2019 DJS 50 - Subventions (57.500 euros) à 2 associations "E-sport Paris & Co" et "Pugilat des étoiles" dont une avec convention pluriannuelle d'objectifs.
M. Emmanuel GRÉGOIRE, premier adjoint, président. - Nous examinons le projet de délibération DJS 50 relatif à l'attribution d'ue subvention à deux associations "e-sport Paris&Co" et "Pugilat des étoiles".
La parole est à Mme Joëlle MOREL.
Mme Joëlle MOREL. - Encore une fois, le sujet de l'e-sport revient sur la table de nos débats. Rappelons-nous que déjà, en mars 2018, nous avions voté une subvention de 800.000 euros à "Paris&Co", pour l'aménagement de "Level 256", la plateforme de l'innovation dédiée à l'e-sport. Subvention massive, qui pourtant n'apparaît pas dans les annexes financières du présent projet de délibération, cela dit au passage.
À ce moment, nous avions déjà émis de grandes réticences à voir cette ligne budgétaire prise sur un projet parisianisé du budget participatif, dans le projet global du sport pour toutes et tous dans les quartiers populaires. Alors même que tous les autres projets englobés dans le projet global portaient sur des activités physiques.
Nous nous interrogions également sur la plus-value sociale de cet aménagement très coûteux pour la Ville, de son ouverture sur le public. Nous questionnions son ouverture au public associatif, nous doutions de la réussite de faire de ce centre e-sport une infrastructure avant tout tournée vers la pratique amateur et débutante.
Encore une fois, nous écologistes, nous ne dénonçons pas le développement et la volonté de l'Exécutif de développer la pratique de l'e-sport, cette pratique se développe, mais si nous faisons le choix, alors nous devons être très vigilants sur la mixité sociale et générationnelle. Et nous n'avons toujours pas de réalisation concrète, un an après l'ouverture de la structure, sur ce sujet.
À la lecture de l'exposé des motifs, on se dit, on encourage probablement l'accès aux associations à cette structure. Mais en réalité, la structure a pour objet l'accompagnement d'une vingtaine de "start-up" intégrées dans un espace dédié. Et la Ville de Paris apporte son soutien financier en lui accordant une aide de 50.000 euros. Avec ces 50.000 euros, la structure embauchera une personne qui ira chercher des capitaux privés, ceux des grandes marques de l'e-sport, pour permettre à cet incubateur de se développer.
Que reste-t-il pour l'encouragement d'une association amateur, qui s'appelle "Pugilat des étoiles", pour son programme d'activités extrascolaires pour les jeunes dès 12 ans, tous les mercredis après-midi ? Cet accompagnement à cette association a simplement un montant de 7.500 euros.
Alors, nous regrettons que l'objectif d'ouverture et de connexion de cette initiative aux quartiers passe en second. Nous maintenons qu'en matière d'e-sport, il est préférable de travailler bien davantage avec l'existant, les centres "Paris Anim'" par exemple, que les jeunes fréquentent déjà pour leur permettre de jouer, s'ils le souhaitent, d'autant plus quand on le voit, "Level 256" reste avant tout un lieu dédié à l'économie galopante de l'e-sport.
Pour ces raisons, nous voterons contre ce projet de délibération. Je vous remercie.
(M. Patrick BLOCHE, adjoint, remplace M. Emmanuel GRÉGOIRE au fauteuil de la présidence).
M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci, Joëlle MOREL.
La parole est à Danielle SIMONNET.
Mme Danielle SIMONNET. - J'en profite, avant d'intervenir sur le projet de délibération, pour vous rappeler qu'une fois dans ce Conseil, j'étais intervenue concernant les sociétés du jeu vidéo qui incarnent, pour M. Jean-Louis MISSIKA comme pour beaucoup d'autres élus, des secteurs très innovants, très créatifs. J'étais intervenue pour montrer qu'il y avait aussi une autre face cachée, pas si cachée que cela, où il y a beaucoup de problèmes de non-respect du Code du travail, de maltraitance des salariés, et je tiens à vous informer que j'avais relayé une bataille d'un de ces salariés de "Quantic Dream", qui vient de gagner son procès. Je commence comme cela, par une note positive, qui doit encourager les salariés du jeu vidéo à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Quand on se bat, oui, on peut gagner.
