(La séance
, suspendue le mardi 10 décembre 2019 à vingt-et-une heures dix minutes, est reprise le mercredi 11 décembre 2019 à neuf heures cinq minutes, sous la présidence de M. Jean-Bernard BROS, adjoint).
M. Jean-Bernard BROS, adjoint, président.- Mesdames et Messieurs le Conseillers de Paris, merci de nous avoir rejoints. 2019 DU 250 - Site de la Poterne des Peupliers, 10, place Hrant-Dink (13e). - Signature d?un protocole de vente. - Suite de l?appel à projets urbains innovants "Réinventer Paris".
M. Jean-Bernard BROS, adjoint, président.- Nous commençons l?examen de nos travaux par le projet de délibération DU 250 et l?amendement technique n° 96 déposé par l?Exécutif. Il s?agit du site de la Poterne des Peupliers. La parole est à Mme SIMONNET.
Mme Danielle SIMONNET.- J?aurais bien aimé, pour vous réveiller, vous chanter une petite chanson, "Maison Borniol, maison Borniol?" Je ne sais pas si vous connaissez cette chanson d?Hubert-Félix THIÉFAINE. Borniol fait partie de l?historique des services funéraires à la Ville de Paris et "Maison Borniol" est une chanson assez sombre et morbide sur les soldes et le marché de la mort.
Finalement, dans ce projet de délibération de la Poterne des Peupliers, c?est de cela dont il s?agit. On pourrait croire qu?il s?agit d?autre chose, mais non, il s?agit du "business" de la mort. Mais d?un "business" de la mort bien particulier qui montre aussi la démission totale de la pensée urbanistique de la Ville.
Normalement, le rôle des élus que nous sommes devrait être de se dire : quels sont les besoins de la ville non satisfaits ? On pourrait d?ailleurs assumer de les co-définir avec les habitants et les habitantes, nous dire où satisfaire ces besoins ou bien quels sont les projets sur ces territoires que nous pouvons co-construire, co-élaborer.
Au lieu de cela, avec les dispositifs "Réinventer Paris", on dit aux intérêts privés : allez-y, amusez-vous, proposez-nous ce que vous voulez sur cette parcelle-là et éventuellement nous déciderons que vous en disposerez. Il n?y aura pas d?appel à concurrence, il n?y aura pas de démarche réellement démocratique. Le Conseil de Paris d?ailleurs et les élus seront réduits finalement au rôle, en fin de course, de valider, d?apporter le petit vote à la fin qui fait que tout est terminé.
Sur ce site de la Poterne des Peupliers, dans le 13e arrondissement, nous avons un site pour lequel une entreprise privée, un investisseur qui est la Compagnie de Phalsbourg va définir le projet lui-même et sans nous. Il va décider qu?il y aura dans cet endroit de la logistique urbaine, un funérarium et des bureaux. Pourquoi pas ? Mais avons-nous décidé si nous souhaitions ces équipements ?
Prenons le problème à l?envers. Je suis persuadée qu?un funérarium répond certainement à un besoin et qu?il y a un manque de funérariums. Qu?aurait dû faire la Ville ? La Ville aurait dû réfléchir alors à un funérarium supplémentaire. Est-ce dans le 13e ou ailleurs ? Où est le besoin ? La Ville de Paris aurait dû décréter de créer un funérarium public, d?abord et avant tout. Là, on est finalement dans une situation pire que ce qui a été voté pour le crématorium du Père-Lachaise et le crématorium de Pantin ; ce qui était déjà un scandale et je peux vous dire que je n?ai pas croisé une seule personne, dans le 20e arrondissement et ailleurs dans Paris, qui trouve cela une bonne idée que vous ayez décidé de privatiser le crématorium du Père-Lachaise.
Ah ! Je sais, pour vous ce n?est pas une privatisation, c?est une délégation de service public. Mais n?empêche que pour trente ans, c?est "Funecap" qui fera des bénéfices sur le dos des femmes et des hommes de Paris, lorsqu?on les accompagne dans leurs derniers jours.
Si la Ville de Paris avait décidé qu?il y avait besoin d?un funérarium, elle aurait créé un équipement public. A ce moment-là, nous aurions eu un débat sur le mode de gestion de cet équipement en marché, en délégation ou en régie directe. Là, on n?en débattra pas. Je ne sais même pas si d?autres collègues sont inscrits après moi, vu que ceux qui étaient avant moi se sont désinscrits, considérant finalement que ce n?était pas très problématique. Je parlais notamment pour Claire de CLERMONT-TONNERRE qui s?est désinscrite et M. Philippe GOUJON qui s?est désinscrit.
Alors c?est "Funecap", qui exploite déjà le crématorium du Père-Lachaise et le futur crématorium de Pantin, qui va donc s?occuper du funérarium et qui aura ses locaux à cet endroit.
Eh bien, je regrette, mes chers collègues, mais j?estime que ce n?est pas comme cela que nous devons penser la ville. La ville et la politique urbaine doivent être co-élaborées avec les élus, avec l?administration et avec les habitants. Ce n?est pas aux intérêts privés, à 100 % privés, de décréter les usages de la ville et surtout de décider que ces usages de la ville seront finalement une source de bénéfices pour ces intérêts privés.
