14- 1998, DLH 80 - Autorisation à M. le Maire de Paris de déposer une demande de permis de démolir visant 2 bâtiments à usage d'habitation et de commerce situés 102, rue de La Jonquière (17e).
M. LE MAIRE DE PARIS. - Nous passons au projet de d�lib�ration DLH 80 sur le rue de la Jonqui�re.
La parole est � M. BLET.
M. Jean-Fran�ois BLET. - Monsieur le Maire, le 102 rue de la Jonqui�re, petit immeuble faubourien, compos� de b�timents R + 2, comporte 17 logements et une petite boutique. Sa fa�ade est en bon �tat, mais il s'inscrit dans un paysage de d�solation peupl� de friches : l'immeuble du 91 rue de la Jonqui�re a �t� d�truit en 1991, le 98 a �t� d�truit en 1995, le 94 a �t� d�truit en 1997 et le 100 rue de la Jonqui�re a �t� d�truit en 1997. De m�me, le 6 et le 9, passage Boulay ont tr�pass�.
Les immeubles voisins des 3,5 et 7 rue Paul Brousse sont mur�s alors que leurs fa�ades sont en bon �tat, celle du 5-7 �tant m�me raval�e de frais.
Vous appelez cela une D.U.P., Destruction Urbaine et Paysag�re du secteur Boulay-Jonqui�re-Paul Brousse...
Sont mur�s encore le 106-108 rue de la Jonqui�re et le 104 ; eh oui, la Gueulardi�re est mur�e, ce bar h�tel restaurant, haut lieu de convivialit� a v�cu !
Pour justifier ces destructions, votre argumentaire rel�ve de la pure langue de bois des urbanistes, made in A.P.U.R. version chiraquo-cabanienne : "il s'agit d'immeubles v�tustes � la volum�trie disparate, d'un parcellaire en lani�re �triqu� ayant emp�ch� toute �volution des b�timents".
Soit l'exacte description des quartiers de charme, des quartiers populaires abritant des logements sociaux de fait.
Voil� comment, en une phrase, on raye de la carte un petit ensemble de b�timents.
Mais reprenons vos crit�res :
Premi�re crit�re : " la v�tust� ".
Tout Paris est v�tuste, hormis quelques horreurs de tours et grands ensembles dans le 13e ou le front de Seine !
L'immense majorit� du b�ti parisien est v�tuste.
Alors, faut-il raser tout Paris ?
Et vous-m�me, Monsieur le Maire, vous �tes v�tuste, ici, nous sommes tous v�tustes. nous n'avons plus 20 ans !
M. LE MAIRE DE PARIS. - Parlez pour vous ! Je ne me sens pas du tout v�tuste !
M. Jean-Fran�ois BLET. - Moi non plus ! Mais avouez que le concept de " v�tust� " pour justifier de la d�molition de quelque chose est un peu �triqu� !
Deuxi�me crit�re : " Une volum�trie disparate ".
La diversit�, le pluralisme mod�r� de l'habitat sont stigmatis�s comme " peu coh�rent ". En revanche, les immeubles voisins de 5-6 �tages " offriraient une volum�trie plus homog�ne ".
Et pourtant, la volum�trie faubourienne constitue un ensemble tout aussi homog�ne, caract�ris�e par une volum�trie basse, un tissu a�r�, des vari�t�s de d�crochements, un pluralisme g�om�trique, une densit� � dimension humaine, facteur d'int�gration sociale. Cette volum�trie rec�le bien des qualit�s.
Pourquoi privil�gier l'une plut�t que l'autre ?
Pourquoi imposer aux forceps cette homog�n�isation pseudo hausmanienne � ces quartiers populaires ?
Emport� par votre �lan, allez-vous donc dans la foul�e d�truire le centre sportif Bernard-Lafay qui fait face � cet �lot, ensemble biscornu, implant� tout de quingois avec ses briques rouges sales ?
Troisi�me crit�re : " Cachez-moi ces murs pignons disgracieux ".
Mais il suffit de les rendre gracieux. Un simple ravalement peut y pourvoir ou mieux encore, une fresque offerte au talent des jeunes artistes qui survivent plus que difficilement � Paris. La Ville nous en offre parfois d'excellentes.
Quatri�me crit�re : " Un parcellaire en lani�re �triqu� ".
Ces parcellaires �troits, sources de diversit� et de vie font la richesse de notre tissu urbain.
Ces op�rations de remembrement foncier sont aussi catastrophiques et brutales que les op�rations de remembrement rural.
Elles violentent l'histoire et la vie des gens, elles d�truisent des �quilibres multi-s�culaires.
La destruction des parcellaires ancestraux est une aberration.
C'est en avan�ant de tels arguments, cache-mis�re de vos restructurations brutales et traumatisantes, que Paris a �t� d�figur�, que des quartiers entiers ont �t� ras�s.
Mais aujourd'hui, conscients du caract�re plus qu'�triqu� de vos raisonnements, vous innovez et trouvez de nouvelles justifications � votre prurit destructeur :
" la pr�sence de termites et d'une zone g�ologique de risques naturels ".
Cinqui�me crit�re : les risques naturels.
Un sixi�me du territoire parisien est en zone g�ologique de risques naturels lesquels correspondent � une dissolution des gypses ant�ludiens.
Ajoutez-y les zones de carri�res et vous pourrez raser un tiers de Paris.
Sixi�me crit�re : les termites.
Dans le seul 17e arrondissement, entre les quartiers des Ternes, de la Plaine Monceau et des Epinettes, 478 immeubles sont infest�s.
Faut-il d�molir ces 478 immeubles ?
