diaire de son ambassadeur d?Alg�rie, M. Hubert Colin de Verdi�re, en visite officielle � S�tif, �voque cette trag�die inexcusable et reconnaisse sa responsabilit� dans ce massacre.

Je finirai en citant Sadri Khiari, militant actif des luttes de l?immigration et des mouvements antiracistes : ?Les descendants d?esclaves et de colonis�s partagent la m�me m�moire des atrocit�s coloniales. La n�gation de celles-ci continue de les exclure d?un ?vivre-ensemble? en France. L?h�ritage commun des luttes anticoloniales et antiracistes reconstruit cette histoire bris�e ; il permet de cr�er un lien positif qui comble le vide des m�moires, re-signifie les trag�dies pass�es et pr�sentes, constitue un nouveau point d?appui pour �tre pr�sent dans le temps pr�sent, pour se prot�ger dans l?avenir?.

Nous nous inscrivons pleinement dans ces propos et nous pensons qu?il convient de poser les jalons d?une histoire commune dans toutes ces contradictions, en �vitant absolument la concurrence des m�moires. C?est pourquoi nous proposons qu?une plaque comm�morant, expliquant les �v�nements, soit install�e rue du 8 mai 1945, dans le 10e, en concertation avec les associations locales et nationales impliqu�es sur ces probl�matiques.

M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - La parole est � Mme CHRISTIENNE.

Mme Odette CHRISTIENNE, adjointe. - Le m�me groupe a d�j� d�pos� un v?u concernant cet hommage aux victimes des massacres de S�tif et de Guelma lors de la s�ance du 20 et du 21 octobre 2003. Ce v?u n?avait pas �t� adopt�. Le v?u examin� aujourd?hui appelle la m�me r�ponse. En effet, si l?�criture de l?histoire est difficile et si nous ne pouvons pas nous souvenir exclusivement des moments glorieux comme la victoire sur le nazisme que nous comm�morons chaque 8 mai, Paris ne peut cependant, comme je le soulignais il y a deux ans dans cette enceinte, rappeler ou comm�morer toutes les pages douloureuses qui ont jalonn� la guerre d?Alg�rie, tous faits, tous �v�nements qui ne se sont pas d�roul�s dans la Capitale.

S?agissant de l?histoire de Paris, les �v�nements douloureux que certains d?entre nous ont v�cu, en particulier ceux li�s aux conflits d?Afrique du nord, le maire a tenu � ce que rien ne soit occult�. La Municipalit� a ainsi rendu hommage aux victimes des �v�nements qui ont ensanglant� Paris le 17 octobre 1961 et le 8 f�vrier 1962.

La date du 8 mai rappelle la victoire sur la barbarie nazie et a une valeur symbolique et p�dagogique unique qu?il est essentiel de pr�server et � laquelle les Fran�ais sont unanimement attach�s.

L?apposition d?une plaque comm�morative rappelant d?autres �v�nements, � proximit� d?une voie ou d?une plaque �voquant la victoire sur le nazisme, brouillerait le message v�hicul� par cette date, en particulier aux yeux des jeunes g�n�rations qui est, � mes yeux aussi, exceptionnel et sp�cifique que l?a �t� la barbarie nazie. Un tel brouillage ne pourrait que d�boucher sur des amalgames susceptibles d?exacerber la guerre des m�moires et aller � contresens de notre volont� de construire par del� nos diff�rences un avenir commun et fraternel transcendant nos d�chirements pass�s.

C?est donc un avis n�gatif.

M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - Je vais mettre aux voix ce v?u?

M. Jean VUILLERMOZ. - Le v?u est-il retir� ou pas ?

M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. Apparemment, non.

Madame NENNER, il n?est pas retir� ?

Melle Charlotte NENNER. - Non, il n?est pas retir�.

