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2024 DU 35 - Dénominations en hommage à cinq femmes résistantes (9e, 11e et 14e).


 

M. Emmanuel GRÉGOIRE, premier adjoint, président. - Nous examinons le projet de délibération DU 35?: dénomination en hommage à cinq femmes résistantes.

La parole, pour commencer, est à Dominique KIELEMOËS.

Mme Dominique KIELEMOËS. - Merci beaucoup, Monsieur le Maire.

Monsieur le Maire, mes chers collègues, ce projet de délibération rend hommage à cinq femmes résistantes françaises, Claude Rodier, Marguerite Gonnet, Marguerite Moret, Paulette Jacquier et Anne-Marie Bauer, en attribuant leur nom à des rues de la Ville de Paris. Je me réjouis que nous poursuivions nos efforts afin de mettre en valeur les personnalités féminines qui ont marqué l'histoire de France et de Paris.

Claude Rodier, agrégée en sciences physiques, accueille pendant la Seconde Guerre mondiale des personnes en fuite et aide à la structuration des mouvements unis de la Résistance. Arrêtée par la Gestapo en 1944, déportée à Ravensbrück, elle y décède en novembre 1944.

Marguerite Gonnet, mère de famille, s'est engagée en 1941 dans la Résistance. Elle se retrouve à la tête de la cellule iséroise du mouvement "Libération Sud" et participe à l'organisation du maquis grenoblois. À la Libération, elle est chargée du retour des prisonniers et des déportés ainsi que du suivi des enfants orphelins. Médaillée de la Résistance, elle meurt en 1996 à Paris.

Marguerite Moret, elle, travaille en 1941 pour le service des réfugiés d'Alsace-Lorraine à Lyon. Elle y rencontre Laure Diebold, agent de liaison et collaboratrice de Jean Moulin, et lui sert d'intermédiaire pour la rencontre avec Daniel Cordier. Arrêtée en 1943, elle est déportée en septembre 1944 et libérée en avril 1945. Elle meurt 30 ans plus tard, à Paris.

Paulette Jacquier rejoint la Résistance à l'âge de 22 ans. Elle agit comme agent de liaison dans les secteurs de Grenoble et de Lyon. En 1944, elle est arrêtée, mais réussit à s'échapper de prison pour regagner le maquis. Après la libération de Lyon, elle continue de combattre au Nord de la France. Décorée de la médaille de la Résistance et de la Croix de guerre, elle a été faite Chevalière puis Officière de la Légion d'honneur. Elle décède en 1975 à la Frète, en Isère.

Enfin, Anne-Marie Bauer intègre, dès 1940, le mouvement "Libération Sud" au sein duquel elle s'occupe des réfugiés et prend part aux opérations de parachutage à Montluçon. Elle rejoint en 1942 le réseau "Action paix" et sera ensuite chargée de la planification des projets d'évasion, dont celui de Jean Moulin, qui échouera. Arrêtée en 1943, elle ne parle pas, malgré les tortures commanditées par Klaus Barbie. Déportée en 1944 à Ravensbrück, elle sera libérée en mai 1945. Elle est l'auteur de plusieurs ?uvres littéraires en rappel des années de guerre. Décorée de la médaille de la Résistance et de la Croix de guerre, elle est aussi faite Chevalière puis Officière de la Légion d'honneur et décède en 1996, à Paris.

Si vous en êtes d'accord, les dénominations de la rue Claude-Rodier dans le 9e arrondissement, de la rue Marguerite-Gonnet et de la rue Marguerite-Moret dans le 11e arrondissement, de la rue Paulette-Jacquier dans le 14e arrondissement et de la cité Anne-Marie Bauer, dans le 14e arrondissement également, seront substituées aux dénominations actuelles qui font référence au nom des propriétaires initiaux de ces voies et qui n'ont plus de sens pour personne, en tout cas, pas pour les riverains. L'homonymie de leur patronyme respectif avec ces cinq femmes résistantes offre l'opportunité de rendre hommage à ces dernières en cette année du 80e anniversaire de la Libération de Paris, tout en limitant les inconvénients d'un changement de dénomination pour les habitants. Je vous remercie.