Dans le 5e, ce sont 104 immeubles qu'il faudrait raser, 63 dans le 6e, 263 dans le 13e, 217 dans le 16e.
Au total, sur la base de ce crit�re �triqu�, ce sont 1.338 immeubles qu'il faudrait d�truire sur Paris.
La liste des quartiers est impressionnante : Muette, Sorbonne, Gare, Ternes, Epinettes, Necker, Am�rique, Clignancourt, Od�on, Notre-Dame-des-Champs, Val-de-Gr�ce, Belleville, Pont de Flandre, Plaine Monceau, Faubourg Montmartre, Chauss�e d'Antin, Saint-Vincent-de-Paul, Saint-Lambert, Madeleine, Saint-Fargeau, Folie M�ricourt, Faubourg du Roule, Saint-Victor, Salp�tri�re, Gaillon, Vivienne. En voici la liste !
26 quartiers de Paris � livrer aux promoteurs, quelle aubaine ! Pour cause de termites !
Que reste-t-il ? Un seul crit�re : les installations �lectriques et sanitaires seraient hors normes.
Alors l�, nous sommes d'accord. Mais il suffit de les mettre aux normes pour r�gler le probl�me puisque le b�ti n'est pas en cause.
Le co�t de l'op�ration de destruction, entre les acquisitions, les �victions commerciales et les indemnit�s de r�emploi, est de 23 millions de francs.
Le co�t des constructions �tant de 35 millions, le co�t global est donc de 58 millions de francs.
Monsieur le maire, je vous pose une question, une seule : quel aurait �t� le co�t de la r�habilitation de ces logements sociaux de fait ?
Quel aurait �t� le co�t de la mise aux normes des installations �lectriques et sanitaires de ces immeubles ?
Cette op�ration r�unit tous les ingr�dients qui en font un contre-exemple parfait de vos d�clarations sur l'urbanisme � visage humain.
Des petits immeubles faubouriens de hauteur raisonnable � l'architecture sobre, un parcellaire en lani�re laissant place � de petites cours int�rieures, espaces de respiration et de convivialit�, des petits commerces et caf�s de proximit�, cinq tr�s exactement, et un h�tel meubl� de neuf chambres, voil� ce qui est d�truit.
M. LE MAIRE DE PARIS. - Monsieur BLET, vous avez �puis� votre temps de parole.
M. Jean-Fran�ois BLET. - Quarante huit logements sociaux de fait disparaissent dans cette op�ration, dont une dizaine de chambres d'h�tels meubl�s, quatre commerces et un atelier de carrosserie sur pr�s de 600 m�tres carr�s.
Pour, au nom de l'utilit� publique et pour un co�t de 58 millions de francs, livrer 9 logements sociaux et 32 P.L.I., 400 m�tres carr�s de commerces et 91 parkings. Le bilan est inqui�tant.
Que reste-t-il de votre argumentaire ?
Rien. Rien, si ce n'est un go�t immod�r� pour les activit�s sulfureuses du B.T.P.
Rien si ce n'est une volont� outranci�re de densification de Paris.
De R + 1, R + 2 vous passez � R + 5, R + 6. Cette densification syst�matique, avec son cort�ge de nuisances est la source du mal-vivre des Parisiens et de la d�gradation de leur cadre de vie.
M. LE MAIRE DE PARIS. - La parole est � M. BULT�.
M. Michel BULT�, adjoint, au nom de la 6e Commission. - Monsieur le Maire, je suis surpris par le d�bit de M. BLET.
Monsieur BLET, il faut rester calme. Vous allez vous provoquer une v�tust� tr�s rapide et pr�coce du bulbe rachidien si vous r�p�tez � chaque fois les m�mes choses.
Dans ce projet de d�lib�ration, vous le savez aussi bien que moi, la v�tust� des immeubles a �t� constat�e d'une mani�re incontestable par les services techniques, notamment en ce qui concerne le taux tr�s, tr�s important d'humidit�. Les fondations ne tiennent plus et l'int�rieur des immeubles n'est plus du tout conforme aux normes. Au-del� m�me des normes, il s'�croule.
Dans ce secteur-l�, la r�alisation de logements sociaux de bonne qualit�, � dimension humaine (il ne s'agit pas l� de faire des tours et vous le savez aussi bien que moi) devient aujourd'hui une n�cessit�.
Par ailleurs, dans le 20e arrondissement, dans le secteur du Bas-Belleville, une �tude est en cours � la demande du Maire de Paris et des �lus pour pr�server un certain nombre d'immeubles � r�habiliter et on va faire en sorte que ce secteur soit un exemple de conservation et de r�habilitation du patrimoine, bien entendu quand ces immeubles peuvent le supporter.
Monsieur BLET, je crois qu'il faut �tre constructif. Il ne faut pas tenir sur chaque immeuble, chaque parcelle, dans chaque quartier, le m�me discours parce que, dans ces conditions, vous n'allez plus �tre cr�dible.
Autant sur Belleville c'est une n�cessit�, pour conserver son �me, comme dans d'autres quartiers de l'est, autant vous savez tr�s bien que cet immeuble, lui, ne tient pas debout.
C'est pour cela que je souhaite, Monsieur le Maire, qu'on puisse voter favorablement sur ce projet de d�lib�ration.
M. LE MAIRE DE PARIS. - Je mets aux voix, � main lev�e, le projet de d�lib�ration DLH 80.
Qui est pour ?
Contre ?
Abstentions ?
Le projet de d�lib�ration est adopt� � la majorit�, les groupes socialiste et apparent�s, communiste, Mmes SCHNEITER, SCHERER, SILHOUETTE et M. BLET ayant vot� contre. (1998, DLH 80).