2019 DICOM 24 - Conventions de partenariat et de concession des droits de diffusion à l'occasion du spectacle du 31 décembre 2019.
M. Nicolas NORDMAN, adjoint, président. - Nous allons examiner maintenant le projet de délibération DICOM 24 relatif à des conventions de partenariat et de concession des droits de diffusion à l?occasion du spectacle du 31 décembre 2019.
Je donne la parole à M. Jean-Noël AQUA.
M. Jean-Noël AQUA. - Merci, Monsieur le Maire.
Mes chers collègues, les mêmes causes produisent les mêmes effets, et le physicien que je suis ne remettra pas en cause cette loi, une des rares lois que nous ayons en physique de façon assez fondamentale, pour le vote de la convention de partenariat pour le 31 décembre.
Une nouvelle fois, nous voterons contre ce projet de délibération. Je le dis et le redis ici, nous voulons engager la Ville dans une lutte locale contre l?évasion fiscale. C'est possible via nos partenariats. Envisageons une seconde que les collectivités territoriales, avec leurs milliards d'euros de budget, ne contractualisent plus avec des entreprises coupables ou adeptes de l'évasion fiscale, ce serait un formidable effet de levier, une "class action" active, pour lutter bien concrètement contre ce cancer financier qui étouffe financièrement les acteurs publics, et en particulier notre collectivité.
Il paraît désormais naturel, si vous me permettez, d?exclure le partenariat avec des grandes entreprises qui saccagent l'environnement, pour mettre une pression sur ces enjeux. OXFAM le demandait récemment pour les partenariats financiers. Cela peut avoir un réel effet en pénalisant fortement les entreprises aux mauvaises pratiques.
Nous utilisons l?effet de levier sur la commande publique, dans le cadre du C40, sur des enjeux écologiques. Utilisons la même idée sur l'évasion fiscale. Celle-ci doit être combattue et éradiquée avec une ardeur à la hauteur du scandale qu'elle représente. Alors, je le rappelle, en octobre dernier, nous avions voté contre le partenariat de la Ville avec L.V.M.H., pour "La Nuit blanche", au regard précisément de la lutte contre l'évasion et l'optimisation fiscale. Par ailleurs, nous avons gagné l?engagement de la Ville à ne plus passer par des partenariats financiers avec des institutions condamnées pour évasion fiscale. Et nous avons créé un précédent, notre Ville désormais n'émet plus d?obligations avec H.S.B.C., je le contrôle à chaque budget. Voilà donc un nouvel épisode avec le partenariat proposé, qui rejoint les deux épisodes précédents, puisqu?il s'agit d'une convention de partenariat pour le spectacle du 31 décembre, convention avec Christian Dior Couture, entreprise du groupe L.V.M.H., dont le président-directeur général, Bernard ARNAULT, use et abuse des mécanismes permettant d'éviter de payer l'impôt. Cela va de son projet, certes avorté, de changement de nationalité à ses nombreux actifs placés dans des paradis fiscaux. Bernard ARNAULT qui, jusqu'à la semaine dernière, n'avait pas publié les comptes sociaux de son entreprise, il avait oublié, beaucoup de personnes oublient beaucoup de choses en ce moment, contrairement à ses obligations légales. Il a fallu l'action résolue de lanceurs d?alertes et la détermination notamment de Fabien ROUSSEL, qui l'avait assigné en justice, pour que Bernard ARNAULT consente, il y a quelques jours, à publier enfin les comptes sociaux de L.V.M.H. De fait, une action politique déterminée peut contraindre certains acteurs privés peu scrupuleux à respecter leurs obligations légales et morales. C'est ce besoin de transparence et cette exigence que nous réaffirmons avec notre vote contre ce projet de délibération. Notre collectivité ne doit pas être une opportunité pour ces grands groupes de se racheter une image. Ce qui est désigné sous le terme de "mécénat" n?est en fait qu?une opération de communication qui vise à acheter un espace publicitaire, pendant une manifestation populaire, et à blanchir avant tout, bien sûr, son image : une nouvelle forme de blanchiment, si vous me permettez, de l'argent de la fraude fiscale.
On trouve annexée au projet de délibération, la charte de recours aux partenariats pour les événements organisés par la Ville de Paris. Cette charte précise que la Ville accorde une importance prioritaire à la recherche de partenariats avec des entreprises de commerce équitable. Le partenariat avec Dior Couture ne semble pas vraiment répondre à cette affirmation.