M. Emmanuel GRÉGOIRE, premier adjoint, président. - Merci beaucoup. La parole est à Alexis GOVCIYAN.

M. Alexis GOVCIYAN. - Merci, Monsieur le Maire.

Je tiens, au nom de mon groupe, à saluer cette initiative, d'autant que, comme vous vous en souvenez sans doute, dans le 9e arrondissement, nous avons déjà entamé cette démarche en mettant en avant le parcours exemplaire de la résistante Madeleine Pauliac, qui s'était illustrée dans la Libération de Paris. Avec ce présent projet de délibération, nous faisons vivre la mémoire et rendons hommage à cinq femmes qui se sont illustrées dans la Résistance française.

Marguerite Gonnet, avec le pseudonyme "La Cousine", engagée dans le mouvement "Libération Sud".

Marguerite Moret, appartenant au réseau de la délégation générale, a connu et travaillé avec Laure Diebold, agent de liaison et collaboratrice de Jean Moulin, elle lui a servi d'intermédiaire pour rencontrer Daniel Cordier.

Paulette Jacquier a rejoint la Résistance française sous le pseudonyme de "Marie-Jeanne" dans les secteurs de Grenoble et de Lyon.

Anne-Marie Bauer a intégré le mouvement "Libération Sud", au sein duquel elle s'occupait des réfugiés. Arrêtée à Lyon et emprisonnée à Montluc, elle ne divulguera aucune information, malgré les tortures commanditées par le tristement célèbre Klaus Barbie.

Je salue la mémoire de ces femmes d'exception et souhaite, en tant qu'élu du 9e arrondissement, m'attarder plus longuement sur la cinquième résistante, Claude Rodier. Née dans une famille d'enseignants laïques et républicains, juste après la fin du tout premier Tour de France, et comme Madeleine Pauliac, Claude Rodier s'illustre d'abord par son parcours académique, brillant et précurseur, puisqu'en 1921, à l'âge de 18 ans, elle intègre l'École normale supérieure de Sèvres. Elle en sort agrégée en sciences physiques, mais également avec la qualification de "plus jeune agrégée de France". Elle épouse une carrière d'enseignante, et elle épouse ensuite Pierre Virlogeux, ingénieur céramiste. Dédiant toute son énergie à la création d'une entreprise familiale, "Les Grès flammés", elle est rattrapée par la réalité de la Seconde Guerre mondiale et décide de s'engager dans la Résistance française en accueillant des personnes de l'université de Strasbourg. Parmi elles, un couple juif originaire des Vosges. Avec son époux, ils ?uvreront à la structuration des mouvements unis de la Résistance. Ils sont arrêtés par la Gestapo le 8 février 1944 avec leurs fils, Jean et Marc. D'abord internée dans une cellule de la prison militaire du 92e régiment d'infanterie, Claude subit la déportation et se retrouve internée dans le bunker du camp de Ravensbrück, où ont séjourné d'autres figures connues de la Résistance, telles que Geneviève de Gaulle-Anthonioz ou encore Germaine Tillion. Elle décède de pleurésie au camp de Ravensbrück le 10 novembre 1944. Nous retenons de cette résistante qu'elle a trouvé l'immense courage de dire "non" aux nazis qui attendaient d'elle, physicienne atomiste, qu'elle participe à leur programme nucléaire. À la lecture de ce parcours précurseur et de cet engagement exceptionnel au service de la Résistance, nous sommes convaincus que la dénomination de la rue Claude Rodier, substituée à celle de la rue Rodier, représentera un symbole fort qui fera vivre, dans le quotidien des habitants du 9e arrondissement, la mémoire et l'exemplarité d'une femme engagée, libre et indépendante, comme ce sera aussi le cas pour les quatre autres femmes, Marguerite Gonnet et Marguerite Moret dans le 11e arrondissement, Paulette Jacquier et Anne-Marie Bauer dans le 14e arrondissement. Ces femmes d'exception méritent toute notre attention. Je vous remercie.

M. Emmanuel GRÉGOIRE, premier adjoint, président. - Merci beaucoup. La parole est à Mme Douchka MARKOVIC.

Mme Douchka MARKOVIC. - Merci, Monsieur le Maire.

Résistance?: action de résister physiquement à quelqu'un, à un groupe, de s'opposer à leur attaque par la force ou par les armes. Il nous est, aujourd'hui, proposé de rendre hommage à cinq femmes résistantes françaises, Claude Rodier, Marguerite Gonnet, Marguerite Moret, Paulette Jacquier et Anne-Marie Bauer, en attribuant leur nom à des rues de Paris. Elles ont su résister à l'occupation nazie. Elles se sont opposées à l'oppression. Elles ont bravé les interdits et la peur, toutes, à leur manière, et avec leurs moyens. Claude Rodier cachera des personnes d'origine juive, Marguerite Gonnet organisera le maquis grenoblois, Marguerite Moret et Paulette Jacquier seront agents de liaison, et Anne-Marie Bauer participera à l'organisation des opérations de parachutage à Montluçon, entre autres.

