M. Paul SIMONDON, adjoint, président.- Nous passons aux projets de délibération rattachés aux délégations de Jean-Louis MISSIKA en commençant par le projet de délibération DAE 141 qui concerne des subventions à l?association "Paris et Compagnie". La parole est à Mme Danielle SIMONNET.
Mme Danielle SIMONNET.- Ah, déjà ! Tout le monde s?est désinscrit de cet excellent projet de délibération. Excellent, excellent? Vous imaginez bien que c?est, comment dire, un effet de style. En fait, c?est un projet de délibération qu?on pourrait commencer par "Joyeux Noël". Voilà, "Joyeux Noël, belles fêtes de fin d?année !" Comme chaque année, en décembre, M. MISSIKA offre son généreux cadeau à l?association "Paris et Compagnie" !
Eh oui, plus de 2 millions d?euros en fonctionnement, plus 400.000 euros en investissement à cet incubateur de "start-up". Deux millions d?euros, c?est une somme immense au regard des subventions parfois ridicules à nombre d?associations sommées en permanence de se serrer la ceinture.
Or, n?a-t-on jamais eu un audit réel de l?activité de cet organisme et de son utilité sociale ? Eh bien non, parce que c?est "cadeau" ! "Cadeau" ! N?y a-t-il jamais eu la moindre "critérisation" pour que ces "start-up" répondent à l?intérêt général et ne soient pas une volonté de créer de l?activité pour de l?activité, sans avenir en général et surtout sans répondre à un besoin réel ? Eh bien non, parce que c?est "cadeau" !
Or, comme le rappellent les économistes Nicolas MENET et Benjamin ZIMMER, 90 % des "start-up" ne parviennent pas à survivre plus de 5 ans, mais ce n?est pas grâce, parce qu?encore une fois, c?est "cadeau" ! Cela s?explique par une qualité souvent trop moyenne et parce que les "start-upeurs" pensent davantage à lever des fonds - ils sont souvent plus contraints à une logique de levée de fonds - qu?à répondre à des besoins. Non seulement on peut survivre, mais cette survie se fait souvent au prix d?un gaspillage massif d?argent public.
Ainsi, en France, les aides à l?innovation absorbent une dizaine de milliards d?euros par an. Une dizaine de milliards d?euros par an ! Enorme. Mais c?est "cadeau" !
Il est donc impératif de cesser un tel gâchis d?argent public au nom de l?idéologie de la "start-up city" rêvée par M. Jean-Louis MISSIKA, filiale officielle de la "start-up nation", macroniste "start-up nation France" ! Il faut au contraire "critériser" bien plus sérieusement le financement des "start-up" en fonction des besoins sociaux et des urgences écologiques.
Je pense que l?argent public, quand on l?octroie par subventions, les structures qui le reçoivent ont des comptes à rendre. La moindre des choses serait d?établir un audit sur ces subventions et un rapport détaillé sur la pérennité des "start-up" financées et sur leur utilité au regard de l?intérêt général afin de permettre un contrôle citoyen sur ce type d?associations si généreusement financées - 2 milliards, Monsieur MISSIKA, 2 milliards !
J?ajoute qu?un tel financement est d?une indécence absolue. Quand des milliers de personnes dorment à la rue, quand l?urgence écologique est si pressante, il faudrait au contraire réorienter les financements sur les activités d?intérêt général. Et pour défendre l?innovation, finançons la recherche au lieu de mythifier le modèle de la "start-up".
Vous l?aurez compris, je voterai contre ce projet de délibération, et, mes chers collègues, je vous invite à voter contre ce projet de délibération qui octroie 2 millions d?euros en fonctionnement et plus de 400.000 euros en investissement, sur lesquels nous n?avons aucune précision et aucun contrôle. Je vous remercie.
