2008, DU 146 - SGRI 42 - Attribution de la dénomination “rue Lounès Matoub” à la voie DN/19 (19e).
�
M. Jean VUILLERMOZ, adjoint, pr�sident. - Nous examinons maintenant le projet de d�lib�ration DU 146 - SGRI 42, sur l?attribution de la d�nomination ?rue Loun�s Matoub? � la voie DN/19 dans le 19e.
Je donne la parole � Mme Marinette BACHE.
Mme Marinette BACHE. - Merci, Monsieur le Maire.
Je tiens � saluer, � l?occasion de ce triste anniversaire, l?initiative de la Ville de Paris de nous proposer aujourd?hui la d�nomination d?une ?rue Loun�s Matoub? dans notre Capitale. Cette initiative est un hommage n�cessaire et m�rit� au combat et au sacrifice de Loun�s Matoub dont la r�putation et la popularit� sont demeur�es intactes 10 ans apr�s sa disparition.
Dans la communaut� berb�re du monde entier, Loun�s Matoub est un symbole incontest�. Il y a 10 ans, la chanson kabyle est devenue orpheline. L?assassinat en 1998 � Tizi-Ouzou de Loun�s Matoub a �t� per�u comme un message de menace envoy� � la r�sistance � l?int�grisme et � tous les militants de la d�mocratie en Alg�rie.
Mais cela n?a fait que renforcer les rangs d?une g�n�ration matoubienne qui scandait, au prix de sa vie : ?Matoub, iela, iela !? : Matoub n?est pas mort !
Cela n?a fait que renforcer la prise de conscience de millions de personnes � travers le monde, d?un danger des cocktails int�gristes et mafieux qui menacent la stabilit� de l?humanit�.
Loun�s Matoub reste le symbole in�branlable du combat identitaire kabyle et de tous les combats : des Droits de l?Homme et des peuples opprim�s. Loun�s Matoub, c?�tait �galement cet artiste berb�re alg�rien, talentueux, qui s?est fait conna�tre loin et souvent malgr� ou contre les canaux officiels et les m�dias de service. La voie, la m�lodie, le texte et beaucoup de d�termination lui ont donn� cette rage de chanter fi�rement sa cause et les douleurs de son peuple.
Avec cette initiative, la Ville de Paris permet de mettre en avant le combat d?un homme refusant l?int�grisme sous toutes ses formes.
C?est pourquoi c?est avec fiert� que le groupe M.R.C. votera cette d�lib�ration.
M. Jean VUILLERMOZ, adjoint, pr�sident. - Merci.
Je donne la parole maintenant � M. Hamou BOUAKKAZ.
M. Hamou BOUAKKAZ, adjoint. - Mes chers coll�gues?
Ghasa aken arzageth tha ghou ch�ou ghasaken efadn�ouaayan ourcsa kaghafous (?M�me si mes propos sont amers, m�me si je suis �puis�, je ne renoncerai jamais � mon pays?).
Je voulais commencer mon propos par la belle langue de mon enfance. J?allais dire la belle langue de mon enfance et de l?enfance de ces plusieurs centaines de milliers de Kabyles, montagnards pauvres mais fiers, venus en France pour manger, certes un peu du pain des Fran�ais, mais pour construire ce beau pays que nous habitons !
Ils furent fauch�s au champ d?horreur par la guerre, la tuberculose, le travail p�nible, la mis�re et la souffrance de l?exil. Ils firent souche et donn�rent � la France, outre son plat d�sormais national, le couscous - l�, je vais me faire des ennemis sur quelques bancs -, de grands po�tes ou de grands �crivains tels que Slimane Azem, Kad Biasin, Etmoun Hilet ou encore Idir que beaucoup d?entre vous ont pu �couter lorsqu?ils ont chant� � l?H�tel de Ville en diverses circonstances.
A travers Matoub Loun�s, c?est � chacun de ces hommes et � chacune de ces femmes que notre Assembl�e et, apr�s nous, la Ville de Paris, rendra hommage et ce n?est que justice.
Matoub Loun�s �tait un combattant inlassable pour la culture kabyle, politiquement inclassable et donc chantre privil�gi� de la diversit� des Kabyles. Il portait au langage l?�me berb�re et, mieux encore, il la portait � la musique. Chanteur, po�te, combattant pour la d�mocratie et les droits de l?homme, victime de la dictature, Matoub �tait tout cela.
Sa personne et son action sont �galement, � mon sens, porteurs de trois sources de m�ditation pour des questions cruciales d?aujourd?hui.
Tout d?abord, la Kabylie peut servir bien malgr� elle d?illustration au ph�nom�ne de domination et d?exclusion de masse. Ce n?est pas un hasard, mes chers coll�gues, si la pens�e de Bourdieu est n�e au cours de son passage en Kabylie. Tout syst�me politique, m�me d�mocratique, peut, malgr� tous ses discours d?autol�gitimation, �tre une formidable machine � exclure et � broyer.
