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II - Question d'actualité posée par le groupe Communiste - Front de Gauche à Mme la Maire de Paris et à M. le Préfet de police relative à l'occupation du domaine public pendant l'état d'urgence.


Mme LA MAIRE DE PARIS. - Maintenant, nous passons � la deuxi�me question d'actualit�, qui est pos�e par le groupe Communiste - Front de Gauche.

Monsieur le Pr�sident, Nicolas BONNET-OULALDJ, vous avez la parole.

M. Nicolas BONNET-OULALDJ. - Merci, Madame la Maire.

Monsieur le Pr�fet de police, le 8 juin 2017, en fin de soir�e, 8.000 personnes se sont install�es sur le parvis de l'H�tel de ville pour un d�ner en blanc. La soir�e s'est d�roul�e sans d�claration au pr�alable aupr�s des services de Pr�fecture, sans avoir pr�venu la Mairie de Paris. Pourtant, personne n'a �t� inqui�t� et personne ne leur demande de partir ou les a emp�ch�s de s'installer. De plus, les agents de la Ville, pr�sents des deux c�t�s du parvis et assurant la s�curit� des b�timents, se sont retrouv�s avec 8.000 personnes sans avoir �t� pr�venus. Evidemment, cela les a mis en difficult� dans leur mission de s�curit� et les a confront�s � un risque de d�bordement ing�rable. Ce d�ner a fait le tour des m�dias, des journaux, et les indignations se sont multipli�es quant � la tol�rance d'un tel �v�nement c�l�brant, de surcro�t, l'entre soi symptomatique d'une certaine bourgeoisie fran�aise. Cela nous pose plusieurs probl�mes.

L'�tat d'urgence est tr�s souvent un pr�texte � l'interdiction ou � la difficult� d'obtenir une autorisation de rassemblement. Nous avons �t� plusieurs fois t�moins de rassemblements de salari�s, de la Ville notamment, oblig�s de se disperser sur ordre de la police. Je pense, par exemple, aux salari�s de Cyclocity venus d�fendre leur emploi le 4 avril. Je pense aux syndicalistes de toutes professions venus manifester le 6 juin contre la r�forme du Code du travail en cours. Je pense aux salari�s et usagers de La Poste venus d�fendre ce service public le 8 juin. Ils se sont toutes et tous vu interdire l'acc�s de la place de l'H�tel de Ville.

D'apr�s les chiffres communiqu�s par le Minist�re de l'Int�rieur et "Amnesty International", les Pr�fets ont eu recours � leur pouvoir d'urgence pour signer en 18 mois 155 arr�t�s interdisant des manifestations, en majorit� � Paris, � l'occasion de la mobilisation contre la loi Travail. Les rapports et les avis se succ�dent et contestent tous l'�tat d'urgence. La Commission parlementaire, mise en place par Jean-Jacques URVOAS, vient encore tr�s r�cemment de reconna�tre que l'�tat d'urgence n'a plus aucune utilit� aujourd'hui. Le commissaire europ�en des droits de l'homme �pingle la France sur le sujet depuis plus de 6 mois. Le d�fenseur des droits, Jacques TOUBON, vient de faire de m�me.

Monsieur le Pr�fet, hier matin, nous avons assist� � une sc�ne hallucinante, rue de Lobau, o� les salari�s de la Ville de Paris, qui manifestaient contre la suppression du jour de cong� pour les m�res de famille, ont �t� encercl�s par les forces de l'ordre. Pour sortir, les policiers exigeaient d'eux qu'ils retirent leurs autocollants syndicaux. Ce spectacle est humiliant pour ces m�res de famille, mais aussi pour la libert� politique et syndicale. En effet, ils �taient moins de 8.000. Certes, ils n'�taient pas habill�s en blanc et ils n'�taient pas l� pour faire la f�te, mais, je vous rassure, ils ne mena�aient pas pour autant l'H�tel de Ville.

Tout le monde doit �tre �gal devant la loi, a fortiori en p�riode d'�tat d'urgence. Il n'y a aucune coh�rence � refuser un rassemblement de quelques centaines de personnes, qui plus est des salari�s de la Ville, quand on tol�re un rassemblement de 8.000 personnes se servant du parvis de l'H�tel de Ville comme d?un salon priv�, de plus, quand c'est un espace public de la Ville de Paris. Cet �v�nement et cette tol�rance � l'�gard des organisateurs n'auraient pas d� avoir lieu, et nous demandons, donc, aujourd'hui des explications.

Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci, Monsieur BONNET-OULALDJ.

Monsieur le Pr�fet de police, vous avez la parole.

M. LE PR�FET DE POLICE. - Madame la Maire, Monsieur le Conseiller, Mesdames, Messieurs les Conseillers de Paris, quelques �l�ments g�n�raux sur l'�tat d'urgence et je reviendrai plus pr�cis�ment � l'�v�nement que vous �voquez.