M. Paul SIMONDON, adjoint, président.- Merci. La parole est à Jean-Noël AQUA pour le groupe PCF - Front de gauche.
M. Jean-Noël AQUA.- Merci, Monsieur le Maire.
Mes chers collègues, effectivement voici revenu le temps des subventions à l?association "Paris and Company". Quatre millions? Je ne sais pas qui a lu le projet de délibération dans cette Assemblée, alors 177, 127, 42, 92? J?y reviendrai, peut-être qu?on aura des précisions. Mais si la forme est piquante, c?est bien sûr le fond qui justifiera mon intervention.
Vous le savez, nous l?avons dit et redit à de nombreuses reprises dans cette Assemblée, nous ne voyons pas d?un bon ?il ces subventions non conditionnées aux entreprises. Je sais que certains estiment que ce ne sont pas des subventions directes, mais c?est un sophisme.
Rappelons le contexte. Les entreprises françaises sous-investissent particulièrement dans leur secteur de recherche et développement, et pourtant nous sommes dans une société où l?innovation est essentielle et cruciale dans la concurrence exacerbée dite libérale. L?innovation est un coût et un risque, un risque de moyen et long terme. Et qui dit risque dit coût.
Alors bien sûr, en matière de recherche et développement comme dans bien d?autres, le principe classique consiste à externaliser le risque et en particulier à collectiviser le coût. Un grand classique, on privatise les profits et on collectivise les coûts. Ainsi, les entreprises externalisent le risque sur les "start-up", les laissant poursuivre un modèle darwinien, et finalement les grands groupes rachètent les petites "start-up" qui auront survécu. On se félicite bien sûr que des innovations voient le jour et créent l?activité économique, bien évidemment.
Le souci, c?est que s?agissant des "start-up" qui n?auront pas percé, on laisse la collectivité gérer le coût humain et économique. Le risque, par définition, comporte des risques ; excusez-moi de cette répétition, mais qui a du sens. L?innovation qui réussit suppose qu?on ait pris des risques intellectuels : certains sont fructueux et, par essence, d?autres non. C?est la nature de la prise de risque. Si on ne faisait que des projets qui réussissent, ce serait un signe qu?on ne prend aucun risque réel. Vouloir transférer le risque sur des petites entreprises, ces "start-up", c?est vouloir le risque sans le risque. C?est bien d?être rêveur, sauf quand c?est la collectivité, finalement, qui paie, car le chômage des gens qui sont dans les "start-up" qui ne réussiront pas, c?est évidemment la collectivité qui le prendra en charge.
Cerise sur le gâteau, comme nous parlons de petites entreprises, celles-ci peuvent prétendre au soutien de la puissance publique. Et là, nous intervenons, Ville de Paris, pour aider ces petites "start-up". Pour les grands groupes, c?est Noël presque avant l?heure, le risque sans le risque et avec la crémière. Excusez-moi de l?expression.
Bref, vous aurez compris que nous sommes très sceptiques sur le principe même. D?accord. Mais vous savez aussi que nous avons demandé dès le début de la mandature qu?au moins ces subventions soient "critérisées", conditionnées, que des conditions sociales et environnementales soient adjointes, permettant de promouvoir la formation des personnels, les activités vertueuses pour l?environnement, l?emploi stable, etc. Mais force est de constater que 6 ans après, nous attendons toujours Godot.
Il est piquant de voir que le modèle libéral de la recherche a autant besoin de l?aide et de l?argent de la puissance publique. Mais bon, en ces temps complexes, nous ne sommes pas à une contradiction près ou à une "tartuffade" près.
Enfin, permettez-moi de conclure sur l?énoncé du projet de délibération. Sur quel montant votons-nous exactement ce soir ? L?avis du Conseil est-il anecdotique ?
Deux choses. Nous ne savons pas sur quel montant nous allons voter, et le projet de délibération, pour celles et ceux qui auraient pris le temps de le lire vraiment, ne prend même pas la peine de préciser 400.000 euros de l?investissement. Dans le titre, vous annoncez 2.127.000, puis vous barrez pour mettre le chiffre de 2.177.000. Quand je regarde la conclusion du projet de délibération, je vois que nous votons sur 2.042.000, somme barrée en 2.092.000. Cela fait 4 chiffres. Sur lequel votons-nous ? J?attends avec une impatience sans précédent la précision du bon chiffre.