M. Jean VUILLERMOZ. - Deux choses sont tr�s importantes, Odette CHRISTIENNE les a rappel�es. Il y a �videmment le fait qu?il y ait eu un massacre � S�tif et que ce massacre existe dans l?histoire de France et qu?� un moment donn�, il est logique que le peuple de Paris et, plus largement d?ailleurs en soit inform� alors que ces crimes ont �t� pendant tr�s longtemps cach�s. C?est la premi�re chose.

Mais la deuxi�me chose c?est �videmment qu?on ne peut pas �tre favorable au v?u tel qu?il est d�pos� ici puisque l?objectif n?est pas de confondre ce qui s?est pass� en France ce 8 mai 45 et, en m�me temps, ce qui s?est pass� � S�tif. C?est pour cela qu?il me semblait utile que l?on puisse en m�me temps r�fl�chir � la possibilit� � Paris d?avoir quelque chose qui rappelle cet �v�nement et, en m�me temps, ne pas faire en sorte qu?il y ait un amalgame, une confusion entre les deux �v�nements qui sont importants et qui se sont produits ce m�me jour.

M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - Monsieur BLOCHE, vous avez la parole.

M. Patrick BLOCHE. - Je rebondis sur l?intervention de Jean VUILLERMOZ, que je partage totalement, et sur le d�but de son intervention qui �tait une interpellation sur le retrait ou non du v?u. Je ne vais pas redire ce qu?a dit Jean : nous n?avons pas de m�moire s�lective, et les �lus socialistes, comme les autres �lus de la majorit� municipale, peut-�tre m�me de l?opposition, ne sauraient oublier les �v�nements qui se sont produits � S�tif le 8 mai 1945.

Il reste que le v?u, par sa r�daction, par l?intention qu?il porte, traduit une ambigu�t� et viserait quelque part � d�tourner non pas l?histoire, mais la comm�moration et le souvenir du 8 mai 1945 pour un autre objet.

En l?occurrence, parce que ce v?u est ambigu, parce que ce v?u, loin d?apporter la clart� dans la m�moire historique, entretient une certaine confusion, et compte tenu de la d�marche, dont nous comprenons le sens, des �lus Verts, je pense, compte tenu de ce que nous disons les uns et les autres, que les �lus Verts pourraient sans peine retirer leur v?u, car les �lus socialistes voteraient contre, mais avec un grand regret, puisque l?objectif poursuivi en termes de m�moire historique, nous le partageons totalement.

Avec un simple d�tail : le 8 mai 1945, il s?est surtout pass� des choses � Berlin plus qu?en France.

M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - Oui, Madame NENNER, vous voulez ajouter quelque chose ?

Melle Charlotte NENNER. - Nous allons maintenir ce v?u parce qu?il nous semble important aussi de traduire cette ambivalence. Les �v�nements de S�tif ont d�marr� aussi le 8 mai 1945. C?est important.

Par contre, nous retenons la proposition des groupes majoritaires de travailler ensemble sur une fa�on de comm�morer cet �v�nement. Mais nous pensons qu?il est quand m�me important que ce type de plaque soit aussi rue du 8 mai 1945.

M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - Monsieur GOUJON, vous avez la parole.

M. Philippe GOUJON. - Je partage �videmment l?avis de l?Ex�cutif. En plus, on ne saurait assimiler la victoire, finalement, sur la barbarie nazie des alli�s, et de tous les alli�s, � cet �v�nement qui est d?une nature totalement diff�rente. Si on souhaite comm�morer, ce que je comprends parfaitement, tous les massacres qui ont eu lieu en Alg�rie pendant cette p�riode extraordinairement douloureuse pour notre histoire, je pense que c?est un peu r�ducteur ; on pourrait �voquer les Harkis.

Voil� la raison pour laquelle nous voterons, bien s�r, contre ce v?u.

M. Christophe CARESCHE, adjoint, pr�sident. - Merci.

Je mets aux voix, � main lev�e, la proposition de v?u d�pos�e par le groupe ?Les Verts, assortie d?un avis d�favorable de l?Ex�cutif.

Qui est pour ?

Contre ?

Abstentions ?

La proposition de v?u est repouss�e.

Mai 2006
Débat
Conseil municipal
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