Concernant ce projet de délibération précis, il va offrir en deuxième cadeau de Noël, une petite rallonge supplémentaire de 50.000 euros à "Paris&Co", parce que c'est encore "Paris&Co" qui va récupérer, encore un petit cadeau, pour financer un projet de e-sport où on accompagne des "start-up". Franchement, c'est l'opacité la plus totale.
Le e-sport est une industrie qui génère énormément de revenus, principalement publicitaires, tout en reposant très largement sur le travail gratuit de nombre de bénévoles. Est-il réellement nécessaire d'attribuer 50.000 euros annuels supplémentaires à un tel projet ? Franchement, la question est légitime.
Ainsi, ce sont toujours des tournois sur des jeux de grandes plateformes industrielles de jeux vidéo. En avril déjà, on attribuait 800.000 euros à un projet de e-sport pour un équipement e-sport, qui était lui également assez contestable. L'année dernière, un mini-scandale avait fait beaucoup de remous lorsque Valérie PÉCRESSE avait alloué une énorme subvention de 200.000 euros, rien que cela, à une structure e-sport gérée en fait par "Webedia", un géant du web.fr, qui possède plusieurs des sites principaux de presse en jeux vidéo.
D'une manière générale, on peut se poser la question du bien-fondé de donner de l'argent public pour ce genre de projet, lorsqu'au final ce sont les sponsors et les régies publicitaires qui vont rafler la mise.
Il y a aussi la question du respect du droit du travail, car comme je vous le disais en préambule, le jeu vidéo est aussi un secteur dans lequel les gens sont extrêmement exploités et maltraités, avec des horaires et cadences de dingues, tout simplement intolérables.
Bref, c'est un exemple d'argent public que je souhaite que l'on questionne, parce qu'il est donné via des structures de type "Paris&Co" de manière totalement opaque, avec des projets qui mériteraient d'être bien plus creusés pour comprendre quelle est la réalité du lien social, des réseaux associatifs, du public qui va participer, dans quel objectif de construction de lien social et de renforcement du tissu associatif. Bref, attention à ces secteurs. Il ne s'agit pas d'être contre ces secteurs, mais quand il s'agit de secteurs qui se gèrent très bien du point de vue de l'industrie du jeu, laissons-les s?autogérer via l'industrie du jeu.
M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci, Danielle SIMONNET.
La parole est à Nicolas BONNET-OULALDJ.
M. Nicolas BONNET-OULALDJ. - Merci, Monsieur le Maire.
Tout d'abord, il faudrait que l'on s'entende sur la définition du e-sport, puisque c'est une discipline nouvelle. Derrière le e-sport, au début, j'avais compris "economic sport", c'est le sport où il y a le plus d'économie physique, c'est le sport où il y a le plus d'économie financière. Donc, j'ai cru que c'était cela. Non, on m'a dit que c'était électronique. Électronique, de suite j'ai pensé aux jeux vidéo.
La question qui nous est posée est donc : est-ce que les jeux vidéo, finalement, peuvent être une catégorie sportive en tant que telle, qui participe à l'émancipation humaine, qui participe au développement physique de la personne, qui participe à transmettre des valeurs, notamment des valeurs de partage, de solidarité, des valeurs comme on développe dans le sport, notamment la valeur de l'effort, etc. ?
Eh bien non, ce qu'on lit dans ce projet de délibération, c'est d'abord un rattachement à "Paris&Co", donc sur le volet du développement économique. C'est d'ailleurs à "Paris&Co" que la subvention est dédiée.
Vous connaissez notre position sur "Paris&Co" et sur les liens que la Ville entretient avec cette soi-disant association, mais je voudrais quand même ici rappeler son objet. Il s'agit de l'Agence de développement économique et d'innovation de Paris. Elle traite des thématiques de l'attractivité et de l'innovation, afin de promouvoir la création d'emplois, et puis Danielle SIMONNET l'a bien dit, il faut voir quel type d'emploi et de valeur économique à Paris. Donc, le sport comme l'e-sport est bien de l'économie sportive.