Mais plus révélateur encore du manque de considération de notre Assemblée, nous votons sur 400.000 euros d?investissement. Encore une fois, pour celles et ceux qui auraient pris la peine de lire le projet de délibération, nulle trace de justification de cette somme dans le projet de délibération.
Je résume : sur la partie investissement, nous avons un titre et une conclusion disant que nous allons dépenser 400.000 euros mais nous ne savons pas pourquoi. Est-ce bien démocratique ? N?est-ce pas révélateur précisément de ce que je critique, d?un manque de contrôle des élus sur les cadeaux faits aux entreprises ? Peut-être que pour M. MISSIKA, 400.000 euros, c?est une pichenette qui ne mérite pas d?être justifiée. Peut-être que les ordres de grandeur ne sont pas les miens. Personnellement, avec 400.000 euros, j?aimerais financer des aides aux plus fragiles, aux étudiants, des voyages scolaires. Avec 400.000 euros, nous pourrions aider 650 voyages scolaires, et ils seraient de mon point de vue bien mieux utilisés que de cette façon blanche.
Bref, pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de délibération. L?activité économique mérite que la puissance publique s?y intéresse, mais pas de cette façon blanche et neutre, où le politique n?est là que pour être au tiroir-caisse et surtout pas pour exprimer des exigences démocratiques. Vous l?aurez compris, nous militons pour une innovation, une disruption, un "breakthrough" - peut-être que pour être entendu, il faut que je passe à l?anglais -, l?entrée de la démocratie dans son action dans l?économie. Au vu de la crise du système libéral, être novateur est une nécessité chaque jour plus vive. Je vous remercie.
M. Paul SIMONDON, adjoint, président.- Merci. Pour vous répondre, Jean-Louis MISSIKA.
M. Jean-Louis MISSIKA, adjoint.- Bien. Mes chers collègues, j?ai l?impression d?avoir déjà vécu cette scène, mais je crois que c?est parce que je l?ai déjà vécue, en fait. Et cela tombe bien, c?est la dernière fois que je la vis, donc réjouissons-nous puisqu?il n?y aura pas de répétition de cette scène.
Je vais d?abord répondre aux questions de la fin de l?intervention de Jean-Noël AQUA qui a parfaitement raison : lorsque l?exposé des motifs a été mis en ligne dans le logiciel O.D.S., des modifications sont apparues, et vous avez des superpositions de chiffres.
Mais le projet de délibération est très clair. Nous avons un montant initial de 2.121.177 euros et l?exposé des motifs a été modifié pour permettre l?intégration au projet de délibération et à la subvention globale de la contribution de la DASES qui finance à hauteur de 50.000 euros le programme sur le handicap, parce que oui, parmi les programmes que nous finançons, il y a un programme concernant le handicap.
Je suis vraiment désolé de devoir vous signaler par cette occasion que nous faisons des choses qui concernent l?intérêt général dans cette activité, mais je me réjouis en tout cas que mon collègue Nicolas NORDMAN ait saisi l?opportunité que lui offre cette Agence de développement économique et d?innovation pour mettre à sa disposition une expertise reconnue et un vivier de jeunes entreprises particulièrement dynamiques. La toute première promotion de ce programme vient d?être révélée et ce soutien renouvelé va permettre de financer l?incubation et l?accélération d?une deuxième promotion de projets innovants dans les domaines du handicap et de l?accessibilité.
