Vœu déposé par le groupe Démocrates et Progressistes relatif à la situation des personnes sans abri. Vœu déposé par l'Exécutif.
M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Nous en arrivons aux v?ux référencés n° 214 et n° 214 bis. Donc, là, il y a eu un petit travail de l?Exécutif relatif à la situation des personnes sans abri.
C?est Fadila MÉHAL qui le présente.
Mme Fadila MÉHAL. - Monsieur le Maire, chers collègues, elle s?appelait Christelle, elle avait 49 ans, elle venait de Bretagne. Tous les soirs, adossée au mur de la mairie du 18e arrondissement, elle s?endormait sur son matelas de fortune. Elle avait élu domicile dans la rue, et après 5 ans d?errance, elle s?est éteinte, tout doucement, au début du jour, dans un sommeil sans âge, sans bruit, minée par le froid et la maladie. Sa mort a créé un vif émoi et un élan de compassion exceptionnelle dans le 18e arrondissement. Car elle était aimée, appréciée, respectée de tous. Elle était le visage féminin de la rue. La mort de Christelle, c?est le résultat d?une politique publique qui atteint sa limite et ses points aveugles.
Car, malgré l?effort constant de réinsertion, les aides à l?hébergement produites par la mairie du 18e arrondissement et les travailleurs sociaux, Christelle est morte. Aujourd?hui, en tant qu?élue du 18e arrondissement, je suis, comme beaucoup, terrassée par cette question lancinante : est-ce que tout a bien été fait pour éviter cette fin tragique ? Etait-elle si inéluctable ? Certains s?interrogent. Peut-on accepter que malgré le maillage construit patiemment autour d?elle depuis 5 ans, a subsisté cette zone de risque qui permet à certaines personnes sans abri de s?y engouffrer et surtout d?en mourir ?
Mon v?u de ce soir est dédié à tous ces S.D.F. Je pense aux 280 femmes qui, entre 2013 et 2018, sont mortes en France et pour lesquelles nous avons échoué collectivement. Alors, ma question est simple. Il ne s?agit pas de porter des responsabilités, ni de parler d?hébergement parce que l?hébergement a eu lieu. Christelle a été hébergée plus d?une fois dans des logements tout à fait adaptés.
Mais je pense qu?il est temps maintenant de mettre en place une commission de suivi pour réfléchir aux mesures d?accompagnement individualisé, je dirais presque "innovant", à mettre en place en faveur de ces personnes sans domicile fixe ayant connu et bénéficié de cet hébergement, mais qui, malheureusement, sont retournées à la rue. Ces mesures permettant, de mon point de vue, d?éviter la récidive et surtout, cette mort annoncée.
Je vous remercie.
M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci, Fadila MÉHAL.
Je donne la parole à Mme Dominique VERSINI, pour vous répondre et présenter, de fait, le v?u n° 214 bis de l?Exécutif.
Mme Dominique VERSINI, adjointe. - Merci, Monsieur le Maire.
Mes chers collègues, chère Fadila MÉHAL, je connaissais aussi Christelle, Madame la Conseillère de Paris. J?ai d?ailleurs une photo d?elle dans mon bureau parce que j?avais fait une maraude et elle avait fait partie des personnes très suivies par l?association A.D.S.F, l?association "Agir pour le Développement de la Santé des Femmes", qui l?accompagnait, qui essayait de lui proposer des solutions, qu?elle acceptait ou qu?elle n?acceptait pas. Elle avait seulement 46 ans. C?est quelque chose qui m?a autant bouleversée que vous. Vous le savez, depuis 1993, date de la création du Samu social de Paris, mon engagement permanent et constant a été pour les personnes les plus exclues, les grands exclus, ceux qui restent un mystère pour nous, car ils n?acceptent pas forcément les modes de vie que nous leur proposons. Donc, c?est tout l?objet du travail que nous avons mené pendant près de 6 ans avec l?ensemble des acteurs de terrain.
Je crois que, face à la mort de Christelle, aucun acteur n?a eu l?idée de pointer les pouvoirs publics ou de nous accuser les uns ou les autres d?être passés à côté de quelque chose parce que tout le monde était là. Et lorsqu?il y a eu la grande période de canicule au mois d?août, j?étais avec l?A.D.S.F. dans le 18e arrondissement et j?ai vu Christelle. Elle a refusé, alors qu?il faisait une chaleur intenable pour nous, toute aide, tout abri, toute solution. Donc, je sais très bien de qui vous parlez. Ces personnes en situation de grande exclusion restent une grande préoccupation. C?est pour ces femmes, mais elle ne l?avait pas voulu, que nous avons créé la halte dans l?Hôtel de Ville, la halte dans le 13e arrondissement avec l?Armée du salut et l?A.D.S.F, et ce dont j?ai parlé tout à l?heure, la Cité des Dames.
Il va y avoir bientôt, et vous en serez heureuse, et je remercie le maire du 18e arrondissement, une halte pour les femmes au c?ur de la mairie du 18e arrondissement d?une quinzaine de places qui seront gérées par "Emmaüs Solidarité", qui travaillera justement avec les maraudes comme l?A.D.S.F., mais aussi les autres maraudes pour que, lorsqu?une personne accepte ou a envie de venir, il y ait une place tout de suite, et effectivement, il faut des lieux adaptés. C?est pour cela que l?on va de plus en plus vers un réseau de lieux adaptés pour les femmes, parce que des femmes comme Christelle n?aimaient pas aller dans les centres d?hébergement mixtes, ce qui est le cas de la plupart des centres à Paris, dans les bains-douches mixtes aussi. C?est pour cela que l?on développe des haltes pour les femmes. Je pense que c?est une bonne nouvelle que de pouvoir avoir cette halte dans le 18e arrondissement, et j?en remercie le maire du 18e.
Tout cela pour vous dire que, si vous en êtes d?accord, je vous propose de voter le v?u de l?Exécutif et de retirer votre v?u. Faute de quoi, j?émettrai un avis défavorable.
M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci, Dominique VERSINI.
Fadila MÉHAL, est-ce que vous acceptez la proposition de Dominique VERSINI ?
Mme Fadila MÉHAL. - Je ne retire pas mon v?u parce que le v?u de l'Exécutif ne répond pas à la question. Bien évidemment, je vais soutenir le v?u de l?Exécutif, mais ma question était une question qui n?est pas de cet ordre-là. C?est comment, aujourd?hui, devant cette vacuité à répondre à la globalité d?une réinsertion, qu?est-ce qu?il est possible ? C?est pour cela que je proposais un comité de suivi extrêmement nouveau et qui permettrait de répondre à nos questions.
M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - On avait bien compris, Madame MÉHAL.
Le v?u n° 214 n?est pas retiré. Avis défavorable de l?Exécutif.
Je mets donc aux voix, à main levée, la proposition de v?u déposée par le groupe Démocrates et Progressistes, assortie d'un avis favorable de l'Exécutif.
Qui est pour ? Contre ? Abstentions ?
La proposition de v?u est repoussée.
Je mets maintenant aux voix, à main levée, le projet de v?u déposé par l'Exécutif. Qui est pour ? Contre ? Abstentions ?
Le projet de v?u est adopté. (2019, V. 590).