Après, nous sommes convaincus que cette pratique des jeux vidéo, si elle était encadrée et que les joueurs avaient conscience des risques de dépendance, d'isolement, de sédentarité, pourrait être encore utile. Sauf que nous sommes dans une société aujourd'hui où on nous dit qu'il faut lutter contre l'obésité, qu'il faut réduire le temps passé à l'exposition devant les écrans, qu'il faut faire décroître l'empreinte numérique sur les jeunes.
Il faudrait peut-être aussi se poser la question des critères sociaux et environnementaux quand on verse des subventions dans le développement économique.
Voilà plusieurs raisons qui nous amènent à voter contre ce projet de délibération. Je voudrais terminer en rappelant un chiffre. Selon le baromètre annuel du e-sport, la croissance sur les cinq dernières années du "business" du e-sport est de plus de 400 %. On comprend alors aisément l'intérêt des "start-up" et des grands groupes du secteur pour le développement de la pratique en réseau et en compétition, en passant par le prisme de "Paris&Co" pour développer le e-sport à Paris.
C'est plus une main sur le marché qu'une main vers l'encadrement de la pratique que vous tendez, et encore moins une main vers le domaine associatif.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, Monsieur le Maire, nous ne voterons pas ce projet de délibération. Nous incitons la Ville à réellement accompagner la pratique sportive, sans y voir forcément la poule aux ?ufs d'or.
M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci, Nicolas BONNET-OULALDJ.
Je donne la parole à Jean-François MARTINS, pour répondre aux orateurs.
M. Jean-François MARTINS, adjoint. - Merci, Monsieur le Maire. Merci aux intervenants.
Je veux bien que le sujet soit confus pour ceux qui découvrent la thématique. Il m'oblige donc à remettre, excusez la laïcité de cette Assemblée, l'église au milieu du village.
L'e-sport est à la fois une pratique de loisir compétitif, qu'on doit pouvoir rediscuter, et une industrie, Monsieur BONNET-OULALDJ, comme le sport, Nicolas, comme le sport, Madame SIMONNET. On pratique le sport de manière amateur, et on achète des chaussures à une industrie qui les fabrique.
Une chose après l'autre. On fera le débat sur l'e-sport et le sport sont compatibles. Ce n'est pas à moi de disserter sur le sexe des anges.
Je dis simplement que l'e-sport, comme le sport, est à la fois une pratique de loisir amateur et une industrie. Je ne vous ai pas entendus ici vous rouler par terre en disant : mon Dieu, nous avons une politique sportive ambitieuse pour les clubs amateurs, mais horreur, malheur, nous avons un incubateur dédié à l'économie du sport, qui s'appelle le Tremplin, qui incube des "start-up", pour que dans cette industrie du sport, qui produit, cher Nicolas, des objets fabriqués à Paris, dans la relocalisation d'emplois à Paris, la prospérité d'une filière d'industrie du sport à Paris, est une bonne chose. Elle crée des emplois. Elle nous permet de rester attractifs sur l'économie de l'innovation.
Au même titre, et alors ? Horreur, malheur. Qui est l'opérateur du Tremplin sur l'industrie du sport, ou du "Welcome City Lab" sur l'industrie du tourisme, ou du "Smartfood" sur l'industrie agroalimentaire ? Qui opère les incubateurs de la Ville de Paris ? Cela s'appelle "Paris&Co", votre agence de développement économique. Rien de neuf sous le soleil, les amis.
L'e-sport, comme le sport, comme le tourisme, comme la gastronomie, comme la santé, est une industrie florissante. Dans notre stratégie d'attractivité économique de transformation de l'économie parisienne vers l'économie de l'innovation, nous avons estimé qu'il était bien que les entrepreneurs parisiens puissent avoir un lieu pour créer des entreprises parisiennes et créer de l'emploi sur une industrie. Ça, c'est la partie "Paris&Co" sur l'e-sport. Et donc, ce que fait "Level 256", c'est d'être un incubateur. Comme d'autres nous avons à "Paris&Co".
Ensuite, il y a un deuxième sujet : la question de la pratique de l'e-sport. Je ne suis pas ministre des sports, je n'aspire pas à le devenir. Je ne suis pas le président du Comité international olympique, qui dit ce qui est sport et ce qui ne l'est pas.