De fait, cette charte n'est plus à la hauteur des enjeux. Il convient de baisser la présence de la publicité dans notre ville, publicité qui est payée par les consommatrices et les consommateurs et qui engendre une surconsommation néfaste autant pour le climat que pour les salariés.
Sans ouvrir ici le débat de la révision du Règlement local de publicité, il me semble qu'il est possible a minima de se fixer une ligne de conduite excluant des partenariats entre la Ville et des entreprises condamnées, ou notoirement connues pour leurs pratiques de l?évasion fiscale.
Ainsi, nous demandons la révision de la charte des partenariats depuis plusieurs mois. Nous souhaitons avoir un cadre définissant ce que nous pourrions appeler des partenariats blancs. Nous avons voté, lundi, une budgétisation verte pour identifier ce qui est favorable à l?écologie dans notre budget. Nous voudrions avoir, de la même manière, des partenariats blancs, excluant les entreprises ayant des pratiques illégales. Nous pouvons tendre à l'extinction progressive de ces partenariats, mais nous estimons qu?en attendant, une telle charte est plus qu?urgente. Dans l'attente d'un cadre plus clair, nous voterons contre ce projet de délibération.
Je vous remercie.
M. Nicolas NORDMAN, adjoint, président. - Merci, Monsieur AQUA.
Je donne la parole à M. Jacques BOUTAULT.
M. Jacques BOUTAULT, maire du 2e arrondissement. - Monsieur le Maire, chers collègues.
J'ai déjà eu l'occasion, au nom du groupe Ecologiste, d'intervenir ce matin sur la question des festivités sur les Champs-Elysées, les illuminations sponsorisées par Ferrero, l'un des emblèmes de la malbouffe et de la déforestation des forêts primaires en Asie du Sud-Est. Et aussi Bernard ARNAULT, qui s'achète Tiffany, le bijoutier new-yorkais pour 35 milliards d'euros, paye peu d'impôts en France, cela a été dit, et apporte son obole de 100.000 euros à ce feu d?artifice du 31 décembre.
Je suis un peu étonné parce qu'il n'était pas de coutume, jusqu'à un passé récent, que la Ville de Paris organise un feu d?artifice, un spectacle pyrotechnique, le 31 décembre. On l'a fait, pour la première fois en 2015, pour faire plaisir aux touristes qui le réclamaient. Je ne suis pas sûr que cela concoure à l'attractivité touristique dans la ville, qui souffre surtout de l'hyper tourisme qui concoure à engendrer "Airbnb". Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.
Pour tous ces arguments, les Ecologistes ne voteront pas non plus ce projet de délibération. Nous souscrivons à la totalité des arguments que vient d'exposer mon collègue Jean-Noël AQUA. Même punition, nous ne voterons pas favorablement ce projet de délibération.
Je vous remercie.
M. Nicolas NORDMAN, adjoint, président. - Merci.
La parole est à Mme SIMONNET.
Mme Danielle SIMONNET. - Quel terrible cercle vicieux ! Parce qu?on se retrouve dans une situation où, du fait des baisses des dotations de l'Etat, on court après les mécénats, on court après les partenariats pour que les riches multimilliardaires et les riches patrons des grandes multinationales veuillent bien nous donner une obole pour financer des politiques publiques. Résultat : nous allons contribuer à faire la publicité, justement précisément, des "pros" de l'évasion fiscale qui contribuent à appauvrir l'Etat, argument pour lequel l'Etat justifie ensuite de la baisse des dotations aux collectivités. Quel cercle vicieux !