Sur la partie investissement, je ne vais pas entrer dans les détails, mais tout est précisé dans la convention de subventions d?équipement rattachée à ce projet de délibération. Ces subventions sont destinées à financer l?aménagement et/ou la rénovation de locaux et à financer l?acquisition de matériels et d?équipements amortissables. Par exemple, nous avons un programme extrêmement important de transformation de l?incubateur Nord Express en incubateur consacré au développement durable. Là aussi, quand on parle de "critérisation", j?aimerais savoir de quoi on parle, car nous avons de plus en plus d?incubateurs directement liés aux grandes orientations de la Ville. Je vous rappelle que Nord Express, ce sont 8.300 mètres carrés où s?inventent et se construisent la ville de demain, ces programmes dédiés au développement territorial durable. Trois incubateurs, l?un dédié à l?immobilier de demain, l?autre à la logistique durable et le troisième à l?économie circulaire, viennent s?adjoindre à ce site, les équipes de l?Arc de l?Innovation et les équipes du laboratoire d?expérimentation "Urban Lab". Bien évidemment, cette réorganisation et ce nouveau départ vont engendrer des dépenses d?équipement.
Je voudrais insister sur quelque chose qui me paraît essentiel : l?ensemble de ce que fait "Paris & Co" est documenté. Vous avez un travail tout à fait remarquable produit par l?APUR concernant l?évolution des territoires d?innovation et des sites d?innovation. Il s?agit d?une cartographie qui est produite chaque année par l?APUR à partir de données fournies par "Paris & Co". Ainsi, toute personne de bonne foi qui veut savoir ce que fait "Paris & Co", qui veut contrôler ce que fait "Paris & Co" - d?ailleurs, la plupart des groupes politiques sont représentés au Conseil d?administration de "Paris & Co" - a tout à fait les moyens de se renseigner. Je ne vais pas rentrer dans le détail des raisons pour lesquelles je ne crois pas qu?une bureaucratisation des critères soit la bonne solution ; je vous ai déjà dit que "Paris & Co" fonctionnait dans le sens de l?intérêt général et je garantis que cela se fait de façon évidente et courante.
Maintenant, je voudrais insister sur un point. Si nous n?avions pas fait cet effort, sur plus d?une dizaine d?années, d?investissement dans l?économie de l?innovation, je ne crois pas que le taux de chômage à Paris serait ce qu?il est, c?est-à-dire largement inférieur au taux de chômage de notre pays - largement. Et je vous rappelle un détail qui me paraît intéressant. Quand vous regardez le taux de chômage d?une ville comme Londres ou d?une ville comme Berlin, comparé au taux de chômage des pays de la Grande-Bretagne et de l?Allemagne, vous vous rendez compte que le taux de chômage de chacune de ces villes est supérieur à celui de son pays. Eh bien en France, c?est l?inverse. La ville globale, Paris, a un taux de chômage inférieur à celui de la France et même de l?Ile-de-France, et je pense que le fait que nous faisons ce travail de longue haleine avec Bertrand DELANOË puis avec Anne HIDALGO depuis 10 ans sur l?aide à l?économie de l?innovation n?est pas étranger à ce résultat.
Je voudrais vous dire autre chose, cher Jean-Noël AQUA. Il est absurde d?opposer la recherche à l?innovation et à la création de "start-up". C?est un processus continu. La recherche fondamentale, la recherche appliquée, le dépôt de brevets, la création d?entreprises liées à ces dépôts de brevet constituent un processus continu, et nous soutenons ce processus dans sa globalité. Ce que nous faisons pour l?enseignement supérieur et la recherche est cohérent avec ce que nous faisons pour l?innovation et pour la création d?entreprises innovantes.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous propose de voter ce remarquable projet de délibération.
M. Paul SIMONDON, adjoint, président.- Merci.
Je mets donc aux voix, à main levée, le projet de délibération DAE 141.
Qui est pour ?
Qui vote contre ?
Qui s?abstient ?
Le projet de délibération est adopté. (2019, DAE 141).
2019 DU 8 - Site 183, rue Ordener (18e). - Signature d'une nouvelle promesse de vente, suites à l'appel à projets urbains innovants "Réinventer Paris".