Elles doivent être, pour nous, des modèles, des exemples à suivre, et leurs noms seront pour nous une mémoire. Nous ne sommes plus en 1939 et la France n'est plus sous occupation. Pourtant, nous devons rester vigilants. Nous avons un devoir de résistance contre tout ce qui détruit notre humanité. Nous avons un devoir de résistance devant les oppressions contre nos valeurs et notre éthique. Nous devons protéger les lanceurs d'alerte, ceux qui filment, ceux qui témoignent, ceux qui se lèvent et s'insurgent contre la violence et la maltraitance. Nous ne sommes plus en 1939 et la France n'est plus sous occupation, et, pourtant, nous devons entrer en résistance. L'oppresseur change parfois de visage. Parfois, il a même notre visage. Le besoin de résistance est déjà devant nos yeux. Elle doit déjà s'incarner face aux massacres quotidiens de milliards d'animaux. L'oppresseur change parfois de visage, mais l'infamie reste la même?: le massacre. Je finirai par une citation de Hannah Arendt?: "La triste vérité est que la plupart du mal est fait par des gens qui ne se décident jamais à être bons ou mauvais". Alors, décidons de nous mettre en résistance. Merci.

M. Emmanuel GRÉGOIRE, premier adjoint, président. - Merci beaucoup. Pour vous répondre, Mme Laurence PATRICE.

Mme Laurence PATRICE, adjointe. - Merci, Monsieur le Maire.

Merci, chers collègues, pour ces beaux hommages et pour vos interventions, qui permettent de mettre en lumière un projet de délibération à la fois singulier dans sa forme et pluriel dans les hommages qu'ils visent.

La Ville de Paris compte, aujourd'hui, un peu plus de 500 voies portant le nom d'un ancien propriétaire foncier. Il s'agit bien souvent de messieurs, du XIXe siècle, qui ont laissé leur patronyme à la rue qu'ils ont lotie et dont les revenus leur ont permis de vivre confortablement. Loin de moi l'idée de leur jeter la pierre, mais, sans doute, ces noms ne sont-ils pas absolument essentiels à la mémoire des Parisiens, tout au plus pouvons-nous nous y attacher par habitude. Nous avons donc exhumé, comme cela a été assez bien expliqué par Dominique KIELEMOËS, une méthode utilisée à Paris, là encore principalement au XIXe siècle, celle de la substitution de dénomination par homonymie. En effet, vous l'apprendrez peut-être, la rue Eugène-Delacroix a été ouverte sur le chemin Delacroix, tout comme l'avenue Denfert-Rochereau a été nommée sur la rue d'Enfer, ou encore la rue Mathurin-Régnier sur la rue Régnier, un ancien propriétaire local remplacé par un poète.

Je me réjouis donc de l'accord enthousiaste des trois maires d'arrondissement concernés qui nous permettent de transformer la signification des dénominations, sans bouleverser en rien le quotidien des habitants. Demain, en lieu et place de la rue Rodier, des rues Gonnet et Moret, de la rue Jacquier et de la cité Bauer, nous aurons donc une rue Claude Rodier, des rues Marguerite Gonnet et Marguerite Moret, une rue Paulette Jacquier et une cité Anne-Marie Bauer, toutes résistantes, méconnues certes, mais qui méritent amplement de quitter l'ombre, tout spécialement en cette année de célébration des 80 ans de la Libération du territoire et de la ville de Paris. Nous veillerons néanmoins à inscrire dans le libellé d'origine du nom des rues concernées le souvenir de l'ancien propriétaire de façon à préciser les choses et, de la sorte, deux histoires seront mises en avant, en même temps, sur une même rue. Je vous remercie.

M. Emmanuel GRÉGOIRE, premier adjoint, président. - Merci beaucoup.

Je mets aux voix, à main levée, le projet de délibération DU 35. Qui est pour?? Qui est contre?? Qui s'abstient??

Le projet de délibération est adopté. (2024, DU 35).

 

Février 2024
Débat
Conseil municipal
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