Est-ce que vous vous rendez compte qu?après le débat sur les illuminations des Champs-Elysées, où c?est le champion de la déforestation et de la malbouffe, comme disait Jacques BOUTAULT à l'instant, le groupe Ferrero Nutella, qui sponsorise les illuminations. Et bien maintenant, c'est Christian Dior qui sponsorise le feu d?artifice du 31 décembre 2019. Oui, Christian Dior, c'est L.V.M.H., c?est Bernard ARNAULT, merci patron, celui qui a 202 filiales off-shore, qui est le "pro" de l'évasion fiscale. C'est quand même un symbole terrible de l'appauvrissement de l'Etat. Cet homme-là, comprenez bien qu?il est responsable, à un moment donné, de la situation catastrophique de nos hôpitaux, de nos écoles, du manque de moyens de nos pompiers. Voilà la conséquence. Evidemment, les responsables premiers sont nos gouvernements qui sont incapables de lutter efficacement contre l'évasion fiscale. J'entends mes collègues qui disent "Oh ! Mais M. Bernard ARNAULT, c'est de l'emploi". Mais vous voulez rire ou quoi ? Vous voulez rire de la création de richesse ? Du vol de richesse, oui ! Combien Bernard ARNAULT a-t-il supprimé d'emplois ? Combien a-t-il supprimé d'emplois dans sa politique antisociale des entreprises qu'il a pu diriger ? Combien ? Le savez-vous ? Vous allez encore nous faire croire que c'est le sauveur de l'art contemporain ? C?est cela ? Alors que, par l?évasion fiscale, il a financé ses collections au mépris de l'intérêt général. Voilà ce que vous cautionnez, vous offrez une publicité à ceux qui sont des gangsters de l'évasion fiscale. C'est un pur scandale ! Surtout quand Christian Dior donne 100.000 euros, combien sont défiscalisés par la loi Aillagon ?
Je voterai contre ce projet de délibération, et cela ne vous honore pas d'avoir, comme simple vision de l'intérêt général, de vous mettre à plat ventre à remercier les géants de l'évasion fiscale.
M. Nicolas NORDMAN, adjoint, président. - Merci, Madame SIMONNET.
Pour vous répondre, je donne la parole à Karen TAÏEB.
Mme Karen TAÏEB, adjointe. - Bonjour à tous.
Je vais répondre aux questions qui sont rapportées en principe par mon collègue Frédéric HOCQUARD, qui ne pouvait être là ce matin.
En ce qui concerne cette convention de partenariat, comme l'année dernière, ce projet de délibération, présenté au Conseil de Paris, concerne à la fois une convention de partenariat et de concession des droits de diffusion, à l'occasion du spectacle du 31 décembre 2019.
Comme vous le savez, depuis trois ans, la Ville de Paris célèbre le passage à la nouvelle année, à travers un événement gratuit et populaire, combinant un son et lumière projeté sur l'Arc de Triomphe, puis un spectacle pyrotechnique ouvert à toutes et tous, tous les Parisiens et les amoureux de Paris. Le spectacle du 31 décembre est ainsi devenu un moment phare de la vie artistique et festive parisienne, qui rassemble plus de 300.000 spectateurs sur les Champs-Elysées, et une audience potentielle de plus de 2 millions de spectateurs. Dans ce contexte, la Ville a publié un appel à manifestation d?intérêt auprès des diffuseurs, le 16 juillet 2019. Après analyse des offres, il est apparu que la proposition de BFM TV et BFM Paris était la plus avantageuse, tant du point de vue qualitatif que quantitatif. Celle-ci prévoit notamment une rémunération de 10.000 euros hors taxes pour la cession des droits de diffusion. C'est dans ce cadre que la Ville et BFM TV et BFM Paris se sont rapprochés pour conclure une convention de concession des droits de captation et de diffusion du spectacle du 31 décembre 2019. Par ailleurs, un partenaire de premier plan a souhaité accompagner la Ville dans la mise en valeur de ce spectacle. Il s'agit en effet de Christian Dior Couture, en qualité de mécène financier, pour un montant de 100.000 euros. Je rappelle que Christian Dior représente le made in France et le "fabriqué à Paris", avec 2.000 salariés dont 1.300 à Paris. Je rappelle également qu?à cette fin, la Ville et ce partenaire se sont rapprochés pour conclure une convention relative à ce partenariat. Le mécénat avait été de 50.000 euros l'année dernière, il totalise cette année 110.000 euros. Cet argent dégagé permet à la Ville de financer davantage d?actions de médiation, de régulation, de projets et d'événements en faveur de la vie nocturne, comme l'appel à projets. Je veux citer, par exemple, le kiosque Infos Sida ou l?Association des barmen, les Nouvelles nuits parisiennes, qui a permis d'appuyer, cette année, une vingtaine de nouveaux projets. Le mécénat est donc conclu avec Christian Dior Couture qui finance le spectacle à hauteur de 100.000 euros.
Je vous remercie.
M. Nicolas NORDMAN, adjoint, président. - Merci.
Je mets aux voix, à main levée, le projet de délibération DICOM 24.
Qui est pour ?
Contre ?
Abstentions ? Le projet de délibération est adopté. (2019, DICOM 24).