Bourdieu avait �t� frapp� par l?analogie profonde entre la domination exerc�e par le pouvoir colonial, puis par le pouvoir alg�rien sur le paysan kabyle et la domination impos�e � certains groupes en France m�me.
Tout peut devenir pr�texte � domination et � exclusion. Un Alg�rien en France fait partie d?un groupe domin�, mais il peut devenir � son tour dominateur vis-�-vis des Kabyles en Alg�rie m�me. Mettant en jeu d?ailleurs les m�mes m�canismes de m�pris de l?autre et, in fine, la m�me absurdit�.
La voix de Matoub, venant d?un groupe exclu parmi les exclus du pouvoir colonial et du pouvoir alg�rien, est donc non seulement une voix venant des profondeurs de l?�me humaine mais aussi un rappel � la raison.
Deuxi�mement, Matoub peut nous faire r�fl�chir sur la place � accorder dans notre beau pays aux langues et aux cultures. Pendant longtemps, la France a d�lib�r�ment �cart� toutes les cultures, locales ou venues d?ailleurs, les langues et les traditions. Elle a claironn� l?affection d?un d�passement de la culture de chacun par des concepts politiques froids, par exemple la R�publique ou l?Etat, que Nietzsche qualifiait d�j� de ?plus froid des monstres froids?.
Or, il s?av�re que, d?une part, ces concepts aseptis�s ne sont souvent en fait que des v�hicules ou des masques pour l�gitimer une culture dominante, dont ils servent souvent � l�gitimer la domination, et, d?autre part, l?aspiration d�mocratique s?exprime au c?ur m�me d?une culture, comme en atteste l??uvre de Matoub.
A l?heure o� le d�bat sur les cultures resurgit en force dans le paysage politique fran�ais, le message de Matoub est que le changement, la d�mocratie, le regard humain surgissent des marges repouss�es de la culture de l?autre.
Enfin, la vie de Matoub peut nous aider � jeter un regard neuf sur le d�tournement pervers dont font parfois l?objet le terrorisme et l?obsession de la s�curit�.
Chers coll�gues, certains ne seront pas d?accord avec moi, mais il faut savoir qu?il a �t� assassin� par le pouvoir despotique, sous couvert de lutte antiterroriste, et que la responsabilit� de sa mort a �t� imput�e au GIA. Aujourd?hui, on sait ce qu?il en est.
Jefferson disait : ?Quiconque est pr�t � sacrifier un peu de sa libert� pour un peu plus de s�curit� ne m�rite ni l?un ni l?autre et va perdre les deux.?
Jusqu?� quel point, mes chers coll�gues, dans notre pays, l?autorit� de l?Etat, le respect, au demeurant n�cessaire, de la police, la s�curit� de tous sont-ils des pr�textes ou des cache-sexe pour des comportements inadmissibles ? Jusqu?� quel point sont-ils manipul�s pour repousser � l?�cart des beaux quartiers ceux que l?on n?aime pas et reformuler en un langage politiquement correct des pens�es hideuses ou haineuses ?
Po�te et militant, Matoub l?�tait � coup s�r. Mais mieux encore, il �tait un a�de des temps modernes dont les chants portent � la m�moire non seulement la culture de ce petit peuple des montagnes dont je suis fier d?�tre l?un des enfants mais aussi un message exprimant ce qu?il y a de plus profond�ment humain en nous et que nous pr�f�rons, h�las, trop souvent rel�guer dans l?oubli.
C?est pourquoi, mes chers coll�gues, je suis particuli�rement ravi et honor� que nous votions cette d�lib�ration.
(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, radical de gauche et apparent�s, communiste, du Mouvement r�publicain et citoyen et ?Les Verts?).
M. Jean VUILLERMOZ, adjoint, pr�sident. - Merci pour ce merveilleux hommage.
Je donne la parole � Mme Anne HIDALGO.
Mme Anne HIDALGO, premi�re adjointe, rapporteure. - Je n?ai rien � ajouter, Monsieur le Maire, � cette pr�sentation d?Hamou BOUAKKAZ sur qui �tait Matoub Loun�s mais aussi des enseignements qu?il porte bien au-del� de la communaut� berb�re qui le c�l�bre, qui portent aupr�s de toutes celles et ceux qui consid�rent que les Droits de l?Homme, les Droits de la personne humaine, que les libert�s sont au-dessus de tous nos combats.
Nous avions vot� le v?u le mois dernier, nous votons aujourd?hui la d�lib�ration sur le lieu sur lequel sera appos� ce nom de Matoub Loun�s. Je ne peux que me r�jouir de voir enfin honor� ce grand nom dans une de nos rues parisiennes.
Merci.
M. Jean VUILLERMOZ, adjoint, pr�sident. - Merci.
Je mets aux voix, � main lev�e, le projet de d�lib�ration DU 146 - SGRI 42.
Qui est pour ?
Qui est contre ?
Abstention ?
Le projet de d�lib�ration est adopt�. (2008, DU 146 - SGRI 42).