Voilà pourquoi bien évidemment je voterai contre ce projet de délibération.
M. Jean-Bernard BROS, adjoint, président.- Merci, Madame SIMONNET, d?avoir respecté votre temps de parole. Pour vous répondre, la parole est à M. Jean-Louis MISSIKA.
M. Jean-Louis MISSIKA, adjoint.- Madame SIMONNET, vous avez une manière de réécrire l?histoire qui est assez troublante. Quand vous dites que c?est du gré à gré, qu?il n?y a pas de mise en concurrence, etc., le premier "Réinventer Paris" a suscité, de mémoire, 879 manifestations d?intérêt et plus de 300 projets. Je ne me souviens pas combien ont été en compétition sur le site de la Poterne des Peupliers, mais il y en avait plus d?une dizaine et, à la fin, le jury a eu à choisir entre quatre propositions.
Donc dire que la Ville se désintéresse et confie au privé, de façon aveugle, le soin de développer un projet sur une parcelle, c?est purement et simplement mentir. C?est du mensonge. Ce qui est vrai, c?est que nous avons inventé une nouvelle façon de dialoguer avec le secteur privé. Naturellement, vous ne voulez aucun dialogue avec le secteur privé, vous ne voulez aucune?
Madame, je ne vous ai pas interrompue.
Vous ne voulez aucune conversation. Vous considérez que c?est le diable, que c?est l?ennemi absolu. Donc vous rêvez d?une ville ou d?un pays où le secteur privé serait purement et simplement interdit et où tout serait public. Mais nous connaissons ce modèle économique et politique. Il a déjà été pratiqué dans de nombreux pays et on sait exactement à quoi cela aboutit. Donc franchement, ce que vous nous proposez?
D?autre part, il y a quelque chose d?absolument insultant, pour tous les hommes et toutes les femmes qui travaillent dans le secteur privé, que de croire qu?ils n?ont aucune créativité, aucun intérêt pour l?intérêt général, aucune volonté de participer à la fabrique de la ville. Mais c?est honteux de penser cela. Honteux !
Vraiment, je commence à en avoir ras la casquette de vos interventions parce qu?elles disent toujours la même chose. Je suis désolé de vous dire, Madame SIMONNET, que vous ne pensez pas la ville parce que votre idéologie vous empêche de la penser. C?est là le problème !
Donc j?invite tous mes collègues à voter unanimement ce projet de délibération qui est très intéressant parce qu?il montre la qualité de la méthodologie que nous avons mise en place avec "Réinventer Paris". Je le dis, jamais, jamais, dans le modèle que vous proposez, c?est-à-dire la vente aux enchères des parcelles appartenant à la Ville, jamais un projet de funérarium n?aurait pu émerger. Je vous remercie.
M. Jean-Bernard BROS, adjoint, président.- Merci, Monsieur MISSIKA. M. le Maire du 13e arrondissement pour une explication de vote.
M. Jérôme COUMET, maire du 13e arrondissement.- Très rapidement car Jean-Louis MISSIKA a expliqué les choses très bien. Dans le 13e arrondissement, il y avait sept sites destinés aux opérations "Réinventer Paris". Là, on n?est pas dans la parcelle la plus simple, puisqu?on est à côté du périphérique, à côté du cimetière de Gentilly qui a son emprise de manière concomitante. Ce qui est intéressant justement, c?est qu?il n?y avait pas d?idée préconçue au point de départ. Il y a d?ailleurs des projets extrêmement différents et, au regard de la situation du site, a émergé cette proposition qui n?était pas inintéressante, parce qu?il y avait tout simplement l?analyse d?un besoin à Paris d?avoir des lieux de recueillement. On n?est pas là sur un service public spécifique mais plus sur quelque chose qui peut être utile à la ville et aux Parisiens. Tout simplement ce choix a été fait, donc je le respecte et je le dis d?autant plus que ce n?était pas le mien au moment du jury. Cependant je trouve intéressant de procéder ainsi, dans ce dialogue intelligent pour faire émerger des projets, qui ne sont pas basés sur la réception d?un certain nombre de budgets de la Ville de Paris mais au contraire sur l?intérêt des Parisiens. C?est pour cela que j?ai jugé évidemment toutes ces opérations "Réinventer Paris" tout à fait intéressantes. Je pense qu?il ne faut pas stigmatiser ce rapport entre le public et le privé que l?on essaie d?inscrire utilement et de manière intéressante au sein de la Ville de Paris.
M. Jean-Bernard BROS, adjoint, président.- Merci, Monsieur le Maire du 13e arrondissement.
Je mets aux voix, à main levée, l?amendement technique n° 96.
Qui est pour ?
Qui est contre ?
Qui s?abstient ?
L'amendement technique n° 96 est adopté.
Je mets aux voix, à main levée, le projet de délibération DU 250 ainsi amendé.
Qui est pour ?
Qui est contre ?
Qui s?abstient ?
Le projet de délibération amendé est adopté. (2019, DU 250).
Je vous remercie.