Sur l'�tat d'urgence, je rappelle simplement qu'un projet de loi est en discussion devant le Parlement, qui va en prolonger l'application jusqu'au 1er novembre et que, comme le Pr�sident de la R�publique l'a indiqu� hier devant les parlementaires r�unis en Congr�s � Versailles, l'�tat d'urgence cessera � cette date, vous le savez. L'�tat d'urgence, pour autant, n'est pas un �tat de non-droit, vous le savez, et, sur le droit des manifestations de voie publique, l'�tat d'urgence ne se distingue pas du droit commun. Simplement, il offrait quelques possibilit�s suppl�mentaires, mais non cibl�es. Sur le droit de manifester, dans la loi de 1955, vous ne trouverez aucune disposition sp�cifique sur les rassemblements de voie publique.

Les r�gles juridiques d'occupation de l'espace public restent donc celles qui s'appliquent dans le droit commun. Vous le savez, � Paris, le nombre de ces �v�nements se multiplient, ce qui n'est pas en soi forc�ment un signe n�gatif, au contraire m�me, puisque c'est le signe de la volont� collective d'illustrer Paris debout, c'est-�-dire l'attachement des Parisiens, de tous nos compatriotes, � ce que cette ville reste ce qu'elle est�: une ville de libert� attach�e � ses libert�s et � son mode de vie.

Pr�s de 6.000 �v�nements ont ainsi donn� lieu � instructions au cours de l'ann�e 2016, instructions conjointes entre les services de la Ville et les services de la Pr�fecture de police. Rares sont les projets qui n'ont pu aboutir pour des conditions de s�curit�. L'id�e est toujours que les contacts permanents que nous pouvons �tablir avec les organisateurs permettent d'arriver � une solution satisfaisante pour l'int�r�t g�n�ral. Cela peut �tre affaire de date, cela peut �tre affaire de lieu.

Vous faites allusion � cet �v�nement du 8 juin dernier, dit le d�ner en blanc, qui fait suite � un �v�nement semblable qui s'�tait d�roul� sur un autre secteur de la capitale quelques semaines plus t�t. Cet �v�nement n'a pas �t� d�clar� et il a �t� mis en place avec la volont� d�lib�r�e d'en cacher l'existence aux pouvoirs publics. Les services de police, comme l'H�tel de Ville, Madame la Maire, ont �t� plac�s devant le fait accompli. Cependant, il est vrai qu'afin d'�viter tout incident ou d�bordement, et conform�ment � mes instructions, lorsque l'�v�nement a �t� d�couvert, et dans son importance, les moyens de police ont converg� vers le site pour encadrer et s�curiser la manifestation et �viter tout trouble et tout d�bordement, ce qui a �t� le cas. Il n'y a pas eu d'incident dans cette soir�e.

Reste le principe que vous soulignez. Les dispositions de l'article L. 211-1 du Code de s�curit� int�rieure pr�voit, pour ce type d'�v�nement comme pour tout rassemblement sur la voie publique, l'obligation d'en d�clarer la tenue trois jours francs au moins avant et pas plus que deux mois avant. C'est la loi.

Cependant, la sanction du d�faut de d�claration, qui est pr�vue � l'article 431-9 du Code p�nal et qui est une sanction particuli�rement forte - 6 mois d'emprisonnement et 7.500 euros d'amende - ne vise en aucun cas les participants, qui ne sont donc pas dans une situation de faute p�nale, mais uniquement les organisateurs, lesquels n'ont pu �tre identifi�s le soir de l'�v�nement.

Sachez que j'ai demand� � mes services, instruits par ce pr�c�dent, d?examiner pour l'avenir comment un contact pourrait �tre �tabli, mais pour autant que l'on puisse avoir des �l�ments d'information nous permettant de le faire. Nous ne sommes pas dans un cadre, je me permets de le dire, qui permet de mettre en ?uvre les moyens juridiques que par exemple la loi sur le renseignement nous offre, Dieu merci pour les libert�s publiques. Pour autant que l'on puisse le faire, l'objectif est donc d'essayer d'�tablir un contact avec les organisateurs pour que ce type d'�v�nement puisse �tre organis� dans le respect de la r�gle de droit. Je vous remercie.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup, Monsieur le Pr�fet.

La parole est � Mme Colombe BROSSEL.

Mme Colombe BROSSEL, adjointe. - Merci beaucoup.

En compl�ment de la r�ponse de M. le Pr�fet de police � une question pr�cise, peut-�tre rappeler que le partage de comp�tences entre la Ville de Paris et la Pr�fecture de police au sujet des autorisations d'occupation du domaine public est un sujet qui est en train d'�voluer, notamment au regard du vote de la loi sur le statut de Paris.

Se rappeler, je l'ai d�j� dit plusieurs fois dans cette enceinte, que ce sont 6.000 autorisations qui sont d�livr�es chaque ann�e, ce qui est absolument consid�rable. Jusqu'� pr�sent, jusqu'au 1er juillet pour �tre tout � fait exacte, il y avait une r�partition des comp�tences qui faisait que la Pr�fecture de police �tait seule comp�tente en mati�re de manifestations de type revendicatif ou itin�rant, et que l'instruction faite par la Ville - c'est la Direction de la Communication qui le fait - aboutissait � ce que la Pr�fecture de police d�livre ou non l'autorisation.