Ce que je sais en revanche, c'est qu'aujourd'hui, 70.000 à 80.000 jeunes Parisiens de moins de 17 ans font du jeu vidéo de compétition. On a donc deux options face à cela. Ou on ne s'en préoccupe pas, on laisse faire, et vous savez à qui on va les laisser ces jeunes ? On va les laisser aux mains des éditeurs, aux mains du marché, aux mains de ceux qui précisément font de l'argent sur les joueurs.
Ou on considère que cette pratique qui concerne 70.000 jeunes Parisiens, on a intérêt et à structurer et à soutenir un milieu associatif amateur pour encadrer les pratiques, pour que les mercredis après-midi, quand les parents se disent : mince, mon enfant joue au jeu vidéo tout l'après-midi, plutôt que ce soit un motif d'inquiétude pour les parents, ces enfants qui aiment, ont cette passion, puissent aller le faire dans un club avec un éducateur.
Un éducateur qui garantit leur intégrité physique, fait de la prévention à l'addiction, et leur permet de progresser dans un cadre finalement qui est le même que celui du cadre sportif amateur désintéressé, pour la progression et l'intégrité morale et physique.
C'est cela que l'on est en train de faire sur l'e-sport. Aider un milieu qui a été monté par les éditeurs, mais qui aujourd'hui est une réalité sociale. Lui donner une pratique amateur digne de ce nom.
Madame MOREL, ne reprochez pas à "Level 256" de ne pas avoir encore ouvert la salle de pratique amateur, les travaux sont finis depuis la semaine dernière. Nous avons voté une subvention il y a à peu près un an. Le temps des marchés, etc., la salle ouvre la semaine prochaine à Soleillet, à côté de Gambetta. La salle de pratique amateur à Soleillet sera exclusivement dédiée aux associations, à un public associatif avec lequel nous travaillons, parmi lesquelles "Pugilat des étoiles", qui mène des projets éducatifs autour du jeu vidéo et permet précisément que des enfants loin, des enfants décrocheurs, on puisse les rattraper par la pratique du jeu vidéo qui les passionne, ou ce que l'on a fait pendant la finale mondiale de League of Legends, d'avoir "Silver Geek", association qui remet, grâce au jeu vidéo, l'activité physique sur les seniors de plus de 65 ans. On a un fait social réel sur le jeu vidéo, qui dépasse largement les jeunes, et sur lequel on doit être capable de prendre en compte la réalité. Il y a par ailleurs une étude de "France e-sport" sur la pratique du jeu vidéo en France et à Paris, qui démontre que les 70.000 Parisiens qui jouent à des jeux vidéo et ont des pratiques de jeux vidéo compétitives ont une pratique culturelle et sportive supérieure à la moyenne des internautes. Donc, pas de caricature sur le sujet d'une part, et d'autre part, ayons deux débats relativement distincts, l'industrie de l'e-sport comme un levier de croissance et de prospérité pour des entreprises parisiennes, pour cela nous faisons un incubateur ; et l'accompagnement associatif d'un tissu en train de se structurer, qui va donner à nos enfants des lieux sécurisés et sécurisants pour pratiquer leur passion. Ce n'est pas plus honteux, il n'y a pas plus d'activité physique dans le théâtre que dans le jeu vidéo, et pourtant on soutient le théâtre. Soutenons aussi... Je suis désolé, il n'y a pas plus d'activité physique pour un enfant passionné de lecture que pour un enfant passionné de jeux vidéo. Il faut que nous donnions le cadre pour que sa passion aussi légitime qu'une autre, puisse être faite dans un cadre éducatif et sécurisé. C'est le sens de l'action associative que nous menons.
M. Patrick BLOCHE, adjoint, président. - Merci. On se calme. On se calme.
Vu l'enjeu du projet de délibération, je pense que tout a été dit et que nous allons pouvoir nous prononcer dans la plus grande sérénité.
Je mets aux voix, à main levée, le projet de délibération DJS 50.
Je vous demande de vous exprimer le plus clairement possible, pour qu?il n'y ait pas... Merci, Monsieur le Président BONNET-OULALDJ, de vos excellents conseils. Je sais, je l'espère, présider une séance. Je vous demande de vous exprimer le plus clairement possible sur ce projet de délibération DJS 50. Qui est pour ? 17 Contre ? 19
Abstentions ?
Le projet de délibération est repoussé.