Mais ce partage de comp�tence �volue puisque si la double instruction se poursuit, l'autorisation finale revient � la Ville et l'organisateur doit prendre en compte l'avis de la Pr�fecture de police s'agissant de la s�curisation de l'�v�nement organis�.

C'est sur ce point que je voudrais peut-�tre apporter un compl�ment d'information. Je souscris � vos propos, Monsieur BONNET�: si la r�gle existe, elle doit �tre la m�me pour tous et il ne peut pas y avoir ceux qui s'exon�rent des r�gles et ceux qui se mettent dans un cadre contraint.

Il faut pour autant que nous continuions � travailler sur ce sujet qui est revenu mainte fois ici, en commissions, et dans les �changes que nous pouvons avoir avec les maires d'arrondissement. Tout en respectant le cadre g�n�ral, notamment le cadre g�n�ral du courrier adress� par M. le Pr�fet de police � chaque mairie d'arrondissement � l'�t� 2016 et qui portait � la connaissance des maires les fiches techniques de prescription sur les recommandations et prescriptions pour l'organisation des manifestations sur l'espace public, il faut que nous continuions � travailler.

Le travail est en cours avec la Pr�fecture de police de fa�on � ce que l'ensemble des initiatives qui existent dans notre Ville, qui font vivre notre Ville, qui sont port�es par des associations, des collectifs, des regroupements d'habitants parfois et qui font vivre nos arrondissements et nos quartiers puisse continuer � se tenir. Si nous sommes arriv�s � distinguer et � travailler sur ce que j'appelle les grandes manifestations, qui sont maintenant relativement bien appr�hend�es dans un dispositif de travail partag� entre la Pr�fecture de police et la Ville, nous devons maintenant travailler � ce que les plus petites manifestations, la ludoth�que de rue du Centre social du 10e arrondissement, la f�te de quartier des associations de la rue Raymond Queneau, bref tout ce qui fait vivre nos rues et nos quartiers et qui occupe nos week-ends puisse continuer � se tenir.

Aujourd'hui, force est de constater soit que des manifestations ne se tiennent pas parce que l'ensemble des prescriptions qui ont �t� faites ne sont pas mises en ?uvre ou ne peuvent pas l'�tre, soit que les associations finalement retirent leur proposition de manifestation parce qu'elles sont inqui�tes devant la masse des prescriptions qui leur sont donn�es.

Par cons�quent, on est en train de travailler pour que l'ensemble des manifestations, celles que je vais qualifier de petites - mais n?y voyez aucun aspect p�joratif - puissent continuer � se tenir car dans nos quartiers nous avons besoin de cette animation. Je le dis et ce sera mon dernier propos�: nous en avons aussi besoin parce que renoncer � l'occupation positive de l'espace public, c'est aussi laisser � d'autres types d'occupation l'espace public.

Or, nous avons besoin de continuer � avoir une pr�sence d'adultes, d'enfants, de familles, de passants, de riverains dans l'espace public qui permette de partager, dans le sourire et le plaisir. Si nous y renon�ons, alors d'autres occuperont la place et c'est d'ailleurs ce qui est en train de se passer dans quelques endroits dans Paris.

Ainsi, soyez assur� qu'au-del� de la question de principe que vous posez, nous sommes en train de travailler, et je l'esp�re efficacement, pour que nous puissions laisser au sel de nos quartiers la capacit� � continuer � exister.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup, Colombe BROSSEL.

Monsieur BONNET, vous reprenez la parole�?

M. Nicolas BONNET-OULALDJ. - Je voudrais remercier Colombe BROSSEL et M. le Pr�fet de leur r�ponse, que je partage pleinement, et c'est important que l'on r�affirme nos principes communs et r�publicains.

Monsieur le Pr�fet, par contre je voudrais insister et vous interroger sur l'�v�nement d'hier. Il s'agissait principalement de femmes, de m�res de familles qui �taient rassembl�es pour manifester et elles ont �t� encercl�es par les policiers, les C.R.S. qui �taient pr�sents avec un dispositif de barri�rage. C'�tait quand m�me un peu dur pour elles et je voulais vous questionner - c'�tait un peu dans mon propos - sur le fait que les policiers leur demandaient de retirer leur badge syndical. Nous avons interpell� en tant qu?�lus les policiers qui �taient sur place, Monsieur le Pr�fet, et ils nous ont r�pondu�: c'est un ordre du commissaire principal, m�me si nous partageons votre avis, c'est un peu d�licat de faire retirer leur badge syndical.

J'insiste sur ce ph�nom�ne que nous esp�rons ne pas voir se renouveler.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci, Monsieur BONNET.

Monsieur le Pr�fet de police�?

M. LE PR�FET DE POLICE. - Ce que je vous invite � faire, Monsieur le Conseiller, c'est de me saisir par �crit sur ce point et je m�nerai les diligences internes.

Je vous r�pondrai avec copie � Mme la Maire de Paris.

Mme LA MAIRE DE PARIS. - Merci beaucoup, Monsieur le Pr�fet.

VI

Juillet 2017
Débat
Conseil municipal
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